Entre la plume et le sexe, y aurait-il comme une liaison dangereuse ? Fatou Diome écrit par exemple : “l’édition a vraiment des accointances avec le proxénétisme, c’est nous qui tapinons et ce sont les autres qui encaissent”. Le travail d’écriture peut-il se comparer au travail du sexe ?
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AmusantTranscription
00:00 Dans cette chronique Maya, tous les jours, tu viens triturer notre intimité pour notre
00:03 plus grand plaisir.
00:04 Aujourd'hui, tu interroges le lien entre littérature et prostitution.
00:08 Entre la plume et le sexe, y aurait-il comme une liaison dangereuse ? Dans le livre de
00:13 notre invité, Fathou Diom, je lis ceci.
00:15 L'édition a vraiment des accointances avec le proxénétisme.
00:18 C'est nous qui tapinons et ce sont les autres qui encaissent.
00:21 Alors, le travail d'écriture peut-il se comparer au travail du sexe ? Les salons
00:25 du livre sont-ils en fait des gros bordels ? Je lance une grenade, je fais le rouladin,
00:29 je laisse exploser tout ça auprès des personnes concernées et je reviendrai demain voir qui
00:34 sur le champ de bataille émergera des cendres.
00:36 D'ici là, je vous propose une petite virée du côté des autrices qui justement font
00:40 les deux à la fois écrire et tapiner.
00:42 Il y en a eu un paquet.
00:43 Virginie Despentes, Chloé Deloe, Maya Angelou, Grisele Disrael, Jean Genet.
00:46 Plutôt du beau monde.
00:48 Et depuis 4 ans, faut ajouter à la liste Emma Baker, Soazic Boulin, Mileys Castel,
00:51 Louise Brevin qui ont écrit des autofictions, des enquêtes, des témoignages dans lesquels
00:55 l'autrice et la prostituée sont la même personne.
00:57 Et j'imagine que ça change le discours sur le travail du sexe.
01:00 Clairement.
01:01 Il y a quelques années, les livres qui sortaient sur le sujet étaient généralement hyper
01:03 tranchés.
01:04 C'était soit des descentes aux enfers terribles, soit des apologies pornogiques qui faisaient
01:08 miroiter des gros billets dans des gros jacuzzis.
01:09 Aujourd'hui, on est un peu à l'ère Macron de la littérature prostitutionnelle.
01:14 Les autrices disent ni héroïne, ni victime, ni courtisane de luxe, ni esclave de la traite
01:18 sexuelle.
01:19 Dans les rapports tarifés, elles disent « tu as des trucs bien et puis des trucs moins
01:23 bien ». Voilà, c'est beaucoup moins spectaculaire.
01:25 Mais justement, c'est peut-être exactement ça qu'il nous fallait pour poser le débat
01:27 calmement et sans lancer de grenade.
01:29 Sur le sujet du travail du sexe, c'est d'autant plus important de sortir des clichés que
01:35 chaque expérience est entièrement différente.
01:36 D'ailleurs, ce qui est vraiment agréable quand on lit ces bouquins, c'est qu'il
01:39 n'y a pas de morale.
01:40 C'est à nous de décider ce qu'on conclut de tous ces trajectoires.
01:42 A moins qu'on décide de rien conclure, vu qu'après tout, personne ne nous oblige
01:45 à avoir des opinions définitives sur des questions ultra complexes.
01:48 #Abaïa #Palestine #SensDeLaVie.
01:51 Et puis, grâce à ces plongées en eau profonde, on apprend plein de choses sur le travail
01:55 du sexe.
01:56 Combien ça coûte, comment ça marche, comment se comportent les clients.
01:58 Il faut bien admettre qu'on est un peu curieux.
01:59 Mais ce qui est passionnant, c'est qu'à partir de tous ces éléments, un miroir
02:03 étendu à vous, à moi, à tout le monde, le travail du sexe concerne bien au-delà
02:06 des personnes qu'il pratique ou qu'il consomme.
02:08 - Et alors, il y a quoi ? - On voit quoi dans ce miroir ?
02:10 - Vous êtes très curieuse toutes les deux, j'adore.
02:12 Bon, dans le miroir, ce n'est pas toujours très reluisant.
02:14 On voit la misère sexuelle de certains clients, on voit le sort réservé aux migrants et
02:17 surtout migrantes, le sort réservé aux indésirables, aux personnes âgées, aux personnes en situation
02:21 de handicap.
02:22 On voit en ombre chinoise nos chambres à coucher, nos sexualités pas toujours très
02:27 inventives.
02:28 On voit ce que nos partenaires n'osent pas nous demander.
02:29 À ce sujet, Louise Brévin explique que l'argent avec lequel on la paye, c'est celui qui achète
02:34 la paix des ménages.
02:35 Si c'est trop pacifique chez vous ce soir, il faut peut-être vous poser quelques questions.
02:38 Et puis, on interroge aussi notre rapport à l'argent et notre rapport au travail.
02:42 Pourquoi trimer pour n'acheter que le strict nécessaire ? Demande Emma Baker.
02:45 Ça ferait une bonne question qui fâche.
02:47 Enfin, toutes ces autrices interrogent notre rapport à l'intime en nous rappelant qu'on
02:51 n'a pas forcément la même définition.
02:52 L'intime, ça peut être la sexualité, bien sûr, ou la nudité, mais pas pour tout le
02:57 monde.
02:58 Certaines personnes ont plus de pudeur pour les larmes que pour la sexualité.
02:59 D'autres se sentent plus vulnérables dans le sommeil que dans l'amour.
03:02 Pourquoi vouloir que les mêmes choses soient intimes pour tout le monde ? Et puis de toute
03:05 façon, qui peut décider ? Quand la littérature pose ces questions-là et remplit bien son
03:09 rôle, en attendant, toutes ces autrices démontrent qu'on peut vendre son sexe sans vendre son
03:14 âme.
03:15 - Alia, on retrouve ta chronique en podcast sur le site de France Inter.