En amont de notre matinée de conférences du 28 septembre, dédiée à l’emploi des fifties et à la valorisation de la fin de carrière, Stéphanie Roy reçoit Karine Trioullier, fondatrice du cabinet de conseil en ressources humaines Tida Bisa, qui vient de publier « Les jobs de mes rêves » (éditions Marabout).
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00:00 Bonjour à tous, en amont de notre matinée de conférence du 28 septembre prochain consacrée
00:08 à l'emploi des fifties, à comment valoriser sa fin de carrière en entreprise, j'ai le plaisir
00:14 de recevoir Karine Trioulier. Bonjour. Bonjour Stéphanie. Merci d'être avec nous. Vous dirigez
00:18 le cabinet de conseil en ressources humaines Tidabiza et vous publiez le livre "Les jobs de
00:23 mes rêves" aux éditions Marabout. Exactement. Alors en début d'année, la Dares a publié une
00:28 étude indiquant que 56% des 55-64 ans étaient en emploi en 2021. L'étude est sortie cette année,
00:35 les chiffres sont de 2021, ils doivent être encore assez proches de la réalité. Cette année,
00:38 un chiffre certes en progression enlève la Dares, mais tout de même nettement inférieur auprès de
00:43 82% des 25-49 ans également en emploi. Alors quel diagnostic vous, vous posez sur ces chiffres ? Pourquoi
00:50 la part des seniors en entreprise n'est-elle pas plus élevée selon vous ? Bien, moi je pense que
00:55 c'est finalement un peu logique même si ça ne fait pas plaisir puisque la priorité pour les
00:59 entreprises aujourd'hui reste les 27-39 ans. Ils ont beaucoup de difficultés, les entreprises ont
01:06 beaucoup de difficultés à les attirer, à les fidéliser, à les retenir, donc tout le focus
01:11 est sur cette tranche d'âge. Et puis avec les seniors, il n'y a pas de problème d'attraction
01:16 ou de rétention. On peut en trouver facilement, c'est-à-dire qu'ils sont volontaires pour rejoindre
01:22 des grandes entreprises. Donc c'est une histoire de priorité déjà, il y a d'autres problèmes et
01:27 challenges qui les occupent. Et puis après, comme on doit attirer ces populations et ces jeunes
01:33 talents, on va parfois leur réserver certains postes et donc les plus seniors ont des postes
01:38 un peu moins attractifs, ceux qui sont plus disponibles, qui sont peut-être moins en lien
01:42 avec de nouvelles compétences, de nouvelles technologies, et donc il y a moins de visibilité
01:46 aussi par rapport au top management. Donc quelque part l'employabilité et après aussi ce chiffre
01:52 révèle peut-être un manque de prise de conscience aussi de jeunes seniors qui ne voient pas cette
01:58 situation arriver, de difficultés à trouver un emploi ou à se maintenir, et donc qui parfois
02:03 n'anticipent pas aussi ce dont eux-mêmes auront envie. On entend parfois des employeurs qui disent
02:08 "mécaniquement, je me dis que quelqu'un qui est un peu plus senior va s'attendre à avoir un salaire
02:13 plus élevé, à prime à l'ancienneté finalement, il va être peut-être un peu moins flexible,
02:17 moins adaptable, plus facilement fatigué". Vous êtes d'accord avec ces idées-là ? C'est ce que
02:22 vous constatez vous de la part de vos clients ? Alors je pense que c'est très... on peut les
02:26 retrouver à différents âges, que c'est pas une question d'âge. S'ils sont comme ça à 50 ans,
02:31 ils l'ont peut-être été plus jeune et ça dérangeait personne, ou on faisait comme si on ne voyait pas.
02:35 Je pense que ça c'est un état d'esprit. Et puis après ça peut être lié aussi à un manque,
02:39 ce que j'appelle un manque un peu de culture générale du travail. En dehors de mon employeur,
02:44 en dehors de mon métier à moi, ça commence à changer. Mais les gens n'ont pas vraiment conscience
02:49 de toutes les formes de travail qui sont possibles. On pense beaucoup au statut métier,
02:54 et moins compétence, projet ou multiplier des sources de revenus. Donc il y a un regard dessus
03:03 qui est un petit peu restreint. Et donc c'est parfois juste de l'ignorance pour eux de pouvoir
03:10 exercer leurs compétences autrement. Donc un logiciel peut-être à revoir chez nous tous,
03:14 tous les actifs. Alors concrètement, j'ai 45 ans, demain je me retrouve au chômage,
03:19 qu'est-ce que vous me conseillez de faire en premier ? Alors juste avant idéalement,
03:24 puisqu'on en parle, avant d'en arriver là, moi je pense qu'il y a déjà la prise de conscience
03:28 que son réseau au fil des années, il faut le renouveler. Alors le réseau, il n'y a pas besoin
03:32 d'être très extraverti. C'est simplement que les alliances qu'on avait pu construire jusqu'à
03:41 maintenant, souvent les gens partent à la retraite et il faut les renouveler. Donc déjà il y a ce
03:46 premier fait, puis après il y a de diversifier son entourage professionnel. C'est-à-dire que si je
03:51 suis dans l'assurance en CDI depuis 20 ans, de fréquenter que des gens dans l'assurance et que
03:55 des gens en CDI. Donc ça d'une façon générale, c'est tout un travail en amont, un travail mais
04:01 c'est simplement d'être curieux de ce qui existe, de cette fameuse culture générale du travail. Et
04:07 donc quand je me retrouve comme ça au pied du mur, c'est de m'ouvrir en premier avant de prendre un
04:12 grand plan d'action, c'est de m'ouvrir à ce qui existe et aller voir des gens qui ont d'autres
04:16 trajectoires professionnelles pour comprendre un petit peu toutes les possibilités. Et après il
04:21 y a l'idée de ne pas s'enfermer dans "je dois forcément aller dans ce pourquoi je suis fort
04:27 où on m'a payé pendant des années". - Par exemple dans sa zone de confort ? - Oui et puis c'est pas pour ça
04:33 qu'on peut pas très bien s'en sortir et se développer ailleurs. Puis l'idée c'est de faire
04:38 ce deuxième chapitre qui est assez long, il est pas si court, parce que moi je dirais qu'il commence
04:42 à 42 jusqu'à 64 peut-être. Donc c'est l'occasion de reconstruire une autre trajectoire. Et pour ça,
04:49 moi je préconise souvent d'avoir au moins 6-7 pistes d'exploration, de curiosité au départ,
04:55 même si on est stressé, qu'on a tout de suite envie de retrouver. L'idée c'est de réfléchir
04:59 pour plus longtemps. Donc une piste naturelle, comment je pourrais exercer ce que j'ai exercé
05:03 comme compétence jusqu'à maintenant, mais autrement, sous d'autres formes de travail. Une
05:07 piste ambitieuse, mais moi c'était quoi mon rêve ? C'était de faire quel poste, avec quel type de
05:12 responsabilité ? Alors on va explorer les possibilités. Une piste de changement de carrière radicale,
05:16 une piste, un projet ou une compétence ou un sujet auquel je pense qu'il est important dans
05:24 le contexte actuel de travail, mais sur lequel je vais faire un projet une fois, juste pour me
05:29 tester, et puis chercher d'autres sources de revenus que je pourrais associer pour les prochaines
05:35 années, avec des compétences déjà connues et des compétences nouvelles. Et l'idée c'est
05:42 d'explorer, de tester en parallèle de la recherche d'emploi, et d'avoir des recherches
05:47 d'emploi dans tous ces axes-là, avec différentes formes de contrats et de contributions. Alors ça
05:52 c'est qu'est-ce que le salarié peut faire pour lui, pour sa carrière ? Est-ce que l'entreprise
05:56 elle peut aussi agir pour accompagner ses actifs dans la seconde vie professionnelle ? Oui, bien
06:02 sûr. Après on ne peut pas demander à une entreprise, ce n'est pas son rôle, de résoudre un problème
06:07 qui est de toute façon au niveau de la société. Dans la société civile, on a du mal à savoir
06:12 comment accompagner cette fin de vie. Là, cette fin de vie professionnelle, qui est quand même assez
06:16 longue, ce n'est pas un sujet simple. Donc par contre, il incombe à l'entreprise pour moi déjà
06:21 d'arrêter d'eux, et ça c'est un point de vue personnel, de mettre des quotas par exemple,
06:24 parce que dès l'instant où on... de réfléchir en quota, parce que dès l'instant où on met des quotas,
06:28 on met en place une discrimination pour moi sur l'âge. On est en train de promouvoir des gens
06:35 sur le critère de l'âge et finalement on ne parle pas de la compétence. Donc ça c'est, je pense,
06:41 dans les croyances des collègues et dans les croyances même du premier concerné, je pense
06:47 que c'est difficile. Donc ça, ça contribue aussi à entretenir. Après, on peut continuer à passer
06:52 la responsabilité de la gestion de carrière aux seniors mais aux plus jeunes, que ça se fasse
06:56 vraiment partie d'un fonctionnement. Et pour ça, en mettant à disposition plus de transparence sur
07:01 comment les carrières sont gérées, comment on maintient une employabilité. Qu'est-ce que vous
07:05 entendez par plus de transparence ? Eh bien, expliquer comment ça se passe en entreprise,
07:09 qu'au bout d'un moment, ce n'est pas toujours la performance. Il y a d'autres critères qui
07:13 viennent aussi impacter certains choix. Expliquer ça, expliquer aussi qu'aujourd'hui, on n'est plus
07:22 dans cette culture du "know it all", ce qu'on appelle de tout savoir, tout connaître, tout
07:28 maîtriser. On est dans l'ère de tout apprendre, "learn it all". Donc ils doivent aussi aller vers
07:32 ça. Donc leur expliquer ce que ça veut dire, comment on fait. Donc c'est aussi de maintenir
07:36 quelques outils pour tous les âges, pas que pour les seniors, dans l'entreprise pour des gens qui
07:41 sont intéressés, d'aller écouter des conférences, des intervenants sur des sujets comme ça, qui vont
07:46 accompagner leur réflexion. Puis après, c'est de regarder, de partager les ressources aussi,
07:51 de ne pas mettre de contrat d'exclusivité. C'est-à-dire, moi je dirais que dès 44, 45 ans,
07:56 ça dépend dans quel secteur, il faut laisser les gens développer d'autres jobs à côté ou un
08:01 projet d'entrepreneur. Il faut que ça commence plus tôt pour qu'ils construisent cette suite.
08:05 Et on est à toujours vouloir les garder. On peut aussi mettre en place comme des centres de partage
08:09 de compétences ou d'expériences avec d'autres boîtes où on va se dire, tiens, moi j'ai comme
08:14 un pool de consultants où on peut compéter avec un temps dégressif. C'est-à-dire, nous à partir de
08:19 45 ans, on peut être à 50%. Et voilà un pool de missions qu'on peut trouver. Puis en même temps,
08:24 il faut vous créer autre chose à côté. C'est d'amener, de les accompagner un petit peu en
08:28 prenant en compte les besoins de l'organisation, mais en ne faisant pas des promesses qu'on
08:33 pourrait pas tenir, pas parce qu'on ne veut pas, mais parce que ce n'est pas aussi simple
08:36 dans un premier temps. Merci beaucoup Karine Privé pour tous ces éclairages qui nous permettent
08:41 déjà d'avoir une vision un peu différente de comment on peut appréhender l'évolution de sa
08:46 carrière. Je rappelle que votre livre "Les jobs de mes rêves", je le montre, vient de sortir aux
08:52 éditions Marabout sous votre nom de scène. Karine Queen, là, vous pouvez le retrouver sur les réseaux
08:58 sociaux. Et puis si vous voulez en savoir plus sur les fifties et le monde de l'entreprise,
09:03 nous vous donnons rendez-vous le 28 septembre dès 9h à la Maison des travaux publics pour une
09:07 matinée de débat consacré à ces sujets ô combien importants. A très bientôt. Merci.
09:12 Merci.
09:13 [Musique]
09:17 Merci à tous !