Développement durable : «Une transition environnementale va forcément avec une transition sociale», estime Antoine Bueno

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Antoine Bueno, essayiste et conseiller au Sénat en charge du suivi de la commission du développement durable, répond aux questions de Dimitri Pavlenko à l'occasion du vendredi thématique sur le développement durable. Il est l'auteur de "L'effondrement (du monde) n'aura (probablement) pas lieu" chez Flammarion.

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Transcript
00:00 - La pause sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'essayiste et romancier Antoine Bueno.
00:04 - Bonjour Antoine Bueno, pardon.
00:06 - Bonjour Dimitri.
00:07 - Désolé, je corse votre nom d'entrée, bienvenue sur Europe 1.
00:09 Vous avez été chroniqueur sur Europe 1 il y a quelques années.
00:12 - Oui, il y a longtemps.
00:13 - Les fidèles auditeurs s'en souviendront.
00:15 Écrivain, vous êtes un écrivain d'un genre un peu particulier, vous êtes ce qu'on appelle
00:17 un prospectiviste, autrement dit votre sujet c'est le futur, ce qui vient après l'avenir.
00:22 L'avenir on va le vivre, le futur peut-être pas.
00:24 Et donc vous réfléchissez à tous les grands sujets, le climat, l'énergie, les frontières, le transhumanisme.
00:30 Vous êtes aussi conseiller au Sénat sur les questions de développement durable et
00:32 ça tombe bien car c'est le vendredi thématique de la rédaction d'Europe 1.
00:35 Alors développement durable, ça sent bon les années 90 cette expression, protocole
00:40 de Kyoto, la maison brûle et nous regardons ailleurs, la formule de Jacques Chirac.
00:43 Et on voit qu'il y a eu un glissement dans les termes, le secrétaire général de l'ONU,
00:47 Antonio Guterres, vous l'avez sûrement entendu, nous dit aujourd'hui que l'effondrement climatique
00:52 a commencé, le futur dystopique est déjà là.
00:56 Des phrases terrifiantes.
00:57 Est-ce qu'il faut céder à la panique Antoine Bueno quand l'ONU parle comme ça ?
01:00 - Alors céder à la panique, je ne sais pas.
01:04 Il faut dire la vérité.
01:06 Je trouve partout, mais particulièrement en matière environnementale et particulièrement
01:11 dans ce domaine-là, je trouve que ce n'est pas le cas.
01:13 La vérité selon moi, c'est que la situation est catastrophique pour la nature, mais pas
01:20 forcément désespérée pour l'humanité.
01:23 En l'occurrence, Antonio Guterres, l'effondrement climatique, c'est une punchline.
01:27 L'effondrement, aujourd'hui, on la met à toutes les sauces.
01:30 Et pourtant, l'effondrement, c'est une notion précise.
01:32 Ça veut dire, est-ce que notre civilisation thermo-industrielle va s'arrêter demain ?
01:36 Ça n'a rien à voir.
01:37 On ne peut pas parler d'effondrement techniquement climatique.
01:40 On est dans le passage d'un climat à un autre, ce qui est une catastrophe.
01:44 - Et le message en creux d'une telle phrase, c'est en gros l'écologie ou la mort.
01:49 Et l'écologie, en fait, c'est la décroissance ou la mort.
01:53 - Alors, c'est ça le problème.
01:55 Vous mettez vraiment directement le doigt au cœur du sujet.
01:59 On nous fait croire que l'écologie, c'est l'écologisme, c'est-à-dire une idéologie
02:06 qui est aussi une voix vox, une pensée unique aujourd'hui, qui conduirait à faire croire
02:11 qu'effectivement, l'écologie, c'est la décroissance, c'est-à-dire que l'écologie
02:14 s'inscrit contre l'économie.
02:16 Je dis ça à dessein puisque c'est la thématique sur laquelle vous m'avez sollicité.
02:22 Or, ça n'est pas le cas du tout.
02:24 Alors, soyons très clairs.
02:25 Aujourd'hui, l'économie, l'économie de marché, c'est la cause du désastre environnemental.
02:30 Mais paradoxalement, et c'est ça, cette idée-là qu'il est difficile de faire passer,
02:34 c'est aussi la solution.
02:36 - Comment ça, l'économie de marché ?
02:38 - Alors, l'économie de marché, c'est-à-dire le fait qu'il y ait une rencontre libre
02:42 de l'offre et de la demande.
02:44 C'est le principe sur lequel s'est fondée toute la révolution industrielle et qui a
02:48 permis une élévation extrêmement efficace du niveau de vie depuis un siècle et demi,
02:53 deux siècles.
02:54 Et c'est parce que l'économie de marché est extraordinairement efficace qu'elle a
02:57 aussi cette contrepartie environnementale.
03:00 L'addition de l'élévation du niveau de vie depuis des décennies et des siècles de l'humanité,
03:05 c'est la crise environnementale actuelle.
03:06 - Vous avez des spécialistes du cerveau qui nous disent aujourd'hui, Antoine Bueno,
03:09 "oui, mais ce principe de croissance, on l'a en nous quelque part, on l'a toujours trop
03:14 agressé, toujours s'abîmer, toujours avoir plus, etc."
03:16 - Oui, mais je connais bien ces théories-là qui sont absolument délirantes et en tout
03:21 cas inutiles pour la transition parce que, vous savez, à chaque fois qu'on a essayé
03:25 d'expliquer les comportements humains par la biologie, on s'est planté tout simplement
03:28 parce que l'humain est quelque chose, une machine extrêmement complexe et qu'elle est
03:32 capable de comportements totalement différents, absolument opposés.
03:37 Dans l'histoire de l'humanité pendant des millénaires, on a eu un rapport à la nature
03:40 qui était extrêmement différent de celui qui est le nôtre aujourd'hui.
03:43 Et pourtant, on avait exactement le même cerveau.
03:45 Donc, ça ne va pas beaucoup nous aider de parler de biologie.
03:47 Mais moi, ce que je voulais, je reviens sur cette idée importante, l'économie de marché
03:51 telle qu'elle fonctionne aujourd'hui est la cause de la crise environnementale.
03:54 Mais l'économie de marché, à condition d'en changer les règles, et c'est le contraire
03:58 de la décroissance, à condition d'en changer les règles, ne peut être que la solution,
04:02 c'est-à-dire la solution à la transition environnementale.
04:05 C'est la seule mécanique, la seule puissance, l'économie de marché, qui permet de changer
04:09 les comportements et d'avoir des effets vertueux de la transition.
04:13 - Alors, c'est intéressant ce que vous dites.
04:14 On reçoit tout à l'heure dans une heure Agnès Pagny-Runacher, ministre de la transition
04:18 énergétique, qui est le maître mot actuellement au niveau des pouvoirs publics français.
04:22 C'est planification, c'est l'État qui doit donner la direction, etc.
04:26 Et alors, je vais même aller un petit peu plus loin, si vous me permettez, Antoine Bueno.
04:30 Finalement, le débat du jour, c'est un vieux débat, c'est de dire, pour réduire massivement
04:35 les émissions de gaz à effet de serre, tout le monde est d'accord pour dire que c'est
04:37 ce qu'il faut faire, est-ce qu'il vaut mieux interdire ou est-ce qu'il vaut mieux encourager ?
04:42 Est-ce qu'il vaut mieux, en gros, un permis de prendre l'avion avec des quotas de CO2
04:46 qui seraient plafonnés ou bien est-ce qu'il faut tout miser sur l'avion vert ? Antoine Bueno.
04:49 - Alors, il faut être très clair.
04:50 La transition environnementale, elle peine à se faire et elle est beaucoup trop lente.
04:54 Pourquoi ? Parce que c'est une tannée.
04:56 C'est une tannée pour tout le monde et quoi qu'on fasse, ce sont des contraintes.
05:01 Maintenant, il faut choisir entre deux types de contraintes.
05:03 Il y a la contrainte par les prix, c'est-à-dire je manipule le marché, par exemple, avec
05:07 des quotas ou une taxe pour augmenter les prix de ce qui est polluant.
05:11 C'est pour ça, tout à l'heure, quand je disais que l'économie de marché est responsable
05:14 de la crise environnementale, c'est parce qu'elle ne prend pas en compte ce qu'on appelle
05:18 les externalités négatives, c'est-à-dire l'impact de la pollution.
05:21 Et donc, changer les règles de l'économie de marché, c'est internaliser dans la production
05:25 ces impacts négatifs de la pollution, soit par une taxe, soit par des quotas, premier
05:30 instrument, soit utiliser le règlement de manière prioritaire.
05:34 Parce que c'est ce qu'il y a de plus efficace, il faut jouer sur les prix, c'est-à-dire
05:37 justement faire jouer les mécanismes de marché.
05:40 - Rendre cher ce dont on ne veut plus et abaisser le coût de ce qu'on a.
05:43 - Voilà, et là, c'est exactement le contraire de ce qu'on fait aujourd'hui.
05:45 - C'est-à-dire ?
05:46 - On fait exactement le contraire, puisqu'aujourd'hui, non content d'augmenter les prix, par exemple,
05:53 des énergies fossiles, on les subventionne.
05:55 Donc, dans un monde comme ça, qu'est-ce qui reste ? Il reste le règlement.
05:59 C'est ça qu'on nous propose, la planification actuelle, les objectifs européens, ils sont
06:02 très bien à réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre.
06:05 - Mais vous voyez la bombe politique aujourd'hui ? Imaginez que Bruno Le Maire, demain, on
06:09 envahit véritablement les préfectures, comme le dit Fabien Roussel, il va rester inerte
06:14 en disant "non, non, le carburant à 2 euros, c'est très bien, comme ça vous prendrez
06:17 moins votre voiture".
06:18 - Eh bien, parce que, je ne dis pas que c'est facile, je dis juste que d'un point de vue
06:22 économique et technique, les solutions sont parfaitement connues, et ce sont la taxe et
06:26 les quotas carbone.
06:27 Mais vous avez raison, pour des raisons politiques, on ne le fait pas.
06:30 Et pourquoi on ne le fait pas ? Pour des raisons politiques, parce qu'on est incapable de comprendre
06:33 qu'une transition environnementale va avec une transition sociale, c'est-à-dire va
06:37 nécessairement avec une véritable redistribution.
06:40 Donner les moyens aux gens de ne pas être matraqués par cette augmentation nécessaire
06:45 des prix des produits polluants.
06:46 - Antoine Bueno, on voit monter aussi cette idée, je trouve assez intéressante, qu'en
06:50 parallèle de toutes les technologies vertes, la décarbonation, l'agriculture sans pesticides,
06:55 il faudrait avoir en fait un plan B.
06:57 C'est-à-dire au cas où ça ne fonctionnerait pas.
06:59 Et on parle beaucoup en ce moment de méthode, les experts parlent de ça, mais le grand
07:03 public, ça va y venir, d'ingénierie climatique, genre des boucliers solaires.
07:08 Vous voyez, on disperserait des aérosols dans la haute atmosphère pour occulter une
07:11 part de lumière solaire.
07:12 Un plan B.
07:13 Il faut faire ça ?
07:14 - Oui.
07:15 Alors, la manière dont vous présentez les choses, c'est exactement la manière dont
07:19 il ne faut pas présenter les choses.
07:20 Mais vous l'avez fait exprès, je le sais, parce que vous êtes très malin.
07:24 Il ne faut pas le prendre, la technologie, et notamment la géoingénierie, après il
07:30 faudra être plus précis sur de quoi on parle quand on parle de géoingénierie.
07:33 Il y a deux catégories de géoingénierie, je n'en rentre pas dans ce détail-là.
07:37 C'est un des outils dans notre grande boîte à outils dont on va disposer pour effectuer
07:42 cette transition.
07:43 Il faut considérer que ces outils technologiques vont être absolument nécessaires et complémentaires,
07:49 mais qu'ils ne peuvent pas être l'alpha et l'oméga de la transition.
07:52 Il faut à la fois réduire nos émissions et à la fois, pour solder la transition,
07:57 compter aussi sur ces outils, par exemple la captation du carbone.
08:00 On ne peut pas faire de la captation du carbone à la place d'une réduction des émissions
08:04 de gaz à effet de serre, mais si on a réussi à très largement entamer cette réduction
08:08 des émissions, oui, la captation du carbone pourra nous permettre de solder pour éviter
08:13 une augmentation des températures trop importante.
08:16 Vous voyez, le problème en écologie, c'est qu'on écarte les solutions, on exclut des
08:22 solutions alors qu'il faut les additionner.
08:23 - Merci beaucoup Antoine Bruneau.
08:24 Je n'ai pas donné le nom de votre livre, je le fais de suite.
08:27 L'effondrement du monde n'aura probablement pas lieu et c'est probablement le mot important.
08:32 C'est paru chez Flammarion.
08:33 Merci d'être venu ce matin dans le studio d'Europe.
08:36 Bonne journée à vous.
08:37 7h21 à 9h30.

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