• l’année dernière
Transcription
00:00 Et bienvenue, merci de nous rejoindre dans les médias de culture tous les jours.
00:03 L'équipe constitue une table critique et ce midi nous plongeons pour la première fois
00:07 de la saison dans les musiques actuelles un rappeur américain et une chanteuse britannique
00:12 j'ai nommé Travis Scott et Romy.
00:14 Et on en parle avec vous Sophie Rosemond, bonjour.
00:17 Bonjour Géraldine.
00:18 Vous êtes critique musicale pour Rolling Stone, Vogue, Les 1 Rock et autrice aussi
00:22 de Girls Rock aux éditions Nile.
00:24 Et bonjour à vous Olivier Lam.
00:26 Bonjour.
00:27 Vous êtes critique musicale pour Libération, bienvenue à tous les deux dans les midis
00:31 de culture.
00:32 Et on commence donc avec Travis Scott, son dernier album s'appelle Utopia, il est sorti
00:40 fin juillet sous le label Cactus Jack Epic Records.
00:43 Et bienvenue.
00:50 * Extrait de Travis Scott *
01:14 Le titre Siren Soaker de ce quatrième album de Travis Scott.
01:18 Album bien fourni, composé de 19 titres, Utopia donc, c'est sorti le 28 juillet dernier.
01:24 Et ce qui frappe d'abord peut-être c'est le nombre de featuring, de collaboration.
01:28 Alors Pellemelle, James Blake, Kenny West, Beyoncé, Kid Cudi, Drake, Bad Bunny, The
01:33 Weeknd, enfin bref, non je ne t'ai plus.
01:35 Sorti d'album en fanfare, aussi avec un concert en plein été au plein cœur de Rome accompagné
01:41 d'un film d'un quart d'heure.
01:43 Géraldine, moi je dois savoir, ne vous moquez pas de mes lapsus.
01:46 L'opus qui a dépassé un milliard de streams sur les plateformes en un mois, est-ce que
01:50 c'est un signe de qualité ? Je commence avec vous Olivier Lam.
01:54 Grandeur et décadence du blockbuster.
01:56 Il y a quelque chose d'assez fascinant et in fine je crois assez kitsch dans cette débauche,
02:01 parce que c'est vraiment une débauche, humaine, financière, temporelle, parce que c'est
02:05 un disque qui a pris beaucoup de temps.
02:06 Sur le côté romantique en plus ?
02:08 Oui, avec le côté très wagnerien.
02:11 Le disque c'est aussi un truc, on va dire, c'est une marque de fabrique de Travis Scott
02:16 comme musicien, comme producteur, et pour lequel il a aussi un talent indéniable.
02:21 C'est comme ça qu'il s'est fait connaître, la percussion énorme, la grosse pêche d'orchestre
02:25 Wagnerien, un truc comme ça.
02:26 Et là le disque, dès le début, c'est vraiment le gros morceau.
02:30 Après le disque est très, très inégal.
02:31 Est-ce qu'on sait juste, pardon, combien ça a coûté ? On a une idée ?
02:35 Non, non, mais je crois que...
02:36 En milliards ?
02:37 Peut-être pas en milliards, mais je sais que...
02:38 L'album ou la totalité de ses films ?
02:40 Non, je ne suis pas sûr qu'il communique sur le prix de ses disques, contrairement
02:45 à Kanye West qui reste un peu son modèle et son mentor, voire celui qu'il copie allègrement.
02:50 Mais là, il y a un côté quand même beaucoup de bruit pour rien, une manière de combler
02:55 le vide parce que c'est un disque qui ne parle pas de pas grand-chose.
02:59 Pour moi, c'est un disque d'ambianceur, c'est un disque de...
03:03 Je ne sais pas, je vais comparer ça à un défilé de mode très chic, ce qui ne veut
03:07 pas dire qu'il n'y a pas des moments musicalement qui sont absolument brillants, mais ça ne
03:10 porte absolument pas à conséquences.
03:12 Il y a un côté déraciné dans les bonnes idées.
03:14 Un de gros événements qui fait pchit, vous êtes d'accord ?
03:17 Oui, ça fait heureusement que vous avez doliné.
03:18 Moi, je repère beaucoup les invités qui dolinent.
03:21 Je dolinais.
03:22 Je doline parce que je ne trouve pas vraiment que ça fasse pchit.
03:26 Alors oui, l'inégalité de cet album, c'est sûr, qui est en plus trop long.
03:29 Il y a que 19 titres, on aurait pu vraiment s'en passer.
03:32 Je pense que 12 auraient été parfaits.
03:33 12, ça aurait pu être un album assez grandiose, ce qu'ils recherchaient.
03:36 De toute façon, tout est question d'élévation ici et de chute, à l'image de la pochette.
03:41 On ne sait pas trop s'il chute, s'il danse, vers où il se mouille.
03:46 C'est une pochette qui est très belle, d'ailleurs, il faut le dire.
03:47 Magnifique pochette.
03:48 On le voit un peu distordu.
03:50 Son corps est tordu.
03:54 Il n'est pas centré, d'ailleurs, alors que bon, évidemment, il a son ego.
03:58 Sinon, il ne serait pas rappeur.
03:59 Mais il y a quand même des morceaux que je trouve absolument brillants.
04:02 Alors, c'est vrai que du point de vue des paroles, c'est moins abouti qu'Astroworld.
04:04 Son dernier album, qui était assez impeccable, sorti en 2018 à peu près.
04:10 Mais il y a quand même des choses qui se disent.
04:14 Je ne suis pas d'accord avec Olivier.
04:15 Il y a des choses qui se disent, mais pas de manière aussi construite.
04:19 De toute façon, c'est un album qui est segmentaire.
04:20 C'est la structure qu'il aime.
04:23 C'est-à-dire, effectivement, ce souffle wagnerien, cette surenchère de baroque, vraiment,
04:30 mais qui est segmentée, qui est fragmentée.
04:33 Et c'est comme ça qu'il construit ses morceaux.
04:35 Par exemple, je pense à "My Ice", où il revient sur ce drame dont on est obligé
04:41 de parler tout de même, quand même, d'immort, lors d'un festival en 2021, si je ne m'abuse.
04:47 Énorme mouvement de foule, bousculade, d'immort.
04:50 Et il ne s'était pas d'ailleurs beaucoup exprimé.
04:52 Il s'était tenu un peu à distance.
04:53 Oui, le temps d'être blanchi du point de vue judiciaire.
04:56 Et c'est quelque chose qu'il travaille.
04:58 Et cette culpabilité revient plusieurs fois.
05:00 Enfin, à la fois, cette culpabilité et à la fois, cette auto de rédemption.
05:04 De toute façon, il fait tout en auto.
05:05 C'est-à-dire qu'il s'auto-félicite, il s'auto-critique, il s'auto-pardonne,
05:10 "I forgive myself", lui dit Dave Chappell.
05:11 Et quand Dave Chappell dit ça dans un des morceaux, chante ça dans un des morceaux,
05:15 clairement, il se met à la place de Travis Scott.
05:18 Il y a une question qui m'intéresse.
05:19 Vous dites, d'un côté, il ne dit rien, il ne dit pas grand-chose.
05:22 D'un autre côté, vous dites, il dit quelque chose.
05:23 Déjà, premier point, quand on écoute Travis Scott, on ne comprend pas forcément.
05:27 En fait, on peut aussi écouter plus une musicalité des paroles.
05:29 Alors, qu'est-ce qu'il dit ? Et pourquoi pour vous, Olivier Lame, il ne dit rien, et
05:32 pour vous, ce vide rosement, il dit quelque chose ?
05:34 Peut-être parce que j'ai réécouté plusieurs fois.
05:35 J'ai réécouté plusieurs fois.
05:38 Je ne pense pas que ce soit un album, d'ailleurs, comme Olivier, qu'il ait écouté plusieurs
05:42 fois.
05:43 Mais je vois ce que veut dire Olivier.
05:44 C'est-à-dire qu'il n'y a pas la consistance qu'il y avait dans "Astro World", dans ses
05:47 textes, qui était quand même beaucoup plus consistant.
05:49 Il allait plus en construction, au niveau du système.
05:52 En fait, c'est comme si on avait fait...
05:53 Le texte est fragmentaire.
05:55 C'est-à-dire que ce serait une phrase par-ci, une phrase par-là.
05:57 Mais pour avoir un morceau qui parle entièrement de son lien à ce qui s'est passé ce jour-là
06:02 à Houston, sa ville natale, là où avait lieu le festival, on ne l'aura pas.
06:06 Ce sera vraiment par-ci, par-là.
06:07 On ne va pas rentrer dans le détail de 19 morceaux, mais il y en a un qui, pour moi,
06:11 est le meilleur du disque, qui est un des plus rares d'ailleurs.
06:13 Il est produit par James Black et The Alchemist.
06:16 Il s'appelle "Lost Forever".
06:19 C'est un disque qui est vraiment un indice sur la perte, la perte de repère, la perte
06:22 de sens, etc.
06:23 On peut faire des très grands disques sur le vide, sur l'absence de sens, etc.
06:28 Mais là, pour moi, il n'y a pas du tout de souffle.
06:31 Précisément, il n'y a pas de corps.
06:32 Et on peut parler aussi de ce qu'il est comme rappeur.
06:34 Et je pense que c'est quand même le principal problème de ce disque.
06:37 Pour moi, c'était le même problème pour "Astro World".
06:39 Ça pose une question.
06:40 Est-ce qu'on peut exister dans le rap américain actuel, qui par ailleurs est en perte de vitesse
06:44 astronomique, et ça, on pourrait en parler si on a un peu de temps après, quand on n'a
06:48 ni flow, ni voix.
06:49 Et ce n'est pas qu'il est techniquement limité, parce qu'il est bon.
06:53 Mais je trouve que son rap est extrêmement rigide, franchement emmerdant, très monotone.
06:58 Et c'est comme si chaque envolée était une acrobatie qu'il avait répétée avant.
07:01 Il n'y a pas du tout de...
07:03 Et c'est très spectaculaire, parce qu'il partage des morceaux avec Tony White Savage,
07:09 avec Young Thug, qui sont vraiment des gens...
07:11 Ou Playboi Carti, qui sont des gens qui sont extrêmement singuliers au micro.
07:15 Et lui, à côté, extrêmement...
07:18 Oui, c'est...
07:19 - Alors pourquoi il est tant aimé ? Pourquoi il est tant attendu ?
07:21 - Parce que c'est un rappeur qui est apprécié.
07:24 Plutôt un artiste, je dirais, qui est apprécié.
07:25 Mais aussi peut-être pour sa démesure.
07:29 Et puis après, il y a des artistes qui sont des pop stars.
07:31 Moi, je ne m'explique pas forcément.
07:32 Pour moi, c'est un artiste dont le succès, franchement, dans le rap américain actuel
07:36 m'interroge beaucoup.
07:37 Je vois la débauche.
07:38 Je vois très peu le...
07:40 Il n'y a pas du tout la folie qu'il y a dans le 19e siècle.
07:43 - Il a perdu une flamme ou quelque chose ?
07:45 Ou alors il a toujours été comme ça et maintenant, on s'en rend compte parce que
07:49 ça saute aux yeux et aux oreilles ?
07:50 - Je pense qu'il a toujours été comme ça.
07:52 D'ailleurs, c'est intéressant d'utiliser le terme "flamme".
07:55 Et qui se surnomme "la flamme".
07:57 Travis Scott.
07:58 Et qu'il est beaucoup question de feu et de glace dans cet album.
08:03 Il y a vraiment un champ lexical autour de ça.
08:04 Et évidemment, autour du paradis et de l'enfer.
08:07 Donc, tout un délire biblique, sous influence, bien sûr, de Kanye West, qui est clairement...
08:12 J'allais dire le fantôme, non, parce qu'il est encore bien vivant, quoi qu'on peut se
08:15 poser la question.
08:16 - Il y a une nombre Kanye West qui plane sur la musique.
08:19 - C'est un bon frère.
08:20 - On peut parler d'un nombre Kanye West.
08:21 Et d'ailleurs, c'est un hommage très clair à Kanye West, cet album.
08:25 Et les meilleurs morceaux sont quand même sous une influence qui est plus qu'évidente,
08:31 complètement assumée.
08:32 - Je trouve que c'est les pires les morceaux sous influence.
08:33 - Ah non, moi j'aime beaucoup "Modern Jam".
08:34 J'aime beaucoup.
08:35 - Sur quoi sont les pires, madame ?
08:37 - Et là, pour le coup, c'est le plus critiqué.
08:39 "Circus Maximus", par exemple.
08:41 C'est vraiment des ersatz, c'est-à-dire le même genre de percussions.
08:45 - Ça fait presque plagiat, non ?
08:46 - Oui, ça fait...
08:47 Pour moi, c'est pas vraiment plagiat, puisque pour le coup, il y a un des morceaux, je crois
08:50 "Sirens", un morceau qui était peut-être prévu, je crois, pour un donda sur Kanye
08:53 West.
08:54 Kanye lui a littéralement donné le morceau en disant "t'en fais ce que tu veux".
08:57 - Les émots, c'est son "Modern Jam".
08:59 - Moi, je trouve que c'est un petit peu comme ce qu'on a vu dans le cinéma au printemps
09:03 et cet été, c'est-à-dire un système qui fonctionnait extrêmement bien en termes commerciaux,
09:09 de dépenses énormes pour des produits de plus en plus monstrueux et de plus en plus
09:13 composites, qui finissent par se planter.
09:17 Et là, la perte de vitesse du rap américain, qui est vraiment spectaculaire dans les charts
09:21 aux États-Unis, tendra à prouver que peut-être ce disque-là sera le dernier de cette espèce,
09:26 et peut-être pour des bonnes raisons.
09:28 - On va voir.
09:36 - On va voir.
10:03 - 19 titres dans cet album "Utopia", dont celui-là, "K-Pop" avec Bad Bunny et "The
10:08 Weeknd".
10:09 Travis Scott qui a multiplié, on l'a dit, les featurings, les collaborations.
10:13 Qu'est-ce que ça apporte dans cet album ? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus ?
10:17 - De plus, je ne crois pas.
10:19 Parce que c'est normal dans le hip-hop américain de multiplier les collaborations, les featurings.
10:23 - Là, il y en a énormément.
10:24 - Disons que c'est le casting qui est 5 étoiles, mais comme il l'a toujours fait, il voit
10:28 toujours...
10:29 Justement, il fait encore les choses en grand, sachant que ça s'accumule au fur et à mesure
10:31 de l'album.
10:32 Au début, il est seul.
10:33 Et d'ailleurs, c'est là où il y a les morceaux les plus intéressants.
10:34 Et puis après, ça y est, il sort "La Grosse Bertha", "Beyoncé", "The Weeknd".
10:37 - C'est "Beyoncé", "La Grosse Bertha" ?
10:39 - Non, pas du tout.
10:40 "Beyoncé", que j'aime bien, mais sur un morceau qui n'a strictement aucun intérêt.
10:43 Là, celui qu'on vient d'écouter, je trouve que c'est vraiment affreux.
10:45 Vraiment affreux.
10:46 Pourtant, j'aime bien Bad Bunny et "The Weeknd", mais là, vraiment, ça ne va pas du tout.
10:49 - Pourquoi ça ne va pas du tout, ce titre ?
10:51 - Je trouve ça très putassier, un peu dans ce qu'on peut avoir envie d'entendre maintenant,
10:57 mais non, pas ce qu'on pouvait avoir envie d'entendre il y a 4 ans.
10:59 Je trouve que c'est un morceau assez ringard.
11:01 Le reste, finalement, reste assez intemporel, parce qu'inscrit dans ce qu'il a fait cartonner
11:06 il n'y a pas si longtemps, mais qui reste, je pense, très fort.
11:10 Et d'ailleurs, "Exemplify", ma fille de 17 ans, adore cet album.
11:14 C'était une grande attente.
11:15 Et elle change de morceau préféré tous les 3 jours.
11:18 Je crois que, même sur les très jeunes générations, Travis Scott a énormément d'impact.
11:22 Mais c'est aussi renforcé par le fait qu'il y ait ce film dont on va parler,
11:25 qui l'a accompagné, et des samples très intéressants dont on peut parler après.
11:29 Mais c'est vrai que ce morceau ne m'intéresse pas.
11:31 Mon morceau préféré, c'est "Finn", avec Playboi Carti, qui est un rappeur d'Atlantin,
11:36 qui a vraiment une patte, comme disait Olivier tout à l'heure, vocale assez forte.
11:41 Et les démentions "fines", ça veut dire "zombies".
11:43 Il y a vraiment quelque chose d'atmosphérique, ce qui me transporte, en tout cas.
11:49 Pour moi, c'était le tube de l'été.
11:51 - Ça fonctionne auprès des plus jeunes, peut-être ?
11:54 Pour quelle raison ? Vous parliez de perte de vitesse, du rap US, Olivier Lam.
11:58 - Vous êtes trop vieux.
11:59 - Où est-ce qu'on arrive ?
12:01 - J'allais évoquer un disque qui est sorti la semaine dernière, d'un rappeur très différent,
12:05 qui s'appelle Earl Sweatshirt, qui est un disque sur lequel il y a littéralement un invité,
12:08 sur un morceau.
12:09 Sinon, c'est Earl, tout seul, avec son producteur, The Alchemist,
12:12 qui est aussi sur ce disque.
12:13 Non, mais je revenais sur la question de Geraldine, sur pourquoi ce morceau n'est pas intéressant.
12:18 Parce qu'il n'a pas d'âme, parce qu'il concentre tout ce qui fonctionne actuellement,
12:24 mais il le fait sans d'autres raisons que d'exister.
12:27 - En fait, c'est un projet vide, cet album.
12:28 C'est-à-dire qu'il y a beaucoup d'atours, il y a le film qui accompagne, dont vous vouliez parler.
12:33 - On est sur quelque chose de très chiffre.
12:34 On disait "La pochette est belle", oui, les clips sont très réussis.
12:36 Il y en a un qui est réalisé par Gaspard Noé.
12:37 On est vraiment sur une débauche, absolument.
12:40 Tout ça, moi, ne fait pas oeuvre, littéralement.
12:44 Et par ailleurs, même sur les invités, on est sur quelque chose d'extrêmement générique.
12:50 C'est-à-dire qu'il y a tous les invités, on va dire, dans la liste des 7-8 qu'il faut avoir.
12:55 - Il faut avoir du moment de base.
12:56 - J'étais très content de voir, y compris d'aller chercher des gens un peu moins connus, etc.
13:00 Je parlais de ce morceau très réussi, qui est "The Survivor", sur lequel il y a ce rappeur new-yorkais incroyable,
13:07 qui s'appelle Wes Sagan.
13:08 Et alors là, tout d'un coup, on se retrouve dans le rap, alors qu'avant on était dans la débauche.
13:13 C'est quasiment comme si on était dans deux univers parallèles.
13:16 - On l'a dit, 19 titres.
13:17 On l'a dit aussi, ce concert en plein milieu de la Roman antique.
13:20 Et puis, ce film aussi, "1h15", on l'a dit, notamment réalisé par Gaspard Noé.
13:25 - Entre autres.
13:26 - Entre autres.
13:27 Qu'est-ce que ça apporte, ce film ?
13:28 Ça vient justifier cette débauche de moyens, cette débauche de titres, et ce travail très long ?
13:33 - Je crois que ce film confirme surtout que c'est vraiment un artisan du pop mainstream.
13:41 C'est-à-dire que Travis Scott a compris qu'il fallait proposer quelque chose d'assez total.
13:46 Je pèse mes mots, ça ne veut pas dire qu'il fait œuvre totale.
13:48 Mais en tout cas, ce film est assez étrange.
13:51 Il s'ouvre sur un grand paysage très épique.
13:56 Il se bat avec une espèce de monstre à tentacules.
14:00 Bon, qu'est-ce que ça signifie, passons.
14:02 Et après, il se retrouve à converser avec Rick Rubin.
14:05 Ce n'est pas rien.
14:06 Mais Rick Rubin, lui, pose cette question assez intéressante.
14:08 "Are you still crying ?"
14:09 - Est-ce que vous pouvez dire qui est Rick Rubin ?
14:11 - Ceux qui ne connaissent pas Rick Rubin.
14:13 - Un grand producteur américain.
14:15 - Kanye West aussi.
14:16 - Oui, c'est vrai.
14:17 - Dora et Doran.
14:18 C'est ça qui est intéressant.
14:19 C'est celui qui a fait les...
14:21 Il y a Aerosmith notamment, et Rihanna de MC qui a mélangé.
14:24 - Qui a eu cette idée, effectivement, dans les années 80, de cette hybridité mainstream.
14:29 Et donc, Rick Rubin, qui est un gourou, le gourou de Malibu,
14:35 qui lui pose cette question.
14:37 Donc, il y a quand même l'émotion.
14:38 Ensuite, il y a le passage réalisé par Gaspar Noé,
14:41 qui est le clip de "Modern Jam",
14:43 qui entre autres a été produit par Guillaume M. Christo.
14:45 Donc là, effectivement, une fois encore, c'est assez irréprochable.
14:49 Ce titre fait à partir d'une démo du titre "I am a God" de Kanye West.
14:56 - Mais du coup, ce film, on en retient quoi ?
14:59 - On en retient.
15:00 Après, il y a toute sa performance à Pompéi.
15:03 Autant le concert a eu lieu à Rome, là c'était à Pompéi.
15:06 Dont on ne sait pas s'il incarne un empereur déchu ou un gladiateur au fait de sa gloire.
15:15 Et c'est ça que je trouve intéressant, finalement, chez Travis Scott.
15:17 C'est qu'il est vraiment toujours entre l'espèce d'énorme plantade et la gloire totale.
15:22 Et cela étant, cet album est un énorme carton, peut-être un des derniers, effectivement.
15:26 Mais il y a enfin, cette année, je crois que c'est la première fois qu'il y a des singles de rap qui se classent vraiment très haut dans les charts.
15:33 - Pour rappeler qu'à Pompéi, ça c'est aussi mal terminé.
15:36 Faut bien le dire.
15:37 Olivier, un dernier mot ?
15:39 - Oui, non, pour moi, ce film, c'est comme le reste, ça existe pour exister.
15:41 C'est pour faire du tapage.
15:43 Parce que sinon, il faut bien rembourser les dépenses.
15:45 Enfin, rentrer dans ses frais.
15:48 * Extrait de Travis Scott *
15:58 Jusqu'à 13h30, les midis de culture.
16:01 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosna Savoie.
16:04 - Et bien voilà, ça c'était pour Travis Scott.
16:07 Je rappelle quand même que son album s'appelle Utopia et qu'il est sorti fin juillet sous le label Cactus Jack Epic Records.
16:13 On change de style maintenant avec un album qui sort aujourd'hui même sous le label Young.
16:18 Il s'appelle Midair et il est signé Romy.
16:22 * Extrait de Travis Scott *
16:31 * Extrait de Romy *
16:52 - Dans le trio du groupe de rock britannique The XS,
16:55 elle était là seule à ne pas avoir tenté l'aventure en solitaire.
16:58 Et bien c'est désormais chose faite.
17:00 Puisqu'à 36 ans, Romy Madley Croft sort aujourd'hui son premier album solo.
17:04 Donc sous un nom d'artiste un peu raccourci.
17:06 Romy, l'album s'appelle Midair.
17:08 11 titres qui célèbrent selon elle l'amour, la fête, la danse.
17:12 Est-ce que vous êtes prête à danser avec Romy ?
17:16 Sophie Rosemont ?
17:17 - Ah oui, moi je suis complètement prête à danser avec Romy.
17:21 C'est vrai que j'ai toujours beaucoup d'affection.
17:25 C'est sans doute mon album préféré dans la catégorie des solos de The XS.
17:29 J'avais vraiment été très touchée par celui d'Oliver Simm l'année dernière
17:33 qui s'appelait "He'day who's bastard".
17:35 Tout comme celui d'Oliver.
17:37 Ils sont tous restés très amis.
17:38 Et d'ailleurs Jimmy XS intervient ici.
17:40 Celui de Romy est très intime, ce livre.
17:44 C'est la première fois qu'elle utilise le pronom "she".
17:47 Où elle parle très ouvertement de ses amours homosexuels.
17:50 D'ailleurs ce morceau qu'on vient d'entendre, "L'horreur",
17:52 est une lettre d'amour à sa femme, Vic, qui d'ailleurs a réalisé ses clips.
17:56 Et pour elle c'était important d'assumer complètement son homosexualité,
18:00 la chanter, faire un album de chansons d'amour d'une femme à une femme.
18:04 Tout simplement.
18:05 Sur fond de Dancefloor.
18:07 On va en parler plus en profondeur j'imagine.
18:10 Il est vrai que ce côté très dance n'est pas que danse.
18:13 Il est nourri d'énormément d'autres éléments.
18:16 Et il est porté par des paroles très mélancoliques.
18:20 Donc ici il s'agit d'amour, l'amour déçu, le coup de foudre.
18:23 On se retrouve, est-ce que je vais réussir cette fois-ci cette relation ?
18:26 Il est aussi traversé par la figure maternelle.
18:28 Elle a perdu sa mère à 11 ans, Romy.
18:30 Et elle est au centre de "Enjoy your life".
18:32 Et tout ça allié à ce que la pop britannique adore,
18:36 mais aussi le disco ou la house, a des rythmes extrêmement dansants.
18:39 Le principe de pleurer sur le Dancefloor.
18:41 Ça marche très bien ici avec Romy.
18:44 Dont l'album préféré est "Confessions" en Dancefloor de Madonna.
18:48 Exactement, avec quelques influences aussi sur ce titre-là.
18:52 Et le même producteur.
18:54 Olivier Lam, sur cette idée de Danceclub, vous êtes séduit ?
18:58 On la connaissait, roqueuse dans "XXX",
19:01 mais est-ce que là elle montre un nouveau visage ?
19:04 Alors, j'ai plusieurs réserves.
19:06 Je vais commencer par là.
19:07 D'abord, je vais commencer par ce que j'aime énormément dans ce disque.
19:09 Et là, le morceau qu'on a écouté, on a écouté un extrait.
19:12 Ça fait un truc assez merveilleux,
19:14 qui est quasiment de scénariser l'entrée en scène.
19:16 Le passage de la banalité du quotidien à la fiction du Dancefloor,
19:20 le club, etc.
19:21 La lumière crue du jour jusqu'au spotlight qui magnifie tout.
19:26 Et aussi la transformation du vilain petit canard en diva disco, en quelque sorte.
19:32 Et ça se joue par l'arrivée devant le micro.
19:36 On entend le pied qui marque le temps.
19:41 On entend quelqu'un qui dit "Est-ce que tu peux monter un peu le volume ?"
19:44 On entend ensuite quelqu'un fredonner, un peu comme sous la douche.
19:47 Et puis le son grossit, grossit.
19:48 Et puis tout d'un coup, la chanteuse de Dance Music, un peu improbable,
19:52 qui est Romy, qui est une chanteuse qui a une voix plutôt fragile,
19:54 s'épanouit, se dévoile.
19:56 Et là, on arrive vraiment dans un disque de Dance Music.
19:58 Et je trouve que tout le disque prolonge un peu cette dualité intéressante,
20:01 cette circulation entre deux mondes.
20:04 Mais en même temps, la Dance Music a toujours un peu porté ce paradoxe,
20:08 surtout au Royaume-Uni,
20:10 surtout le disque de pop influencé par la Dance Music.
20:12 Et j'aime bien cette mise en récit de Romy Medley Croft,
20:16 comme artiste et comme chanteuse.
20:18 Et ensuite, sa voix ne cesse de muter tout au long du disque,
20:22 à la fois parce qu'elle en fait en tant que chanteuse,
20:24 et aussi parce que la technologie et ses producteurs en font.
20:26 Il y a énormément de moments où la voix est transformée, déformée, magnifiée,
20:30 voire un petit peu sabotée.
20:33 Ce qui représente quelque chose, j'imagine, d'une identité fluide.
20:36 Après, paradoxalement, je trouve que le disque manque un peu de grâce.
20:39 Je pense que dans les modèles, très clairement,
20:42 il y a un duo qui est un des plus chers à mes yeux,
20:44 qui s'appelle "Everything About The Girl",
20:47 dont la chanteuse Tracy Thorne.
20:49 C'est un duo qui, ils ont chacun une soixantaine d'années,
20:52 ils ont sorti un disque absolument magnifique au printemps.
20:55 Qui est une des plus grandes chanteuses anglaises,
20:58 et qui est une vocaliste absolument incroyable.
21:00 Et que Romy singe un peu,
21:03 parfois pour le meilleur,
21:04 et parfois, on voit un peu quand même que
21:06 on n'est pas sur le même niveau de coffre.
21:09 - Est-ce que ça ne fait pas un peu un album déjà écouté ?
21:12 C'est-à-dire que quand on n'a pas le sous-texte de qui elle est,
21:14 d'où elle vient, de sa transformation et tout,
21:17 une écoute comme ça,
21:18 - Non, ce n'est pas une originalité incroyable, effectivement.
21:20 - Voilà, une écoute comme ça, si on n'a pas tout ce contexte-là,
21:22 finalement, ça ne nous préserve pas de se dire
21:24 "Je l'ai déjà entendu plusieurs fois".
21:25 - C'est un disque de dance-musique,
21:27 sur la dance-musique, très clairement.
21:28 - Et sur l'amour.
21:29 - Et sur l'amour, mais c'est aussi un disque...
21:31 - De redondance, en fait.
21:32 - Et sur l'amour, parce qu'il y a cette métaphore de l'état,
21:35 de "mid-air", comme ils disent.
21:37 C'est-à-dire qu'on est entre deux mouvements,
21:39 qui est aussi celui de l'amour naissant,
21:41 ou de l'amour qui se prolonge,
21:42 la dissolution dans l'autre, etc.
21:45 Ce qui est très joli,
21:46 ce qui n'est pas non plus complètement nouveau,
21:47 mais en gros, depuis Gloria Gaynor,
21:49 on sait que le disco peut être très triste.
21:51 Il est principalement triste,
21:54 il est principalement en échappatoire, etc.
21:56 - Dans "Leave Me This Way".
21:58 - Et là, je trouve que le travail des producteurs,
22:00 qui sont principalement Stuart Price,
22:02 Jacques Lucon, que vous connaissez dans un groupe
22:04 qui s'appelle "Les Rhythmes Digitales",
22:05 Fred Hagen, un gamin un peu surdoué,
22:08 fils d'une grande famille,
22:11 qui a un succès hallucinant,
22:13 et Jamie Hexhax, qui file un coup de main.
22:15 Et je trouve qu'on est, selon les morceaux,
22:17 sur une espèce d'électro-dance,
22:19 qui est supposée être décomplexée,
22:20 mais qui finit par être assez générique
22:22 et assez inintéressante.
22:23 Et pour moi, musicalement,
22:25 sur les deux tiers de l'album,
22:27 il ne se passe pas grand-chose.
22:28 Ce qui est un peu frustrant,
22:29 c'est que j'aimais beaucoup.
22:30 Vraiment, c'est un disque qui a été fait
22:31 complètement pour me plaire.
22:32 - Musicalement plat, mais tout de même,
22:34 Sophie Rosemont attachée à l'histoire,
22:37 à la façon avec laquelle elle raconte aussi
22:40 toute sa partie intime,
22:41 toute son adolescence.
22:43 Elle dit écrire à destination des jeunes queers,
22:47 hommage aux artistes qui l'ont aidée dans sa vie
22:49 quand elle était plus jeune.
22:51 Elle raconte évidemment aussi sa façon
22:55 de vivre son homosexualité,
22:56 d'aller dans les clubs gays,
22:57 de profiter de ça.
22:58 C'est là aussi où il y a cette joie peut-être plus forte
23:01 et puis ce dancefloor.
23:02 - Oui, cette exultation.
23:04 La première fois que j'ai écouté l'album,
23:07 j'ai vraiment pensé à "Small Town Boy"
23:09 de Bransky Beat.
23:10 Effectivement, elle cite comme référence
23:12 et qui était la chanson qui portait
23:13 120 battements par minute,
23:14 un de Robin Campio,
23:15 où à défaut de pouvoir sauver sa peau,
23:18 le corps exultait sur le dancefloor.
23:20 C'est à peu près le même principe ici
23:22 où elle conjure totalement ses deuils du passé,
23:25 ses déceptions amoureuses
23:27 pour aller vers une euphorie,
23:29 à défaut de jouissance,
23:30 une euphorie qui la transporte.
23:31 Et puis, il y a l'intervention d'un artiste
23:33 dont il est, je pense, très important de parler.
23:35 C'est Beverly Glenn Copland
23:37 qui a vécu il y a quelques années un retour en grâce
23:39 suite à la réédition d'un de ses albums
23:41 qui s'appelait "Keyboard Fantasies",
23:42 qui était sorti en 1986
23:44 et qui avait été exhumé
23:46 par un collectionneur japonais en 2014, je crois.
23:50 Et qui est né femme et qui est devenu homme
23:53 au début des années 2000,
23:55 américain et canadien d'adoption.
23:57 Et il a fait un très bon morceau
23:59 qui s'appelle "La Vita",
24:00 un morceau très hybride,
24:01 beaucoup plus hybride que proposé Romy,
24:03 mais que Romy sample dans le morceau "Enjoy Your Life"
24:06 qui est un très très beau titre
24:08 qu'on va écouter maintenant, j'imagine.
24:11 [Musique]
24:15 [Musique]
24:18 - Ah oui, mais le vrai film vient de ça, non ?
24:42 - Ah bah oui, c'est vrai.
24:43 - Vous imaginez bien que le débat continue
24:45 même pendant "Enjoy Your Life" ?
24:47 - D'ailleurs, je plussois, vraiment.
24:49 C'est vrai que s'il y a vraiment un bel album
24:50 qui est passé un peu inaperçu,
24:51 c'est bien celui d'"Everything But The Girl"
24:53 avec ce duo qui est aussi un couple, toujours.
24:56 Merveilleux.
24:57 - On aurait dû faire une critique sur leur électro.
24:59 - Voilà, on a parlé de très effets bruts,
25:01 de politique.
25:02 - Romy, pour rien.
25:03 - C'est vrai que Romy,
25:04 c'est évidemment aussi un album politique,
25:06 mais évidemment, elle n'arrive pas
25:08 à tous les sous-textes politiques
25:09 d'"Everything But The Girl".
25:11 - Chez qui le silence est très important ?
25:13 - Mais sans même demander un album
25:15 avec un engagement politique,
25:17 avoir un album qui, même s'il rend hommage,
25:20 renouvelle quelque chose, apporte quelque chose.
25:22 Moi, quand j'écoute ça, j'ai l'impression
25:24 de réinventer la même chose depuis mes 14 ans.
25:26 - Je crois que là, on est aussi dans l'hommage,
25:27 quelque part, tout comme Trudy Scott
25:28 rend hommage à Kanye West
25:30 et peut-être réinvente pas énormément de formules.
25:33 Romy ne demande pas, n'exige pas,
25:36 n'avait pas dans le cahier des charges
25:38 de réinventer d'ailleurs.
25:40 C'est pour ça qu'elle a pris le producteur de "Madonna"
25:42 ou Fred Hogan, qui a quand même produit
25:45 Kylie Minogue, qu'on aime bien,
25:46 et "The Killers", qu'on déteste.
25:48 Franchement, il aurait pu s'en passer,
25:49 c'est vraiment un des pires groupes du monde,
25:50 mais ça, on en parlera peut-être une autre fois.
25:52 Mais par contre, il a travaillé avec Brian Eno.
25:55 Bon, voilà, c'est Brian Eno.
25:57 Mais je crois que non,
25:59 ce n'était pas dans son cahier des charges.
26:00 Et ce n'est pas grave, finalement,
26:01 de ne pas réinventer forcément
26:03 quand ce qu'on fait, on le fait bien.
26:05 Moi, je suis sur une piste de danse à 23h,
26:07 j'ai envie de m'éclater,
26:09 j'écoute cet album,
26:11 et en même temps, il y a du sens,
26:12 tout comme on danse, sur les grandes planètes.
26:14 On ira danser ensemble, Sophie Rosemont.
26:15 Pour terminer, Olivier Lam,
26:17 si je résume,
26:19 Romy sort de sa zone de confort,
26:21 et qu'est-ce qu'on va faire ?
26:24 Et on s'arrête là ?
26:26 Ça ne m'aurait pas dérangé qu'elle y reste.
26:29 Enfin, voilà.
26:30 C'était la dernière question.
26:31 Mais pourquoi est-il aussi méchant ?
26:32 On lui demandera.
26:33 Merci à vous, à tous les deux,
26:34 d'être venus dans les Midi de culture.
26:37 Sophie Rosemont, critique musicale pour Rolling Stones,
26:39 Vogue et Les Unrock.
26:40 Olivier Lam, on vous lit dans Libération.
26:42 On retrouve toutes les références,
26:44 et évidemment, des objets culturels que l'on critique
26:46 tout au long de la semaine sur le site de France Culture.
26:48 Rendez-vous à la page de l'émission,
26:50 les Midi de culture.

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