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Art et designTranscription
00:00 *Musique*
00:11 12h-13h30, les midis de culture, Géraldine Mossna Savoie, Nicolas Herbeau
00:19 Place à la critique et place aujourd'hui à deux films, deux films à haut risque,
00:24 l'épée des clichés planant au-dessus de leur tête, d'un côté Napoléon à la saucerie de l'escote,
00:30 de l'autre l'arche de Noé, film sur une association accueillant des jeunes LGBT,
00:34 mis à la rue par leur famille.
00:36 Ont-ils su éviter les écueils et même peut-être faire de bons films ?
00:41 On en posera, on posera la question à nos critiques ce midi.
00:46 Lucille Comeau, bonjour.
00:47 Bonjour.
00:48 Productrice à France Culture, on vous retrouve tous les matins à 8h55 pour votre regard culturel.
00:52 De face de vous Thierry Chesse, bonjour Thierry.
00:54 Bonjour.
00:55 Journaliste, critique de cinéma et directeur de la rédaction du magazine 1ère.
00:58 Soyez tous les deux les bienvenus dans les midis de culture.
01:00 *Musique*
01:06 Et on commence avec Napoléon de Ridley Scott en salle aujourd'hui.
01:10 Je ne suis pas fait comme les autres hommes.
01:13 *Musique*
01:17 Mais ceux au pouvoir ne me voient que comme un guerrier, ne pouvant prétendre à aucune charge.
01:21 *Musique*
01:27 Mais je marche dans les pas d'Alexandre le Grand et de César.
01:31 *Musique*
01:33 Quel est votre nom ?
01:34 Napoléon.
01:35 Le cours de ma vie vient-il de changer, Napoléon ?
01:39 *Musique*
01:42 J'ai trouvé la couronne de France dans le ruisseau et je l'ai placée sur ma tête.
01:48 *Musique*
01:50 Faire son Napoléon en film, certains l'avaient rêvé.
01:53 Chaplin, Kubrick, d'autres l'avaient fait.
01:55 Abel Gance, Guitry.
01:56 Mais cette fois-ci c'est Ridley Scott qui s'en charge.
01:59 Pas étonnant pour le réalisateur américain à la longue carrière de 46 ans.
02:03 Tell Mael Wyss, Gladiator ou Seul sur Mars entre autres.
02:06 Qui déclare, je cite, ça m'a beaucoup frappé,
02:08 « J'adore les récits historiques car l'histoire me passionne ».
02:12 Soit, son Napoléon qui retrace l'ascension du chef militaire et politique,
02:16 de l'exécution de Marie-Antoinette en 1793 jusqu'à sa mort en 1821 à Sainte-Hélène,
02:21 faite de stratégies et de batailles mémorables.
02:24 Toulon, Austerlitz ou Waterloo n'est pourtant pas un biopic ni un film historique.
02:29 Mais quel film est-il alors ?
02:31 Nous dévoilons aussi un empereur déchiré par son amour pour Joséphine de Beauharnais,
02:34 tout en grisaille et en lettres à l'eau de rose.
02:37 Que cherche à nous dire Ridley Scott du mythe Napoléon ?
02:40 Lucille Como ?
02:42 *Rires*
02:44 Non, justement, j'aurais bien de la peine à remplir ces deux heures,
02:48 parce que je ne suis pas sûre qu'il en dise grand chose.
02:50 Et d'ailleurs, vous avez cité quelques petites citations de ses interviews,
02:54 on en parlait un tout petit peu avec Thierry Chassol,
02:56 même si je sais qu'on n'a pas le droit hors antenne.
02:58 Et c'est vrai que ses interviews, j'en ai lu un tout petit peu,
03:01 des toutes petites parcelles comme ça, par-ci, par-là,
03:04 il ne dit rien, je pense qu'il le fait exprès.
03:06 Je ne pense pas que Ridley Scott soit idiot, je ne pense pas que ce film soit bête.
03:09 En revanche, c'est très compliqué de comprendre ce qu'il veut dire sur Napoléon.
03:13 Et à quel point, à quel niveau on se situe de distance par rapport au personnage ?
03:19 Moi, je trouve qu'il y a plein d'options possibles.
03:21 Alors, en effet, apparemment, c'est la grande fresque.
03:24 Ça commence même avec écrit à la plume qui crisse sur l'écran noir 1789.
03:29 *Rires*
03:30 Comme un bon film d'époque qui se respecte.
03:32 Exactement, avec l'espèce d'écriture gothique,
03:34 l'espèce de jaune un peu doré, voilà, qui ressort sur l'écran noir.
03:37 Et ça s'achève en 1821.
03:39 Il y a une espèce de volonté de faire le tour de la question.
03:42 Et une sacrée question, puisque Napoléon a traversé la France à un des moments les plus denses de son histoire.
03:48 Moi, je trouve ça extrêmement drôle parce que c'est très expédié.
03:51 C'est-à-dire qu'on sent quand même que ce qui intéresse, même s'il essaie de tout tenir Ridley Scott,
03:56 c'est le stratège et les grandes scènes de guerre.
03:59 Moi, je trouve que c'est ce qui est le plus réussi.
04:01 C'est assez impressionnant, les grandes batailles au Sterlitz, Waterloo, etc.
04:05 Ce sont des moments de bravoure d'un point de vue cinématographique.
04:08 En revanche, tout le reste, c'est-à-dire la politique,
04:12 c'est complètement expédié.
04:14 Moi, je le trouve assez drôle et comme d'habitude.
04:17 Mais assumé presque ?
04:18 Je ne sais pas.
04:19 En fait, toute la question, c'est qu'est-ce qui est assumé dans l'effet comique que produit le film.
04:25 C'est-à-dire que moi, j'ai beaucoup ri.
04:27 J'ai ri à la première apparition de Joaquin Phoenix,
04:29 qui en fait figure un Napoléon complètement statufié déjà, donc entièrement poussiéreux.
04:33 On dirait qu'il a une couche de blanc sur la tête, mais comme un comédien de théâtre.
04:37 Il y a d'ailleurs un petit moment où Napoléon se rend dans un théâtre,
04:40 ça se passe au début du film, et regarde un spectacle inspiré de la Révolution française,
04:44 où on revoit l'assassinat de Marie-Antoinette.
04:47 C'est-à-dire que le film commence avec l'assassinat de Marie-Antoinette, le vrai,
04:51 et puis très peu de temps après, on regarde l'assassinat de Marie-Antoinette joué de manière burlesque
04:56 et ultra érotique, comme le théâtre le faisait à ce moment-là,
04:59 donc dans les années de la terreur, juste après la terreur,
05:02 de manière complètement décalée et burlesque.
05:04 Est-ce que le film fait ça ?
05:06 C'est toute la question qu'on se pose tout du long.
05:08 Est-ce que Joachim Fénix est un pontin ?
05:11 A quoi ça sert ? Si c'est un pontin, à quoi ça sert ?
05:14 Est-ce que c'est une manière de dégrader la figure historique ?
05:16 Est-ce que c'est une manière, au contraire, de nous dire
05:18 "Regardez, je suis intelligent, je sais très bien que je ne vais pas faire un biopic
05:21 parce que je ne vais pas me prendre Napoléon, c'est trop compliqué,
05:23 donc je prends le super Napoléon, c'est-à-dire Napoléon déjà fétichisé
05:27 par des milliards de discours et des films".
05:30 On ne sait pas.
05:31 Il y a vraiment une indécisabilité autour du premier degré
05:34 qui est l'intérêt du film, ce qui est bizarre à dire comme ça,
05:37 mais constitue quand même un intérêt du film.
05:39 Thierry Ches, vous aussi sur cette indécisabilité,
05:43 vous l'aviez dit très très vite.
05:45 Je ne le répéterai pas ce mot.
05:47 Moi je pense que comme à peu près 90% des films de Ridley Scott,
05:52 il faut attendre le directeur Scott de 4h30.
05:55 C'est-à-dire que tous les films, il les refait après.
05:57 Il ne s'appartient pas à sortir sur Apple la version de 4h30.
06:01 Ce que je vous ai donné, c'est qu'apparaît dans la liste des comédiens,
06:04 Ludivine Sagné par exemple, qui sauf si je me suis endormi
06:07 ou j'ai cligné un oeil, n'apparaît pas à l'écran.
06:10 Elle était dans une foule en figurant.
06:12 À Waterloo, probablement.
06:14 Moi je dois avouer que celui qui avait débuté avec les duellistes,
06:17 ça m'excitait de voir ce qu'il allait faire de ce Napoléon.
06:20 Ça me faisait marrer qu'un anglais s'empare de la figure de Napoléon.
06:23 C'est assez drôle que Waterloo est finalement la bataille
06:26 qui prend le plus de place par rapport au Staline.
06:29 Ça j'aime bien. Le problème c'est que moi j'ai l'impression
06:32 en voyant le film qu'il veut faire vraiment un film sur Joséphine.
06:35 Que c'est ça qui l'impressionne, sauf qu'à un moment,
06:38 l'histoire avec Joséphine s'arrête, et puis que surtout,
06:41 il faut quand même bien qu'il traite tout le reste.
06:43 Alors, heureusement qu'il le traite parce qu'en effet,
06:45 je suis tout à fait d'accord avec Lucille, les batailles
06:47 c'est quand même très impressionnant.
06:49 On a de bon en avoir vu beaucoup, je trouve qu'il y a une maestria.
06:53 - Ça c'est réussi.
06:54 - Ça c'est vraiment réussi.
06:57 Mais à partir du moment où on veut raconter tout Napoléon,
07:00 et moi j'ai le sentiment quand même qu'on veut laisser
07:03 beaucoup de place à Joséphine, on n'arrive pas non plus,
07:07 même si c'est à 2h38, il faut quand même se taper
07:10 tous les passages obligés, il faut cocher plein de cases.
07:13 Et donc, Joséphine est là, on sent bien qu'elle a de l'importance,
07:16 on se dit tiens, elle aura de l'importance dans les 75 heures.
07:19 Mais là, c'est un peu coupé.
07:20 - Donc on est en train de se dire que Ridley Scott n'a pas fait le choix
07:24 de faire un film sur Joséphine et la relation avec Napoléon.
07:28 C'est ça Lucille ?
07:29 - Alors moi je ne suis pas tout à fait d'accord avec Thierry.
07:31 Je pense qu'il fait le choix, mais de la même manière,
07:33 c'est-à-dire un peu perverse finalement.
07:35 Et le fait de commencer par la mort de Marie-Antoinette,
07:37 qui est le premier personnage historique qu'on voit à l'écran,
07:39 c'est déjà quand même un peu culotté.
07:41 On nous annonce Napoléon, les affiches sont telles qu'on les voit
07:43 un peu partout dans les métros.
07:45 - Avec une phénix en branle.
07:47 - En énorme, avec son bicorne et tout.
07:48 Et ça commence avec une femme à perruque qui est Marie-Antoinette.
07:51 Et moi je relirais ce film plus à...
07:53 Pas tant avec les duélistes, son premier film qui se passe au moment...
07:57 Même au moment historique, qu'avec son film qui s'appelle
07:59 "Le dernier duel".
08:00 - Mais qui n'est pas du tout sur Napoléon.
08:01 - Non, non, pas du tout.
08:02 - Non, mais c'est là où il avait dit...
08:03 En finissant les duélistes, je me dirais...
08:05 J'ai envie de sortir sur Napoléon.
08:07 Bon, c'était en 1978.
08:08 - Donc ça fait quand même un certain nombre d'années.
08:10 - C'était son premier film.
08:11 - Voilà.
08:12 - Non mais il a fait un film il y a peu de temps
08:13 qui s'appelait "Le dernier duel" et qui commençait aussi
08:16 par une scène de potentiel, bon ça se passait au Moyen-Âge,
08:19 exécution d'une femme.
08:20 Et c'était aussi une grosse fresque historique avec des personnages
08:23 qui sont, disons, nécessairement, vu l'époque, des personnages masculins
08:27 puisqu'ils rentrent dans la geste de la grande masculinité dans l'histoire.
08:31 Donc là il fait la même chose avec Napoléon.
08:33 Et hop, il fait un petit détour et il commence avec Marie-Antoinette
08:36 pour en effet enchaîner assez rapidement.
08:38 Et en effet, c'est un personnage très important,
08:40 Joséphine de Beauharnais, qui est donc la première épouse de Napoléon,
08:44 qu'il a épousée assez tôt, avec qui il a eu une histoire très longue
08:47 puisqu'en fait il n'a cessé de lui écrire même quand ils ont divorcé.
08:50 Ils ont divorcé parce qu'elle ne pouvait apparemment pas avoir d'enfant
08:54 et donc il lui fallait un successeur, un héritier.
08:56 Bref, en effet l'histoire conjugale, amoureuse,
08:59 je dirais plutôt conjugale des deux personnages, est au centre du film.
09:02 Ça pour le coup c'est assumé.
09:04 Je ne pense pas qu'il y a besoin de la version de 4h20 pour s'en rendre compte.
09:07 Et ce qui est marrant, je trouve, et qui en fait me renvoie
09:09 à une précédente conversation avec vous Thierry sur le Scorsese,
09:12 c'est que Vanessa Kirby, qui joue donc Joséphine de Beauharnais,
09:16 elle n'est pas du tout traitée à l'image, pareil que les hommes.
09:19 Les hommes sont tous perruqués, ils sont tous grimés,
09:21 ils ont plein de poudre blanche sur la gueule en gros.
09:23 Et elle, elle a un truc de luminescence de la peau,
09:26 elle est beaucoup plus humaine dans sa gestuelle,
09:28 elle est anachronique au sens premier, c'est-à-dire qu'elle surgit
09:31 dans la fresque historique, un peu comme une femme du contemporain.
09:34 Et un peu comme dans le film de Scorsese, avec cette indienne
09:37 qui rayonnait, entourée d'acteurs, de Nero, Di Caprio, fétichisés comme tels,
09:44 on a un peu le même fonctionnement, avec un réalisateur
09:47 qui a un peu le même âge, qui se situe un peu au même endroit à Hollywood,
09:50 et qui fait à nouveau un film un peu...
09:53 Alors, est-ce que cynique, est-ce que engagée sur la place des femmes
09:58 dans un moment historique ?
10:00 - On doit se dire qu'il aurait dû intituler son film "Joséphine"
10:03 et que ce serait presque féministe.
10:06 De la même manière que son précédent film était sur une espèce de limite
10:09 très compliquée sur la question de la violence sexuelle,
10:12 de ce qu'on peut montrer, etc.
10:14 Moi je défendais plutôt le film, mais il s'était pris des torrents
10:17 d'insultes et de procès en réaction.
10:20 Alors que, moi je trouve qu'il y a un geste, je n'arrive pas à le qualifier précisément,
10:24 mais je trouve qu'il traverse Hollywood par ailleurs,
10:27 donc il est intéressant, et il est au cœur du film.
10:30 - Est-ce que vous êtes d'accord avec ça Thierriche ?
10:32 C'est à savoir sur cette relation entre Joséphine et Napoléon,
10:35 qui occupe le centre du film, c'est ça l'angle du film de Ridley Scott,
10:38 et presque un film sur Joséphine.
10:41 - Comme Scorsese, de la même manière, je n'y vois pas de cynisme,
10:45 je pense que c'est vraiment la volonté,
10:48 en plus tu te rappelles Vanessa Kirby qui est vraiment une grande actrice,
10:51 et lui donner des choses à faire,
10:54 ça crée d'ailleurs aussi de la comédie,
10:56 parce que quand vous parlez de films sur la conjugalité,
10:59 c'est qu'à un moment il ne reçoit plus de lettre,
11:01 donc il quitte l'Egypte pour venir voir si elle n'est pas en train de coucher avec quelqu'un.
11:04 Donc ça crée, on est d'un seul coup au théâtre ce soir.
11:07 Mais moi c'est justement parce qu'il y a ça,
11:12 que j'ai envie que ça aille plus loin,
11:14 j'ai envie de passer plus de temps avec elle.
11:17 - Oui mais vous n'auriez pas eu les scènes de bataille à ce moment-là.
11:20 - Oui mais il y a d'autres, enfin les scènes de bataille,
11:23 sur 2h38 ça n'occupe pas quand même 1h45,
11:26 et je trouve que par moment,
11:28 puisqu'il a l'air vraiment de se moquer totalement de tout ce qui est le straté...
11:32 Moi j'en aurais encore plus enlevé,
11:34 j'aurais été encore plus à...
11:36 Moi sur le dernier duel,
11:38 ce que j'aimais c'est l'équilibre entre les différents personnages,
11:41 et c'est pour ça que moi je l'avais beaucoup défendu,
11:43 c'est qu'il y avait une vraie place,
11:44 ce n'était pas juste un gadget au milieu des deux.
11:46 Là, moi je sens une volonté,
11:48 et en même temps des contraintes,
11:49 ce qui est de se dire,
11:50 oui mais c'est Napoléon,
11:51 donc quand même, fais-nous Napoléon,
11:54 fais aussi Joséphine,
11:55 mais fais-nous Napoléon.
11:56 - Fais-nous Napoléon,
11:57 donc ce n'est pas véritablement un film historique,
11:59 comme ça on a bien compris,
12:00 il y a de la dérision,
12:01 donc là on retrouve l'œil britannique peut-être du réalisateur,
12:06 - Mais on ne sait jamais si c'est fait exprès,
12:08 c'est ça le truc avec la dérision.
12:09 - C'est ce que j'allais vous demander,
12:10 mais est-ce qu'on va par exemple jusqu'à la mort de Napoléon,
12:13 jusqu'à son exil à Sainte-Hélène,
12:15 puisque ce sont les anglais qui l'ont envoyé là-bas,
12:18 est-ce qu'on va jusqu'au bout de cette histoire,
12:20 ou justement est-ce qu'on se perd un peu dans ce couple ?
12:24 - On va au bout,
12:26 et on va même avec les chancors,
12:27 si vous aimez Immouvrini, vous serez ravis,
12:29 ça commence par du Edith Piaf,
12:31 et ça termine par…
12:33 - Il y a du souproco-fief dans toutes les batailles en Russie,
12:36 c'est foisonnant en termes de musique.
12:39 - Il y a quand même cette volonté de ne pas faire vraiment de choix,
12:42 et de dire "on va, on vous raconte tout",
12:46 et les historiens auront forcément des choses à dire,
12:49 moi là-dessus, à partir du moment où c'est de la fiction, ça ne me gêne pas.
12:51 - Les critiques sont quand même plutôt assassines,
12:53 depuis hier, depuis ce matin,
12:55 et ce qui ressort surtout,
12:56 c'est le fait que Ridley Scott s'en fiche complètement de son sujet,
12:59 soit un cinéaste orgueilleux.
13:01 - C'est le truc du cynisme aussi.
13:03 - Vous avez trouvé que c'est un film orgueilleux ?
13:05 C'est-à-dire vraiment, allez, je vais prendre "Kubrick ne l'a pas fait, moi je vais le faire",
13:08 et en plus, je vais me payer le luxe de n'en avoir rien à faire.
13:11 Est-ce que c'est ça qui ressort quand même, quand on est spectateur,
13:13 on a l'impression d'être pris pour un idiot presque ?
13:16 - De toute façon, le geste est énorme,
13:18 c'est-à-dire que c'est ce que je vous décrivais,
13:19 cette plume en doré sur l'écran noir, 1789,
13:22 alors qu'on sait que ça va se terminer en 1821.
13:24 Évidemment que c'est un geste orgueilleux,
13:26 mais bon, ça, à la limite, c'est pas vraiment une bêtise.
13:29 - C'est pas gênant quand on le regarde.
13:30 - Non, alors on se sent pas pris pour un idiot, pas du tout.
13:33 Parce qu'il y a un truc assez marrant,
13:35 quand vous vous parliez de Vanessa Kirby
13:37 et de son personnage de Joséphine,
13:38 et je reviens à votre question Géraldine,
13:40 en fait, très souvent, quand Napoléon parle,
13:43 elle, elle rigole.
13:44 C'est-à-dire que pendant tout le début, leurs rencontres, etc.,
13:47 elle a une espèce de petit rire qui n'est pas du tout de l'ordre du gloussement.
13:50 Là, ce serait carrément, pour le coup, misogyne,
13:52 mais qui est de l'ordre d'un truc un peu ironique.
13:55 C'est-à-dire que lui, il fait des grandes phrases
13:57 sur la conjugalité, sur la France, sur la Révolution,
13:59 enfin, sur tout ce que vous voulez.
14:00 Et elle, son premier réflexe, c'est cette espèce de rire
14:03 qui est à la limite de la gêne,
14:05 ou alors, au contraire, de la mise à distance,
14:07 de la réappropriation de soi.
14:09 Et ce rire-là, je trouve, il dit toute l'ambivalence
14:12 de la posture dans laquelle, en tant que spectateur,
14:14 on se trouve devant ces espèces de scènes hyper épiques,
14:17 gonflées du bris.
14:19 On ne sait pas si c'est sur la déconstruction du mythe
14:21 ou sur l'autodérision.
14:23 Impossible à savoir.
14:25 Moi, j'ai pas l'impression que ce spectateur ait pris pour un...
14:27 Non, je ne crois pas.
14:29 C'est plutôt excitant de se dire
14:31 dans quel film on est, sur quelque chose qui a l'air
14:33 aussi calibré.
14:35 Mais moi, en fait, je suis plus gêné par ces interviews
14:37 que par le film.
14:39 J'adore les récits historiques,
14:41 car l'histoire me passionne.
14:43 Les historiens, qu'est-ce qu'ils en savent,
14:45 puisqu'ils n'étaient pas là à l'époque,
14:46 qui sont des réponses un peu bizarres,
14:48 alors qu'à partir du moment où c'est une fiction,
14:50 on n'exige pas forcément une réalité...
14:53 Enfin, moi, je ne vais pas chercher...
14:55 Non, mais probablement que les questions n'étaient pas forcément des très bonnes questions.
14:57 Parce que pour répondre à ça, c'est que la question n'était pas...
14:59 Enfin bon, bref.
15:01 Bon, on ne va pas faire un autre débat critique.
15:03 Un autre débat critique sur les questions posées au réalisateur.
15:05 Bon, ce serait bien.
15:07 À qui est ce pays ?
15:16 À moi.
15:18 À moi, Napoléon, donc, de Ridley Scott,
15:21 avec Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby.
15:23 C'est en salle aujourd'hui.
15:25 Autre film qui sort aujourd'hui,
15:35 "L'Arche de Noé" de Brian Marciano.
15:37 Nous venons en aide aux jeunes lesbiennes,
15:40 gays, bisexuels, transgenres.
15:42 C'est moi !
15:43 Enchanté, Karim.
15:44 J'aime l'humour et l'amour.
15:45 Et l'argent.
15:46 Cristal, en transition.
15:48 Ici, nous, on héberge pour six mois maximum.
15:50 Lundi, j'ai eu 18 ans.
15:52 Mes parents, ils attendaient pour me mettre à la rue.
15:54 Et toi, tu vas les sauver, toi ?
15:55 Je les réinsère.
15:57 Et s'il y en a un qui s'en sort, même insursang,
16:00 moi, j'ai gagné.
16:02 Même après six mois,
16:10 je les lâche pas.
16:13 Six mois.
16:15 L'association de Noël,
16:21 interprétée par Valérie Lemercier,
16:23 a six mois pour accueillir une quinzaine de jeunes LGBT
16:25 en rupture avec leur famille.
16:27 Six mois pour les loger, les nourrir,
16:29 leur trouver un logement et un métier.
16:31 Bref, pour les réinsérer.
16:33 C'est dans cette urgence et ce lieu qu'Alex débarque un jour
16:35 au milieu du brouhaha entre Francis, Karim, Cristal et Elsa,
16:39 touchés par leur parcours et l'envie risquée de les sauver.
16:42 Entre films de mœurs et comédies,
16:44 scènes de repas joyeux et moments de détresse
16:46 portés par des acteurs et actrices épatants,
16:48 pardon pour ce cliché d'adjectif,
16:51 l'arche de Noël réussit-il à trouver le ton juste, Thierry Chèzes ?
16:55 Moi, je trouve que oui.
16:57 Et alors, j'aurais pas dit ça au bout de trois minutes de film.
16:59 Et c'est tellement rare.
17:01 C'est-à-dire que vraiment, la présentation,
17:03 l'arrivée dans ce refuge,
17:05 il y a à la fois du brouhaha
17:07 et l'impression d'une caricature
17:09 de chacun des personnages qui y sont.
17:12 Et on se rend compte assez vite,
17:15 enfin dans tous les cas, moi je le prends comme l'arrivée
17:17 justement de ce personnage
17:19 qui est là, qui vient dans ce refuge
17:21 et qui n'y vient pas de son plein gré,
17:23 qui n'a qu'une envie une fois qu'il y est rentré,
17:25 c'est de repartir au plus vite,
17:27 et qui les voit comme ça,
17:29 et qui les entend comme ça.
17:31 Et nous, on est dans sa tête, et petit à petit,
17:33 le film va suivre son évolution.
17:35 Et je trouve que c'est très compliqué
17:37 de faire ce genre de film là,
17:39 puisque l'enfer est pavé des bonnes intentions,
17:41 donc on peut se dire,
17:43 oh là là, d'accord, on a entendu là,
17:45 ça va être quelque chose de tout droit,
17:47 c'était dur au début,
17:49 ça va aller mieux, ça va aller moins bien,
17:51 puis ça va aller mieux.
17:53 Voilà ce qui est quand même le cas.
17:55 Et moi ce que j'aime,
17:57 il y a beaucoup de choses que j'aime,
17:59 mais j'aime le surgissement de la violence,
18:01 et le rappel que même s'il y a des moments
18:03 où c'est important, qu'au bout de ces six mois,
18:05 on ne sait pas ce qui peut se passer,
18:07 que derrière frappe à la porte d'autres gens,
18:09 et tout ça, on le ressent, sans qu'on nous torde le bras,
18:11 en disant, tu vas bien pleurer là.
18:13 Moi j'ai jamais ressenti ça.
18:15 - Lucile Comaud.
18:17 - Oui, ça fait très très peur le début,
18:19 c'est-à-dire que vraiment les premières minutes du film,
18:21 c'est vraiment une entrée assez didactique
18:23 dans ce milieu que, apparemment,
18:25 le réalisateur a fréquenté d'abord
18:27 pour se documenter.
18:29 Donc comme on est chez des marginaux,
18:31 ils sont complètement foufous,
18:33 ils crient dans tous les sens,
18:35 et en même temps, ils incarnent chacun,
18:37 en deux secondes, la position dans laquelle
18:39 ils vont être tout le long du film,
18:41 ce qui moi me gêne quand même assez profondément,
18:43 parce que c'est pas parce qu'on est un personnage de marginal
18:45 qu'on n'évolue pas.
18:47 Et le tout filmé à l'épaule parce que c'est foufou
18:49 et que c'est le bordel parce que c'est des marginaux.
18:51 Alors ça vraiment, moi j'ai très très peur.
18:53 L'entrée en matière m'a vraiment fait peur.
18:55 Par ailleurs,
18:57 j'y vois un truc de cinéma français,
18:59 un peu à la Nakashe et au Ledano,
19:01 c'est-à-dire ces films
19:03 qui partent d'une, en effet,
19:05 bonne intention,
19:07 qui se basent sur une observation,
19:09 qui du coup, ils tirent une forme de légitimité
19:11 qui à mon avis n'est pas une légitimité cinématographique
19:13 mais bon, éventuellement éthique,
19:15 et encore,
19:17 et qui, grâce au moule de la fiction,
19:19 font de tout ça une espèce de fable humaniste
19:21 de bon ton, en effet,
19:23 avec la trajectoire que décrivait Thierry,
19:25 c'est-à-dire, on part de "c'est la catastrophe",
19:27 "attention, ça va être encore plus la catastrophe"
19:29 mais en fait, ça va aller mieux.
19:31 Ce qui est un peu le cas du film,
19:33 mais en effet, ce n'est pas que ça.
19:35 Alors, je vais un peu faire comme Napoléon,
19:37 comme pour Napoléon,
19:39 pas comme Napoléon,
19:41 sinon on est capable de faire un truc comme Napoléon.
19:43 C'est-à-dire que je ne sais pas
19:45 ce qui est de l'ordre du volontarisme
19:47 dans la mise à distance de ce modèle.
19:49 C'est-à-dire que ça n'est pas ça, de fait.
19:51 Ça n'est pas ça parce que,
19:53 et j'y reviendrai peut-être à des moments de cruauté,
19:55 mais on citait presque trop,
19:57 il y a des effets de...
19:59 de...
20:01 - Un dérapage ?
20:03 - Oui, de dérapage, de bascule,
20:05 d'un seul coup, le temps s'arrête,
20:07 le scénario... Je pense qu'il y a des petits problèmes
20:09 de scénario par ailleurs,
20:11 mais c'est justement dans ces problèmes-là,
20:13 dans ces pauses, dans ces moments où on ne sait pas trop quoi faire,
20:15 que se loge tout l'intérêt du film.
20:17 Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment voulu,
20:19 parce que je pense que c'est un film à trajectoire,
20:21 qu'il a été voulu comme ça,
20:23 mais de fait, ça fonctionne un peu.
20:25 - Ce qui est quand même extrêmement frappant,
20:27 c'est qu'on suit un certain nombre de personnes,
20:29 de personnages dans cette association,
20:31 et que vous parliez de l'évolution des personnages, Lucille,
20:35 mais en fait, plus que ne pas les voir évoluer,
20:37 en fait, ils ne disent rien d'eux-mêmes.
20:39 Ça, je trouve que c'est un parti pris qui est intéressant.
20:41 - Mais est-ce que c'est un parti pris ?
20:43 - Je ne sais pas.
20:45 - En lisant une interview du réalisateur
20:47 Brian Marciano, il dit de toute façon,
20:49 j'avais 14 personnages, donc je ne pouvais pas
20:51 tous les faire dialoguer, et c'était un petit peu risqué.
20:53 Je pense quand même qu'il avait ça en tête,
20:55 il a même supprimé des dialogues de Valérie Lemairecy
20:57 en disant que c'était trop cliché,
20:59 trop dans la justification de ce qu'elle faisait
21:01 pour l'association. Ce qui est intéressant,
21:03 c'est qu'on ne tombe pas dans le pathos du discours
21:05 de "je suis là parce qu'il m'est arrivé ici".
21:07 Alors ça pourrait être un manque,
21:09 moi j'ai trouvé qu'on évitait justement le côté tire-larmes.
21:11 - Moi, c'est vraiment ça qui m'a plu.
21:15 C'est en effet un peu...
21:17 Il faut faire une série si on veut faire évoluer ces personnages-là.
21:19 Donc j'aime ce parti, moi je trouve qu'ils existent.
21:21 Et c'est peut-être le défaut de les présenter très vite,
21:23 en deux secondes, mais il y a une présence
21:25 - On n'y revient plus quoi.
21:27 - qui est liée aussi à l'interprétation,
21:29 comme vous avez dit, parce qu'il y a une incarnation
21:31 de ces personnages et qui fait que ça passe malgré tout.
21:33 Et je n'ai pas besoin de plus en plus.
21:35 Et c'est vraiment, je ne me suis en effet
21:37 jamais senti dans un chantage affectif pur.
21:39 Et ce qui est pourtant vraiment l'écueil,
21:41 toutes ces trajectoires sont quand même
21:43 toutes les plus rudes,
21:45 ce sont quand même des jeunes garçons,
21:47 des jeunes garçons, filles et trans
21:49 qui ont été mis à la porte.
21:51 Ils arrivent dans une violence.
21:53 Donc on est déjà,
21:55 on a de quoi être touché dès le départ.
21:57 Et le film le raconte.
21:59 Et puis c'est aussi lié, je pense,
22:01 à l'interprétation de Finnegan Notfield
22:03 et de Valérie Lemercier.
22:05 Valérie Lemercier, c'est son premier rôle à ce point-là dramatique
22:07 depuis "Vendredi soir" de Claire Denis.
22:09 Et je n'ai pas l'impression de voir quelqu'un qui,
22:11 de la même manière qu'on ne cherche pas à me faire pleurer,
22:13 est en train de faire un Tchao Pantin.
22:15 Il glisse de sa fantaisie
22:17 dans quelque chose d'émouvant.
22:19 Et moi, en effet, je ne suis jamais pris en otage.
22:21 Vous vouliez intervenir sur Valérie Lemercier, Lucille ?
22:23 Oui, je pense qu'il y a deux acteurs
22:25 très importants qui sont Valérie Lemercier
22:27 et Finnegan Notfield
22:29 qui réussissent à tenir tout du long
22:31 une forme de...
22:33 Alors eux, ils n'évoluent absolument pas.
22:35 Ce que je trouve intéressant, parce que typiquement,
22:37 le personnage de Finnegan Notfield, à part la fin,
22:39 mais je crois que je l'ai refoulée parce que je la trouve pas très bonne,
22:41 mais très très longtemps, il reste dans un état
22:43 de colère rentrée, de révolte, d'intolérance.
22:45 C'est l'un des jeunes de tout ? Non, c'est Alex.
22:47 C'est celui qui arrive et qui doit...
22:49 Il arrive dans la satiation. Il n'a pas le choix.
22:51 Il doit faire des heures, donc il se retrouve là.
22:53 Clairement, il est potentiellement un peu homophobe.
22:55 Il ne connaît pas du tout ce genre de personnes
22:57 ou de personnages, donc il est dans un truc de rejet.
22:59 Moi, je trouve que
23:01 le récit de Rédemption,
23:03 qui est le sien que, je pense,
23:05 quand même, le film essaye de nous proposer,
23:07 ne marche pas. Et je trouve que c'est très bien que ça ne marche pas.
23:09 Parce que le personnage reste dans une forme de violence
23:11 et de cruauté par rapport au milieu
23:13 dans lequel il rentre, qui est intéressant.
23:15 De la même manière que Valérie Lemercier,
23:17 c'est étonnant, parce qu'on attend
23:19 un personnage principal,
23:21 on attend de la couleur, y compris
23:23 jusque dans la tragédie.
23:25 Elle est complètement en sous-emploi.
23:27 Il y a même tout un moment où on la perd complètement.
23:29 C'est-à-dire que le personnage disparaît du film.
23:31 Pendant presque 20 minutes, je crois. Oui, voilà.
23:33 Et ça, c'est intéressant. Et elle, alors, elle n'évolue pas
23:35 du tout. C'est-à-dire que dès le début,
23:37 il y a un moment où elle dit "vous me faites chier avec vos émotions".
23:39 Elle dit ça au début, elle dit ça à la fin.
23:41 Et il y a une cruauté totale de cette
23:43 non-évolution du personnage. Et d'ailleurs,
23:45 l'institution rate. C'est-à-dire que ce que nous montre le film,
23:47 c'est qu'il n'y a rien qui marche.
23:49 Mais rien du tout. Et ça, c'est profondément cruel.
23:52 Ce qu'on entend dans la bande-annonce, quand elle dit
23:54 "s'il y a une personne réinsérée,
23:56 ça fait le rêve", en fait, on voit
23:58 c'est ça qui est assez fou aussi. C'est que c'est là où
24:00 ce n'est pas un film bienveillant
24:02 et assez cruel. C'est qu'il ne nous dit pas "il y aura un Happy End".
24:04 Il n'y a pas de fin, justement.
24:07 On arrive à la fin, il y a une ellipse temporelle.
24:10 Ce sont d'autres jeunes qui sont dans des situations similaires.
24:13 Et c'est pas recommencé.
24:15 Il y a une sorte de cycle comme ça.
24:17 Et d'ailleurs, c'est intéressant parce que le réalisateur insiste
24:19 sur le fait qu'il ne voulait pas être donneur de leçons.
24:21 Il ne voulait pas faire un film social. Il ne voulait pas non plus
24:23 faire une comédie. Ce qui fait qu'on est là aussi
24:25 sur une indécidabilité.
24:27 Un petit peu de ce film.
24:30 Moi, je suis entièrement d'accord.
24:32 Et d'ailleurs, le personnage de Valérie Remercier est toujours habillé par...
24:34 En fait, Valérie Remercier...
24:36 Elle en capte de pluie !
24:38 Elle le dit dès le départ, mais elle a le temps de...
24:40 C'est-à-dire qu'elle est dépassée de la première minute
24:42 à la dernière minute.
24:44 Quoi qu'il arrive, elle essaye
24:46 d'écoper quelque chose qui prend l'eau
24:48 et qui de toute façon va finalement finir par couler
24:50 et puis reprendra une autre embarcation
24:52 qui prendra l'eau et finira par couler.
24:54 Et c'est ça que moi, je trouve vraiment intéressant.
24:58 C'est de dire "ça ne fonctionne pas".
25:00 Malgré toute la bonne volonté du monde, on n'y arrive pas.
25:02 - Lucile Coman ?
25:04 - Oui, ce qui est intéressant, c'est que les institutions ratent vraiment tout.
25:06 C'est-à-dire qu'il y a un moment où...
25:08 Je ne veux pas tout révéler, mais où ça se passe dans le tribunal.
25:10 Dans un tribunal.
25:12 Donc on va au-dessus, disons, du fonctionnement associatif.
25:14 Donc on va vraiment au niveau du fonctionnement étatique
25:16 de ce que l'État peut faire pour ces personnes-là.
25:18 C'est une tragédie.
25:20 Et pour autant, ça ne veut pas dire que le huis clos
25:22 dans lequel on va retourner,
25:24 c'est-à-dire ce cocon,
25:26 faux cocon de l'association,
25:28 va prendre le relais.
25:30 Il n'y a pas de relais possible.
25:32 Ça se dit à l'échelle de quelques scènes
25:34 qui sortent un peu du grand récit.
25:36 Moi, je pense que quand même,
25:38 la fable humaniste, elle résiste...
25:40 Il y a un peu trop de fables humanistes à mon goût.
25:42 - Le titre...
25:44 - Vous n'avez pas le cœur, décidément.
25:46 - Non, c'est pas ça.
25:48 De toute façon, le titre du film l'indique aussi.
25:50 - Oui, par exemple, cette métaphore-là,
25:52 elle est lourdingue.
25:54 La fin, de ce point de vue, il y a quelque chose qui nous en trouve.
25:56 - Mais il y a quelque chose qui nous en trouve très bien.
25:58 - C'est-à-dire que les scènes de repas,
26:00 les scènes de partage,
26:02 les scènes où ils dialoguent,
26:04 les scènes où ils se coupent,
26:06 et où entre eux, ils sont cruels
26:08 et ils ne sont pas que cul.
26:10 Et ça, je trouve que c'est vraiment quelque chose qui marche bien.
26:12 - Je ne suis pas tout à fait convaincue.
26:14 - Moi aussi.
26:16 - Ça va être compliqué.
26:18 Moi, ce qui m'intéresse dans le repas,
26:20 c'est que c'est des trucs qu'ils mangent.
26:22 Ils ne mangent que des trucs dégueux, immondes,
26:24 parce qu'ils récupèrent des trucs pas chers du supermarché.
26:26 Et que là, il y a de la singularité, par exemple.
26:28 Mais plus que dans les dialogues.
26:30 Et c'est à cet endroit-là que c'est le plus vrai.
26:32 - Un film à aller voir, c'est "L'Arche de Noé" de Brian Marciano.
26:36 C'est en salles. Aujourd'hui, merci à tous les deux.
26:38 Lucie Lecomo, on vous retrouve tous les matins à 8h55,
26:40 dans "Les Matins de France Culture",
26:42 pour votre regard culturel.
26:44 Et Thierry Chèzes, on vous lit dans le magazine "Première".
26:46 Et vous retrouverez, auditeurs, auditrices,
26:48 toutes les références sur le site de France Culture,
26:50 à la page de l'émission "Les Midis de Culture"
26:52 et sur l'application Radio France.