Xerfi Canal a reçu Aurélien Rouquet, professeur à Neoma Business School, pour parler du domaine de la seconde main. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Aurélien Oquet. Bonjour Jean-Philippe. Aurélien Oquet, professeur de logistique et
00:12 supply chain management à Neoma Business School, rédacteur en chef de la revue française de
00:16 gestion. Aurélien Oquet, papier publié avec Christine Roussard à l'université Clermont-Auvergne et
00:21 Valentina Carbone, ESCP Business School, papier primé par le SYNTEC, on va en parler, dans
00:28 International Journal of Operations and Production Management. Voilà. Tout à fait. Extension du
00:36 domaine de la seconde main, merci la logistique. Je résume le papier. Effectivement, donc c'est un
00:41 papier où on s'intéresse au développement de la seconde main à travers un cas un petit peu
00:45 emblématique qui est le cas de Vestiaire Collective, qui est un cas intéressant à double titre. D'abord
00:51 parce que c'est un succès et un succès français. Une plateforme qui a été créée en 2009, qui a
00:55 réussi des levées de fonds assez importantes et qui a maintenant plus de 400 employés, un million
01:00 d'articles sur son site et donc une rentabilité. Et puis qui nous intéressait, nous, avec chercheurs
01:09 qui sont des spécialistes de logistique, parce que le modèle qu'elle a mis en place, c'est un modèle
01:14 qui se base non pas uniquement sur, entre guillemets, une interface digitale, une plateforme
01:18 où on peut mettre les produits en ligne, mais aussi des plateformes logistiques dans lesquelles
01:24 les produits transitent et qui est, c'est en tout cas ce qu'on essaie d'expliquer dans le papier,
01:28 vraiment un des facteurs clés du succès de Vestiaire Collective. C'est très intéressant,
01:34 vous expliquez dans le papier qu'on part d'un appartement de 60 mètres carrés. Effectivement,
01:38 à ça quand on a interrogé un des fondateurs, ils mettent en place effectivement le modèle,
01:42 ils récupèrent des produits de luxe auprès d'amis et puis ils stockent les produits
01:46 effectivement dans un petit appartement de 60 mètres carrés. Et en fait, au fil de la croissance
01:52 de l'entreprise, ils ont professionnalisé tout leur système jusqu'à atteindre aujourd'hui
01:57 plusieurs plateformes logistiques en France, aux États-Unis et en Asie, avec vraiment un rôle
02:04 d'intermédiaire entre les acheteurs et les vendeurs, physique et qui n'est pas uniquement
02:09 digital. Qu'est-ce qui explique finalement au fond que la logistique paraît si importante
02:13 dans leur cas ? C'est ça qui est intéressant dans le cas de Vestiaire Collective parce qu'au fond,
02:17 la logistique c'est ce qui a créé presque le marché de Vestiaire Collective. Pourquoi ? Parce
02:22 que quand on regarde les produits de Vestiaire Collective, c'est des produits de luxe, de
02:24 seconde main, qui sont chers et évidemment on se pose deux questions, dont une qui est fondamentale,
02:30 qui est est-ce que le produit de seconde main qu'on me vend est bien un produit de la marque
02:34 de luxe ? Il n'est pas une contrefaçon. Et ça, est-ce qu'on va acheter un sac Louis Vuitton
02:40 d'occasion à plusieurs milliers d'euros à un inconnu sans savoir que c'est bien un produit
02:45 Louis Vuitton ? La réponse est non. Et donc, pour que ça fonctionne, Vestiaire Collective
02:50 centralise les flux, reçoit les produits et a développé au fil du temps des experts qui vont
02:56 regarder les produits et bien authentifier si c'est bien des produits de luxe. Et donc,
03:01 il y a une opération d'authentification et ils en profitent bien sûr pour faire aussi une opération
03:05 de contrôle qualité et pour vérifier que le produit est bien dans la qualité qui est décrite
03:10 par le vendeur. Et c'est ce qui permet d'instaurer la confiance et de rendre, entre guillemets,
03:17 ce marché possible. La question qui vient immédiatement, c'est généralisable comme modèle ?
03:21 Alors, c'est pas généralisable à tous les produits et on voit bien que d'autres plateformes,
03:26 type Leboncoin, Vinted, n'ont pas forcément ce modèle-là. Il est clair que c'est un modèle
03:32 qui coûte de l'argent d'un point de vue logistique et que ce surcoût logistique, il faut qu'il soit
03:36 justifié. Et là, il est justifié par le prix des produits qui est très important et puis par le
03:39 fait que de toute façon, si on fait pas ça, il n'y a pas de marché. Mais il est clair que quand on
03:44 va vendre sur Vinted un produit de fast fashion à 3 euros, on va pas transiter directement,
03:51 enfin indirectement dans une plateforme, on va passer directement par un envoi. Donc,
03:54 il y a des contextes dans lesquels on peut imaginer que ce modèle-là peut se développer
04:00 pour des produits qui sont relativement chers et pour lesquels on a besoin d'une authentification
04:04 technique qui est assez importante. Ce qui ne veut pas dire que les aspects logistiques ne
04:09 doivent pas être pris en compte. On voit bien que Le Bon Coin, les Vinted, développent aussi
04:14 des réflexions logistiques avec l'intégration de la possibilité d'envoyer les produits via un
04:20 certain nombre de prestataires, mondial relais, etc. Et qu'on comprend bien que, en tout cas,
04:25 la question de la seconde main, c'est aussi un enjeu logistique très fort à intégrer par les
04:30 plateformes qui veulent se positionner sur ce marché-là. Oui, très clairement. Alors, c'est
04:34 un peu comme la voiture électrique, c'est-à-dire qu'on se dit, du coup, il n'y a pas d'émission
04:37 carbone puisque finalement il n'y a pas de production de produits nouveaux. Et puis,
04:41 on oublie de regarder qu'il a fallu la produire, la voiture électrique. Là,
04:44 on se dit, est-ce qu'il n'y a pas un dark side ? Alors, il y a toujours un dark side dans toute
04:48 activité, ça c'est sûr. On substitue avec la production la revalorisation d'un produit qui a
04:53 déjà été utilisé. Donc là, effectivement, il n'y a pas de nouvelle production pour faire circuler
04:57 le produit. Mais bien sûr, il y a un transport et il y a un stockage. Et ça, ces activités,
05:01 elles ne sont pas neutres en termes de carbone. Donc, voilà, est-ce que ça le compense ou pas ?
05:06 Première question. Et puis, deuxième problème, au fond, la facilité logistique du système,
05:12 ça conduit à quoi ? Ça conduit à ce qu'il y ait une extension géographique des échanges.
05:17 Le vestiaire collectif, c'est international. Et donc, on a une empreinte carbone qui est,
05:21 par définition, beaucoup plus importante quand on a des flux internationaux. Donc,
05:25 premier sujet. Et puis, deuxième sujet, c'est tellement facile finalement d'acheter et de vendre
05:30 ces produits de seconde main que pourquoi hésiter ? Pourquoi hésiter quand je vais acheter un produit
05:36 neuf, je vais le porter deux fois, s'il ne me plaît pas, je le remets en vente sur Vinted. Pourquoi
05:39 hésiter si je vais acheter ou non ce produit-là qui est à 3 euros ? Ça coûte 3 euros, c'est pas
05:44 très cher. Voilà. Donc, le dark side de ce système-là et de cette facilité logistique, c'est
05:50 qu'au fond, ça crée cette espèce de surconsommation et c'est contraire à des principes un petit peu de
05:54 sobriété qui sont quand même assez importants aujourd'hui. Jamais oublié de regarder le dark
05:58 side. C'est aussi une singularité des sciences de gestion de voir toujours le dark side. Dernier
06:04 mot, c'est papier primé, je l'évoquais pour introduire cette interview, par le SYNTECH. Qu'est-ce
06:10 que ça vous évoque ? C'est vraiment toujours gratifiant d'avoir un prix. Là, je dirais,
06:15 ça me fait d'autant plus plaisir que c'est un prix qui est donné par les professionnels, donc ça
06:19 montre bien, entre guillemets, l'impact managérial de la recherche et ça, c'est quelque chose qui nous
06:24 tient à cœur avec Christine et Valentina. La deuxième raison pour laquelle on est très content,
06:28 c'est que c'est la deuxième fois qu'on a un prix par le SYNTECH. On a eu un prix pour un
06:31 article sur la crolle logistique en 2018, donc voilà, c'est un beau doublé. Et puis, la raison
06:38 qui me fait peut-être plus plaisir en tant que rédacteur en chef de l'Armée française de
06:41 gestion, c'est qu'en fait, ces deux articles sont issus au fond d'un article qu'on a publié en 2016
06:46 dans l'Armée française de gestion, qui était l'article programmatique de départ, qui identifiait
06:50 un petit peu la place de la logistique dans l'économie collaborative, dans lequel on identifiait
06:53 les quatre grands business models logistiques possibles pour ce secteur. Eh bien, la crolle
06:58 logistique, c'était un des cadrans qu'on a exploré et on a publié ça dans le journal de
07:01 business logistique. Et là, c'est un autre cadran qu'on a exploré et qu'on a publié dans IGOPM.
07:05 Et donc voilà, tout est parti de l'Armée française de gestion.
07:08 Voilà, une invitation, c'est moi qui le dis, une invitation au SYNTECH à remonter aux sources,
07:13 vers les sources, plutôt que d'attendre que les anglo-saxons valident bien que ce qui a été
07:18 publié avant dans l'Armée française de gestion mérite un prix.
07:21 Tout à fait, merci.
07:22 Merci Aurélien Rouquet.
07:23 Merci.
07:25 [Musique]