Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux n°30 : Un Asselineau vraiment très surprenant...

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Nous ne sommes pas près d’en finir avec François Asselineau, tellement est riche son expérience, profonde sa culture, et le soin qu’il apporte au récit de tout ce qui lui arrive. Nous devions enregistrer une émission pour relater sa vie, ou ses vies, mais ses propos furent si riches et précis que nous en avons enregistré une deuxième, puis une troisième, puis une quatrième, et nul ne sait où cette aventure nous mènera. Voici la troisième conversation, dont le ton est toujours aussi amical, enjoué, et souvent touchant, parfois drôle -il est conseillé de la regarder jusqu’à l’anecdote finale, aussi comique qu’elle est, au fond, tragique. Mais on n’écoutera pas sans étonnement François Asselineau s’étendre aussi sur l’élection les papes, puis sur l’influence qu’exerce sur sa pensée la tradition hindouiste, décrite ici avec une érudition assez vertigineuse, mais aussi sur la fragilité de la Nation France, entre autres surprises que nous laissons nos spectateurs découvrir à mesure.
Transcript
00:00:00 [Musique]
00:00:24 Bien, François Asselineau, bonjour de nouveau. Merci d'être avec nous pour la troisième émission,
00:00:32 troisième conversation, j'insiste sur ce mot, pour nous relater votre vie, votre manière de voir le monde.
00:00:41 Je résume les épisodes précédents très vite. Votre enfance...
00:00:46 Alors votre famille très française, un peu franchouillarde. Français, français, français, qui vient un peu de différentes régions de France.
00:00:55 — Je voulais me faire une petite remarque à ce propos. — Oui ?
00:00:59 — Le mot franchouillard, qui est un mot français autodépréciatif. — Oui. Non.
00:01:04 — Je crois avoir lu, j'en suis pas certain, mais je crois avoir lu que ça n'existe pas de mot, par exemple en allemand, dépréciatif.
00:01:14 Les Allemands, deux mots japonais dépréciatifs sur les Japonais. Il n'y a pas, si vous voulez, japonouillard en japonais, quoi. Ça n'existe pas. Vous voyez ce que je veux dire ?
00:01:23 Donc ça, c'est quelque chose d'intéressant. — Mais c'est pas dépréciatif aussi.
00:01:26 — Ah si, franchouillard, ça fait vraiment... — Mais il faut relever le gant. Il faut accepter d'être proche de notre archaïque.
00:01:32 Voilà, c'est tout. C'est plutôt une noblesse d'être soi-même et d'être fidèle à ses héritages.
00:01:37 — Oui, mais quand même, je pense que c'est un peuple qui a été habitué depuis... Alors De Gaulle datait le début de la décadence française de la campagne de Russie,
00:01:49 en gros de 1812. — Peut-être de la Révolution française. — Peut-être. En tout cas, ça, c'est vous qui le dites. Mais De Gaulle, il parlait de 1812.
00:02:00 Il y en a d'autres qui font remarques. — Dans des lettres à sa mère – je vous le coupe – qui étaient très monarchistes, qui fermaient les volets le 14 juillet,
00:02:08 ce que nous ne faisons pas aujourd'hui, 13 juillet, en signe de deuil, il dit carrément que la Révolution importait un coup mortel à la France.
00:02:16 — Bon. En attendant, officiellement, il datait de 1812, le début de la décadence française. D'autres disent que le peuple français
00:02:28 était réputé au XVIIIe siècle pour être un peuple très joyeux, très gay, qui... En France, tout finit par des chansons. Il y avait ce proverbe allemand qui dit
00:02:36 « Heureux comme Dieu en France », etc. Et c'est un pays, un peuple – on a l'impression – qui a été cassé effectivement par les conflits du XIXe siècle,
00:02:46 et puis la succession des régimes absolument incroyables, et aussi quand même cassé par la Première Guerre mondiale. Le canard enchaîné apparaît quasiment
00:02:55 avec le chemin des dames, hein, en 1916, 1917. Donc l'esprit du canard enchaîné, cet esprit justement pour dénigrer tout ce qui est français ou allemand...
00:03:06 — « Ich bin der Geist der Immenstädt ». « Ich bin der Geist der Immenstädt ». C'est une phrase de Nietzsche, « Sieg de Gaulle » en 1967.
00:03:12 — « Ich bin der Geist der Städt verneint ». — « Der Städt verneint », « Toujours nie ». — Voilà. C'est dans le Faust de Goethe.
00:03:19 — « Toujours nie » dans le Faust de Goethe. Oui. — « Je suis l'esprit qui toujours nie ». Et ça, c'est devenu très fort.
00:03:24 — C'est ce qu'il stigmatise. — Oui, oui. — Et il dit que c'est ce qu'il a en face de lui, c'est-à-dire la négation des Français de leur grandeur.
00:03:30 — Et on en est là. C'est-à-dire que moi, je vois... Par exemple, quand vous regardez le président des États-Unis, ils ont tous, quel que soit le parti,
00:03:40 le petit drapeau en pinces, en épinglettes, un drapeau américain. Quand vous allez... Enfin on va dire les dirigeants du monde entier imaginent qu'un président de l'État français,
00:03:51 c'est un pince avec le drapeau bleu-blanc-romain. — On prendrait un franc-fouillard. — Même pire. Pire, ça serait à l'extrême-droite. C'est incroyable.
00:03:58 Donc il y a une espèce d'enseignement, maintenant, dès le début, qui consiste à dénigrer absolument tout ce qui est la France.
00:04:07 Mais je poursuis pour le résumer des épisodes précédents. Jeunesse très studieuse. Vos parents aimaient que vous travailliez, et vous travaillez bien.
00:04:18 Il en résume d'ailleurs une immense mémoire. C'est ce que j'ai découvert au fil de ces entretiens, un peu hermésique. Vous vous souvenez de tout, de tout, de tout très bien.
00:04:27 — Pas toujours bien. — Écoutez, c'est très bien. De Gaulle l'était aussi. Et ça peut être de grande utilité. J'ai découvert aussi d'ailleurs – tiens, en passant –
00:04:38 que votre femme l'était aussi, en tous les cas très studieuse. Vous avez peu parlé, sauf un jour chez Jean-Jacques Bourdin.
00:04:46 Est-ce que vous pouvez nous dire deux mots de votre femme, qui a eu le bac à 15 ans ? — Oui. Mais alors ma femme, elle est discrète.
00:04:54 Elle ne cherche pas les « sun light ». Elle cherche à préserver notre famille. J'ai deux enfants. Donc ils en ont bavé, aussi, parce que c'est...
00:05:07 Quand on fait de la politique, on est un petit peu sur le devant de la scène. Et donc elle a toujours le souci de ne pas apparaître.
00:05:15 Donc elle ne se cache pas. Quand j'étais en cabinet, on se dit... Parce qu'il y avait des dîners, par exemple, de fin d'année, où les épouses...
00:05:23 — Les conjoints étaient invités. — Elles venaient à l'UPR. C'est arrivé deux, trois fois qu'elles viennent aussi. Mais elles n'aiment pas se mettre en avant.
00:05:30 Il y avait quelqu'un une fois qui m'avait dit... Un de mes collaborateurs qui m'avait dit : « Tiens, on n'a pas vu aujourd'hui Tante Yvonne ».
00:05:39 (Rires) J'ai rapporté ça à ma femme, qui a trouvé ça un peu moyen, parce que... Mais voilà. C'est-à-dire que... Et je pense que c'est quand même juste.
00:05:49 Lorsqu'on fait de la politique, c'est pas un couple qui fait de la politique. Ça, c'est vraiment un travers, encore une fois, venu des États-Unis.
00:05:56 La first lady, ça n'existait pas. On disait pas du temps de De Gaulle que Tante Yvonne était la première dame.
00:06:02 — C'est aussi espagnol. Les rois... Les rois et la reine vont ensemble partout.
00:06:07 — Oui, mais c'est un roi et une reine. C'est pas pareil. En France, le protocole républicain... Je suis désolé. Le conjoint du président de la République,
00:06:14 que ce soit une femme... Parce qu'en ce moment, il y a toujours eu des hommes. Et ça pourrait être un jour une femme et son mari. Ça n'existe pas.
00:06:21 Alors qu'il y ait des soucis... C'est normal qu'elle soit traitée correctement. C'est normal que lorsqu'il y a par exemple un chef d'État
00:06:31 qui vient avec son épouse, par exemple en visite officielle en France, elle soit présente au dîner d'État.
00:06:37 Par exemple, ça fait partie des choses normales. Mais je pense que le conjoint du président de la République, comme d'ailleurs des ministres,
00:06:45 devrait être par définition discret. Voilà. Parce que ça n'est pas... On n'élit pas un couple. Alors maintenant, on a atteint des notes...
00:06:50 — Après tout, vous avez de l'admiration pour elle. Je sentais ça quand vous en parliez. Elle aussi, bardée de...
00:06:59 — Elle a fait Normal Sup. Très jeune. — Nettre classique. — Oui. Elle est agrégée de lettres classiques.
00:07:06 — Grec et latin. — Grec et latin, oui. — Elles ne sont pas qu'à 15 ans. — Oui. Très jeune. Oui, oui.
00:07:12 — L'ambiance est studieuse chez vous aussi. Vos enfants aussi aiment... — Oui. Oui, globalement, on a des enfants qui ont... Oui, qui ont bien...
00:07:20 — La grande valeur, c'est la connaissance, en fait. — Oui. Mais il y a aussi une grande connivence aussi. Je crois que...
00:07:26 Je suis marié avec ma femme depuis 34 ans. On a fêté notre 34e anniversaire de mariage. Donc il y a une grande connivence, un grand soutien.
00:07:34 On se connaît bien. Et puis on a une même façon de voir les choses, aussi. Voilà. — C'est utile.
00:07:42 — Non, c'est fondamental. Je pense que faire de la politique, si on n'a pas un couple solide avec soi, ça doit être très difficile.
00:07:49 Et parfois, je me rends compte que c'est pas facile pour mes proches d'être... J'ai raconté un exemple.
00:07:59 C'est avec... J'ai une fille qui a fait des études de médecine. Un jour, elle était en train de faire... Elle était encore en 5e ou 6e année.
00:08:10 Elle est dans une opération chirurgicale. Un praticien hospitalier qui était là opère et puis qui entend le nom de famille de ma fille,
00:08:23 celle qui me l'a raconté, et qui dit « Asselineau, Asselineau, c'est ton père qui raconte toutes ces conneries-là sur Internet ? »
00:08:34 — Ah ça, l'opération. — Oui. Alors elle tenait l'estomac de la personne opérée. Elle a dit « J'ai failli lui envoyer l'estomac à ma figure ».
00:08:40 — L'opération. — Elle rigolait. Mais non, mais c'est dur. — Mais oui, je vois. — C'est dur, c'est dur, c'est dur, y compris quand par exemple,
00:08:47 on vous traite de tous les noms, y compris quand on me traite d'extrême-droite, de raciste, d'exélophobe, de secte, de gourou...
00:08:57 — Quand on se promène avec vous dans la rue, les gens font révérence, plutôt. C'est pas ça du tout. C'est pas des insultes.
00:09:03 — D'abord, j'ai pas eu d'autorité totale. Il y a encore beaucoup de gens qui ne me connaissent pas. Mais l'autorité a beaucoup, beaucoup progressé.
00:09:09 Depuis 2017, ça a beaucoup, beaucoup progressé. Et aujourd'hui, quand je me promène dans Paris ou ailleurs, même dans des petits villages,
00:09:17 il est régulier que des gens me reconnaissent. Et je suis toujours, toujours... Alors il y a deux types de personnes.
00:09:24 Il y a des gens qui me... Parce qu'on finit par avoir un sixième sens. Donc on voit dans le regard des gens des gens qui sursautent,
00:09:32 qui me reconnaissent. Mais il y a des gens qui sursautent et puis qui détournent le regard et qui passent.
00:09:36 — C'est gentil de dire que... — Voilà. Donc je sens que ce sont des gens qui m'ont reconnu, mais qui ne partagent pas mes analyses
00:09:44 ou qui ne veulent pas tout simplement me déranger. Mais il y a aussi d'autres personnes qui viennent me voir spontanément
00:09:49 et toujours gentils pour me féliciter. — J'ai vu. J'ai vu. Il faut que nous progressions aussi vers 2017, mon cher François Asselineau,
00:09:55 parce que nos émissions... Heureusement que je vous coupe pour me reprendre je vais le faire. Mais nos émissions ne sont pas un rallonge.
00:10:02 Et le risque est toujours, quand on parle d'une vie qui est tellement riche... Toute vie est riche, d'ailleurs, de faire 20, 25, 30 émissions d'une heure,
00:10:11 de deux heures, de trois heures, jusqu'à ce que l'on s'en suive. Donc essayons d'avancer. Donc merci de nous avoir parlé de votre femme
00:10:18 et de dire l'importance d'une famille unie. C'est déjà beaucoup. Vous avez commencé... Ça, c'était la deuxième conversation.
00:10:26 Vous avez commencé une carrière de grand fonctionnaire HEC, un long passage dont vous nous avez parlé au Japon, près de 2 ans.
00:10:34 Il vous a beaucoup marqué ou plus de 2 ans ? — Non, non, non. Un an et demi. — Un an et demi. Et puis ensuite l'ENA, ensuite l'Inspection des finances,
00:10:43 diverses missions, Nouvelle-Calédonie et autres. Et d'ailleurs, vous commencez déjà à vous familiariser avec le monde entier.
00:10:51 — Voilà. Le Cambodge. — Nouvelle-Calédonie, le Cambodge. Vous rencontrez des chefs d'État. Alors ça m'a toujours surpris.
00:10:57 Là, ça vous met très très haut par rapport à tout ce qui prétend être vos concurrents en quelque matière que ce soit en tous les cas pour la présidentielle.
00:11:05 C'est que vous avez rencontré un Premier ministre ou un président chinois, un Premier ministre frélanqué.
00:11:12 — On est bien d'accord. — Vous allez raconter ça. — On est bien d'accord que c'est lorsque j'ai fait... Donc je sors de l'Inspection des finances au bout de 4 ans.
00:11:22 J'entre à Bercy, où je m'occupe de commerce extérieur. Et assez rapidement, je suis appelé dans des cabinets ministériels, au cabinet de Gérard Longuet,
00:11:31 dans le gouvernement Baladur, sous la cohabitation avec François Mitterrand, ce qui m'a amené effectivement...
00:11:39 Quand j'étais donc auprès de Gérard Longuet, ministre des Industries du commerce extérieur, j'ai donc accompagné François Mitterrand et mon ministre,
00:11:47 qui faisait partie du... Mais enfin on était une dizaine avec Mitterrand, en Corée et au Kazakhstan. Ça m'a permis aussi d'accompagner Édouard Baladur en Arabie saoudite.
00:11:59 Et puis ensuite, il y a eu l'élection de 1995. Et là, j'ai fait du cabinet... Bon, rapidement, j'ai été directeur du cabinet de Mme Le Pen à FIO Tourisme.
00:12:08 Ça a duré 6 mois. Et ensuite, j'ai été auprès d'Hervé Le Charette, ministre des Affaires étrangères. Et là, j'ai accompagné...
00:12:14 Donc j'en parlais dans la dernière émission. J'ai accompagné Jacques Chirac, en effet, un peu partout. Notamment, on en parlait en Bolivie,
00:12:21 où il a été décoré du Grand Condor, etc. En 2017, quand je me suis présenté à l'élection présidentielle, en définitive, à part François Fillon,
00:12:29 qui avait été Premier ministre et donc qui avait quand même évidemment une connaissance des affaires de l'État au plus haut niveau
00:12:36 et également des relations internationales. Je pense qu'après lui, j'étais certainement celui qui avait le plus de connaissances internationales.
00:12:43 — Jusqu'à avoir rencontré... Alors on s'en était arrêté là, jusqu'à avoir rencontré un jour Jean-Paul II. Voilà.
00:12:52 Et vous aviez émis quelques hypothèses. J'aimerais qu'on reparte de là, donc, pour notre troisième conversation sur les interventions extérieures
00:13:00 dans l'élection de Jean-Paul II, consécutive à la mort étonnante et brutale de Jean-Paul Ier.
00:13:12 Dans ces affaires vaticanes auxquelles vous vous intéressez, vous voyez assez clair. Parce que quelques années plus tard,
00:13:20 autre grand sujet d'interrogation, le départ bizarre de Benoît XVI, acculé à la retraite – on peut dire mis à la retraite –
00:13:32 après des pressions multiples et variées. Des gens ont témoigné qu'on ne trouvait plus au Vatican le moindre billet de banque
00:13:40 à la moindre distributeur. Enfin on avait coupé les vivres jusqu'à ce que Benoît XVI démissionne.
00:13:45 Ça fait partie effectivement des rumeurs qui circulent. — Puis après, il y a eu l'élection de ce pape américain.
00:13:51 — Alors l'élection... — François. — L'élection des papes, de façon générale, tout au long de l'histoire de la papauté...
00:13:57 — Voilà. Il faut le rappeler. — ...a toujours intéressé les grandes puissances de l'époque. Il fut un temps, par exemple, sous Louis XIV,
00:14:04 où la France avait le pouvoir de veto sur l'élection d'un pape. Ça s'était passé juste avant l'innocence, qui était très hostile à Louis XIV.
00:14:14 Donc à plusieurs reprises, je crois, Louis XIV avait mis son veto. Finalement, il a été élu pape – je crois, il me semble –
00:14:20 d'innocence, qui d'ailleurs n'a pas failli taper sur la France. Bon. Donc il y avait à l'époque classique le Saint-Empire romain germanique,
00:14:31 le royaume de France, etc., qui était... Vous savez que la titulature des monarques, c'était d'origine chrétienne.
00:14:39 Bon. Le très chrétien, c'était le roi de France. Les majestés catholiques, les rois catholiques, c'était le roi d'Espagne,
00:14:48 enfin Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille. Sa gracieuse majesté, ça a toujours été, c'est toujours le roi d'Angleterre.
00:14:56 Sa majesté très fidèle, c'est le roi de Portugal, etc. Donc l'Église était quand même au centre de l'histoire européenne.
00:15:03 — Ça continue. — ...toute l'histoire du monde. Et ce que je pense, c'est qu'effectivement, au XXe siècle, l'Église, son pouvoir temporel
00:15:15 a été quand même extraordinairement attaqué. Pas seulement au XXe. Ça a commencé en fait effectivement avec le siècle des Lumières.
00:15:21 Mais c'est quand même une puissance qui a été très attaquée. Alors je vais pas ici commencer à prendre parti pour compte Vatican II,
00:15:32 laisser des vacantistes contre les traditionnalistes, les intégristes, etc. Mais ce qui est certain, c'est que je pense...
00:15:39 — L'élection de François pose question. — Oui, parce que je pense que déjà, l'élection de Jean-Paul Ier, qui donne quand même l'impression
00:15:48 d'avoir été liquidé, en fait, Jean-Paul Ier, il est mort très brutalement, parce qu'il avait commencé à vouloir se faire communiquer
00:15:55 le problème des finances du Vatican. Et c'est un secret de polichinette. Tout le monde est au courant. Tout le monde peut taper
00:16:01 sur Internet de chercher Mgr Marcinkus, la loge P2 en Italie, pour savoir qu'il y avait quand même eu du grand banditisme qui s'est infiltré.
00:16:12 Donc il y a eu Jean-Paul II, qui lui a été poussé par les Américains de façon délibérée pour nuire au camp soviétique, au camp socialiste,
00:16:22 ce qui d'ailleurs a formidablement marché. On en parlait l'autre fois, jusqu'à ce que Jean-Paul II, finalement, à la fin de son pontificat,
00:16:30 commence à prendre ses distances avec les évolutions du monde occidental, un peu comme Solzhenitsyn.
00:16:35 Ils ont été utilisés dans un premier temps Solzhenitsyn et Jean-Paul II contre l'Union soviétique.
00:16:41 — Et puis après, ils se sont rendus compte contre l'Occident. — Voilà. Parce qu'ils se sont rendus compte que l'Occident était en train de perdre
00:16:47 ce qu'il avait toujours été. C'est d'ailleurs une tradition... — Mais vous utilisez beaucoup le mot « Occident », François Asselineau.
00:16:54 Est-ce qu'il est siphondé que ça, ce mot-là ? C'est les États-Unis, ce que vous voulez dire. « Occident », le mot a sans cesse changé de configuration...
00:17:01 — Alors un petit peu d'étymologie, vous y serez sensible. « Occident », c'est le mot « oxydéré ». En latin, ça veut dire « tué », « mort ».
00:17:10 Vous savez que par exemple, en Afrique, beaucoup de peuples d'Afrique considèrent que les Blancs sentent le cadavre. Vous savez ça.
00:17:16 En Égypte ancienne, vous avez la rive des vivants. C'est la rive à l'est, c'est-à-dire du côté du lever du soleil, et la rive des morts.
00:17:25 Il suffit d'aller à Luxor. De l'autre côté, vous avez la nécropole tébène, où il y a tous les temps les hypogées des pharaons. C'est l'ouest.
00:17:35 Donc c'est d'ailleurs... Et poursuivons l'étymologie, ce qui a donné son nom à l'Asie et à l'Europe, puisque en acadien...
00:17:43 Acadien avec deux « k », qui était une langue utilisée en Mésopotamie. Le lever du soleil, c'est « asu » et le coucher « erebu ».
00:17:51 Et il semble que ce soit l'origine de Asie et d'Europe. Donc l'Asie, c'est le soleil levant. C'est d'ailleurs le nom du Japon.
00:17:57 C'est là d'où se lève le soleil. C'est là d'où vient la vie. Et l'Occident, c'est là où on bascule dans le monde des morts.
00:18:03 Donc ça, c'est la grande répartition traditionnelle – si vous voulez – des peuples anciens. Donc il faut comprendre que l'Europe
00:18:11 est un monde... C'est le monde du futur, mais c'est aussi le monde de la mort, c'est aussi le monde de la résurrection.
00:18:19 En attendant, je crois que ça veut bien dire ce que ça veut dire. L'Europe occidentale a été fondée d'abord et avant tout
00:18:27 par l'héritage gréco-latin, puis judéo-chrétien avec l'arrivée du christianisme. C'est ce qui a structuré quand même
00:18:36 l'histoire de l'Europe et du monde occidental. — Ça donne une unité au Occident, alors ?
00:18:41 — Oui. Je ne suis pas fondamentalement russier, mais... — C'est bizarre, parce que la Russie, dont on a dit beaucoup qu'elle avait
00:18:46 représenté l'Occident en 1905, quand elle avait été battue par le Japon – c'était la première fois que l'Occident... — Oui.
00:18:53 — C'était la Russie. Aujourd'hui, la Russie fait plus partie de l'Occident. Or, elle est quand même de souche quatrième.
00:18:58 Donc très bizarre, ce mot. Très bizarre. — Oui, mais on est toujours à l'Occident de quelque chose. — Oui, voilà.
00:19:02 — Lorsque Jean-Paul II meurt, assez naturellement, finalement, celui qui lui succède, c'est Ratzinger, Kernian Ratzinger,
00:19:10 qui d'une part était devenu un proche de Jean-Paul II, d'autre part est un intellectuel, vraiment un grand intellectuel.
00:19:15 Il se dit – je crois assez volontiers, parce que Jean-Paul II avait quand même énormément d'activité – on dit que c'est Ratzinger
00:19:23 qui aurait écrit les grandes encycliques du temps de Jean-Paul II. — Les grandes encycliques, oui.
00:19:27 — Notamment les deux plus grandes qui sont... — En tant qu'il les reprend dans ses écrits personnels « Une foi, pape ».
00:19:32 — Voilà. Donc il y a « Fides et ratio », « La foi et la raison », et « Veritatis splendor ».
00:19:37 — « Fides et ratio », très important. — Oui. — La foi... — Et la raison.
00:19:42 — Et sur la foi et sur la raison. — Voilà. — C'est le grand apport intellectuel de Benoît Saire.
00:19:46 — Oui, oui, oui. C'est que l'esprit est quand même sur les ailes qui se reposent sur la foi. — Ça, ça vous va ?
00:19:52 — Ah bah moi, je m'intéresse à tout. Donc je ne lis pas que la Bhagavad-Gita ou le Coran. Je lis aussi des encycliques.
00:20:00 Et j'avoue que... Alors vous savez que nos interlocuteurs, enfin les gens qui nous écoutent, les encycliques sont toujours nommés
00:20:07 par les deux ou trois premiers mots qui sont en latin, parce qu'en général, l'encyclique est en latin. Et ça donne le nom à la...
00:20:14 Voilà. Donc la première, c'est « Veritatis splendor », « La splendeur de la vérité ». Rien que ça, c'est magique, comme formule.
00:20:21 Et une autre des encycliques... Il y en a eu plusieurs. Mais les deux plus connues, c'est celle-là. Et c'est « Fides et ratio »,
00:20:25 « La foi et la raison », c'est « Sur la foi et la raison que... », etc. Il y a une encyclique que vous connaissez de Pionz en 1936
00:20:35 qui s'appelle « Mit Brennender Sorge », c'est-à-dire en latin... — Avec un souci croissant contre le navire.
00:20:39 — Voilà. Un souci croissant avec un soin brûlant. Enfin « Brennender Sorge », c'est une des rares encycliques, peut-être même la seule
00:20:46 dont les noms sont connus en latin, parce qu'elle a été... Excusez-moi, en allemand, parce qu'au lieu d'être écrite en latin,
00:20:52 elle a été écrite en allemand. — Parce qu'elle s'adressait à l'Allemagne. — Elle s'adressait directement. Voilà.
00:20:56 — Et elle attaquait les nazis. Il faut le dire, parce qu'on a... — Oui, oui, oui. Il faut le dire, parce qu'on a tendance à...
00:21:00 Alors Ratzinger devient pape, prend le nom de Benoît, patron de l'Europe. — Oui.
00:21:10 — Et Benoît XV, c'était en 1740, je crois, et donc devient Benoît XVI. Et il essaye à l'évidence d'essayer d'empêcher que le navire ne continue de couler.
00:21:26 — Alors pape de l'Europe aussi, parce qu'il voulait... Ça a été un des grands soucis. Mais là, il a rencontré un tel lectureur qu'il fallait
00:21:32 réconcilier les deux poumons, ce qu'il appelait les deux poumons de la chrétienté, c'est-à-dire le poumon catholique.
00:21:38 Il faisait pas grand cas du protestantisme, il faut dire, qui n'est plus vraiment un christianisme. Mais l'autre poumon, c'était...
00:21:47 — L'orthodoxie. — L'orthodoxie et l'Europe orthodoxe. Ça, c'était un des grands soucis de Benoît XVI. Toujours est-il qu'il disparaît
00:21:53 dans des conditions tout de même assez surprenantes. Enfin plutôt moins... — Mais il disparaît pas. Il est acculé, en fait, à la démission.
00:22:00 Alors on dit beaucoup... Je sais pas si c'est totalement vrai. Mais enfin de ce que j'ai lu, c'est que le système SWIFT a été coupé, quoi.
00:22:07 C'est-à-dire que d'un seul coup, le Vatican n'avait plus un sou. On pouvait pas... Par exemple, ce qui fait la grande richesse du Vatican,
00:22:14 c'est les contributions des églises nationales. J'ai déjà dit que l'église allemande, par exemple, est une église riche, mais américaine aussi,
00:22:22 donc qui entretient le clergé, mais qui aussi fait des transferts de fonds vers le Vatican, et pour toutes les œuvres charitables.
00:22:29 Donc c'est une multinationale présente dans tous les pays du monde. — C'est très important, ça. — Mais aussi, il y a aussi à Rome les musées du Vatican.
00:22:37 Il y a des centaines de milliers de visiteurs qui... Mais des millions de visiteurs tous les ans qui visitent par exemple les musées du Vatican.
00:22:44 Donc c'est un moyen d'assurer le train de vie de l'église. Et d'un seul coup, s'il n'y a plus de transferts financiers possibles, voilà.
00:22:55 — Alors vous voulez pas nous parler de François. L'élection de François aussi est assez étonnante. Le pape américain...
00:22:59 — Ce qui est sûr, c'est que désormais, la France ne pèse plus rien dans l'élection du pape. Mais en revanche, il y a un pays qui pèse de plus en plus.
00:23:08 Ce sont les États-Unis. J'ai déjà eu l'occasion de le dire d'après les rumeurs qui circulent sur le fait que Karol Wojtyla avait été élu pape
00:23:19 sur la forte pression des États-Unis et de l'Allemagne. Benoît XVI était un peu le pape de transition. Il avait été tellement proche de Jean-Paul II
00:23:28 que c'était assez naturel qu'il soit son successeur. Mais à la mort de... Comment dirais-je ?
00:23:36 — Au retrait de Benoît XVI. — Au retrait – excusez-moi – de Benoît XVI, il fallait quelqu'un qui ait l'aval en fait des États-Unis d'Amérique.
00:23:44 — C'est aussi simple que ça. — Alors là, vous parlez en catholique, au fond. Vous vous y intéressez de près. Ça m'a surpris.
00:23:50 — Mais non, mais je m'y intéresse. — Vous avez dit lors de notre première conversation que vous allez à la messe de temps en temps pour Pâques.
00:23:56 Mais vous n'êtes pas un thalas, comme on disait à Nandalsup, vous n'allez pas à la messe tous les dimanches. — Non, non, non.
00:24:02 — Vous vous considérez comme catholique ? — Oui, plutôt. Mais j'ai du mal avec... — Parce qu'il y a eu du mal de rétention.
00:24:10 Après, vous avez dit « Mais depuis, j'ai appris beaucoup de choses, j'ai réfléchi à beaucoup de choses ».
00:24:14 — Oui, parce que j'ai beaucoup circulé dans le monde, j'ai beaucoup lu, j'ai beaucoup... Il y a des choses, si vous voulez...
00:24:21 Je suis pas forcément très à l'aise avec la communion des saints. Benoît... Par exemple, Jean-Paul II, vous savez que Jean-Paul II,
00:24:29 sous son pontificate, a fait monter sur les autels – comme on dit –, donc a canonisé – je crois – plus de saints que toute l'Église avant lui.
00:24:38 Enfin c'était par fournaise entière. Il a fait des saints. Donc bon, on avait l'impression que c'était une espèce de politique générale.
00:24:48 — Quelles sont les spiritualités qui vous intéressent, alors ? — Par exemple, on va parler de l'hindouisme.
00:24:53 — Les asiatiques, les asiatiques. Voilà, voilà. — Quand on parle de l'hindouisme, les gens pensent que quand vous entrez dans un temple hindou,
00:25:03 vous en trouvez quelques-uns à l'île de la Réunion. Par exemple, vous-même, en France, peut-être on trouve un ou deux métropolitaines.
00:25:09 Mais à l'île de la Réunion, vous savez qu'il y a ce qu'on appelle les malabars, c'est-à-dire des gens venant de la côte de Malabar.
00:25:14 Mais quand vous allez en Inde... Voilà. Quand on entre dans un temple indien, de l'hindouisme hindou, vous êtes frappés par la prolifération
00:25:24 des représentations divines. Alors vous y comprenez pas grand-chose. Il y a Krishna, il y a Vishnu, il y a Shiva, il y a Parvati.
00:25:32 — Mais vous les avez étudiés. — Oui. Alors vous avez tout ça. Et donc vous vous dites : « Ouh là là, mais qu'est-ce que c'est ?
00:25:37 C'est un polythéisme incroyable, en définitive, ce truc ». Et en fait, non. En fait, ce que j'ai découvert, c'est que si vous avez un hindou
00:25:46 qui entre dans une église catholique, pas dans un temple protestant, mais quand vous entrez dans une église catholique,
00:25:54 vous avez des statues de saints un peu partout, en fait. C'est en fait pareil. Donc ce qu'il faut comprendre...
00:26:01 — Il y a un aspect politique. — Oui, absolument. — Ne serait-ce que le père, le fils et le sœur.
00:26:07 — Oui, bien sûr. Et ce que j'ai vraiment découvert avec l'hindouisme, c'est qu'il y a différentes starades de lecture.
00:26:15 Et donc vous avez en fait la trinité hindoue avec Brahma. Vous savez qu'il y a un seul temple en Inde qui est dédié à Brahma.
00:26:24 La totalité des temples hindous est dédiée en fait soit à Vishnu, ce qu'on appelle les vishnouïdes, soit à Shiva.
00:26:33 Alors Vishnu, c'est le principe de conservatisme, de respect de la tradition, de la famille, etc., etc.
00:26:44 Et on pourrait dire que c'est le principe de la droite politique, si l'on peut dire. Et Shiva...
00:26:52 — Ce sont des invariants. — Shiva, c'est le principe... Vous savez, c'est la statue de Shiva.
00:26:56 — La destruction de la construction. — La destruction. C'est la destruction, mais c'est aussi le progrès, l'innovation, etc.
00:27:02 Alors que Vishnu, le conservatisme, mais aussi l'immobilisme. Donc ça a été conceptualisé par la religion hindoue.
00:27:10 C'est assez étonnant. Et par ailleurs, vous avez ce que l'on appelle les avatars, ce qu'il y a donné en français le mot « avatar »,
00:27:17 qui en sanscrit veut dire « les descentes ». « Avataras », c'est l'incarnation d'un dieu, d'un de ses deux principes, Vishnu ou Shiva,
00:27:28 en une incarnation. Voilà. Et en particulier, donc, Krishna est le – je sais plus quoi – le 8e ou 7e avatar de Vishnu.
00:27:38 Bon. C'est une religion englobante, en fait, l'hindouisme, qui a englobé...
00:27:42 À un certain moment, je crois que le Bouddha est devenu le 8e ou le 9e avatar de Vishnu. Alors quelque chose qui est absolument génial...
00:27:51 Vraiment... Là, je parle vraiment – vous voyez – avec le cœur, parce que vraiment, j'ai trouvé ça très intéressant.
00:27:57 Il y a le grand texte de l'hindouisme. Il y a immensément de textes. Il y a les deux grands textes de l'hindouisme.
00:28:04 C'est ce qu'on appelle le Mahabharata. « Maha », ça veut dire « grand ». « Bharat », c'est le nom de l'Inde pour les Indiens.
00:28:10 À l'actuel parti au pouvoir, c'est le Bharatiya Janata Party, le parti de la mer indienne. Donc le Mahabharata, ça veut dire
00:28:15 la grande épopée du monde indien. C'est grand comme 10 fois la Bible. Ça n'a jamais été entièrement traduit en français, d'ailleurs.
00:28:21 Vous avez des morceaux. Et puis le deuxième, c'est le Ramayana, qui lui raconte les épisodes qui se passent notamment au Sri Lanka
00:28:27 avec le singe Hanuman, etc. Mais le principal, c'est quand même le Mahabharata. Je ne parle pas des textes plus anciens...
00:28:34 — Comme la Bhagavad-Gita. — Attendez. Comme les Upanishads ou comme le Rig Veda. C'est ce qu'il y a au tout début.
00:28:40 Il y a Rig Veda, les Upanishads, qui sont des espèces d'aphorismes, des choses qui sont tout à fait extraordinaires.
00:28:46 Dans le Mahabharata se situe la Bhagavad-Gita. La Bhagavad-Gita, qui veut dire « le chant du bienheureux ».
00:28:53 — Qui est le cœur. — Et c'est un peu le cœur, effectivement, du truc. Pourquoi ? Parce qu'elle apporte... C'est vraiment extraordinaire.
00:29:00 C'est un texte qu'il faut lire. Mais il faut le lire vraiment commenté, bien commenté, etc. Il faut pas le lire dans une seule traite.
00:29:05 C'est assez court, bon. Qu'est-ce qu'on en apprend ? On apprend qu'on est sur une plaine qui s'appelle la Vaivana-bataille,
00:29:13 la bataille de Kurukshetra, entre d'une part un guerrier qui s'appelle Arjuna et qui doit se battre contre ses cousins du clan adverse.
00:29:25 Et ce texte extraordinaire commence par une espèce de lamentation de Arjuna, du guerrier, qui tombe à genoux en pleurant et qui dit
00:29:35 « Je ne veux pas me battre contre mes cousins. Je ne veux pas leur faire de mal. Je ne veux pas les tuer. Je ne veux pas qu'on s'entretue ».
00:29:41 Bon. Et c'est à ce moment-là qu'apparaît dans les cieux Krishna, qui est donc une incarnation de Vishnu, qui s'adresse à Arjuna et qui lui dit
00:29:55 « Tu dois combattre et tu dois tuer tes cousins ». C'est l'antithèse du décalogue judéo-chrétien.
00:30:03 — Ah, mais les religions ne sont pas interchangeables. On peut s'intéresser à tout. — Mais les 10 commandements, c'est une ture à point.
00:30:07 Alors que là, Krishna dit « Tu dois tuer ». Mais là où ça atteint... Si ça se limitait à ça, ça serait... Mais là où ça atteint quelque chose
00:30:19 d'absolument génial, c'est que Krishna dit « Tu dois tuer parce que c'est ton devoir, parce que tu appartiens à une caste qui est la caste des kshatriyas,
00:30:30 c'est-à-dire des guerriers. Il y a 4 castes. Il y a la classe des brahmins, c'est-à-dire les prêtres, la classe des guerriers, les kshatriyas,
00:30:40 la classe des commerçants, les vaishyas, et la classe des paysans, les choudras. Et ensuite, il y a les pariyas, les hors-castes.
00:30:50 — Les interchangeables. — Les interchangeables ou les neshas, c'est-à-dire ceux qui sont hors-caste. Bon.
00:30:56 Et donc ça, c'est... Il y a 4 castes, plus ceux qui sont hors-caste. Et ça, c'est donc le dieu lui-même, Krishna, qui dit ça.
00:31:07 Soit dit en passant, ce texte se situe vers l'an – je crois – quelque chose comme 400 après Jésus-Christ. C'est l'apparition de ce que
00:31:16 les spécialistes appellent l'hindouisme brahmanique, parce qu'avant, ça n'existait pas. Si on remonte au Rig Veda, ça n'existait pas.
00:31:22 Donc en fait, pour les spécialistes de l'Histoire de l'Inde, de l'histoire des religions, c'est un peu une espèce de prise de pouvoir par la caste des prêtres
00:31:29 qui va imposer son pouvoir. Donc Krishna dit que tu dois tuer parce que tu fais partie de la classe des kshatriyas.
00:31:36 Et donc c'est ton devoir. C'est dans l'ordre du monde, le dharma. — Il n'y a pas d'urgence d'individualisme.
00:31:42 — Voilà. C'est le dharma. — On n'a pas le choix de ce que l'on fait. — Tu n'as pas le choix. Tu dois faire ton truc.
00:31:47 — D'ailleurs... — Ça, ça vous attire beaucoup. — Attendez. Je vais terminer, parce que c'est... — Je veux savoir comment vous vous souffez
00:31:51 par rapport à ça. — Voilà. C'est très intéressant. — La conversation ne porte pas sur la Bhagavad-Gita.
00:31:55 — Oui, mais c'est très important, puisque vous m'interrogez là-dessus. Allons jusqu'au bout. — Non. — Donc... — Non.
00:32:00 — Non. Si, si. Donc l'ordre du monde, c'est le dharma. Et donc le guerrier doit se comporter en guerrier. Et en fonction de ce qu'il va commettre
00:32:09 dans sa vie, il va y avoir ce qu'on appelle le karma, c'est-à-dire le résidu des actes commis. C'est comme s'il y avait une balance
00:32:18 entre le pour et le contre, l'actif et le passif, tout ce qu'on a fait de bien ou de conforme à sa caste et tout ce qu'on a fait de mal.
00:32:25 — Oui. Ce qui est bien, c'est conforme à ce qu'on se doit. — Voilà. Conforme non pas au bien selon nous, mais au bien selon sa place dans la société.
00:32:32 Et en fonction de cela, si le karma est positif à la fin d'une vie, il va y avoir ce que l'on appelle donc le cycle des réincarnations,
00:32:43 qui est donc... Une fois qu'on est mort, on est réincarné. C'est ce qu'on appelle le samsara, le cycle des réincarnations.
00:32:51 Et si le résidu des actes est positif, si le karma, si on l'a bien respecté, on va être réincarné dans mieux et dans une caste supérieure.
00:33:00 Il y a donc une espèce non pas d'ascenseur républicain mais d'ascenseur religieux...
00:33:06 — C'est tout l'inverse, même, d'ailleurs. — Oui, de caste en caste. En revanche, si on a fait mal, on risque de rétrograder.
00:33:12 — Dites-moi un peu comment vous situez, Isamu, tout ça. — C'est moi terminé. — Non, c'est pas possible.
00:33:15 — C'est parce qu'on n'en est encore qu'au début. — Ah non, non, non, non, non, non, non. — Non, non, mais attendez.
00:33:19 — On en est encore à moins de la moitié de votre vie. — Non, non, non, attendez, attendez, attendez.
00:33:23 — Ce qui est passionnant, c'est que... — Je l'attends pas. — Non, non, si. Ce qui est passionnant, c'est que Krishna dit ensuite
00:33:29 « Tu dois donc les tuer ». Mais il dit oui. En les tuant, tu vas les favoriser, puisque eux aussi seront morts en combat.
00:33:36 Donc eux aussi seront réincarnés. Donc vous voyez, ce texte, il invente... Enfin il invente, il pose le principe des castes, des hors-castes,
00:33:45 du dharma, c'est-à-dire du monde, du karma, et aussi du samsara, de la réincarnation. Et c'est à partir de ce moment-là que le texte
00:33:54 devient inimaginable. C'est que Krishna dit de toute façon que tout ça n'a aucune importance, parce qu'une vie, c'est...
00:34:04 — Rien. — Rien. En fait... — Ça aussi, c'est très différent de la foi qu'on tient.
00:34:09 — ...un être humain n'est que l'incarnation infinitésimale pendant une fraction de seconde à l'échelle des temps d'un grand principe
00:34:21 qui est ce qu'on appelle l'atman-brahman. « Atman », qui donnera d'ailleurs le mot de « l'âme » dans les langues indo-européennes.
00:34:28 C'est-à-dire une espèce... Moi, je le comparais un petit peu – vous savez – à ce grand tunnel blanc des expériences proches de la mort.
00:34:34 Vous savez, les « near-death experience ». Vous savez, toutes ces personnes qui sont tombées dans le coma, qui ont failli mourir,
00:34:39 et qui sont revenues à la vie, voilà, et qui décrivent toute une espèce de grand tunnel blanc. Et donc Krishna dit en fait
00:34:47 « Tout ça n'a aucune importance. Quelle que soit la case, tu n'es qu'une incarnation infinitésimale, et tu rejoindras ça ».
00:34:53 Et l'objectif final de ce cycle des réincarnations, c'est que de réincarnation en réincarnation, plus on se sera purifié,
00:35:02 arrivera le stade final du nirvana. Et le nirvana, c'est pas le paradis terrestre à l'occidental. Le nirvana, c'est la fusion totale et définitive
00:35:11 dans l'atman-brahman. Et il ajoute enfin... — Et moi, ce que je voulais faire...
00:35:15 — Et il ajoute enfin qu'il y a de toute façon des milliers de soleils, des milliers de ce qu'on appellerait des galaxies,
00:35:24 et que l'être humain n'est rien, en fait. Alors c'est un texte qui est quand même absolument prodigieux, parce que je rappelle
00:35:31 que s'agissant du monde occidental, dans l'Église catholique est donc du principe que le Soleil tourne autour de la Terre.
00:35:37 Ça va donner la révolution copernico-galiléenne, avec Copernic puis Galilée qui dit « C'est pas vrai, c'est la Terre qui tourne autour du Soleil ».
00:35:45 Donc c'est l'invention de l'esprit scientifique en Occident, très important. Mais je rappelle que jusqu'en 1890, on était persuadés que...
00:35:58 Non, jusqu'au début du XIXe siècle, on était persuadés que le Soleil était au centre de l'Univers.
00:36:05 Il faut atteindre le début du XIXe siècle pour découvrir qu'en fait, le Soleil n'est qu'une étoile dans une galaxie qui s'appelle la Voie lactée.
00:36:13 Il faut atteindre 1890 pour découvrir la galaxie d'Andromède, une deuxième galaxie. Il faut attendre les années 1950
00:36:23 pour découvrir qu'il y a 3, 4, 10, 100, 10 000, 100 000, des millions de galaxies. Et il faut attendre les années 1980 pour découvrir
00:36:34 les premières exoplanètes. On en découvre aujourd'hui tous les jours. Donc ce qui est absolument... Vraiment, ce que je trouve incroyable
00:36:40 dans l'histoire de la pensée, c'est que vous avez un texte, un Bhagavad Gita qui dit, il y a 2 000 ans, ce que l'on découvre aujourd'hui.
00:36:49 C'est ça que je trouve fantastique. — Mais alors vous, François Asselineau, comment vous vous situez là-dedans ? Parce que...
00:36:56 Sur quoi porte votre foi ? Votre foi, c'est peut-être la connaissance des fois, des religions. — Ce que j'aime bien dans l'hindouisme...
00:37:03 — Vous aimez... — J'aime pas les castes, en fait. D'ailleurs... — Non mais c'est pas la question. Vous aimez la question métaphysique.
00:37:08 — Oui, j'aime bien la question métaphysique. — La question de Dieu vous importe. — Je suis comme tout le monde, c'est-à-dire que tout le monde,
00:37:14 à un moment ou à un autre de sa vie... Et je pense que quand on est plus âgé, on y pense peut-être davantage que lorsque l'on est plus jeune.
00:37:21 — Peut-être. — Ou lorsque l'on a des proches. Moi, j'ai mes parents qui sont décédés l'un après l'autre au cours des dernières années.
00:37:29 Quand votre père ou votre mère décèdent, vous ne pouvez pas... D'abord, c'est un pan entier de votre vie qui disparaît.
00:37:38 Et puis vous vous dites : « Le prochain, c'est moi ». Et donc vous ne pouvez pas ne pas penser à ce qui va se passer.
00:37:46 C'est l'angoisse fondamentale de l'humanité. — C'est la petite porte de la question métaphysique qui va beaucoup plus loin.
00:37:52 — Bien sûr. — L'angoisse qu'on peut avoir de sa mort ou de ses proches. — Oui, mais c'est quand même quelque chose.
00:37:56 C'est le point d'entrée, comme vous dites. Et donc la grande question que les gens peuvent se poser, c'est... On retombe sur le tableau de Holbein
00:38:05 dont – je crois – je parlais l'autre fois, dont Dostoevsky parle, c'est-à-dire qui montre le Christ mort. C'est terrible.
00:38:13 Et donc comme dit le héros Dostoevsky, il dit que si Dieu n'est mort, si Dieu n'existe pas, tout est possible.
00:38:21 C'est quelque chose de fondamental. C'est-à-dire que la pensée moderne, la pensée contemporaine se trouve confrontée
00:38:29 à ce dilemme absolument fondamental. — Ah, c'est une impasse. — C'est que s'il n'y a pas de Dieu, s'il n'y a pas une vie post-morteme,
00:38:36 s'il n'y a pas forcément une vie, mais s'il n'y a pas un principe fondamental... — Ou un moment d'invisible.
00:38:41 — Ouais, quelque chose, ou une espèce de flux d'énergie, comme... Moi, ce que j'aime bien, c'est cette notion de flux d'énergie
00:38:46 sans début ni fin que l'on retrouve en fait dans toutes les religions, fondamentalement, et qui est le principe fondateur
00:38:52 finalement de la pagava de Guitare. À partir du moment où on se pose ces questions, on s'aperçoit que tout vient avec.
00:38:58 Par exemple, en France, le PCF était un parti officiellement athée. Mais en pratique, le PCF, dans les années 1940, 1950, 1960,
00:39:09 c'était en fait une espèce de christianisme laïcisé. C'est-à-dire que... — C'était une foi. — Oui. Et puis si vous voulez...
00:39:17 — Une foi en quelque chose qui dépasse... — Et puis il y avait quand même le mariage, il y avait la famille.
00:39:22 Alors on n'allait plus à la messe, mais on allait à la réunion de la cellule du parti. C'était fondé sur les grandes valeurs chrétiennes.
00:39:32 — Aujourd'hui, François Asselineau, l'homme moderne, hyper-moderne ou post-moderne, il n'a plus cette dimension.
00:39:38 — Oui. Mais on voit ce que ça donne en Occident. — C'est ce que j'allais dire. On approche de notre sujet.
00:39:45 Parce que si je m'intéresse à ce point, à l'intérêt que vous avez pour les religions et pour le langage de l'au-delà
00:39:56 que vous cherchez à travers des textes, qu'ils soient chrétiens ou ressortant d'autres religions, c'est parce que vous croyez
00:40:05 qu'il y a tout un monde qui nous dépasse. Et vous reliez ça dans les dernières minutes, j'ai bien compris, à la morale,
00:40:13 c'est-à-dire au comportement que l'on a. Et là, je voudrais en venir à un sujet important. Je vous empêche de parler.
00:40:20 Ce n'est pas facile, mais j'y arriverai. Un point important qui m'a toujours frappé chez vous, au risque d'une certaine naïveté
00:40:29 ou d'un certain juridisme, c'est votre extraordinaire sens moral. Mais je vois sur quoi il est ancré, ce qui vous différencie
00:40:37 de toute la classe politique d'ailleurs, dont vous apprenez, et là je voudrais que nous venions au fil de vos aventures
00:40:45 administratives, politiques, cabinet ministériel, premier pas d'élu, puisque vous allez être conseiller de Paris, nous allons voir,
00:40:53 vous apprenez la déchéance morale, on peut dire, le mot est trop fort, de la classe politique française.
00:41:00 Racontez-nous par exemple, vous êtes au cabinet de Charrette, Hervé de Charrette, ministre des Affaires étrangères,
00:41:08 et un jour, incidemment, alors que ce n'est pas dans votre portefeuille, vous êtes mêlé à une négociation européenne,
00:41:15 et je crois que ça a beaucoup accéléré votre prise de conscience de ce qu'est l'Union européenne et de son amoralisme profond,
00:41:22 et de l'amoralisme de ceux qui la portent, qui la portent cette aventure, à propos des négociations engagées par l'Union européenne
00:41:30 avec la Chine sur les quotas textiles. Il vous arrive une aventure que vous avez déjà racontée, mais j'aimerais que vous la racontiez de nouveau,
00:41:37 reliée à ce que nous venons de dire sur la foi et sur la morale qu'elle inspire.
00:41:44 — Alors je sais pas si on peut parler de la foi, on dirait plutôt, je dirais plutôt les intérêts nationaux, je vois ce que vous voulez dire, parce que...
00:41:49 — Quelque chose qui vous dépasse, quoi. — J'ai mis l'anecdote. Effectivement, je ne m'occupais pas au cabinet d'Hervé de Charrette des Affaires européennes.
00:41:55 J'ai eu l'occasion d'expliquer pourquoi l'autre fois. — Oui, c'était pas votre... — Non, ça n'était pas.
00:41:58 — Il se trouve qu'un jour, il y a un sommet des chefs d'État et de gouvernement qui doit se réunir... Des chefs d'État et de gouvernement de l'UE,
00:42:05 qui doit se tenir à Bruxelles. On doit être en 1996. Donc il y a 15 États. On en est 27, maintenant.
00:42:16 Et donc Chirac doit y aller. Et le directeur adjoint du cabinet, qui s'occupe normalement de ça, n'est pas là. Il est en déplacement.
00:42:26 Et donc mon directeur de cabinet m'appelle, me demande de passer le voie, et me dit : « Bon ben, directeur adjoint n'est pas là.
00:42:35 Est-ce que tu peux représenter le ministère à cette année lisée que ça se passe auprès du conseiller économique de Jacques Chirac ? »
00:42:44 Jean-François Cyrélie, pour ne pas le nommer, que je connaissais, qui est de ma promo de l'ENA. Et il me dit « Voilà, il va y avoir ça ».
00:42:52 Et il y a 25 dossiers. Donc voilà. Tu y vas. Tu représentes le ministère. Je dis « Bon ben, très bien, mais j'y connais rien ».
00:42:59 Il me dit « Bon, t'as qu'à regarder les dossiers ». « De toute façon, tu es d'accord sur tout ? »
00:43:04 — Ça va de soi. — Alors moi, déjà, ça, c'est le genre de choses qu'il faut pas me dire. Bon. Je suis un esprit rebelle.
00:43:13 Si c'est pour dire « Amène à tout », alors ça sert à quoi ? Je suis payé à quoi faire ? — Qu'est-ce qu'on fait ?
00:43:19 — Si c'est à dire pour avaliser ce que les services ont pondu, quel est le rôle du niveau politique ? Je vais donc en tout cas aller liser.
00:43:28 Et je dérive dans une réunion où il y a... — Il est lisé par un certain Cyrélie.
00:43:32 — Oui, où il y a les 4 ministères de souveraineté qui sont représentés, c'est-à-dire ministères de l'économie et des finances,
00:43:42 ministères de l'intérieur, ministères de la défense et ministères des affaires étrangères,
00:43:47 ce qu'on appelle les 4 ministères de souveraineté. Et on y ajoute... Il y a le ministère de l'Agriculture,
00:43:52 qui est représenté à chaque fois par des membres du cabinet, sous la houlette d'œil. Et il y a donc le maître de cérémonie.
00:43:58 Donc on est dans l'aile du château, là, et donc dans une salle de réunion. — Vous dites « château ». C'est bien.
00:44:05 — Et donc on fait le tour. Alors tout le monde a son truc. C'est comme ça que les gens disent « le château ».
00:44:09 — Oui, je sais. Mais ça n'est pas sans sens. — Ça n'est pas sans sens. Alors on fait le tour.
00:44:14 Et tout le monde... Oui, oui. On avait l'impression d'une espèce de messe basse. Tout le monde est là.
00:44:20 Une espèce de rite pour initier. Alors là, et ça, c'est sur tel truc. Oui, oui, oui, oui. Alors pas de problème, pas de problème,
00:44:29 pas de problème, pas de problème, pas de problème, pas de problème. Oui, le ministre a dit ça. Mais il est d'accord, en fait.
00:44:33 Donc pas de problème, pas de problème. Moi, j'avais regardé tout ça. — Il s'agissait...
00:44:38 — Et je vois... C'est un dossier... — ...très conséquent. La question, c'est-à-dire l'autorisation donnée aux Chinois
00:44:43 d'exporter tout ce qu'ils veulent, d'importer chez nous. — Oui, c'est-à-dire que pour réglementer le commerce extérieur,
00:44:49 vous avez 3 façons de réglementer le commerce extérieur. 1, avec les droits de douane, plus ou moins élevés.
00:44:55 2, avec ce qu'on appelle les quotas, c'est-à-dire vous avez le droit d'importer 4 257 000 chemises à manches courtes pour hommes
00:45:03 au cours de l'année 2023. Et quand on arrive au 4 257 000, une, elle stoppe. Que le stop arrive le 15 avril ou le 17 novembre, c'est stop.
00:45:12 Ça s'appelle un quota pour l'année. C'est le deuxième. Donc c'est une restriction quantitative, alors que l'autre,
00:45:17 c'est une restriction tarifaire, comme on dit. On augmente les droits de... Alors par exemple la drogue, le quota est zéro.
00:45:24 On n'a pas le droit, sauf si c'est pas tout à fait zéro. On a le droit d'importer de la morphine, par exemple,
00:45:29 pour les soucis thérapeutiques. Et la troisième façon de réglementer, ce sont les normes. Voilà. Avec des normes, c'est...
00:45:36 — L'Allemagne utilise beaucoup, ça. — Voilà. C'est une stratégie très américano-germanique. Donc les normes...
00:45:41 — En Anglo-Saxon. — En Anglo-Saxon. Et donc il y a... Il arrive dans ce débat, à un moment, c'était la levée des quotas textiles
00:45:51 vis-à-vis de la Chine. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la Chine, en 1996, était en train de devenir un immense producteur de textiles...
00:45:59 — Au détriment des entreprises. — Au détriment des entreprises en France, au détriment aussi des entreprises au Portugal, en Italie, en Espagne,
00:46:07 et aussi au détriment du début d'industrialisation qui avait eu lieu au Maroc et en Tunisie notamment, dans ce qu'on appelait
00:46:16 les accords ACP Afrique-Caribe-Pacifique qui dataient de 1975, l'OMEI 1, l'OMEI 2, et qui avaient voulu intelligemment,
00:46:23 à mon avis, à l'époque, faciliter le développement industriel des pays du Sud, notamment pour y freiner les phénomènes migratoires vers le Nord.
00:46:32 — Alors c'est le sujet de ce fameux dossier. — C'était tout à fait le sujet. — Revenons à l'Élysée.
00:46:35 — Et donc là, le dossier, c'est « On va supprimer les quotas textiles vis-à-vis de la Chine ». — Sans invasion prévue.
00:46:41 — Alors quel était l'intérêt ? L'intérêt, c'est que – semble-t-il – l'Angleterre, qui avait le poste des négociateurs...
00:46:48 Le commissaire européen chargé des négociations commerciales était anglais, justement. Et lui avait – semble-t-il – obtenu l'ouverture
00:46:56 du marché des assurances chinoises. Pour qui ? Pour les Lloyds britanniques. Vous savez, c'est le premier assureur au monde.
00:47:02 C'est né vers 1580. — Il avait parti. Il avait négocié sur notre... — Alors vu de l'Europe, on disait c'est formidable.
00:47:09 On délaisse une industrie finissante sans grand-dalle rajoutée qu'une industrie textile. On oublie au passage que ça représente
00:47:16 des centaines de milliers d'emplois, des millions de familles. On oublie aussi au passage qu'il y a ce qu'on... Moi, je pense
00:47:21 qu'il est fondamental. C'est le principe d'autosuffisance. Il faut qu'il y ait une autosuffisance alimentaire ou une autosuffisance vestimentaire.
00:47:28 Sinon, on sera des sans-culottes au sens propre. — Dans tous les domaines. — C'est-à-dire que si un jour, il y a...
00:47:33 — Autosuffisance médicale, etc., l'autosuffisance doit être pensée en de multiples domaines, franchement.
00:47:38 — Un chef d'État doit penser à ça. Voilà. Et donc l'idée, c'était de l'Europe... — Ce qui, actuellement, c'est l'inverse.
00:47:43 — Voilà. — On est dépendant sur tous les domaines, sur tous les crédits. — Voilà. L'idée, c'était on va débaisser ça.
00:47:47 Mais nous, on est les caïds de la pensée, parce que ça, c'est vraiment la pensée qui a prévalu lors de l'OMC en 1994,
00:47:54 la pensée qui règne dans les sphères de l'OCDE, qui règne à la Commission européenne. C'est qu'en fait, c'est racialiste.
00:48:00 C'est que les Blancs sont des caïds de la pensée. Donc nous, c'est la finance, le marketing, l'intelligence artificielle,
00:48:07 les jeux vidéo, le software, les films... — Oui. Les anglo-saxons sont comme ça. Ils ont tellement conscience d'être Blancs...
00:48:14 — Voilà. Et la supériorité intellectuelle. — ...qu'ils sont toujours supérieurs dans leur esprit de Blancs.
00:48:20 — Voilà. Et donc on va faire ça. — Le prix à payer, c'est la désertification de la région entière. C'est ça. Il faut le dire.
00:48:27 — Oui. Mais le problème, c'est que derrière cette stratégie européenne, vous aviez une stratégie anglaise.
00:48:36 Parce que pour les Anglais, dès l'industrie textile, ça ne les dérangeait pas. Il n'y en avait plus. Ce qui soit dit en passant
00:48:42 ruine le fameux théorème de Ricardo de 1825 – je crois –, vous savez, le vin de Porto contre le drap anglais.
00:48:50 C'est-à-dire que c'est ce qui fonde le principe du libre-échange. En fait, il n'y a plus de drap anglais. Il n'y a plus de textile.
00:48:56 Donc pour les Anglais, lever les quotas textiles vis-à-vis de la Chine, c'était double bénéfice. D'une part, ils pouvaient
00:49:04 prendre pied pour le marché des assurances pour leur compagnie d'assurance nationale au détriment des petits communs.
00:49:10 Et de, comme il n'y avait plus de quotas textiles, ils pouvaient acheter autant de textile en Chine qu'ils voulaient
00:49:15 et non plus être forcés d'acheter ça aux Français, aux Espagnols, aux Italiens. Donc c'est tout bénéf.
00:49:21 Sous couvert d'intérêts européens. En revanche, des pays comme la France, on se fait avoir. C'est-à-dire que nous,
00:49:28 on perd sur tous les tableaux. On condamne nos industries d'exemple. — Alors là, la question se pose. Ils le savent, vos collègues. Pourquoi ?
00:49:35 — Alors c'est là que j'interviens. — Allez, vous êtes à cela dit avec des intérêts français.
00:49:39 — Ma femme est en gère des Vosges. Donc je connais un peu les valevos gènes. — Vous pensez aux textes vosgiens ou du Nord ou B...
00:49:45 — Mais c'est ce que j'ai dit. — Voilà. — Je l'ai dit avec toute la bonne foi, la candeur, le sentiment du devoir accompli
00:49:54 vis-à-vis de mes compatriotes. Je sais qu'il y a dans le Nord ou dans les Vosges, il y avait à l'époque des vallées entières
00:50:02 qui ne vivaient que de l'industrie textile. Et donc la fin des quotas textiles, c'était condamner des entreprises entières à la ruine.
00:50:11 Et donc ça voulait dire des milliers de familles qui allaient se retrouver avec un membre de sa famille sans emploi.
00:50:17 Et donc c'est un drame humain. Et donc que doit faire... Enfin la France... Je sais pas. — Alors vous avez une réaction morale.
00:50:23 — J'ai une réaction morale, mais aussi politique au sens noble, défendre l'intérêt de mes concitoyens.
00:50:27 — C'est de la morale, ça. Je suis là pour remplir un devoir au service de mes concitoyens. — Et donc c'est là où ça arrive à moi.
00:50:34 — Et les autres. — Et je dis... Alors là, honnêtement, ce que j'ai fait, c'est pas bien. Enfin c'est pas bien.
00:50:41 — C'est comme si vous aviez pissé sur la table. — Non. C'est-à-dire que j'ai outrepassé les directives qui m'avaient été données
00:50:47 par mon directeur de cabinet lui-même. — Qui consiste à dire oui. — Lui m'avait dit de dire oui. Mais moi, j'ai pas voulu dire oui.
00:50:52 — Oui à tout. — Je me suis dit puisqu'on m'envoie, on considère que je suis quand même quelqu'un qui est câblé intellectuellement,
00:50:59 ou alors sinon, c'est pas la peine de m'envoyer. À ce moment-là, autant envoyer un bordereau en disant bon pour le bon, bon pour l'aucun.
00:51:04 — Mais toute la machine administrative marche comme ça. — Oui, mais moi, je ne suis pas comme ça. — Oui, j'ai compris.
00:51:08 — Et donc ça arrive à moi. Et je dis... Là, il y a un problème. Je dis que ça n'est pas possible de faire ça. Alors...
00:51:17 D'un seul coup, c'est comme s'il y avait un escadron d'anges qui était passé. Tout le monde se dit « Mais qu'est-ce qui se passe ? ».
00:51:22 Et je tape du poing sur la table. Je dis « Mais enfin c'est pas possible. Il y a des milliers d'emplois qui vont être détruits en France.
00:51:29 Est-ce qu'on a vraiment bien négocié ? Enfin pourquoi on cède ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? »
00:51:33 — C'est ça, ce que j'entends par souci moral. — Mais oui ! Et je me tourne donc vers le maître de séance, Jean-François Siréli,
00:51:43 qui était... Quand il était à l'ENA, il était au RPR. Moi, j'étais pas du tout dans un parti politique.
00:51:50 Mais il faisait foi de Gaulleau-Chiracisme. C'est d'ailleurs pour ça qu'il s'était retrouvé à l'Élysée. Et donc...
00:51:57 — On est sous Chirac, je veux dire. — On est sous Chirac. Et donc je dis « C'est pas possible ». Et je dis « Jean-François,
00:52:02 il faut que l'Élysée mette tout son poids dans la balance ». Et je tape comme ça du poing sur la table.
00:52:07 « Il faut mettre tout son poids dans la balance sur cette affaire ». — Vous n'aviez pas dit...
00:52:12 — Alors tout le monde m'a regardé... J'aurais lâché une flatulence ou j'aurais mis les pieds sur la table que la stupéfaction
00:52:18 n'aurait pas été supérieure. — Réponse. — Donc c'est tombé dans un séance. Tout le monde s'est retourné vers le maître de séance.
00:52:28 Et c'est ça qui m'a fait créer l'UPR, fondamentalement. C'est les mots qu'il avait à dire, là. C'est qu'il me dit...
00:52:35 Pfff... Il lève les bras au ciel et me dit « Tu sais, François... » J'avais dit « Il faut que l'Élysée mette tout son poids dans la balance ».
00:52:43 Il lève les bras au ciel et il me dit « Oh, tu sais, François, le poids de l'Élysée... » — C'est-à-dire la servitude incarnée, insérée dans toutes les cellules...
00:52:55 — Il est avec Jacques Chirac en 1996, il y a 27 ans. Donc aujourd'hui, c'est exactement ce que de Gaulle a appelé l'esprit d'abandon.
00:53:09 C'est les deux premiers chapitres des mémoires de guerre, la pente et la jute. C'est-à-dire que l'on est... Quand vous avez quelqu'un
00:53:15 qui est quelqu'un d'intigent, qui a priori était patriote, mais qui avait complètement « engrammé », comme on dit en termes psychiatriques,
00:53:26 l'idée que la France ne peut plus rien. — On ne peut plus rien. C'est là la question de la souveraineté.
00:53:30 — Oui. La France, elle est trop petite. Vous savez où il est, maintenant, Jean-François Sirélie ? — Je préfère ne pas savoir.
00:53:35 — Je vous le dis quand même. C'est le patron de Black Rock pour la France. — Ah, ben voilà. Et tout est clair.
00:53:41 — C'est affreux. — Oui. Non mais ce qui est affreux, François Asselineau, ce qui est merveilleux, c'est votre réaction.
00:53:48 Ce qui est stupéfiant, c'est que ce n'est pas celle de tous les agents de la fonction publique qui, à tout le moins, sont des agents,
00:53:57 des dirigeants, ont des responsabilités, et qui intègrent la servitude ou qui ont une attitude morale ou immorale d'une telle servilité
00:54:07 que chaque jour, ils abandonnent. — Oui. — Chaque jour, ils laissent... — Mais c'est pour ça que... — Et vous devenez souverainiste ce jour-là.
00:54:13 — Non, peut-être pas. D'abord, j'aime pas le mot « souverainisme ». — Oui, mais je sais. — J'ai hâte de ce mot-là. Bon...
00:54:18 — Bon ben écoutez, c'est moi qui l'ai importé en France. Alors je l'utilise. — Oui, mais moi, je n'ai pas ce mot.
00:54:22 Si vous voulez, les Vietcong ou le FLN, ils disaient pas qu'ils étaient souverainistes. Ils étaient des mouvements de libération nationale.
00:54:27 — Les Québécois disent qu'ils sont souverainistes. — Oui, mais avec le résultat qu'on voit. — Mais attendez. La partie n'est pas finie.
00:54:32 — Non, dans le mot « souverainisme », il y a quelque chose que je n'aime pas. C'est le côté un peu risible. Le « isme », c'est toujours un peu péjoratif en français.
00:54:40 Le chiracisme, le sarcosisme, le mitterrandisme, le droidonomisme... — Non, alors la souveraineté. La souveraineté.
00:54:46 — Non. Moi, je considère... J'écris un mouvement de libération nationale, parce que je considère honnêtement que c'est d'ailleurs
00:54:52 un des pieds de nez extraordinaires de l'histoire du monde. C'est que la France a été une puissance coloniale,
00:54:59 qu'elle a imposé sa règle coloniale au XVIIIe, au XIXe et au XXe siècle, à des peuples où elle a choisi des marionnettes
00:55:06 pour diriger Baodai, par exemple, ou Kassab. — Et à son tour. — Et à son tour, nous sommes maintenant devenus une puissance colonisée,
00:55:13 avec la puissance coloniale étant les États-Unis d'Amérique, qui nous mettent des marionnettes. Donc en fait, Macron, c'est notre Baodai.
00:55:20 Voilà. C'est une marionnette décidée par les États-Unis. Et face à ça, si vous voulez, les Vietcongs au Vietnam ou le FLN en Algérie,
00:55:29 ils disaient pas qu'ils étaient souverainistes. C'était des mouvements de libération nationale. Et moi, je considère que l'UPR
00:55:34 est un mouvement de libération nationale, et qui a bien perçu que... C'est en tout cas notre analyse, que le problème n°1 de la France...
00:55:43 Il y en a beaucoup d'autres. Mais le problème n°1, c'est que la France est devenue une puissance colonisée.
00:55:49 Et la puissance coloniale s'appelle les États-Unis d'Amérique. Or, regardez sur la scène politique française...
00:55:55 — Avec un relais anglais et allemand. — Oui, bien sûr, bien sûr. — Les Rois sont bien...
00:56:00 — Oui, oui, oui, tout à fait. Mais je n'ai jamais dit le contraire. — D'accord, oui. — Mais regardez de Mme Le Pen à Mélenchon,
00:56:06 ou même d'ailleurs à Mme Arthaud, il y a une espèce d'omerta... — On dit rien. — ...de tous les partis politiques, de tous,
00:56:17 l'extrême-gauche, la gauche, voilà, pareil au LR, pareil chez Zemmour, pas un mot... — On n'en parle jamais sur les États-Unis d'Amérique. Jamais.
00:56:27 Progressivement, je m'aperçois que c'est une machine à broyer. Voilà. Et je pensais... Parce que vous savez, je vous ai parlé de ma famille.
00:56:36 J'ai une famille, j'ai des amis qui ne sont pas dans le serraille, qui sont des Français, des Français comme tous les Français,
00:56:43 comme 90% des Français ou 95% des Français. C'est-à-dire des gens qui sont fondamentalement – comment dirais-je – cohérents, honnêtes,
00:56:51 qui croient dans ce qu'on leur dit, etc. Et donc quand j'explique autour de moi que le président de la République, c'est plus grand-chose,
00:56:58 qu'il décide plus de rien, etc., les gens disent « Oh, ouais, ouais, ouais, j'y crois ». Donc il y a ce problème de crédibilité.
00:57:04 — C'est-à-dire que ce qu'ils ne prennent pas en compte, c'est le degré de servilité – j'en reviens à ça – à cela de nos grands oligarques
00:57:10 administratifs et politiques qui vivent dans le cynisme, en réalité. — Oui, parce qu'en fait...
00:57:14 — Parce que le but de la vie, c'est pas de servir. — Non, c'est se servir. C'est-à-dire qu'en fait, ces gens, ils ont intégré tous...
00:57:20 — C'est jouir sans entrave. — Oui. Madame Le Pen... Non, Mme Arthaud, M. Poutou...
00:57:27 — Les hauts fonctionnaires aussi, François. Ils sont là pour servir. Et en réalité, c'est jouir sans entrave.
00:57:33 — Oui, mais quand même. Quand même. Les hauts fonctionnaires... — C'est presque les pires. C'est eux qui...
00:57:40 — Ils sont quand même là pour obéir au niveau politique. Ils sont quand même là pour ça.
00:57:44 — Ils sont là pour servir le pays, les intérêts du pays. — Je suis désolé. Ceux qui prennent la décision, c'est le niveau politique.
00:57:50 — J'ai une dent contre les hauts fonctionnaires qui s'applâtissent. — Écoutez, moi, je sais en tout cas une chose.
00:57:57 J'ai vu tout au long de ma carrière que j'ai rencontré parmi les hauts fonctionnaires des anciens Zéniths, il y a de tout.
00:58:04 Bon, ils ont un peu un même moule, mais il y a quand même énormément de personnalités différentes.
00:58:10 Et vous en avez qui sont un peu à la coupe de gauche comme partout. Il y en a que j'ai trouvés qui étaient des gens
00:58:16 qui étaient vraiment très compétents, qui connaissaient très très bien les dossiers, qui étaient intelligents,
00:58:21 qui voyaient très bien les choses trap. Et puis vous en avez d'autres qui étaient beaucoup moins malins,
00:58:25 mais qui, surtout, eux, faisaient... Vous savez, il y a une série en Royaume-Uni qui existait dans les années 80.
00:58:32 Elle s'appelait Yes Minister. C'est-à-dire des gens qui sont là, quoi que disent les ministres, c'est formidable.
00:58:36 Ce que j'ai constaté au cours de ma carrière, c'est que ceux qui sont promus vers les fonctions de responsabilité
00:58:43 ne sont pas les meilleurs. Ce ne sont pas les plus compétents. Ce ne sont pas ceux qui voient les problèmes.
00:58:48 Ce sont les serviles. Donc on voit apparaître au niveau des directions des gens qui servent les ministres,
00:58:54 lesquels ministèrent pour leurs propres intérêts de carrière, et donc servent les médias et l'oligarchie.
00:58:59 — Alors vous allez jusqu'au bout, dissolution, juin 1997. — Je reviens à l'inspection des finances.
00:59:06 — Et vous retournez à l'inspection des finances. Vous êtes inspecteur général à ce moment-là ? Pas encore.
00:59:09 — Oui, si, si, si. Non, pas encore. Je le mets... Excusez-moi. C'est en 2000. — Vous êtes prêt de devenir inspecteur général.
00:59:13 — J'ai 39 ans. Voilà. — Vous montez les degrés de l'inspection. — Voilà. Et j'y viens... Je retourne à l'inspection des finances
00:59:19 avec quand même beaucoup d'amertume, parce que j'étais entré en cabinet ministériel... J'avais passé 4 années de ma vie
00:59:28 en cabinet ministériel, qui sont quand même des années extraordinaires, parce que j'ai rencontré toutes les personnes
00:59:33 que je vous ai citées. Et donc on vit à 500 à l'heure. Enfin c'est extraordinaire. — Oui, oui. C'est très formateur, un cabinet.
00:59:39 — C'est incroyablement formateur. Et puis sur tous les sujets, sur tous les domaines. Mais c'est évidemment au détriment
00:59:45 de la vie personnelle, de la vie de famille. Et au détriment, on ne fait que ça. On ne fait que travailler.
00:59:50 Et la tradition veut qu'en règle générale, à l'issue d'un passage en cabinet ministériel, on ait un poste en vue. Bon.
00:59:59 Sauf que moi, tenu de la façon dont ça s'est passé, c'est-à-dire la dissolution ratée de Chirac, on a été remplacé
01:00:09 par la majorité de Jospin. Alors il faut savoir que quand il y a un changement de majorité, lorsque c'est une majorité de droite
01:00:19 qui succède à une majorité de gauche, la majorité de droite, elle recasse bien les gens qui sortent des cabinets
01:00:25 ministériels de gauche. Lorsque c'est l'inverse, la majorité de gauche... — Pas du tout. — Pas du tout.
01:00:29 — Enfin c'est... Donc petit conseil aux cyniques. — Le sectarisme du classe de la gauche. — Voilà. Le sectarisme total.
01:00:36 Donc ce qui fait que moi... On m'a dit « Écoutez, vous êtes inspecteur général des finances. Votre corps vous tend les bras ».
01:00:41 Oui, d'accord. Très bien. Enfin revenir... Après 4 ans, revenir au point de départ, c'était un peu triste.
01:00:48 — Donc vous avez vraiment fait une grande carrière administrative. Vous ne changez pas la politique à ce moment-là.
01:00:52 — Non mais j'ai dit... J'ai eu un peu d'amertume, qui était quand même teintée par le plaisir et la satisfaction
01:00:59 d'avoir fait des choses extraordinaires. Il y a 1 000 anecdotes dont je ne vous parle pas.
01:01:02 — C'est pas possible. — Sinon on en sera à la 257e émission. Mais j'ai fait vraiment... Il y a des anecdotes avec la Chine,
01:01:09 avec les dirigeants chinois qui sont vraiment très très importants, mais qui m'ont beaucoup formé.
01:01:16 Je reviens à l'inspection des finances. — Vous avez utilisé le mot « plaisir ». Ça, ça m'intéresse quand même.
01:01:19 — Oui, parce que... — C'est un plaisir dans le fait de servir. — Oui. Mais parce que j'ai fait... Je sais que ça paraît...
01:01:27 — Eh non. — Je sais que ça paraît un peu concombre. — Allons-y. Dis-nous. Dis. Dis les choses.
01:01:32 — Oui. C'est-à-dire que moi, quand je suis allé au Japon – je vous l'ai dit, je crois, dans une émission antérieure –,
01:01:37 j'ai découvert... Je me suis dit que ce que les Français ne feront pas pour la France, personne ne le fera pour eux.
01:01:47 — Et voilà. — Et donc j'ai découvert l'amour de mon propre pays au Japon.
01:01:52 — Sautons un petit peu. Vous arrivez donc. Dissolution, inspection. Bientôt, vous serez inspecteur général.
01:01:58 Mais on vous retrouve peu de temps après, à peu de temps de là, comme disent les romanciers, au directeur de cabinet de Charles Pasquois.
01:02:07 Comment ça s'est passé, ça ? — Alors ce qui s'est passé, c'est que je suis revenu à l'inspection. — Voilà.
01:02:11 — J'ai fait des missions, une mission sur les cabines téléphoniques. Enfin bon, bref, qui étaient en voie de disparition,
01:02:16 avec l'arrivée des portables. C'était une histoire assez intéressante. Enfin évidemment, bon, si vous voulez, j'avais quand même
01:02:23 discuté le bout de gras, si j'ose dire, avec Nelson Mandela ou avec Jean-Paul II. Bon, se retrouver à faire l'économie déclinante,
01:02:33 la gestion extrinctive des cabines téléphoniques en France, c'était un peu moyen. Donc j'avoue... Bon, disons que j'ai saisi l'occasion
01:02:42 avec ma femme pour que nous ayons un deuxième enfant, parce que là, j'étais beaucoup plus souvent à la maison.
01:02:45 Ça m'a permis de me reposer un petit peu. Mais je me suis posé... Et puis arrivée la quarantaine, je me suis posé la question
01:02:50 de savoir ce que j'allais faire. Et donc la néogique aurait voulu que je bascule dans le privé, je pantoufle dans le privé.
01:03:00 — Et puis ce passe-t-il ? — Mais sauf que j'avais pas envie. — C'est vous qui allez voir Pasquois ? — Non.
01:03:05 Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu le fait du traité d'Amsterdam. — Oui, 1997. — Et je faisais... Et donc les élections européennes de 99,
01:03:13 puisque le traité d'Amsterdam commençait en 98, je crois, son application. — Oui, 1997, et appliquée en 98.
01:03:19 — Voilà. Et donc arrivent les élections européennes... — T'as sont là qu'on se rend compte. C'est Charles Pasquois, justement.
01:03:22 — Voilà. Arrivent les élections européennes de 99. J'étais en train de faire une mission de l'inspection avec des inspecteurs,
01:03:30 des ingénieurs du corps des télécommunications. Et bon, la mission durait 3 mois. On parlait d'autres choses aussi de temps en temps
01:03:37 que des cabines téléphoniques. Et donc j'avais commencé à leur raconter mon expérience en cabine mystérielle et puis aussi
01:03:43 ma défiance vis-à-vis de la construction européenne, ce que j'avais vu, etc. Et l'un des ingénieurs me dit : « Mais finalement,
01:03:51 vous parlez en fait comme Pasquois. Pourquoi vous allez pas voir Pasquois ? » — Ah, ça commence comme ça. — Oui. Et je le regarde.
01:03:58 — Pourquoi vous n'allez pas Seguin, d'ailleurs ? Pardon. — Je sais pas. Parce qu'il m'a dit Pasquois.
01:04:02 — Vous auriez pu être au cabinet de Seguin, ce moment-là. — Oui, mais quoi que c'était... — Ce que j'étais moi, d'ailleurs.
01:04:06 — Oui, mais enfin Seguin, il a été... En 92, il avait fait le discours que l'on sait. Mais ensuite, il avait adoré ce qui brûlait
01:04:13 et brûlait ce qu'il avait adoré. — Ah oui. — Il s'était quand même... Voilà. Il s'était rallié à l'européisme, quand même.
01:04:19 — Ah oui. Ça, j'en sais quelque chose. J'ai démissionné pour pas faire le discours de réception du prix Charlemagne,
01:04:26 décerné à Philippe Seguin en récompense de quelques mots de miel qu'il avait sur la construction européenne, c'est-à-dire d'un reniement.
01:04:33 — Voilà. Alors que Pasquois... — Donc il m'a dit d'aller chez Pasquois, où je me retrouve, et en face de vous, un jour, en 98. Voilà.
01:04:39 — Donc cet ingénieur me dit ça. Je dis « Oh, mais ça, j'y ai pas pensé. Moi, j'ai jamais été dans des partis politiques ».
01:04:45 Ce qui était vrai. J'étais en cabinet. J'avais jamais été dans un parti politique. Et puis Pasquois, il avait quand même
01:04:50 une réputation un petit peu sulfureuse, quand même, qui lui avait été faite. Bon. Donc il m'a dit quand même...
01:04:56 — Quelques mots de miel aussi pour le Front national. — Oui. Et puis bon, des propos... Vous savez pas très bien.
01:05:03 — Le sac. — « Mille interlopes », « le sac », etc. Qu'est-ce que j'ai pas entendu là-dessus ? Et puis...
01:05:09 — Le sac, c'était fait pour lutter contre l'OAS. — Je commence à regarder ça d'un peu plus près. Je lis dans le journal allemand.
01:05:14 Et je vois notamment que l'un de ses proches, que je ne connaissais pas, qui s'appelait William Abitbol, avait créé
01:05:22 donc une espèce de groupe de réflexion sur... — Ça s'appelait « Demain, la France ».
01:05:28 — « Demain, la France », voilà. Et je lis une ou deux tribunes dans le Monde. — Titre que j'avais trouvé, d'ailleurs.
01:05:33 Vous le saviez pas, mais c'est moi qui avais donné cette... — D'ailleurs, il me semble que c'est avec vous qu'il avait co-signé
01:05:38 « Souverainisme », j'ai écrit ton nom. — Oui, c'est ça. On lançait le souverainisme.
01:05:41 — Voilà. Donc je regarde ça et je me dis en fait que je suis quand même tout à fait d'accord avec lui. Voilà.
01:05:45 Et donc je me dis finalement peut-être que je devrais y aller, sauf que je ne connaissais personne. Et je regarde.
01:05:54 Puis je me dis il y a un truc qui s'appelle « Demain, la France ». Je regarde. Je cherche ça sur le botin.
01:05:58 Et puis je dis « Tiens, je voudrais voir M. Abitbol ». C'était lui qui était à la tête de ce truc-là.
01:06:03 Et donc je suis allé voir William. J'ai demandé un rendez-vous. — Enfin c'était Pasquoi et Séguin qui co-présidaient.
01:06:09 — D'accord. En tout cas, je suis allé voir William Abitbol, que je ne connaissais pas. Donc j'ai fait la connaissance en disant « Voilà, je suis... ».
01:06:15 Et c'est à partir de ce moment-là qu'on est rentré dans leur... Je rentre pas dans les détails, parce que vous allez dire que je parle trop.
01:06:20 Alors ça a mis un certain temps. Ça a mis un certain temps avant que je sois présenté à M. Pasquoi, parce que les gens
01:06:26 me regardaient un peu d'un œil tord. J'avais été inspecteur général d'un vice-major de l'ENA.
01:06:31 C'était quand même... On n'en trouve pas tous les 4 matins. J'avais été dans des cabinets ministériels avec Hervé de Charrette,
01:06:36 qui était quand même plutôt... Donc qu'est-ce que c'est que ce type-là ? Et puis on me regardait un petit peu comme si...
01:06:43 Comme si c'était quand même... Enfin je veux dire rallier Charles Pasquoi en 1999, c'était quand même pas faire preuve
01:06:49 d'un carriérisme extraordinaire, parce que bon, c'était quand même... Enfin il me semble. Bon.
01:06:55 — Enfin il était président – il faut le dire – du plus riche département de France.
01:07:00 — Mais j'avais même pas ça à l'esprit. J'avais vraiment à l'esprit... — Et au sein.
01:07:04 — J'avais pas ça à l'esprit. Et donc finalement, William Abitbol me reçoit. On sympathise. Et puis il me dit qu'effectivement,
01:07:11 il va parler de moi. Alors ensuite, il y a eu des oppositions diverses et variées. Avant que je ne sois présenté à Charles Pasquoi,
01:07:19 je passe les détails. — C'est bien. — Oui, oui. J'aurais long à dire, mais ça ne sert pas à grand-chose.
01:07:25 On me fait une proposition. Et puis après ça, on revient sur la proposition qui m'était faite. Enfin bon, bref.
01:07:31 Et puis finalement, je rencontre M. Pasquoi, qui me propose de m'embaucher au conseil général de Hauts-de-Seine, dont il était le président.
01:07:39 — D'emblée directeur de cabinet ? — Non, non. D'emblée, j'étais responsable des questions internationales. Voilà.
01:07:45 Mais ça n'a pas duré très longtemps, parce qu'il y avait le préfet Lacroix, qui était l'ancien directeur général de la police nationale
01:07:52 que Pasquoi avait bien connu, et qui était directeur de cabinet, et qui est parti à la retraite. Et au bout de 6 mois,
01:07:58 j'avais suffisamment fait mes preuves auprès de Charles Pasquoi pour qu'il me proposa de m'embaucher comme son directeur de cabinet
01:08:05 au conseil général de Hauts-de-Seine. C'est comme ça que je me suis retrouvé au conseil général. Alors là, j'ai découvert un autre monde.
01:08:10 J'ai découvert le monde du souverainisme. — Monde affreux. J'en ai été pendant des années et des années, pour avoir créé le monde.
01:08:19 Mais je comprends pas comment il peut être peuplé de pistolets, de personnages qui sont pas du tout à la hauteur de la...
01:08:29 — Ah oui. Voilà. Moi, ça a été... — ...qui prétendent servir... Ils sont très en dessous de leur prétention à servir l'indépendance nationale.
01:08:36 — Ça a été ma grande déception. — Lacroix. — Ça a été ma déception. C'est que je n'ai pas trouvé auprès de Charles Pasquoi
01:08:46 le personnage que je croyais. C'était quand même quelqu'un qui était... Il avait des qualités. C'est un homme vraiment dans le privé
01:08:57 qui avait des qualités humaines vraiment... — Assez tendre, par moments. — Oui, tendre, gentil, sympa, très tendre.
01:09:01 — Mais capable d'une duplicité effrayante. — Effrayante. Et puis quand même avec un complexe d'infériorité, de vassalité vis-à-vis de Chirac,
01:09:08 qui était... Voilà. Vous pouvez pas lui faire retirer ça. Et donc je me suis... — Est-ce que vous saviez... Je vous coupe, là.
01:09:16 Est-ce que vous saviez qu'en 99, j'en étais bénéficiaire ? Je suis devenu député européen à ce moment-là. Pasquoi a lancé la liste
01:09:23 Pasquoi-Villiers avec Marie-France Garou en n°3. J'étais un peu derrière avec Abidjbol, etc., pour empêcher Séguin de faire un gros score
01:09:36 aux européennes de 99. C'est Chirac qui lance une liste dissidente contre Séguin, dont il avait peur aux élections suivantes,
01:09:44 c'est-à-dire les présidentielles de 2002 auxquelles nous allons arriver, et qui casse le RPR dont Séguin est président pour foutre Séguin sur la paille.
01:09:57 — Bon. Ça, vous aviez vu, ça, à ce moment-là ? — Non. Non, j'avais... — Moi non plus, je dois dire. — Non, non, j'avais pas vu ça.
01:10:04 Si vous voulez, ce qui a été ma déception, c'est... En fait, c'est l'illustration de cette formidable Maxime.
01:10:10 Vous savez, on en a peut-être déjà parlé, d'Oscar Wight, qui dit « Au fond, la vie n'est qu'une lente désillusion ».
01:10:17 — Voilà. — Voilà. Et moi, quand je suis allé auprès de Charles Pasqua, je me suis dit « Ben voilà, au moins, quelqu'un qui est gaulliste,
01:10:23 qui a... Peut-être que j'idéalise aussi De Gaulle. C'est possible. Mais De Gaulle, c'est quand même quelqu'un qui...
01:10:30 Il a quand même été condamné à mort à part contumace, De Gaulle, à deux reprises, quand il a fait le choix du 18 juin 1940.
01:10:35 — C'est important, ça, la vie à la mort ? — Oui. Il y a quelque chose comme ça. — Vous seriez tué pour la France ?
01:10:40 — Ben... C'est difficile à dire oui ou à dire non. Mais en tout cas, ce que je sais, c'est que c'est un engagement qui est du cœur.
01:10:50 — Il y a des tripes. — Oui, des tripes. Ma vie, elle le prouve. J'ai toujours été en rupture avec mon milieu d'origine.
01:11:00 Et ça fait 16 ans et demi. — C'est difficile que vous vous seriez tué pour la France. — Ah mais peut-être. Je n'ose pas trop le dire,
01:11:06 parce que j'aime pas les rhodomontanes. Je pense que les gens qui le diraient, qui le claironneraient, sont les premiers à se faire...
01:11:11 — Mais tout le monde le pense, que c'est la vie à la mort. — Oui. Enfin je veux dire c'est mon pays. Vous savez, il y a cette belle parole
01:11:17 que disent les Britanniques. « Right or wrong, it's my country ». Voilà. Qu'il est raison ou tort, c'est mon pays.
01:11:22 Eh ben moi, voilà. J'espère que mon pays a raison. Mais c'est mon... C'est-à-dire si on ne défend pas... Si nous, on ne défend pas
01:11:29 non seulement la France mais le peuple français... C'est-à-dire c'est là la trahison des élites. C'est Benda.
01:11:37 Je veux dire, le peuple français... Moi, quand je vais dans ma campagne, dans la ruralité, je rencontre des Français normaux sur les marchés.
01:11:46 Les gens, ils ont confiance dans leurs dirigeants. Ils peuvent pas imaginer que leurs dirigeants sont en train de brader le pays
01:11:53 pour des intérêts personnels. — Alors François Asselineau, justement, là, il nous reste quelques minutes pour clore,
01:11:58 avant de clore cette conversation, que c'est tant bien que mal de faire avancer, parce que tout est passionnant,
01:12:05 des illusions terribles. Pasquois envisage de candidater à la présidentielle de 2002. Vous êtes non seulement son directeur du cabinet,
01:12:17 mais sur ses entrefaites, on passe vite, vous faites élire conseiller de Paris, ce qui n'est pas rien. Un peu du côté de Tibéri,
01:12:24 et ça, c'est le même phénomène que celui dont je viens de parler. Chirac avait tellement peur que Philippe Séguin devienne maire de Paris
01:12:31 qu'il lui lance dans les pattes, avec l'aide de Pasquois, autrefois compagnon de Philippe Séguin, Jean Tibéri, maire sortant,
01:12:41 pour diviser la droite et lui faire perdre la mairie de Paris au bénéfice des socialistes. Et là, vous êtes complice de cette manœuvre
01:12:50 sans la comprendre. Mais vous devenez conseiller de Paris en 2001. — Oui, mais vous savez...
01:12:54 — Oui, je deviens devenu député européen sans savoir pourquoi. — Oui, alors là, dans le 19e, j'étais tête de liste.
01:13:00 Dans le 19e, je suis battu sur mon propre nom. Et vous avez malheureusement raison. C'est-à-dire qu'effectivement,
01:13:08 on ne comprend pas toujours très bien, même pas du tout. — Oui, c'est Fabrice Delbancois, au terrain.
01:13:13 — Voilà. On ne le comprend qu'après coup. — C'est ça. — Comme je le sais, c'est Hegel, dans la philosophie du droit.
01:13:20 « La chouette de Minerve prend son vol à la tombée de la nuit ». C'est-à-dire que « la chouette de Minerve »,
01:13:25 c'est la compréhension des choses, l'intelligence, la connaissance, l'intelligence à la tombée de la nuit.
01:13:30 C'est lorsque les événements se sont déroulés qu'on commence à le voir clair. C'est d'ailleurs pour ça que la chouette d'Athéna ou de Minerve,
01:13:36 l'intelligence, elle voit la nuit. Elle voit ce que les autres ne voient pas. Mais c'est après coup. C'est ça, le truc.
01:13:40 — Mais vous savez, c'est tout le travail littéraire. C'est le travail de Proust. On ne comprend pas ce qui nous arrive jamais.
01:13:44 On le comprend dans la réminiscence. C'est le travail de Freud aussi. C'est après coup que l'on sait ce qui s'est passé.
01:13:50 — Après coup, ce qui s'est passé. — C'est pourquoi la réalité dans laquelle on vit, on ne la comprend pas.
01:13:55 Elle devient vérité quand on la rumine. — Absolument. Et c'est pour ça que quand je suis allé chez Pasquoire, j'ai cru...
01:14:02 — Eh oui. La fleur au fusil. — ...honnêtement qu'on l'aime ou qu'on l'aime pas. C'était le représentant du gaullisme.
01:14:11 — Voilà. Même Séguin Maitrayé, lui, c'était le représentant de la fibre gaulliste. — Et voilà ce qui se passe.
01:14:17 Il est candidat à la présidentielle de 2002. — Alors il annonce sa candidature à l'élection présidentielle de 2002.
01:14:21 Je suis son directeur de cabinet au conseil général des Hauts-de-Seine. Et il me demande en parallèle de préparer son programme.
01:14:27 Donc à partir de 2001, pendant plus d'un an, j'ai préparé le programme présidentiel de Jean-Pasquoire.
01:14:34 Et je me répète toujours un peu, mais j'ai beaucoup beaucoup travaillé sur tous les sujets. Parce qu'on me dit...
01:14:41 — Un jour, il vous reproche de travailler jusqu'à 2 h du matin. — Oui. Et alors un jour...
01:14:45 — Est-ce que vous prenez très en sérieux l'histoire de faire un programme ? — Oui. Bien sûr.
01:14:48 — Pour la France, c'est pas des prunes. Ça sert à rien, les programmes, François. Enfin il faut le faire. Bon.
01:14:53 — Moi, j'ai un cœur, quand je fais quelque chose, qu'on dise que c'est bien. Voilà. On peut le voir dans toutes mes vidéos.
01:15:02 À chaque fois, on est là, on peaufine, le choix des illustrations, etc. — Ça, ça se veut de vos parents.
01:15:08 — Oui. C'est toujours l'idée de faire quelque chose de bien. Et parfois, je me rends compte que j'ai dit une erreur,
01:15:15 une date, je me suis trompé de 1 ou 2 années. Ça m'embête. Je me dis... Voilà. C'est comme s'il y avait
01:15:20 une espèce de gros bouton d'acné sur la joue de la joconde, quoi. Il y a un petit problème. Non. Il faut que ce soit parfait.
01:15:26 C'est pas seulement mes parents. C'est aussi la civilisation du Japon, de l'Extrême-Orient. C'est le zéro défaut. Bon.
01:15:34 Alors, je sais pas ce qu'elle me demande de faire son programme. Je fais son programme. — Vous êtes une petite chrétienne, au fond.
01:15:38 La perfection. Le perfectionnement, en tous les cas. — Oui. Il y avait une boulangère dans mon petit village de la Nièvre
01:15:44 qui est décédée maintenant et qui avait cette formule... Vraiment, c'était une vieille formule française.
01:15:50 Elle allait pas toujours à la messe dans son petit village, parce qu'elle faisait le pain. Et elle disait
01:15:54 « Travailler, c'est prier ». — Ah, c'est bien. — Ça, c'est une vieille pensée française.
01:15:59 — À répéter aujourd'hui, parce qu'on l'a pas perçue. — « Travailler, c'est prier ». Oui, oui, oui.
01:16:03 Il y a une espèce... C'est dans la sublimation dans le travail. Enfin tout ça, c'est connu. Ça a été...
01:16:08 — C'est ce qui a fait la civilisation française. — Occidentale, de façon générale. — Européenne.
01:16:12 — Oui. Européenne, si vous préférez. Mais vous savez que c'est la même chose. Je vous ai expliqué.
01:16:16 — Vous savez, comme directeur du Nouveau Conservateur, dès que je vois le mot « Occident », je le réeille,
01:16:22 quel que soit l'auteur de l'article. — Ah non, très bien. En attendant, au même moment, William Habitboll,
01:16:28 qui était conseiller de Pasqua, claque la porte et va chez Chevènement. Il avait un bureau.
01:16:34 Moi, j'étais le directeur de cabinet. Il était au cabinet. Il venait rarement. Mais il venait quand même.
01:16:38 Et d'un seul coup, il rallie Chevènement. — Parce qu'il ne pensait pas que Pasqua serait candidat.
01:16:41 — Alors évidemment, ça fait scandale. Moi, je suis le premier scandalisé. Et à l'automne...
01:16:47 — Et t'es pas seul, hein, Florence Kuhn, aussi députée comme Habitboll et moi-même. Nous avions rejoint Chevènement
01:16:54 pour la présidentielle de 2008. Mais vous, vous continuez... — Vu de l'entourage de Pasqua, c'était une trahison.
01:16:59 — D'accord. — Bon. Et donc... — Pas content. — Pas content. Moi, je continue à faire mon travail.
01:17:05 Et puis donc au mois de septembre 2001, je me rappelle encore. C'était le boulevard Saint-Germain.
01:17:12 Le soleil commençait à décliner. Il faisait comme une jolie lumière dorée. Je croise William Habitboll,
01:17:20 qui malheureusement est décédé depuis maintenant plusieurs années. — C'est un drame.
01:17:24 — Mais donc qui était un bon vivant, qui était quelqu'un de sympathique. Et je le croise donc au boulevard Saint-Germain.
01:17:32 Il me regarde d'un œil un peu... Ça faisait plusieurs mois qu'on s'était pas parlé, depuis qu'il était allé chez Chevènement.
01:17:37 Et il me dit : « Bonjour. Qu'est-ce que tu viens ? ». Alors je lui dis « Bah je suis avec Pasqua ».
01:17:42 Je lui dis « C'est quand même pas sympa. C'est dégueulasse, ce que tu as fait d'aller chez Chevènement ».
01:17:46 Il me dit « Comment ça, c'est dégueulasse ? ». — Plutôt Chevènement que d'aller chez Habitboll.
01:17:49 Topographiquement, j'avais organisé un déjeuner entre Chevènement et Habitboll. — Enfin je lui dis « Bah c'est dégueulasse, t'as laissé... ».
01:17:54 Il me dit « Comment ça, c'est dégueulasse ? ». — C'est pas la trahison. — « Comment ça, c'est dégueulasse ? ».
01:17:58 Je lui dis « Bah enfin quand même... ». Alors c'était avec Pasqua. Et là, il m'interroge et il me dit « Mais qu'est-ce que tu fais, toi ? ». Et je lui dis
01:18:05 « Bah je prépare le programme présidentiel ». Et il me dit... On est à septembre 2001. Et il me dit « Tu prépares le programme présidentiel de qui ? ».
01:18:16 (Rires) Il savait très bien que j'étais directeur d'équipe de Pasqua. Mais je lui dis « Bah de Charlie ». Il me dit « De qui ? ».
01:18:22 Mais je lui dis « De Charles Pasqua ». Il me regarde. Je reverrai toujours son air un petit peu presque attendri.
01:18:31 — Désolé. — Désolé, attendri. Il me dit « Allez, viens. Je vais te payer un pot, parce que t'as pas tout compris ».
01:18:37 Et donc on va dans une brasserie juste à côté. On va aux Inks. Il me dit « Tu prends un demi ? ». Je dis « Oui ». On se fait servir un demi.
01:18:45 Il me dit « Mais Pasqua sera pas candidat ? ». Il dit « Qu'est-ce que tu racontes ? ». Je dis « Mais oui. Dis-moi si je suis allé au gouvernement.
01:18:52 C'est parce que je sais que Pasqua sera pas candidat. Donc moi, je tiens quand même à ce qu'on soit présent à la présidentielle ».
01:18:57 Je dis « Mais qu'est-ce qui te permet de dire que Pasqua sera pas candidat ? ». Il me dit « Je sais ».
01:19:03 Je lui dis « Mais bon, tu sais très bien, mais... ». — Il faisait drôle, parce qu'on le savait tous. — Mais non ! Non, non, non.
01:19:07 — Moi aussi, je le savais. — Mais oui, mais peut-être. Mais non, c'était pas sur la place publique. Donc je lui dis « Mais enfin, comment tu peux dire ça ? ».
01:19:14 Et donc il me dit « Tu verras. Je te paye un pot. On en reparle dans un an, dans 6 mois ».
01:19:22 — Tout d'un coup, vous continuez votre travail, votre dur laboratoire. — Non, non, non. Entendez. Alors comme c'était quand même un très proche de Pasqua...
01:19:27 — On a 5 minutes, hein, François. — Ouais. Quand c'était un très proche de Pasqua, ça me trouble. Et 2 jours après,
01:19:35 je demande un rendez-vous officiel à M. Pasqua. J'étais son directeur. Normalement, un directeur peut entrer...
01:19:40 — Vous formalisez la chose. — Je formalise la chose pour qu'il voit que j'y portais attention. Donc j'obtiens un rendez-vous à la surprise de la secrétaire de Pasqua,
01:19:49 qui trouvait très étrange que je demande un rendez-vous. — Marie Hélène. — Marie Hélène. Je suis reçu par Charles Pasqua.
01:19:56 Et il me dit « Alors qu'est-ce que je peux pour vous ? ». Et donc je lui dis « Écoutez, voilà. Je travaille beaucoup pour votre programme ».
01:20:03 Et il me dit « Oui, oui, je sais. Vous travaillez beaucoup. Vous en faites un petit peu trop. Il faut que vous pensiez à votre famille, etc. ».
01:20:09 Je lui dis « Oui, c'est très bien ». Je dis « Mais c'est normal, quand même. Le président serait bien. C'est quand même votre programme ».
01:20:14 C'était quasiment moi qui voulait que le programme soit mieux que lui. C'était déjà un peu bizarre.
01:20:18 — Et vous n'avez toujours pas la puce à l'oreille. — Non. Et je lui dis « Mais il y a un petit problème ». Il me dit « Quel problème ? ».
01:20:24 Et je lui dis... Parce qu'à l'époque, en 2001, rappelez-vous, il y avait... Toutes les semaines, le journal Le Monde sortait une nouvelle affaire contre Pasqua.
01:20:32 Et donc je lui dis « Écoutez, président, je suis désolé de vous dire ça, mais il y a tellement d'affaires qui sortent sur vous que j'ai un certain nombre d'amis... »
01:20:38 Je ne cite pas William Abitbol. « J'ai un certain nombre d'amis et de connaissances qui me disent qu'en fait, je travaille pour rien parce que vous ne serez pas candidat ».
01:20:46 — Ouh la bouée, la mer. — Voilà. Et donc je voudrais savoir si ça a du sens que je travaille pour vous, en fait, parce que si vous l'avez dit vous-même,
01:20:55 je travaille énormément. Si vous ne m'êtes pas candidat, à ce moment-là, dites-moi. Je ne le dirai à personne. On fera semblant.
01:20:59 — Et l'épouse du dit Charlie. — Et Charles Pasqua se met dans une colère noire, comme je l'avais jamais vue. — Oui, c'est faire.
01:21:05 — Oui. J'ai vu pire, ensuite. Il me dit... — Oui, vous me racontez. — Il me dit « Écoutez, François, je vous donne l'ordre de continuer ce programme
01:21:17 parce que je serai candidat. Je les emmerde tous. Je serai candidat ». — Ah oui, c'est ça. — « Donc vous comprenez... »
01:21:25 — Voilà. — « Est-ce que vous avez compris ? » Je dis « Bah oui, oui, mais je ne demandais rien d'autre ». « Mais si, président,
01:21:33 là, on est une conversation tête-à-tête, je vous fais confiance ». — Donc vous recommencez à travailler.
01:21:37 — Donc je rentre dans mon bureau, ragaillardie. Je pense dans ma tête que William Habitball m'a dit des conneries, que c'est – je sais pas quoi –
01:21:44 — Quelques mois passent. — Et donc je travaille, je travaille. Et puis quelques mois passent, arrive le moment des signatures de maire.
01:21:52 Il y a un petit incident dont je suis témoin. C'est qu'il y a Alain Robert, qui était chargé de collecter les parrainages de Pasqua,
01:21:59 qui vient me le voir un jour en me disant « Tu sais, ça n'entre pas si facilement ». Je dis « Comment ça, ça n'entre pas facilement pour Charles Pasqua ? ».
01:22:04 Il me dit « Bah non, c'est pas si facile ». En attendant, là, il y a deux maires en haut de Savoie. Je les ai eus au téléphone.
01:22:09 Ils sont d'accord pour donner le parrainage à Charles Pasqua à condition qu'il les appelle. « Est-ce que tu peux t'en occuper ? ».
01:22:13 Je dis « Oui, pas de problème. Je parle à Charles Pasqua ». Je dis « Est-ce qu'il faudrait que vous les appeliez ? ».
01:22:18 Pasqua me dit « Pas de problème ». 3, 4 jours passent. Je revois Alain Robert qui me dit « Il a toujours pas appelé ».
01:22:27 Je dis « Comment ça, il a pas appelé ? ». Je revois Pasqua. Et je dis « Il faut que vous appeliez. ».
01:22:33 Il dit « Ah oui, j'ai pas songé à le faire. Mais je vais le faire. Je vais le faire ». Et puis 15 jours passent.
01:22:38 — On n'est toujours pas la puce à l'oreille, là. — Non. 15 jours passent. Et Alain Robert vient me voir et me dit « Tu sais, les deux maires dont je t'avais parlé,
01:22:45 eh ben ils ont signé pour quelqu'un d'autre parce que Pasqua les a pas appelés ». Je dis « Comment ça ? ».
01:22:51 Là, je vais voir Charles Pasqua. Et là, je donne un petit piège à Pasqua. Je lui dis pas ça. Je lui dis tout simplement en l'air de rien
01:22:58 « Est-ce que vous avez appelé les maires en question ? ». Et Pasqua me dit « Oui, oui, je les ai appelés ».
01:23:06 Là, je me suis dit qu'il était en train de me mentir, qu'il me dit qu'il les avait appelés alors que je savais que c'était faux
01:23:12 puisque je les avais donnés à quelqu'un d'autre. Donc j'avoue que là, j'ai commencé à avoir des... Voilà.
01:23:18 — Mais on est très près de l'échéance, là. — On est très près de l'échéance. Arrive l'échéance, la remise des parrainages.
01:23:24 À l'époque, les candidats pouvaient apporter eux-mêmes leurs parrainages au Conseil constitutionnel. Je ne suis pas convié à cette cérémonie.
01:23:31 Il y va avec notamment Marie-Hélène, sa secrétaire. Il dépose. Et moi, je ne sais pas. Et j'étais dans une petite bulle où j'étais toujours convaincu
01:23:41 qu'il était candidat. Il allait déposer les parrainages. On me disait qu'il allait sans doute les avoir. Moi, j'avais travaillé...
01:23:48 Il m'avait fait travailler comme un dingue pendant un an et demi. — Et finalement, non. — Bon. Et donc j'entends à la radio...
01:23:54 On parle de... « Pourrait avoir leurs parrainages Mme Christiane Taubira, M. Daniel Gluckstein ».
01:24:01 Il dit « C'est qui, ça ? ». Et puis il y avait toujours pas de Pasquois. — Pas de Pasquois. — Pourquoi il parle pas de Pasquois ?
01:24:06 — Et alors ? — Alors je me couche, puisque l'on s'avait... Et puis le lendemain, je me réveille, heureusement.
01:24:12 On allait savoir à 18 h quelle allait être l'année définitive. Et vers 9 h du matin, j'ai la secrétaire de Charles Pasquois qui m'appelle,
01:24:21 qui me dit « François, le Président voudrait déjeuner avec toi à midi. Est-ce que tu es disponible ? ».
01:24:25 Je dis « Bah oui, bien sûr ». Et donc je vais déjeuner avec Charles Pasquois, qui me fait le grand jeu. Il me reçoit dans sa salle à manger
01:24:32 du président du Conseil général de l'UCL. Ça commence avec du champagne Krug Millésimé, avec des morceaux de truffes sur les canapés,
01:24:40 l'angouste en Bellevue, etc. Et il me dit... Il était flanqué de... Il y avait deux collaborateurs qui étaient là.
01:24:46 Mais enfin c'était entre lui et moi. Et il me dit « Alors François, est-ce que vous savez combien j'ai eu de parrainages ? ».
01:24:54 Et là, je me suis trouvé dans un moment de ma vie vraiment... Comme on en a rarement, hein. C'est vraiment un basculant de la vie.
01:25:01 Je me suis dit « Mais si les parrainages, j'ai bien fait de lui présenter mes services, mais s'il les a pas, il a 75 ans, c'est fini ».
01:25:10 Non seulement ça sera fini, mais surtout ça voudrait dire qu'il m'a berné pendant un an et demi.
01:25:16 — Des yeux dans les yeux quelques mois plus tôt. — Des yeux dans les yeux quelques mois plus tôt. Je viens de le rappeler.
01:25:20 Il m'avait dit « J'irai jusqu'au bout ». Et moi, je lui avais fait confiance. Et donc je lui dis... Il me dit « Savez-vous combien j'en ai eu ? ».
01:25:27 Je raconte cet anecdote, parce qu'il est décédé. S'il n'était pas décédé, je ne me permettrais pas de raconter cette anecdote par pudeur.
01:25:33 — Elle est d'utilité publique, mon cher. — Mais je lui dis « Vous en avez eu 520 ». Comme ça, hein. Il en faut 500.
01:25:44 Et là, j'ai vu... Ça, c'est vraiment la chose la plus terrible que j'ai vue dans ma vie. J'ai vu dans son regard une lueur passer en disant
01:25:53 « Ce pauvre Asselineau, il n'a toujours pas compris que je l'ai complètement manipulé ». Et là, j'ai compris.
01:25:59 — Ça mesure quand même votre degré de naïveté. — Bah parce que – je vous dis – ça, c'est une de mes faiblesses.
01:26:04 Alors que quelqu'un... Je suis un peu trop porté à avoir tendance à faire confiance aux gens. — Attention.
01:26:10 — Voilà. Et donc quand il me dit ça... — Faites attention. — Oui, mais je me guéris. Ce sont des événements qui remontent à il y a 21 ans.
01:26:21 Donc depuis lors, voilà. Un jour, il m'avait dit « Vous avez le cuir pas assez père encore ». — Ça viendra.
01:26:28 — Voilà. Ça viendra. Mais toutes ces anecdotes sont très importantes pour comprendre qui je suis aujourd'hui et pourquoi je me méfie.
01:26:35 — Alors c'était pas 520. C'était... — Et donc il me dit « Eh bien j'en ai eu 485 ». Vous vous rendez compte quand même à 15 près.
01:26:42 — Et là, vous comprenez qu'il vaut pas prendre un vestige. — Oui, parce que je savais qu'il y en avait 2 déjà qui l'avaient refusé.
01:26:47 — Oui. Il le voulait pas. — Il le voulait pas. D'ailleurs, s'il se trouve, il les avait, les 520. Mais il avait très bien pu...
01:26:53 — Le fameux William Habitbol disait « Il peut en avoir 600. » — Bien sûr. Écoutez, Daniel Luketine ou Christiane Taubira, vous allez en avoir.
01:26:59 — Très grande popularité. — Bien sûr. Bien sûr. Chez les maires, c'est évident.
01:27:03 — Dont profitera d'ailleurs de son retrait Jean-Marie Le Pen, qui arrive second à la présidentielle de 2022, parce que Pasqua n'était pas candidat.
01:27:11 — Oui, parce que si Pasqua avait été candidat... — Alors ? — À mon avis, il aurait fait au moins 5%, 6%. — Plus, plus.
01:27:17 — Peut-être plus. Pas trop. Mais en tout cas, s'il avait été candidat... — Il aurait pas dû faire 5, 5, 5, 8...
01:27:22 — Oui. Mais s'il avait été candidat, à la fin du premier tour, on aurait eu en 1 Jospin, en 2 Chirac. Et donc on aurait eu un deuxième tour
01:27:32 Jospin-Chirac, Jospin tournant le virage en premier. Et on aurait eu Jospin peut-être élu président de la République.
01:27:38 Mais je crois pas. Je crois que Pasqua était en position, s'il avait eu beaucoup plus que 5... Souvenez-vous que Jean St-Jos,
01:27:44 pour chasse-pêche, nature et tradition, avait eu 4,8. Jean-Pierre Chemin, 5,23. Il y avait un mouvement souverainiste à ce moment-là
01:27:52 qui émergeait en France. — Alors l'autre possibilité... — Et ma théorie, c'est qu'il a été cassé par ses élites, par ses dirigeants,
01:27:58 par ses chefs de file, ce mouvement souverainiste. J'en ai été le témoin direct. Et à ce moment-là, à plus que 5, 8, 10...
01:28:05 On n'a pas entre 10 et 15. Mais peut-être plus, Pasqua était en mesure de négocier Matignon pour que Chirac l'emporte sur Jospin.
01:28:14 — C'est possible. Mais rappelez-vous les sondages, qui étaient quand même plutôt favorables aussi à Jospin face à Chirac.
01:28:19 Rappelez-vous ça. C'est pas... — Oui, mais avec le désistement de Pasqua.
01:28:23 — Mais Pasqua, il n'avait pas une si bonne réputation que ça. Enfin bref, on n'en saura jamais la vérité. Mais ce que je sais,
01:28:28 c'est que quand il m'a dit 485... — Alors que faites-vous ? — C'est un des grands jours de ma vie, si vous voulez.
01:28:33 C'est-à-dire c'est l'effondrement d'un monde. C'est-à-dire c'est un petit peu... C'est comme à la fin d'Un amour de soin,
01:28:39 tout ça pour quelqu'un qui n'était pas mon genre. C'est-à-dire j'avais donné 2 ans de ma vie à travailler jour et nuit
01:28:45 pour quelqu'un qui se présenterait qu'il serait le candidat gaulliste à la présidence de la République.
01:28:49 Et en fait, le mec m'avait fait un enfant dans le dos après m'avoir manipulé. — Vous commencez par encaisser le repas.
01:28:55 — Le repas... Il y a eu la langouste en Bellevue. Il y a eu le tourneau de Rossigny. Il y a eu du foie gras, parce que vous savez
01:29:03 que j'aime bien manger, donc lui aussi. Donc il en profitait. — Vous vous en faites plus.
01:29:07 — Oui, mais ça passait pas. — Et puis vous explosez. — Et à la fin, j'explose. Parce qu'à un moment, je disais rien.
01:29:13 Et à un moment, il me dit... Il y avait deux comparses qui étaient là, enfin deux collaborateurs. Et il me dit
01:29:19 « Alors François, vous ne dites rien ». Et là, je dis « Je ne dis rien ». Vous savez pourquoi ? Parce que vous m'avez trahi.
01:29:29 Vous m'avez traité comme une merde. Vous êtes un salaud ! — Vous lui avez dit « salaud ».
01:29:33 — Oui ! J'ai dit « Vous vous rendez compte ? Vous m'avez fait travailler pendant 1 an et demi, jour et nuit.
01:29:40 Je vous ai demandé si vous seriez candidat. Et vous m'avez dit que vous le seriez. Et en fait, vous m'annoncez ça.
01:29:47 Et vous trouvez que c'est normal que je devrais bien le prendre ? Vous m'avez traité comme un chien ! Vous m'avez poignardé dans le dos !
01:29:54 — Vous lui avez dit tout ça. — Oui ! Les deux collaborateurs... J'en ris maintenant, mais je vous assure, j'en pleurais.
01:30:01 Parce que j'avais mis tellement de ma vie... — Des vraies larmes. — Oui ! Oui ! Mais vraiment, ça peut arriver.
01:30:06 — Vous dites à votre honneur, d'ailleurs. — J'avais mis mon cœur, mon intelligence, tout ce que je pouvais pour ça.
01:30:14 — J'en ai presque encore une fois les larmes aux yeux. — Mais c'est bouleversant. Bon. Des millions de Français, François, sont comme vous,
01:30:20 et accessoirement moins qui ne comptent pas. Nous avons été bernés par nos dirigeants.
01:30:25 — Et alors les collaborateurs... Il s'était mis au niveau de la table, parce qu'on n'avait jamais vu ça. — Bien sûr.
01:30:32 — Et Pascua lui-même, il était bouleversé aussi. Il était devenu blanc, parce que personne n'avait jamais parlé comme ça.
01:30:41 Et il se lève brutalement. Il me dit « Attention ! On m'a jamais parlé comme ça ! ». Ben voilà, il avait une mâchoire comme ça.
01:30:50 Enfin il avait un physique, j'assure. (Rires) — Et vous répondez moi non plus. — Mais moi, j'étais tellement...
01:30:57 J'étais dans un tel état de rage extrême que je lui ai dit « Moi, on m'a jamais traité comme une merde comme vous l'avez fait ».
01:31:07 Il a regardé... Après coup, je me suis dit « Mais s'il avait eu un fringue, il m'aurait... » (Rires)
01:31:15 Il m'a regardé. Il était blanc. Il a pris sa serviette. Il a balancé la serviette comme ça sur la table.
01:31:20 Il a tourné les talons. Il a claqué la porte. — François Asselineau... — Et alors attendez, attendez, attendez.
01:31:25 C'est qu'évidemment, il y avait les serveurs, le maître d'hôtel du ministre qui entendait des éclats de voix comme ils avaient jamais vu.
01:31:33 Après ça, il y a l'un des collaborateurs de Pasquoi qui a dit « Mais enfin tu te rends compte ? Comment t'as parlé au président ?
01:31:38 C'est inimaginable ». Je lui ai dit « Mais qu'est-ce qui est inimaginable ? Ça fait un an et demi que je me suis...
01:31:44 Comment dirais-je ? J'ai travaillé comme un dingue pour ça, et qui me traite comme un... » — Non, mais il a trompé, surtout.
01:31:49 — Voilà. Et donc son collaborateur, à son tour, imite le président, prend sa serviette et fout le con...
01:31:58 Je reviens dans mon bureau. Je téléphone à ma femme. Je lui dis « Écoute, voilà, je pense que c'est terminé, maintenant ».
01:32:04 — On va s'arrêter là pour cette troisième conversation. — Mais je te dirais quand même la conclusion de la conclusion.
01:32:08 C'est que j'ai découvert ce que c'était que le monde politique, que j'ai découvert ce que c'est que le souverainisme de Pacotille,
01:32:15 que je sais qu'il y a sur la scène politique des gens avec qui je ne veux pas travailler, parce que je sais que ce sont des salauds.
01:32:23 Voilà ce que j'ai à dire. — Bien. Merci d'être si clair, net, si franc, si affectif, si sincère. — Voilà. Bah, si de le faut. Bah oui.
01:32:33 — Et nous concluons ici notre troisième conversation, que nous allons reprendre dans une autre conversation,
01:32:39 qui vous verra devenir l'homme politique que vous êtes. Merci, François Asselineau. — Merci.
01:32:44 Sous-titrage Société Radio-Canada

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