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L'évêque d'Ajaccio François Bustillo défend la visite du pape à Marseille à partir de lundi. "S’il ne venait pas, on dirait "le pape n’aime pas la France", affirme celui qui deviendra cardinal à la fin du mois. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-21-septembre-2023-3681220

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Transcription
00:00 Sonia De Villere, votre invité est aujourd'hui évêque d'Ajaccio, il sera créé cardinal
00:04 par le pape François lors d'un consistoire le 30 septembre prochain.
00:09 A Saint-Pierre-de-Rome, évidemment, Monseigneur Boustillot, soyez le bienvenu.
00:13 Merci beaucoup.
00:14 Vous voici prince de l'Église, donc, en tout cas presque.
00:18 La nouvelle vous est venue pour ainsi dire, comment dire, elle vous est tombée du ciel ?
00:22 Absolument.
00:23 Absolument.
00:24 Du téléphone de mon portable.
00:25 Ah oui ?
00:26 Donc c'est un peu brutal, quand on est évêque, on se prépare.
00:29 Il y a un timing qui nous prépare.
00:31 Quand on est cardinal, on a le style de François, il sort à la fenêtre, il sort sa liste et
00:36 il dit "tu es cardinal".
00:37 Et on se retrouve cardinal d'une manière un peu brutale.
00:39 Donc il faut gérer le tsunami de messages, il faut gérer la nouveauté, il faut gérer
00:46 aussi les émotions des uns et des autres.
00:48 Ça signifie que vous n'aviez pas postulé, ça signifie que vous n'étiez pas prévenu
00:52 au mois de juillet ?
00:53 Quelqu'un m'a demandé alors, pour être cardinal, comment vous avez fait ? J'ai dit
00:56 "écoutez, j'ai postulé, j'ai payé".
00:58 Mais non.
00:59 Ecoutez, dans l'Église catholique, vous le savez, on ne fait rien et on nous nomme.
01:04 Donc moi je ne m'attendais pas du tout.
01:07 Évidemment, j'ai réagi comme le sévêqué français.
01:08 Paris ou Lyon, ça va, à Jacques Ciot.
01:11 Et pourtant le pape François, avec son originalité, a voulu me faire cardinal.
01:15 Vous avez senti une forme de fierté chez les Corses, chez les fidèles Corses ?
01:20 Ah les Corses, oui.
01:21 Très très fiers, très heureux.
01:23 Et moi très heureux pour eux.
01:25 Mais quand on reçoit une nouvelle pareille, moi je l'ai accepté avec confiance et détachement.
01:29 Je n'ai rien demandé, je n'ai rien voulu.
01:31 Je me suis retrouvé là.
01:33 J'accepte.
01:34 Les Corses vous accompagnent à Rome ?
01:35 Il y aura presque 800 Corses à Rome avec moi.
01:39 Donc je suis très heureux de savoir que l'évêque est accompagné.
01:42 Il n'est pas seul, il est accompagné par son peuple.
01:45 Et alors, petite question du moment, les Corses qui vous accompagnent à Rome sont des fidèles,
01:50 majoritairement j'imagine, mais aussi des élus de la République ?
01:53 Ecoutez, il y a de tout.
01:55 Il y a les Corses, les paroissiens, ceux qui sont proches de l'Église culturellement,
02:00 ceux qui sont proches amicalement de l'évêque, mais aussi les élus.
02:04 Donc c'est un peuple qui se déplace, c'est un peuple qui va accompagner son pasteur.
02:08 Et moi je trouve qu'il est sain, il est juste que nous puissions vivre quelque chose de
02:12 fort d'un point de vue spirituel.
02:13 Alors des moments polémiques, on les a servis.
02:15 Des moments symboliques, on n'en a pas assez.
02:18 Donc une célébration où il n'y a pas de problème, pour le moment.
02:21 Donc j'espère que ça va durer.
02:22 Vous venez de publier, Monseigneur, avec "Le cœur ne se divise pas" qui paraît aux
02:29 éditions Fayard, préfacée par le Pape François.
02:33 C'est un livre de dialogue entre vous, évêque, et Edgar Peña Parra, qui est un membre de
02:38 la Curie Romaine.
02:40 Ce dialogue est mené par Nicolas Diaz.
02:43 J'aimerais comprendre où peut-on vous situer dans l'Église d'un point de vue politique,
02:49 d'un point de vue idéologique ? Dans quelle famille vous situez-vous ?
02:51 Oh, quelle question ! Effectivement, souvent, quand on est catholique, on aimerait bien
02:58 nous situer et nous mettre une étiquette.
03:00 Voilà, il est tradi, il est charismatique, il est moderne.
03:03 Bon, moi je ne sais pas, je ne saurais pas me dire où je me trouve.
03:06 Moi, je fais partie d'une famille où il me semble justement que le fait de mettre
03:11 des étiquettes, ça nous situe, mais en même temps, ça nous divise.
03:15 Je pense que le but du livre, c'est de chercher l'unité.
03:19 Comment, dans l'Église, on est peu nombreux déjà, on nous dit souvent qu'on n'a
03:24 pas de fidèles, qu'il n'y a que des mémés qui vont à la messe, qu'il n'y a pas
03:27 de jeunes.
03:28 Si en plus, nous-mêmes, nous sommes divisés entre nous, c'est la catastrophe.
03:32 Ça veut dire que l'Église ne pourrait pas accueillir en son sein le débat, la controverse,
03:36 la contradiction ? Là où la République ne vit que de ça et pourtant est une et indivisible,
03:42 l'Église ne le peut pas ?
03:43 La nature de l'Église, c'est le dialogue.
03:45 Le gosse, donc la parole entre deux, ce qu'on va faire à Marseille ce jour-ci.
03:49 Alors on va avoir la polémique parce que le président vient, parce que le pape vient,
03:53 mais on ne voit pas plus de 80 évêques qui vont discuter, parler, dialoguer, se connaître,
03:58 se comprendre et apprendre.
04:00 Et finalement, moi, je trouve que dans l'Église catholique, il faut qu'il y ait la place
04:04 pour le débat.
04:05 Mais il faut qu'il y ait la place pour la différence.
04:07 Mais souvent, on glisse de la différence et de la diversité à la fracture et au
04:13 conflit.
04:14 Je pense que nous devons être attentifs et viser l'unité qui n'est pas l'uniformité.
04:18 On n'est pas une réalité sectaire ni clonique.
04:22 Il y a la place pour la différence.
04:23 Et pourtant, le collège cardinalis, dans lequel vous allez entrer, Monseigneur, est
04:28 un lieu de pouvoir.
04:29 C'est un lieu éminemment politique.
04:31 Est-ce que vous allez devenir cardinal électeur ?
04:33 Oui, j'ai moins de 80 ans.
04:35 Voilà, vous aurez donc le droit de vote.
04:38 Ce n'est pas rien de devenir cardinal électeur.
04:41 Mais justement, je crois que le collège des cardinaux n'est pas juste un lieu de
04:47 pouvoir, mais plutôt un lieu d'autorité.
04:49 Il me semble que dans notre société, l'Église est vue comme une institution de pouvoir.
04:54 On voit le passé sur toutes les pages sombres.
04:57 Et là, on voit la sortie de l'Inquisition, les croisades, les prêtres pédophiles, etc.
05:00 Mais on ne voit pas l'autorité.
05:02 On voit le pouvoir, donc la domination ou un certain esprit de domination.
05:06 Mais on ne voit pas l'autorité, c'est-à-dire la capacité de tirer vers le haut.
05:11 Une société des personnes, des réalités.
05:14 L'arrivée du pape à Marseille est éminemment politique.
05:18 Le pape a choisi de faire la part belle dans le dialogue, dans le questionnement et dans
05:24 ses engagements à la question des migrants.
05:28 Vous voyez bien qu'il y a une part de l'Église catholique française, à droite et à l'extrême
05:33 droite, qui s'y oppose fermement et même qui tire à boulet rouge sur le pape.
05:38 Écoutez, vous savez, le pape vient.
05:40 S'il ne venait pas, on dirait que le pape n'aime pas la France ou Marseille.
05:43 S'il vient, on dit, mais sa visite est politique, elle n'est pas institutionnelle.
05:48 Alors, quoi qu'on dise, il va y avoir des polémiques.
05:51 Moi, je trouve qu'il est intéressant et important que le pape vienne dans un cadre
05:55 qui n'est pas politique au sens moderne du terme.
05:57 Il ne vient pas faire de la politique, mais il va parler à une société qui a besoin
06:02 de points de repère, de valeurs.
06:04 Et il va prêcher l'humanité.
06:06 Il me semble que la Méditerranée a toujours été un berceau de civilisation.
06:11 Mais aujourd'hui, il y a beaucoup de conflits, beaucoup de peurs.
06:16 Les peurs divisent et nous avons besoin d'humaniser notre Méditerranée, notre société.
06:22 Et alors, le pape, il ne vient pas pour faire de la politique, mais pour dire « soyez
06:26 humains ». Alors, lui, il est un chef d'État, chef spirituel, donc il va tirer vers le haut.
06:32 Il va rappeler l'évangile « aimez-vous les uns les autres, aimez vos ennemis, accueillez
06:35 l'étranger, etc. ».
06:36 Justement, ce matin, Monseigneur, nous avons entendu au journal de 7h, Stéphane Ravier,
06:40 qui est un élu Rassemblement National de Marseille, qui dit « j'ai relu les évangiles
06:45 et dans les évangiles, j'ai lu « on doit aimer son prochain, mais rien n'oblige
06:49 à l'aimer chez soi ». Je traduis « les étrangers, on n'est pas obligé de les
06:53 accueillir ».
06:54 Quand on prend Mathieu Vincennes, « j'étais malade, j'étais un étranger, est-ce que
06:57 vous m'avez accueilli ? Est-ce que vous avez accueilli les plus petits ? »
07:00 Alors, moi, il me semble, le pape ne va pas dire aux élus « vous devez faire comme
07:05 ça ». Le pape n'est pas là pour politiser ou pour culpabiliser.
07:09 Le pape est là pour dire aux élus politiques « vous qui avez des responsabilités, n'oubliez
07:14 pas les plus petits, les plus vulnérables ».
07:16 Je rappelle, Monseigneur Boustillau, que la Méditerranée, c'est toute votre histoire.
07:21 Parce que vous êtes le premier évêque de France à ne pas être né en France.
07:25 Vous êtes espagnol d'origine et par ailleurs, vous avez étudié la philosophie, la théologie
07:29 en Italie et puis vous avez choisi la France.
07:33 Un mot quand même sur une question qui préoccupe beaucoup l'Église catholique.
07:38 Sur ces prêtres et sur ces évêques qui se disent débordés, débordés jusqu'à
07:43 la démission.
07:44 Vous savez qu'au mois de juin en France, deux évêques, Monseigneur de la Perrière,
07:48 évêque de Nevers et Monseigneur Batut, évêque de Blois, ont démissionné car ils se sont
07:52 dits à bout.
07:53 Vous avez des mots assez durs dans votre livre pour eux.
07:57 Vous dites "ce sont des gens qui se dispersent, qui tombent dans l'activisme".
08:00 Effectivement, on parle beaucoup de débordement.
08:03 Mais parfois on n'est pas débordé, on est dispersé.
08:06 Alors il est vrai qu'aujourd'hui, être prêtre ou évêque en France n'est pas facile.
08:10 On nous donne une charge, on se retrouve dans des territoires énormes à gérer la pauvreté
08:16 numérique, à gérer des bâtiments, à gérer des choses qu'on n'a pas été préparé
08:21 pour gérer certaines choses.
08:22 Et pourtant, il faut le faire.
08:24 Alors je comprends que certains soient fatigués.
08:26 Or aujourd'hui, il me semble que les prêtres, les évêques, ont besoin de retrouver une
08:31 intériorité pour éviter la dispersion par l'extériorité.
08:36 On est trop pris par ce qui bouge, par l'activisme, par l'action.
08:41 Et finalement, on manque d'estabilité intérieure.
08:43 Et là je pense que si on n'est pas unifié à l'intérieur, on ne peut pas unifier les
08:49 autres et pacifier les autres.
08:51 Le cœur ne se divise pas, paraît aux éditions Fayard.
08:54 Merci Monseigneur.

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