Regardez L'invité de RTL du 09 août 2023 avec Antoine Cavaillé-Roux.
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00:02 RTL Matin
00:06 La planète suffoque, un nouveau record illustre le réchauffement climatique.
00:11 Nous venons de vivre le mois le plus chaud jamais enregistré sur Terre. Juillet 2023, 16,9 degrés en moyenne.
00:19 Chiffre révélé hier par Copernicus, le programme européen d'observation de notre planète. Et nous recevons ce matin
00:26 le climatologue Christophe Cassou. Bonjour.
00:30 Bonjour. Vous êtes directeur de recherche au CNRS, vous travaillez au Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique.
00:36 Vous êtes membre du GIEC, ce nouveau record. Pour commencer, c'est une preuve de plus selon vous que le climat
00:44 s'emballe. Vous nous dites quoi ce matin ? Vous nous dites que vous n'êtes pas surpris ?
00:49 Alors non, en tant que climatologue, on n'est pas du tout surpris par ces records. On est impressionné comme
00:58 beaucoup de personnes. Mais on n'est pas surpris dans la mesure où on est sur une trajectoire
01:02 climatique qui est connue, qui est documentée, une trajectoire qui est
01:06 anticipable, celle de réchauffement chronique, aux impacts qui sont de plus en plus prégnants, de plus en plus menaçants
01:12 pour les sociétés humaines que nous sommes, mais aussi pour les écosystèmes terrestres et les écosystèmes marins.
01:17 Oui, parce que la température des océans, elle aussi, a battu un record fin juillet.
01:22 Oui, oui, on parle beaucoup de canicules terrestres, mais il y a aussi des canicules marines qui sont des véritables incendies
01:28 pour les écosystèmes marins et qui ont dominé en fait l'ensemble des océans
01:33 depuis le début de l'année, depuis le début de l'été.
01:36 Est-ce qu'il va falloir
01:39 s'habituer à des phénomènes extrêmes, à des catastrophes naturelles ?
01:43 On a vu ces inondations en Chine récemment,
01:47 ces images assez impressionnantes en Alaska, des maisons qui sont emportées par la montée des eaux, on a des feux gigantesques au Portugal en ce moment.
01:56 Christophe Cassou, oui, il va falloir s'habituer à tout cela ?
01:59 Alors, s'habituer est un mot, est un petit euphémisme dans la mesure où on ne s'habitue pas à un climat qui devient
02:07 de plus en plus impactant, un climat, un changement climatique qui se généralise et puis qui s'intensifie et comme vous le disiez, qui se
02:14 matérialise par des événements extrêmes qui sont plus fréquents et plus sévères. Donc il va falloir
02:19 s'adapter à ce climat qui change,
02:22 s'adapter par des mesures qui sont
02:24 transformatives et pas d'une adaptation palliative, crise après crise, coup après coup qu'on est en train de mettre en place.
02:30 Il faut vraiment aujourd'hui prendre en compte le risque lié au changement climatique
02:35 et il faut lever notre déni, le déni de notre vulnérabilité,
02:40 dans le sens où on se croit capable de s'adapter à des coups qui deviennent de plus en plus récurrents,
02:46 alors qu'on connaît et c'est documenté, il existe des limites à l'adaptation au-delà duquel on bascule
02:53 vers un nouveau monde, on bascule vers l'irréversibilité et c'est déjà le cas pour certains
02:59 écosystèmes et c'est aussi déjà le cas pour certaines sociétés humaines dans
03:02 quelques régions du monde. Vous pensez que cet été 2023, ça peut être un déclic ?
03:09 Je ne pense pas que cet été 2023 sera un déclic parce que chaque année on répète,
03:15 on a dit que l'été 2022 allait être un déclic, donc
03:22 aujourd'hui,
03:24 pour être un petit peu provocateur, je vous dirais, FNINTERVIVRE, n'invitez plus un climatologue,
03:29 n'invitez plus un climatologue pour parler du climat dans la mesure où chaque année,
03:32 vous allez pouvoir m'inviter dans trois mois, vous allez pouvoir m'inviter l'année prochaine et je vais vous raconter la même chose.
03:38 Donc aujourd'hui, il est vraiment temps
03:40 d'incarner le changement climatique et de passer à ce qu'on appelle l'action, à la décision,
03:46 à ce qui peut être pris pour s'adapter à ce climat qui change et puis pour évidemment
03:51 limiter les émissions de gaz à effet de serre qui sont responsables en intégralité
03:55 de ce changement climatique et des risques qui viennent de plus en plus menaçants. C'est à la classe politique, à nos dirigeants de
04:01 prendre conscience de tout cela et d'agir enfin ?
04:07 La charge mentale de la décision ne doit pas être portée par le climatologue. Et le climatologue informe,
04:12 la charge mentale de la décision ne doit pas être portée non plus par le citoyen seul, elle doit être portée par les politiques
04:17 et par les acteurs de décision qui sont aujourd'hui comptables du climat de demain.
04:21 Donc il faut demander aux politiques, aux décideurs, de réagir face à ces records. Il faut aller les interviewer,
04:28 leur demander si les objectifs ou les actions qui sont prises
04:33 sont conformes aux objectifs fixés par l'accord de Paris qui vise à limiter le réchauffement bien en dessous de 2 degrés.
04:39 Il faut les challenger, il faut dénoncer le greenwashing parce qu'aujourd'hui
04:44 les risques sont vraiment grands, je le répète, mais tout n'est pas perdu.
04:49 On peut encore éviter le pire, la fenêtre d'opportunité se referme très vite mais il est encore
04:55 possible de limiter le réchauffement climatique bien en dessous de
04:59 2 degrés mais pour cela les actions doivent être immédiates, doivent être dans tous les secteurs, de manière coordonnée,
05:06 juste, socialement parlant, et équitable. J'insiste beaucoup sur ces deux termes parce que les actions aujourd'hui,
05:13 ou en tout cas les décisions aujourd'hui, sont présentées comme punitives
05:17 alors qu'elles pourraient être une opportunité pour réduire l'injustice sociale, pour aller vers plus d'équité, pour aller vers plus de bien-être.
05:25 Ce n'est pas la lutte contre le changement climatique qui est punitive ou qui est liberticide,
05:30 c'est le changement climatique lui-même qui est liberticide et on le voit, on l'a vu cet été pour
05:34 les touristes, on l'a vu cet été pour les feux avec des déplacés,
05:39 voilà, les effets du changement climatique nous brident, nous contraignent dans notre vie, dans notre quotidien.
05:45 Lutter contre le changement climatique permet de lever cette ombre.
05:48 - Christophe Cassoud, aujourd'hui, sur ce que peuvent faire les dirigeants, en ce moment on a un sommet sur l'Amazonie,
05:53 poumon de notre planète, alors tout le monde est d'accord
05:56 pour dire oui, il faut agir contre la déforestation, le problème c'est que personne ne prend d'engagement.
06:01 - Il est important
06:04 aujourd'hui de vraiment de prendre des actions et surtout de ne pas rejeter la responsabilité
06:09 de l'action sur l'autre. L'action doit être commune dans le sens où
06:15 une réflexion sur la déforestation doit s'accompagner d'une réflexion sur l'agriculture, sur notre consommation,
06:22 dans la mesure où une partie de la déforestation est liée à notre agriculture, à nos consommations
06:27 ici alimentaires qui ne sont non soutenables.
06:29 Donc on doit avoir cette vision d'ensemble, on ne doit plus raisonner en silo,
06:34 mais on doit raisonner de manière systémique qui doivent nous conduire à revoir,
06:39 à re-questionner nos modes de vie, sachant que ce questionnement du mode de vie ne va pas nous ramener vers
06:46 des pratiques
06:50 du siècle dernier. Elles vont nous amener vers plus de bien-être. Il faut juste lever en fait tous les discours et
06:57 tous les freins à l'action, tous les discours qui visent à maintenir
07:00 le statu quo qui aujourd'hui n'est pas tenable et on voit que
07:04 le climat, en fait on ne négocie pas avec le changement climatique et il nous le rappelle chaque été
07:10 dans toutes les régions du monde. - Christophe Cassou, je me mets à la place de certains de nos auditeurs qui se disent
07:16 "bon bah
07:17 ça sert à rien que la France fasse des efforts si les Américains, les Chinois continuent de polluer". Qu'est ce que vous leur dites ?
07:23 - Bah c'est typiquement un discours de l'inaction
07:26 parce que la France, les émissions territoriales de la France représentent 1% des émissions globales
07:32 mais si l'on prend l'ensemble des pays du monde
07:34 il y a à peu près une cinquantaine de pays qui peuvent se targuer de la même chose, dont l'Espagne, dont la Grande-Bretagne.
07:41 Donc en fait c'est rejeter la responsabilité sur l'autre et puis la France a une responsabilité historique.
07:47 Elle est responsable à peu près de 8% du réchauffement climatique actuel.
07:52 Donc pour faire simple sur 1,1 degré ou 1,2 degré de réchauffement que l'on enregistre aujourd'hui,
07:57 la France est responsable à peu près de 0,1 degré et ce 0,1 degré
08:02 se traduit par des événements extrêmes plus forts. Chaque fraction de degrés, chaque dixième de degré se traduit par des événements extrêmes plus forts.
08:10 Donc c'est rejeter vraiment la responsabilité sur les autres et ce discours aujourd'hui n'est pas tenable dans la mesure où si chacun
08:17 réagit de la même manière, on va directement dans le mur.
08:20 Christophe Cassou, vous êtes ce matin sur RTL, on est ravi
08:23 d'être avec vous parce qu'on a besoin de vous, de votre expertise, mais on sait que derrière sur les réseaux sociaux les
08:29 messages climato-sceptiques se multiplient. Est-ce que ça vous inquiète ?
08:34 Ça m'inquiète et puis ça nous affecte aussi nos communautés des climatologues parce qu'on voit en fait qu'ils sont l'expression
08:42 de ce que j'ai une expression, une
08:45 périphrase que j'ai utilisée, des discours de l'inaction qui tendent à viser en fait au statu quo et à viser aussi une communauté
08:52 celle des climatologues qui y informent. Et puis aujourd'hui ce regain de
08:58 climato-scepticisme, il faut le nommer.
09:01 Ce groupe là n'est plus, n'est pas un groupe qui est indéfini, c'est un groupe qui est genré,
09:06 masculin, qui est
09:09 qui a une connotation politique, droite, extrême droite,
09:14 et qui est généralement lié à,
09:16 en tout cas sur les réseaux sociaux, à des connivences avec la Russie et également des espèces complotistes, en particulier les antivax.
09:25 Mais vous répondez quoi à ceux qui par exemple disent
09:27 "il a toujours fait chaud l'été" qui remettent en question les
09:32 les records de température
09:35 du mois dernier, quand ils citent
09:37 "à Foison il a plu, ici en France les températures ont baissé". Qu'est ce que vous leur répondez ?
09:44 Il y a deux types de personnes. Il y a des personnes qui
09:46 qui adoptent ce discours et qui sont complètement honnêtes dans le sens où
09:51 elles n'ont pas forcément connaissance de la manière dont le système climatique
09:58 fonctionne. Et donc dans ce cas c'est notre rôle de climatologue, de scientifique, d'informer,
10:04 d'accroître les connaissances, de monter en compétence sur ces enjeux climat et biodiversité. Et puis il y a des
10:11 des arguments qui sont utilisés par des personnes de manière totalement fallacieuse et qui visent en fait à
10:17 maintenir le statu quo et donc à ne pas changer, à ne pas se lancer dans des adaptations
10:24 transformatives et des actions qui visent à diminuer de manière massive nos émissions de gaz à effet de serre.
10:30 Merci beaucoup. Merci d'avoir pris la parole sur RTL.
10:35 de l'université de l'Ontario.