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Dans les années 90, Montréal, la deuxième plus grande ville du Canada, est aussi la plus pittoresque. Sa situation géographique, sa connexion historique avec la France et sa langue en font aussi l'intermédiaire idéal du crime organisé entre l'Amérique du Nord et l'Europe. Traditionnellement, la mafia importe la drogue, et les gangs de motards la revendent dans les rues. Les Anges de l'enfer, sous la direction de Maurice «Mom» Boucher, décident de tout contrôler. Ils déclarent la guerre à tous les autres gangs de motards, laissant les rues de Montréal à feu et à sang. Lorsque les motards tuent accidentellement un enfant de 11 ans, le gouvernement de Québec est forcé d'agir. Aujourd'hui, la mafia et les Anges de l'enfer n'ont pas disparu, mais se font plus discrets.

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Transcription
00:00 Dans les années 70, Montréal est une ville moitié anglophone, moitié francophone,
00:05 à la croisée de l'Ancien et du Nouveau Monde.
00:08 Un point d'entrée pour le crime organisé.
00:11 C'était une ville ouverte, il y avait de la drogue, des femmes.
00:15 Lorsque la mafia commence à vendre de la cocaïne, la demande montant en flèche,
00:20 elle recrute des gangs de bikers pour en assurer la distribution.
00:24 Je lui ai dit qu'il avait 12 heures pour payer.
00:28 Sinon, c'était un bâton de dynamite dans le cul.
00:31 Mais cette alliance est compromise par des règlements de compte entre bikers.
00:36 Ils offraient jusqu'à 30 000 dollars pour se débarrasser de quelqu'un.
00:41 La colère que cette sanglante guerre des gangs provoquera parmi la population
00:47 mènera finalement à la chute de la mafia et de leurs alliés.
00:51 L'histoire de la mafia
00:55 En 1970, Montréal compte une population de 1,1 million de personnes,
01:03 ce qui en fait la plus grande ville du Canada.
01:05 C'est aussi une place forte de la mafia, notamment dans le quartier de la Petite-Italie.
01:18 Situé au nord-ouest du vieux Montréal, le quartier est connu pour ses marchés,
01:22 ses restaurants et ses cafés.
01:24 Paolo Violi, un chef de la mafia, y a basé ses opérations.
01:30 Mario Latraverse est alors lieutenant de police, et il connaît bien l'homme.
01:36 Paolo Violi avait un petit groupe autour de lui, à qui il racontait n'importe quoi.
01:44 Il prétendait avoir fait des tas de choses, mais ce n'était pas vrai.
01:47 Paolo Violi travaille pour le parrain de Montréal, Vincent Cotroni d'Yvick,
01:52 un personnage très différent.
01:54 Yvick parlait peu et régnait d'une main de fer.
01:58 Les deux hommes pratiquent l'extorsion à grande échelle,
02:04 rançonnant les bars, les boîtes de nuit et les salles de spectacle.
02:08 Ils allaient voir les propriétaires en disant,
02:11 "Si vous ne voulez pas avoir de problème, on fera en sorte que vous n'en ayez pas."
02:17 Les mafieux veulent s'arroger les bénéfices de tous les vestiaires de ces établissements.
02:21 Loin d'être dérisoires, les vestiaires rapportent des millions.
02:25 Disons que le vestiaire coûte un dollar par manteau.
02:32 Or, il y a trois spectacles tous les soirs, donc on multiplie par trois.
02:38 Et à l'époque, ils gagnaient facilement plus d'un million de dollars
02:43 rien qu'avec le vestiaire des établissements qu'ils contrôlaient.
02:47 Ce glacier situé au cœur de la Petite-Italie sert de quartier général à Paolo Violi.
02:54 En 1970, l'établissement devient la cible d'une ambitieuse opération de surveillance.
02:59 Tous les hommes de main de Violi se retrouvaient chez ce glacier.
03:04 Ça leur servait aussi de bureau.
03:09 Sous un nom d'emprunt, l'inspecteur Ménard loue un appartement aux mafieux.
03:13 L'immeuble appartenait à Violi et ils habitaient au premier.
03:19 La mission du policier est simple, mais vitale.
03:24 Ils doivent installer des systèmes d'écoute téléphonique et remplacer régulièrement leurs piles.
03:29 Il fallait changer les piles toutes les semaines pour que les appareils continuent de fonctionner.
03:36 Mon rôle, c'était de faire en sorte que notre opération ne soit pas découverte, ni compromise en aucune façon.
03:42 Robert Ménard se fait passer pour un électricien du nom de Bob Wilson.
03:48 Afin de rendre crédible son occupation de l'appartement,
03:51 le policier doit arriver discrètement avant le lever du jour, ce qui se révèle épuisant.
03:56 Et l'hiver canadien complique encore les choses.
04:00 Je devais arriver vers 4 heures du matin.
04:04 S'il neigeait, j'attendais que le moteur refroidisse et je mettais de la neige partout sur la voiture.
04:09 Ensuite, je montais à l'appartement et j'attendais.
04:12 Après, quand la boutique ouvrait, je descendais et j'enlevais la neige comme tout le monde.
04:18 L'hiver laisse la place au printemps, les saisons se succèdent et Robert Ménard continue sa mission.
04:30 Peu à peu, les écoutes révèlent les secrets de Paolo Violi et de la mafia montréalaise.
04:35 On a obtenu énormément d'informations sur le fonctionnement interne de la mafia
04:43 et les crimes commis dans l'agglomération de Montréal.
04:47 En décembre 1972, la surveillance dure depuis plus de deux ans lorsque survient un événement important.
04:55 Le parrain Vic Cotroni fait de Violi son bras droit.
05:00 Paolo Violi est désormais le numéro 2 de la mafia à Montréal.
05:04 Les gens venaient le saluer. Il y en a même qui embrassaient sa main, comme dans les films.
05:11 Et il était très jovial. Si quelqu'un lui demandait un service, il s'en occupait.
05:18 Le baisement est cependant la seule coutume mafieuse observée par le policier.
05:26 Paolo Violi et Vic Cotroni viennent tous deux de Calabre, dans le sud de l'Italie.
05:30 Mais ils ont adopté la culture canadienne et ils négligent les usages de la mafia.
05:35 Étant donné que les Calabrais travaillaient avec beaucoup de Québécois,
05:44 il n'y avait pas vraiment la tradition du capo, des lieutenants, des affranchis, etc.
05:49 Cette tradition n'existait pas à Montréal.
05:55 Les Calabrais ont néanmoins des rivaux. Un groupe mafieux originaire de Sicile.
06:01 Nick Rizzuto dirige la faction sicilienne avec l'aide de son fils Vito.
06:08 Pour eux, la mafia reste une société secrète et sacrée,
06:12 avec un code très strict sur le plan de la discipline, de la loyauté et du respect.
06:17 Du côté sicilien, c'était la mafia traditionnelle.
06:22 Tout était fait dans les règles de l'art.
06:25 Cette différence de style mène à des frictions.
06:29 Et les écoutes révèlent la rivalité entre Siciliens et Calabrais,
06:32 chaque groupe cherchant à s'assurer la suprématie dans la structure mafieuse de Montréal.
06:37 Si la paix est maintenue, c'est uniquement grâce à un puissant bienfaiteur extérieur,
06:45 le parrain new-yorkais Joe Bonanno.
06:49 Depuis le début des années 50, Bonanno, qui est lui-même Sicilien,
06:53 arbitre les disputes entre les deux factions.
06:56 Comme la plupart des gens à Montréal venaient de la région de Sicile
07:03 que notre famille représentait ici, aux Etats-Unis,
07:06 il a été décidé que mon père serait responsable de ce groupe.
07:17 Un jour, Robert Ménard voit arriver un visiteur important au bureau de Violi.
07:21 C'est le fils de Joe Bonanno, Bill.
07:24 Je me souviens, j'étais sur mon balcon avec une tasse de café et une cigarette.
07:29 Et tout à coup, j'ai vu arriver une grande voiture noire.
07:33 Trois hommes sont sortis et ils ont été accueillis très chaleureusement par Vic Cotroni et Paolo.
07:39 Bill Bonanno est numéro 3 au sein de la famille criminelle Bonanno.
07:43 C'est une figure de la mafia new-yorkaise.
07:47 À ce titre, il vient régulièrement à Montréal récupérer de l'argent.
07:51 Des paiements faits en signe de respect envers son père.
07:55 Cependant, Bill Bonanno a une autre mission.
07:59 Vérifier que rien ne vient troubler la paix.
08:02 J'écoutais et puis je faisais mon rapport à New York.
08:06 Mon père disait que si on a deux oreilles et une bouche, c'est pour écouter deux fois plus qu'on ne parle.
08:15 En 1974, l'hostilité latente entre les deux factions aboutit finalement à une guerre ouverte.
08:21 Vic Cotroni a choisi pour héritier le calabret Paolo Violi et les Siciliens sont furieux.
08:27 Nick Rizzuto veut imposer son clan comme la famille mafieuse dominante à Montréal.
08:34 Depuis des années, le chef de la faction sicilienne mène ses affaires de façon indépendante.
08:42 Ne montrant guère de respect envers Vic Cotroni.
08:45 Mais lorsqu'il refuse de rencontrer Paolo Violi, l'affront dépasse les bornes.
08:50 Violi met un contrat sur la tête du Sicilien.
08:54 Menacé d'une mort certaine, Nick Rizzuto s'envole pour le Venezuela où il a de la famille.
09:02 De nombreux mafiosi ont fui de se rendre là-bas, car ils se savent à l'abri de la justice internationale.
09:11 Il savait qu'on ne pourrait pas l'extrader du Venezuela.
09:14 Et il a rencontré d'autres mafiosi venus du monde entier qui s'étaient réfugiés là.
09:19 Cependant Robert Ménard continue sa mission.
09:24 Un jour, il reçoit un coup de téléphone de Paolo Violi en personne.
09:29 Il y a un problème au restaurant.
09:31 Paolo a dit "J'ai un problème électrique, la lumière ne s'allume plus".
09:39 Le policier craint soudain pour sa vie.
09:41 Paolo Violi a-t-il des soupçons ?
09:45 S'agit-il d'un test ?
09:47 Un vrai électricien ne devrait avoir aucun mal à réparer la lumière dans l'entrée.
09:51 Je suais à grosses gouttes, j'étais censé être électricien.
09:55 J'avais vraiment la trouille.
10:05 Et puis tout à coup, j'ai eu l'idée de vérifier l'ampoule.
10:08 Effectivement, c'était une ampoule grillée.
10:17 Si c'était un test, Robert Ménard l'a passé haut la main.
10:22 Sa mission sous couverture dure plus de 6 ans au total.
10:26 Ce qui en fait l'une des plus longues opérations de surveillance policière jamais réalisées.
10:31 En 1976, l'héroïsme discret de Robert Ménard porte enfin ses fruits avec l'arrestation de Paolo Violi.
10:38 Le mafieux n'est pourtant pas mis en examen.
10:43 Au lieu de cela, la justice lui demande de s'expliquer sur les enregistrements compromettants
10:48 lors d'une audience publique devant une commission d'enquête spéciale.
10:52 L'interrogatoire mené par un panel de juges est un peu plus compliqué.
10:58 L'interrogatoire mené par un panel de juges est télévisé.
11:02 Vous devez faire une déposition.
11:06 Je ne le ferai pas.
11:08 Vous refusez ?
11:09 Je ne dis pas ça.
11:10 Mais vous ne ferez pas de déposition ?
11:13 C'est ça.
11:14 Paolo Violi est face à un choix impossible.
11:18 S'il parle, il signe son arrêt de mort.
11:21 Mais son mutisme ne peut aboutir qu'à un seul résultat.
11:26 La cour a décidé de rejeter votre demande.
11:29 En conséquence, vous êtes déclaré coupable d'outrage à la commission d'enquête.
11:37 Paolo Violi est condamné à un an de prison.
11:41 De plus, sa position au sein de la mafia est compromise, car sa réputation a grandement souffert.
11:47 Avoir été sur écoute pendant six ans et demi, c'est très mauvais pour un chef au sommet de la hiérarchie.
11:56 Il était devenu gênant et il fallait se débarrasser de lui.
12:00 Nick Rizzuto, le rival de Paoli, en profite pour faire son retour.
12:07 Les règlements de comptes mafieux vont bientôt déclencher un déferlement de violence à Montréal.
12:12 En 1976, Paolo Violi est en prison suite à sa condamnation pour outrage à la commission d'enquête.
12:25 La police de Montréal a réussi à pénétrer son organisation grâce à un système d'écoute, et le chef mafieux est en disgrâce.
12:32 Nick Rizzuto, le vieux rival sicilien de Violi, ne tarde pas à profiter de la situation.
12:39 De retour d'exil au Venezuela, il tente de convaincre ses pairs que Paolo Violi doit être éliminé.
12:48 Selon lui, le fait que la police soit parvenue à obtenir des enregistrements compromettants de ses conversations,
12:54 constitue une violation d'une des règles d'honneur de la mafia, l'OMERTA, la loi du silence.
13:00 Pour nous tous, c'était normal de punir quelqu'un ayant violé les règles qu'il avait jurées de respecter.
13:07 En revanche, celui qui donnait l'ordre d'éliminer cette personne était tenu d'avoir une preuve.
13:17 Éliminer un chef ne va pas sans risque, et peut mener à des représailles.
13:22 La décision restant incertaine, Nick Rizzuto sollicite l'accord de la famille mafieuse Bonanno à New York.
13:29 Les Siciliens sont venus à New York.
13:33 Les New Yorkais ont mené l'enquête, et j'imagine qu'ils ont donné leur accord.
13:38 En novembre 1977, Paolo Violi est libéré.
13:44 Une dernière tentative de pourparler avec Nick Rizzuto échoue.
13:48 22 janvier 1978.
13:53 Paolo Violi est invité à une soirée de poker à son ancien quartier général,
13:58 désormais la propriété d'un allié de Rizzuto.
14:01 Le chef Calabres sait qu'il se jette dans la gueule du loup.
14:06 Paolo savait qu'on allait l'assassiner.
14:12 Il a embrassé sa femme,
14:14 son fils.
14:19 Il est monté dans sa cadillac blanche.
14:26 Il l'a garé là-bas.
14:28 Il est rentré, il s'est assis à une table dans la pièce du fond,
14:33 et quelques instants plus tard...
14:37 C'était fini.
14:39 C'était le plus grand enterrement de l'histoire de l'Histoire.
15:05 C'était le plus grand enterrement jamais vu à Montréal.
15:08 Tous les mafieux étaient là.
15:11 Le clan Bonanno, les cinq familles de New York au grand complet.
15:15 Personne ne manquait à l'appel.
15:17 Vic Kotroni reste le chef de la mafia à Montréal,
15:24 mais à titre honorifique seulement.
15:27 Avec le soutien de la famille Bonanno,
15:30 Nick Rizzuto prend peu à peu le contrôle des opérations.
15:34 Le chef sicilien est redevable à la branche new-yorkaise
15:37 de son accord sur l'élimination de Violi,
15:40 une dette que sa famille devra payer un jour.
15:43 Le clan sicilien a gagné.
15:47 Nick Rizzuto a de grands projets pour Montréal.
15:57 Grâce à ses contacts en Amérique du Sud,
16:00 il veut introduire une nouvelle drogue à la mode, la cocaïne.
16:04 À la fin des années 70,
16:07 la cocaïne s'impose rapidement en Amérique du Nord
16:10 comme la drogue festive de la classe moyenne.
16:13 La cocaïne ne faisait pas peur.
16:15 C'est facile à prendre, on la sniffe.
16:18 Les gens en achetaient pour le week-end.
16:21 C'était le début de la consommation.
16:24 Le trafic de drogue existe alors depuis longtemps.
16:29 Dans les années 60,
16:31 le port servait de porte d'entrée à l'une des principales filières mafieuses.
16:36 Mais le trafic concernait un autre produit,
16:39 de l'héroïne importée de France.
16:42 Une fois débarquée à Montréal,
16:44 la drogue était acheminée clandestinement sur le fleuve Saint-Laurent
16:48 jusqu'à la frontière américaine, à seulement 64 km de là.
16:52 Cette filière, connue sous le nom de French Connection,
16:56 a assuré le ravitaillement de la mafia new-yorkaise pendant plusieurs décennies.
17:01 Cependant, le trafic concernait essentiellement les États-Unis,
17:05 et la mafia montréalaise ne touchait qu'une fraction des bénéfices.
17:09 Nick Rezotto a des projets plus ambitieux pour le trafic de cocaïne.
17:17 Il veut contrôler à la fois l'importation et la distribution
17:21 sans partager les profits avec d'autres familles mafieuses.
17:24 Or, la demande pour la nouvelle drogue explose.
17:28 Des rock stars aux banquiers, tout le monde s'arrache la poudre blanche.
17:32 Nick Rezotto manque d'hommes,
17:36 et les mafieux rushing à jouer aux dealers.
17:39 Avec leur costume à 3000 dollars,
17:45 les Italiens ne voulaient pas s'abaisser à vendre de la drogue dans des boîtes de strip-tease.
17:50 Nick Rezotto a besoin de revendeurs locaux qui connaissent les rues de la ville.
17:54 Il fait alors un choix décisif,
17:56 en confiant la distribution de la drogue à un groupe non-mafieux,
17:59 les gangs de bikers.
18:01 Depuis la fin des années 60, ces groupes se multiplient au Québec.
18:12 À Montréal, on compte une dizaine de clubs aux noms hauts en couleur.
18:16 The Devil's Disciples, les disciples du diable.
18:20 Ou Satan's Choice, le choix de Satan.
18:23 À la fin des années 70, Vito, le fils de Nick Rezotto,
18:27 conclut une alliance avec ces gangs.
18:29 Norman Brisebois est alors un jeune biker,
18:33 il écoule de la cocaïne.
18:35 À sa sortie de prison, un de mes oncles m'a demandé si je voulais gagner de l'argent.
18:42 À 18 ans, Norman Brisebois appartient au gang des Devil's Disciples.
18:46 Il vend de la drogue et joue les gros bras pour la famille Rezotto.
18:51 Ils connaissaient ma famille.
18:54 Et petit à petit, je suis passé à une forme de plus grande délinquance.
18:58 Le cambriolage a mené au vol à ma armée
19:03 et à des quantités de plus en plus grandes de drogue.
19:07 À mon retour de Cuba, j'ai été arrêté avec 4 kilos.
19:12 Norman Brisebois finit par travailler directement pour Vito,
19:15 le fils de Nick Rezotto.
19:17 Le biker joue le rôle de garde du corps auprès du jeune parrain.
19:22 J'ai fait le garde du corps pour sa maîtresse.
19:26 Il lui arrive aussi de collecter des dettes.
19:31 Mais plutôt que de passer les mauvais payeurs à tabac,
19:34 Norman Brisebois a une approche plus discrète.
19:37 Ma méthode était très différente.
19:41 Le biker laisse sa carte de visite.
19:44 Une fausse bombe, dissimulée dans le compartiment moteur.
19:48 Le message est clair.
19:56 Si vous ne payez pas, la prochaine fois, ce sera une vraie bombe.
20:00 Les voitures piégées deviendront d'ailleurs très vite caractéristiques de la guerre entre les gangs.
20:08 Au début des années 80, le trafic de drogue rapporte des millions à la mafia et aux bikers.
20:13 Dans le port de Montréal, les gros chargements de cocaïne passent la douane sans encombre grâce à une astuce.
20:19 Un appel anonyme signalant une petite cargaison sur un navire servant d'appât.
20:24 Un biker appelait les flics en disant "il y a 45 kilos de cocaïne sur tel bateau".
20:31 Mais en fait, le bateau qui passait à côté transportait 5 tonnes.
20:35 "Ok"
20:37 À mesure que l'argent afflue, un gang de bikers va tenter d'imposer sa domination.
20:45 Les Hells Angels veulent entièrement contrôler le trafic de drogue à Montréal.
20:52 Au début des années 80, le port de Montréal voit transiter d'énormes chargements de cocaïne.
21:04 Le trafic contrôlé par le parrain mafieux Nick Rizzuto.
21:07 Son fils Vito a engagé des bikers appartenant à différents gangs pour lui servir de gros bras.
21:15 Les bikers assurent la distribution et la vente de la cocaïne pour le compte de la mafia.
21:22 Cependant, un gang se détache du lot, les Hells Angels.
21:30 Leur premier club a été fondé en Californie peu après la seconde guerre mondiale.
21:35 Le gang s'est installé récemment à Montréal et son organisation, son code de conduite,
21:42 sont de l'ordre du jamais vu dans le monde des bikers canadiens.
21:45 Ce qui différencie avant tout les Hells Angels, c'est leur hiérarchie très stricte.
21:50 "Pour devenir membre, il faut commencer tout en bas de l'échelle et grimper les échelles."
21:57 Les Hells Angels sont organisés en sections locales appelées chapitres
22:01 qui peuvent mener leurs affaires et défendre leur territoire à leur guise.
22:05 Le premier chapitre canadien a été fondé à Montréal en 1977.
22:11 Les Hells Angels ont des règles de conduite qu'ils font respecter par la force.
22:18 C'est un point commun avec un mafieux traditionnel,
22:22 comme Nick Rizzuto.
22:24 En tant qu'officier de la sûreté et de la police du Québec,
22:30 Lee Wellet a rapidement constaté que les bikers respectent scrupuleusement leur hiérarchie.
22:35 "Dans un chapitre des Hells Angels, il y a les membres, les prospects, les associés et les amis.
22:42 Au sommet de la hiérarchie, les membres ont droit à la liberté de se défendre,
22:47 les associés et les amis.
22:49 Au sommet de la hiérarchie, les membres ont droit de vie ou de mort
22:53 sur tous ceux qui se trouvent en dessous."
22:56 Il y a les membres à part entière, les prospects ou prétendants,
23:01 qui sont en quelque sorte en période d'essai.
23:04 Et en bas de la hiérarchie, on trouve les associés et les amis.
23:08 Devenir membre à part entière peut prendre des années.
23:13 Pour les mafieux, les Hells Angels cherchent des qualités particulières chez leurs recrues.
23:18 Une propension à la violence et le mépris de la loi sont indispensables.
23:22 "Généralement, ils ont un casier judiciaire.
23:28 Un meurtrier, un dealer, un type qui bosse avec des boîtes de strip-tease ou un garde du corps
23:33 font des recrues intéressantes."
23:38 Vérifier ainsi réellement les Hells Angels des autres bikers canadiens, c'est leur ambition.
23:43 Ils leur arrivent d'absorber des clubs plus petits en leur proposant de devenir un nouveau chapitre.
23:48 C'est ce que l'on appelle un "patch-over".
23:51 Lors d'une cérémonie complexe, le gang doit abandonner ses couleurs
23:55 pour devenir chapitre à l'essai des Hells Angels.
23:58 Toute résistance est inutile.
24:04 Ces méthodes permettent aux Hells Angels canadiens de s'étendre rapidement.
24:08 Après Montréal, de nouveaux chapitres apparaissent ainsi à Sherbrooke, Trois-Rivières, Québec et Laval.
24:15 Le parrain Nick Rizzuto réalise alors qu'il fait face à des groupes criminels aussi puissants que la mafia elle-même.
24:23 "Quand les mafieux ont été confrontés à l'émergence des gangs de bikers,
24:30 ils ont vite compris qu'ils n'avaient pas suffisamment d'hommes pour tout contrôler dans la province,
24:35 ou dans tout le Canada."
24:38 La mafia accueille d'abord positivement l'arrivée des Hells Angels.
24:43 La collaboration avec des gangs plus petits s'étant parfois révélée difficile.
24:47 "Ils étaient un peu incontrôlables, ce qui ne plaisait pas aux Italiens.
24:53 Les mafieux aiment bien que les choses se passent exactement comme prévu.
24:58 Mais avec les bikers, on ne pouvait jamais savoir s'ils n'allaient pas arriver défoncés ou ivres."
25:03 Nick Rizzuto organise une réunion.
25:08 Il espère que les Hells Angels apporteront une approche plus disciplinée au trafic de drogue à Montréal.
25:14 Dans une scène digne d'un film hollywoodien, mafieux et bikers conclutent une alliance.
25:24 La mafia accepte, dans certains quartiers de Montréal, de vendre de la cocaïne uniquement aux Hells Angels.
25:30 Les deux groupes criminels se rendent compte qu'ils peuvent finalement s'entendre.
25:37 "La quête du pouvoir et de l'argent.
25:45 C'est la quête du pouvoir et de l'argent qui mène à des crimes violents.
25:52 C'est l'objectif commun de ces deux organisations."
25:55 Les relations entre les deux groupes demeurent cependant tendues.
25:59 D'autant plus qu'au début des années 90, un nouveau chef s'impose à la tête des Hells Angels de Montréal.
26:06 Et il n'hésite pas à défier la suprématie de la mafia.
26:10 Maurice Boucher a grandi dans l'un des quartiers les plus durs de Montréal.
26:19 Sa jeunesse est essentiellement consacrée à la petite délinquance.
26:22 "Je me souviens, quand j'étais encore un jeune officier de police,
26:29 avoir essayé de l'arrêter pour cambriolage ou une vol à l'étalage.
26:33 Mais il est vite passé à autre chose."
26:36 À 21 ans, Maurice Boucher partage une cellule avec Norman Brisebois.
26:41 Inculpé de meurtre, il sera relaxé, comme souvent dans la suite de sa carrière.
26:48 "C'est quelqu'un de très intelligent.
26:50 J'ai été en prison avec lui, de 78 à 79.
26:55 C'était la première fois qu'il était inculpé de meurtre.
26:59 Mais ils n'ont jamais rien pu prouver.
27:01 Sa carrière criminelle a commencé à ce moment-là."
27:04 Maurice Boucher est surnommé "Mom", "Maman",
27:08 en raison de sa tendance à s'inquiéter des moindres détails d'un plan.
27:13 Tous ceux qui sont entrés en contact avec lui décrivent une personnalité hors du commun.
27:17 Il apparaît tantôt comme un visionnaire en costume de prix,
27:21 tantôt comme un rebelle psychotique et hirsute.
27:24 Un mélange détonnant qui fait de lui un personnage particulièrement difficile à saisir pour les autorités.
27:29 "Il était très bon en communication.
27:34 Il aimait se montrer devant les caméras, faire le spectacle
27:38 et montrer que personne ne pouvait lui dicter ce qu'il avait à faire.
27:42 Et il savait parfaitement comment s'y prendre pour obtenir un résultat.
27:45 C'est pour ça qu'il est devenu si puissant."
27:47 Devenu membre à part entière des Los Angeles en 1987,
27:51 Maurice Boucher grimpe rapidement dans la hiérarchie grâce à un savant mélange de force et de ruse.
27:56 Il devient président du chapitre de Montréal, mais ses ambitions ne s'arrêtent pas là.
28:01 Boucher recrute les éléments les plus endurcis pour fonder un club personnel, les Nomades.
28:10 Son objectif est de contrôler entièrement le trafic de drogue dans la région de Montréal.
28:14 "Il s'est entouré de gros durs qu'il a décidé d'appeler les Nomades.
28:20 Ça voulait dire qu'ils pouvaient aller sur le territoire de n'importe qui, vendre de la drogue.
28:25 Et personne ne se plaignait parce qu'ils faisaient peur à tout le monde."
28:28 Sous la direction de Maurice Boucher, les Nomades obligent les petits dealers à se fournir en cocaïne
28:37 exclusivement auprès d'eux.
28:39 C'est le genre d'offres qui ne se refusent pas.
28:44 "C'est ça où on y laisse une jambe.
28:49 Donc tout le monde achète aux Los Angeles."
28:52 Le chef mafieux Vito Rizzuto commence à avoir des soupçons sur les activités des Nomades.
28:58 Si Maurice Boucher réussit à s'assurer le monopole de la distribution,
29:05 il pourra fixer le prix de la cocaïne ou même chercher un fournisseur moins cher.
29:09 Mais pour l'instant, l'argent coule à flot.
29:12 "Le fait est que Vito Rizzuto et les autres chefs mafieux ont décidé de faire avec.
29:20 En travaillant avec les Los Angeles, ils gagnaient plus d'argent.
29:25 Donc ils ont décidé d'éviter les problèmes et de continuer à travailler avec eux
29:31 parce qu'ils n'avaient pas le choix."
29:34 "L'ascension de Maurice Boucher lui vaut cependant des ennemis.
29:37 Un gang de bikers rival basé à Montréal va ainsi défier ouvertement les Nomades, les Rock Machine.
29:43 Face à l'expansion des Los Angeles, ils décident de défendre leur territoire à tout prix.
29:49 En 1994, Maurice Boucher leur déclare la guerre.
29:53 "Selon moi, la guerre a commencé parce que Boucher avait un problème d'ego.
29:59 Il ne voulait pas partager.
30:02 Il ne voulait tout."
30:04 Les règlements de compte qui s'en suivent n'ont rien de commun avec les guerres internes de la mafia.
30:12 Plutôt que d'éliminer leurs ennemis discrètement, les bikers tuent au grand jour.
30:17 Des invitations à une soirée donnent lieu à de véritables embuscades.
30:22 Les bikers placent des bombes dans des voitures ou des habitations.
30:30 En infériorité numérique, le gang Rock Machine forme alors un groupe du nom de Dark Circle, le Cercle Obscur.
30:37 Cet escadron de la mort a un seul objectif, tuer des Hells Angels.
30:42 Ce déchaînement de violence est censé forcer Maurice Boucher à renoncer à ses ambitions.
30:47 "Oeil pour oeil, dent pour dent, et ainsi de suite."
30:51 Les membres du Dark Circle sont réunis pour une mission de détente.
30:57 Les membres du Dark Circle sont rémunérés en fonction du rang de la victime dans la hiérarchie Hells Angels.
31:03 Norman Brisebois rejoint le groupe de tueurs.
31:06 "Pour un prospect c'était 20 000 dollars, et 40 000 dollars pour un membre à part entière."
31:11 Cependant la stratégie de terreur du gang Rock Machine échoue.
31:15 Maurice Boucher ne cède pas.
31:17 La métropole québécoise est désormais livrée à la violence.
31:21 La guerre des bikers transforme les rues de la ville en champs de bataille.
31:25 La nuit résonne de coups de feu, le jour est ponctué d'explosions, et les victimes s'accumulent.
31:40 Le bain de sang inquiète de plus en plus Vittorio Rizzuto qui veut surtout éviter d'attirer l'attention de la police.
31:49 Il demande donc à Maurice Boucher, son partenaire en affaires, de calmer le jeu.
31:54 Mais le message arrive trop tard.
31:56 "Je sais qu'ils ont été le voir, et qu'ils ont essayé de le calmer.
32:01 Mais le seul moyen de calmer Maurice Boucher, c'était de le tuer."
32:06 Bien que l'accord entre Mafieux et Hells Angels pour la distribution de cocaïne reste valide,
32:11 Maurice Boucher ignore l'appel au calme de Vittorio Rizzuto.
32:15 Et la guerre des gangs continue.
32:20 "En un an et demi, la guerre des bikers a fait plus d'une vingtaine de victimes."
32:24 "C'était dans les journaux tous les jours, presque comme un feuilleton.
32:38 Je me souviens qu'un journal avait titré 'Hells Angels 3, Rock Machine 1'.
32:44 C'était presque comme un match de hockey."
32:48 Mais après un an d'affrontements sanglants,
32:50 la mort d'une victime innocente va déclencher la colère de la population.
32:54 La guerre des bikers a mené à une flambée de violence sans précédent.
33:07 Maurice Boucher, le chef des Hells Angels, a conclu une alliance avec la mafia pour la distribution de cocaïne.
33:17 Or, il veut entièrement contrôler le trafic dans les rues de Montréal.
33:20 Et un gang de bikers rival, les Rock Machine, défend farouchement son territoire.
33:25 La guerre des bikers a fait des dizaines de victimes.
33:30 Mais la violence va encore grimper d'un cran.
33:32 9 août 1995, midi 40.
33:45 Rue d'un quartier résidentiel à proximité du quartier général des Hells Angels.
33:48 Des enfants jouent entre eux.
33:50 Scott Steiner, un membre des Hells Angels, fait sauter un engin explosif télécommandé.
34:02 Sa cible, un autre biker en bas de la hiérarchie du gang rival.
34:09 La vendetta des Hells Angels fait une nouvelle victime.
34:15 Mais Daniel Desrochers, un jeune garçon de 11 ans, joue à non loin de la voiture.
34:19 La violente explosion met en pièce le véhicule propulsant de nombreux débris dans toutes les directions.
34:31 Deux éclats de métal viennent frapper l'enfant à la tête.
34:36 Daniel Desrochers meurt à l'hôpital quelques jours plus tard.
34:42 J'ai enquêté sur cette affaire.
34:44 Et je peux vous dire que le meurtrier avait tout vu avant de faire sauter la bombe.
34:48 Il a vu les enfants.
34:50 Il aurait pu se dire, tant pis, je l'aurai un autre jour.
34:53 Mais il n'a pas renoncé.
34:55 C'était vraiment de sang-froid.
34:57 Après avoir suivi le cortège funèbre, des milliers de personnes manifestent devant la mairie de Montréal.
35:04 La colère de la population était telle que le gouvernement a mille personnes à la maison.
35:11 Le gouvernement a mille paquets.
35:12 En réaction à la mort du jeune garçon, le gouvernement québécois crée l'escouade Carcajou.
35:19 Une unité d'élite rassemblant les meilleurs inspecteurs de la police montée, de la sûreté et de la police de Montréal.
35:25 Son unique objectif est de démanteler les gangs de bikers et d'amener Maurice Boucher, le chef des Hells Angels, devant la justice.
35:35 L'unité est commandée par André Bouchard.
35:39 L'escouade a été créée en raison de cette escalade de violence.
35:42 Et ils ont pris les meilleurs éléments.
35:44 Et j'étais fier parce qu'ils m'ont pris, moi, mais aussi une grande partie de mon équipe.
35:48 L'escouade Carcajou ne laisse aucun répit aux Hells Angels de Maurice Boucher.
35:54 Une grande partie de notre travail d'enquête reposait sur la provocation.
36:00 On allait voir leurs voisins, les piscines en face.
36:03 Là, les téléphones se mettent à sonner.
36:07 "T'as vu ça ? Qu'est-ce qui se passe ?"
36:09 Et ça commence. Ils sont tellement énervés qu'ils ne réfléchissent pas au fait qu'on est peut-être en train de les écouter.
36:14 Et ils font des erreurs.
36:16 À mesure que les policiers avancent dans leur enquête, Maurice Boucher devient de plus en plus paranoïaque.
36:22 Dans son entourage, il soupçonne de nombreux bikers de trahison.
36:29 En 1997, il décide que les nouvelles recrues des Hells Angels doivent prouver leur loyauté par un acte de violence gratuite.
36:37 Le meurtre de gardiens de prison non armés.
36:40 Il demande à ses meilleurs recrues de tuer deux gardiens de prison.
36:49 Pour s'assurer qu'ils ne pourront jamais collaborer avec la police.
36:54 Puisque le système judiciaire et le ministère de la justice n'accepteront en aucun cas de travailler avec un informateur qui a tué un officier de police ou un gardien de prison.
37:05 Maurice Boucher pense que les autorités refuseront systématiquement de collaborer avec des tueurs de policiers.
37:13 26 juin 1997.
37:17 Diane Leving, surveillante pénitentiaire, finit sa journée de travail à la prison de Bordeaux sur l'île de Montréal.
37:24 [Musique]
37:32 Alors qu'elle rentre chez elle en voiture, Diane Leving est rattrapée par une puissante moto.
37:37 Sur le siège arrière, une nouvelle recrue des Hells Angels, Stéphane Gagnon.
37:42 Le biker ouvre le feu et Diane Leving reçoit une balle dans le bras gauche et une autre dans la poitrine.
37:52 La seconde balle traverse sa colonne vertébrale.
37:54 A peine trois mois plus tard, Stéphane Gagnon participe au meurtre d'un chauffeur de bus pénitentiaire, Pierre Rondeau.
38:05 "Quand on tue des gardiens de prison, c'est un message. Je peux tuer n'importe lequel d'entre vous."
38:17 La police arrête rapidement Stéphane Gagnon qui finit par désigner Maurice Boucher comme le commanditaire des deux meurtres.
38:23 Le test de loyauté du chef des Hells Angels a échoué.
38:31 Le 18 décembre 1997, l'escouade Carcajou remplit enfin son objectif.
38:41 Maurice Boucher est inculpé de plusieurs meurtres et les policiers l'arrêtent à sa sortie de l'hôpital Notre-Dame où il est soigné pour un cancer de la gorge.
38:48 Mais les procureurs québécois qui croulent sous les dossiers vont devoir affronter une équipe d'avocats de haut vol payés à prix d'or par le chef des Hells Angels.
38:59 Or, le dossier d'accusation est mince. Stéphane Gagnon, le témoin clé, a reconnu lui-même être un assassin et un criminel de carrière.
39:10 De plus, le jury semble intimidé par la réputation de violence de Maurice Boucher.
39:15 Les avocats de la défense discréditent le témoignage de Gagnon et le chef des Hells Angels est déclaré non coupable.
39:25 Pour le procureur Randall Richmond, la pilule est amère.
39:30 Les magistrats et les policiers étaient atterrés et déçus.
39:39 Devant les caméras, Maurice Boucher savoure sa victoire. Pour certains, il fait même figure de héros populaire, bravant les autorités.
39:46 Il a quitté le tribunal, accompagné par les Hells Angels.
39:51 L'homme qui règne par la terreur sur les rues de Montréal est libre de reprendre ses affaires.
39:58 Rien ne semble pouvoir l'arrêter.
40:08 Maurice Boucher était l'ennemi public numéro un. Il était plus puissant, plus influent que jamais.
40:14 Et il pensait réellement que personne ne pouvait se mettre en travers de son chemin.
40:18 On peut appeler ça de la mégalomanie ou de la démence.
40:23 Il pensait vraiment pouvoir défier le système judiciaire et même la société civile dans son ensemble.
40:32 Au début de l'année 2000, l'argent de la drogue remplit les coffres de la mafia et des Hells Angels à un rythme tel que même les policiers les plus expérimentés sont impressionnés.
40:42 Les livres de comptes indiquaient 100 millions de dollars pour 11 mois d'opération.
40:52 Selon des documents saisis par la Sûreté du Québec, le trafic de cocaïne aurait ainsi rapporté plus de 110 millions de dollars canadiens aux Hells Angels de Montréal, et ce pour la seule année 2000.
41:03 Maurice Boucher est au fait de sa gloire. Il règne sur la ville. Mais pour le roi des bikers, la chute approche.
41:12 [Générique]
41:22 Depuis le milieu des années 90, Maurice Boucher ne recule devant rien pour consolider la suprématie des Hells Angels sur le trafic de drogue à Montréal.
41:30 Il a déclaré la guerre aux gangs rivaux et à la police.
41:40 La mafia est alliée aux Hells Angels. Mais le parrain Nick Rizzuto et son fils Vito désapprouvent leur méthode.
41:45 Les bikers font en effet régner la terreur dans les rues de la ville.
41:49 13 septembre 2000. Le journaliste Michel Auger traverse le centre-ville de Montréal pour se rendre à son travail.
42:05 Michel Auger tient la chronique judiciaire du journal de Montréal et il a exposé au grand jour les liens entre les bikers et le crime organisé.
42:12 Ce qui lui vaut une haine féroce d'un gang en particulier.
42:16 Les articles ont rendu furieux les Hells Angels. Ils n'aimaient pas qu'on parle d'eux comme des meurtriers et ils me détestaient.
42:29 Michel Auger se garde devant les bureaux du journal.
42:34 Il ignore que Maurice Boucher a organisé un guet-apens.
42:37 J'allais prendre mon ordinateur portable dans le coffre de ma voiture.
42:43 Un type s'est approché dans mon dos, en silence.
42:50 J'ai senti un coup très fort à l'épaule, comme si j'avais reçu une balle de baseball.
43:00 Le tueur tire plusieurs fois à bout portant.
43:03 J'ai été touché à l'épaule et si on avait mis une grande cible sur mon dos, il y aurait eu des trous partout.
43:14 L'assassin continue de tirer, criblant de balles le journaliste.
43:23 Touché de six balles et saignant abondamment, Michel Auger parvient pourtant à appeler les secours. Un geste qui va lui sauver la vie.
43:33 J'ai eu beaucoup de chance. Et quand j'ai voulu remercier le chirurgien de m'avoir sauvé la vie, il m'a dit que ce n'était pas lui qu'il fallait remercier, mais quelqu'un là-haut.
43:47 Miraculeusement, Michel Auger survit. Mais cette embuscade en plein jour déclenche une nouvelle vague de colère au sein de la population.
43:54 Cette fois, les habitants de Montréal en ont assez.
43:57 La guerre déclarée par Maurice Boucher contre les roque-machines n'a fait que trop de victimes.
44:07 160 personnes ont été tuées ou blessées, dont 20 victimes innocentes. Et je ne me compte pas dans le lot, parce que ce n'était pas un hasard s'ils voulaient me tuer.
44:18 La colère populaire pousse les autorités à prendre des mesures draconiennes.
44:25 En octobre 2000, Maurice Boucher est arrêté. Il va être à nouveau jugé pour avoir commandité le meurtre de gardien de prison.
44:37 La police augmente la pression sur les Hells Angels.
44:40 Le 28 mars 2001, lors d'une série de raids soigneusement orchestrées, près de 2000 agents arrêtent plus de 120 bikers.
44:49 Suite à cette rafle, baptisée Opération Printemps, la plupart des chefs des Hells Angels et des gangs rivaux sont mis derrière les barreaux.
45:00 C'est la plus grande opération policière dans l'histoire du Canada.
45:05 L'arsenal confisqué est tel que les policiers peinent à en croire leurs yeux.
45:10 Montréal, une ville où il faisait bon vivre, a été transformée en zone de guerre où des armes lourdes circulent librement.
45:18 On a trouvé de la dynamite dans une chambre d'enfants. Je me souviens qu'il y avait aussi un bazooka dans cette maison.
45:25 Selon nos informations, ça devait servir à tuer des Hells Angels.
45:31 Grâce aux nouveaux éléments rassemblés, les procureurs peuvent multiplier l'échelle d'accusations.
45:37 Boris Boucher doit répondre de plusieurs meurtres et cette fois le jury ne se laisse pas intimider.
45:43 En mai 2002, presque 15 ans jour pour jour après son acceptation dans les rangs des Hells Angels, Boucher est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
45:57 La même année, 120 Hells Angels arrêtés lors de l'opération Printemps comparaissent également devant les juges.
46:02 Leur procès a lieu dans un tribunal de haute sécurité construit pour un coût de 16 millions et demi de dollars canadiens.
46:09 Grâce à un amendement spécial apporté à la loi sur l'association de malfaiteurs, les magistrats peuvent s'attaquer à ce qui fait la fierté des Hells Angels.
46:22 Leur stricte hiérarchie.
46:24 Selon la justice, la chaîne de commandement des bikers est une preuve de la constitution d'un groupe criminel.
46:33 Les policiers peuvent enfin savourer leur victoire.
46:39 On leur a fait peur en leur montrant qu'on pouvait s'organiser.
46:47 C'est ça qui fait peur.
46:50 C'est ce qui a causé leur chute.
46:52 Les policiers utilisent ensuite ce même amendement pour s'attaquer cette fois à la mafia.
47:01 En janvier 2004, le parrain Vittorio Zutto reçoit une visite inattendue.
47:08 Les policiers le mettent en état d'arrestation.
47:15 Mais le mafieux reste confiant.
47:19 Il pense que la justice ne pourra rien prouver.
47:21 Le meilleur avocat du pays.
47:24 Ce qu'il ignore, c'est qu'il va devoir répondre à la justice américaine et non canadienne.
47:30 Joseph Massino, un parrain new-yorkais, a accepté de collaborer.
47:36 Or son témoignage permet au FBI d'inculper Vittorio Zutto pour un triple homicide commis dans un hôtel du Bronx en 1981.
47:46 20 ans après l'effet, on a appris par des témoins à New York que Vittorio Zutto aurait participé à l'élimination de trois chefs mafieux en mai 1981.
47:56 L'exécution aurait eu pour motif un désaccord avec une faction rebelle de la famille Bonanno au sujet du trafic de cocaïne à New York.
48:07 Mais Vittorio Zutto avait peut-être un autre mobile.
48:11 En effet, c'est grâce au soutien de la famille Bonanno que son père, Nick, avait pu s'imposer à la tête de la mafia montréalaise en 1978.
48:18 Il est donc possible que Vittorio Zutto se soit acquitté de sa dette en éliminant des individus gênants au sein même du clan Bonanno.
48:25 Si cette théorie est exacte, c'est un geste qui lui a coûté cher.
48:30 Avec Vittorio Zutto extradé aux Etats-Unis et Maurice Boucher en prison, les deux plus grands criminels du monde,
48:38 les deux plus grands criminels de Montréal, sont décapités.
48:41 En novembre 2006, même Nick Rizzuto, le père vieillissant de Vittorio, est mis en examen pour extorsion.
48:48 La sanglante guerre des gangs qu'a connue Montréal a fait plus de 150 victimes.
48:58 Mais le spectre de la violence n'est pas écarté pour autant.
49:04 La mafia et les Hells Angels restent actifs dans les rues de la ville.
49:08 On a réussi à calmer la situation pendant un moment. Ils étaient tous en prison.
49:14 Mais ils ont tous été remplacés, tous, sans exception.
49:18 La lutte continue.
49:21 Mais la police et les agents de santidrogue ont désormais l'expérience et les moyens juridiques nécessaires
49:26 pour affronter tant la mafia que les gangs de bikers et remporter la preuve.
49:32 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
49:35 "Musique de générique de fin"

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