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Olivier Salleron, président de la Fédération Française du Bâtiment, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils reviennent sur les grosses difficultés que rencontre le secteur du Bâtiment à cause de la crise du Logement neuf.

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Transcription
00:00 - Europe 1, il est 6h41.
00:01 - Le bâtiment traverse une crise d'ampleur.
00:04 Sous l'effet conjugué de l'inflation, de la hausse des taux d'intérêt pour emprunter,
00:07 le secteur redoute des destructions massives d'emplois
00:10 et se tourne maintenant vers le gouvernement.
00:12 - On vous en parle avec votre invité, Alexandre Le Maire, Olivier Saleron,
00:15 président de la Fédération française du bâtiment.
00:17 - Bonjour Olivier Saleron. - Bonjour.
00:19 - Vous avez lâché le mot, le bâtiment est en train d'entrer en récession.
00:23 - Oui, oui, le logement neuf, la crise du logement neuf,
00:25 entraîne le bâtiment en récession.
00:27 Et ça, vous pouvez le dire, la récession, et ce mot-là,
00:30 ça ne fait plaisir à personne, surtout pas au gouvernement,
00:32 mais à l'ensemble des Français, et puis aussi à nos salariés et à nos ouvriers
00:35 sur les chantiers qui commencent aussi, eux, à avoir peur pour leur emploi.
00:39 - Récession, pour être bien clair, ça veut dire un repli de l'activité du secteur,
00:44 repli en volume ?
00:45 - Voilà, après une reprise et une relance magnifique après Covid,
00:48 on a été un des secteurs qui a repris le plus rapidement possible,
00:51 tout en sécurité bien évidemment.
00:53 On a gagné 120 000 salariés, quelque chose qui était incroyable au niveau main d'œuvre
00:57 de tous les secteurs de l'industrie réunis.
01:00 Et puis là, oui, une récession, -0,2%.
01:04 Comme j'ai dit à nos gouvernants et à nos ministres concernés,
01:07 un chiffre négatif.
01:08 Je peux dire que la vérité, nous rentrons en récession
01:11 pour nos adhérents, pour l'ensemble de la filière construction.
01:13 - Vous êtes dans le scénario du pire,
01:14 c'est une conjonction, une accumulation de plusieurs facteurs.
01:18 - Oui, vous en avez cité, mais on pourrait les multiplier par trois.
01:20 - Allez-y.
01:20 - Donc, oui, les premières crises mondiales qui nous ont concerné, de fait,
01:25 avec la pandémie, avec la guerre en Ukraine,
01:27 la première crise des matériaux, la deuxième crise,
01:29 vous l'avez dit, l'énergie plus les taux d'intérêt.
01:33 Bon, on en rajoute, oui, la réglementation R.E. 2020,
01:36 puisqu'en France, on est les champions du monde,
01:38 il faut le dire, alors ça, soyons-en fiers,
01:40 de la construction durable et environnementale.
01:43 Et puis aussi, avec les normes et puis la volonté du gouvernement
01:47 de rénover nos logements, en tout cas, au niveau de la rénovation énergétique,
01:50 aujourd'hui, c'est ce qui nous maintient à flot ou limite à flot.
01:54 - Mais quand même, Olivier Salron, chute des réservations de logements en oeuvre
01:58 de 30% sur un an au deuxième trimestre,
02:00 comment vous expliquez ce décrochage d'une chute aussi brutale ?
02:04 - Les nouveaux chiffres, c'est -40, donc -30% de permis de construire.
02:08 Non seulement c'est un facteur économique, vous l'avez dit,
02:11 aujourd'hui, il y a des mesures qui étaient là pour soutenir l'investissement des Français
02:14 et pour que nos familles, nos ménages avec enfants modestes
02:18 puissent acquérir un logement avec tout simplement, par exemple,
02:20 prêts à taux zéro.
02:21 Il y a un prêt à taux zéro qui va s'arrêter là, à la fin de l'année,
02:25 pour 93% du territoire, qui a mené un apport à ces petites familles
02:30 pour pouvoir un jour avoir un petit appartement, une petite maison.
02:33 Tout ça, c'est supprimé.
02:34 Mais pourquoi ? Pourquoi ?
02:37 - Vous l'avez dit vous-même, le secteur du bâtiment est grand pouvoir d'emploi,
02:40 traditionnellement, or là, vos prévisions, si on vous écoute, Olivier Salron,
02:44 elles sont très sombres pour les 2-3 années qui viennent.
02:47 - Oui, c'est mathématique.
02:48 On vient de le dire, -30% de permis de construire,
02:50 pour nous, c'est 10% de notre activité qui va s'arrêter, il faut le dire.
02:55 Fin 2024, début 2025, 16 milliards d'euros,
02:58 nous, c'est simple, c'est 150 000 emplois dans le bâtiment.
03:01 - 150 000 emplois ?
03:02 - 150 000, du manœuvre de l'apprenti,
03:05 alors que l'apprentissage marche vraiment très bien dans le bâtiment.
03:08 Tous ces jeunes-là, on leur redonne un sens à leur vie,
03:11 des métiers environnementaux qui vont rénover la planète, etc.
03:14 Oui, 150 000 emplois, comptant aussi nos bureaux d'études, nos ingénieurs.
03:17 - Donc tous les métiers sont concernés ?
03:18 - Exactement. Vous savez, aujourd'hui, il va y avoir un repli sur soi-même des entreprises.
03:23 On parle de pénurie d'emplois dans tous les secteurs.
03:25 Nous, on est en pénurie d'emplois encore il y a quelques mois.
03:28 Là, aujourd'hui, on va moins parler de besoin de manœuvre dans le bâtiment,
03:32 parce qu'on va resserrer nos effectifs.
03:34 - Vous vous tournez vers l'État, Olivier Servan, il faut des mesures de soutien.
03:38 Qu'est-ce qu'il faudrait faire en urgence ?
03:40 - Ça fait des décennies qu'il y a des mesures.
03:41 Donc, je veux dire, le français, il n'est pas bête non plus.
03:43 Si on lui donne une petite carotte, il achète tout un panier de fruits,
03:46 ou tout un panier de légumes.
03:47 Donc là, c'est pareil. On lui enlève le pré-ato zéro.
03:50 On enlève aussi, vous savez, nos concitoyens qui ont un petit peu plus les moyens,
03:54 qui achetaient des appartements pour les louer à des gens plus modestes.
03:57 Eh bien, ceux-là, ça s'appelait...
03:58 - Le dispositif Pinel ?
03:59 - Le dispositif Pinel, eh bien celui-là, il va vivre...
04:01 - Qui va être supprimé.
04:02 - Il va vivre encore une petite année et mourir de sa belle mort...
04:05 - Vous regrettez cette décision ?
04:07 - Bien évidemment. Et aujourd'hui, c'est même plus ça.
04:09 Aujourd'hui, c'est un coup de boost pour relancer cette activité.
04:12 C'est une activité économique.
04:13 Et puis le bâtiment, le logement, ce n'est pas que de l'économie,
04:16 ce n'est pas que du plus et des moins, c'est aussi du sociétal, du social.
04:19 Bien vivre chez soi, le logement social, par exemple, est en chute libre.
04:23 Il fait -30, -40% par rapport aux prévisions de l'ancienne ministre du Logement.
04:28 Non, il faut réagir et vite.
04:30 Le PLF arrive dans quelques semaines.
04:32 Je peux vous dire que nous, on va se battre.
04:33 - Il y a un problème de foncier ?
04:35 - Aussi du foncier, bien évidemment.
04:37 Le non-artificiation des sols, vous savez, c'est de construire moins,
04:40 utiliser moins de...
04:41 - Densifier le bâti, en tout cas.
04:43 - Voilà.
04:44 Il y a des friches partout en France.
04:45 On peut le faire et on va le faire.
04:47 Mais si on veut relocaliser des industries, réindustrialiser la France,
04:52 on parle beaucoup de ça.
04:53 Mais oui, mais on parlait de logement avant,
04:54 parce qu'on ne va pas mettre les gens qui vont aller travailler,
04:57 les hommes et les femmes, à 50 km ou à 100 km.
05:00 Sinon, on va recréer les Gilets jaunes.
05:01 Ils vont s'arrêter au premier emploi,
05:03 ils vont enfiler leurs Gilets jaunes et on va retrouver ces choses-là.
05:05 Le bâtiment, le logement est la source d'un énervement,
05:10 d'un extrémisme larvé, caché, en fait.
05:13 Et on le sait, c'est du confort.
05:14 - Est-ce que ça va mieux toutefois du côté du bâtiment non résidentiel ?
05:18 Je pense aux bureaux, aux industries, aux administrations.
05:21 - Alors là, les bureaux, on peut dire que ça s'est écroulé depuis pas mal de temps,
05:24 avec le télétravail, avec toutes ces choses-là.
05:26 Sur les bâtiments industriels, il y a un petit ressaut.
05:29 On compte beaucoup sur le cycle normal des élections municipales.
05:33 On sait très bien que l'ensemble des communes vont construire, vont rénover.
05:37 Donc là-dessus, oui, il y a un petit plus.
05:40 Je vous le dis, après cette chute du logement neuf,
05:42 c'est ce qui nous remet un petit peu proche de zéro,
05:45 ce qui est quand même catastrophique,
05:47 avec tout ce qui est rénovation énergétique.
05:49 - Mais c'est un énorme chantier, ça,
05:51 éradiquer les passoires thermiques là où vous en avez pour des années.
05:53 - C'est fantastique.
05:54 Il y a des études, la dernière étude, elle parlait de 48 milliards d'euros
05:58 nécessaires par an pour rénover l'ensemble des bâtiments, dont les logements.
06:03 Aujourd'hui, on en a 7-8.
06:04 Vous voyez un petit peu la différence.
06:06 Alors nous, on s'y met, nous, on a formé nos gars,
06:08 nous, on a embauché 120 000 salariés de plus.
06:10 Et puis là, on pense qu'on va être bridés
06:12 et surtout empêchés d'aller beaucoup plus loin
06:15 parce que le logement neuf s'écroule.
06:17 Donc voilà, c'est une question de moyens,
06:19 mais une question aussi de solvabilité des ménages en France.
06:22 C'est du sociétal, il faut faire très attention
06:25 avec cette ambiance qui commence à poindre.
06:27 - La rénovation, si je vous comprends bien,
06:28 ne suffira pas à compenser l'écroulement du neuf ?
06:32 - Non, cette année, la rénovation, c'est plus de 2 %,
06:35 on s'écroule de 5, donc avec les ratios, on est à -0,2.
06:38 Parce que la rénovation, c'est vrai, aujourd'hui,
06:41 c'est 54 % de notre chiffre d'affaires,
06:43 mais ça ne suffira pas, en tout cas aujourd'hui.
06:44 - Ça ne suffira pas et si les conditions ne changent pas,
06:46 vous nous l'avez dit ce matin sur Europa,
06:48 vous craignez la destruction dans les 2-3 prochaines années
06:50 qui viennent dans le secteur du bâtiment
06:52 de pas moins de 150 000 emplois.
06:53 Merci, Olivier Salron, président de la Fédération française du bâtiment sur Europa.

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