Sylvain Gregori

  • l’année dernière
Sylvain Gregori, Commissaire de l'Exposition
" 39-45 la Corse et la deuxième guerre mondiale ".

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00:00 Sylvain Grégoire, l'expo Corsica 39-45 que j'ai eu le plaisir de visiter hier,
00:05 ce sont environ 500 pièces qui retracent le quotidien des Corses
00:09 durant la Seconde Guerre mondiale.
00:11 Il y a une scénographie, on en parlera dans quelques instants, qui est très intelligente.
00:15 Mais avant de parler de l'expo, un visiteur aujourd'hui particulier, Emmanuel Macron.
00:21 Sa présence est une forme de reconnaissance pour vous ?
00:23 Oui, parmi les nombreuses cérémonies commémoratives qu'on a vues depuis le 9 septembre,
00:29 il est clair que c'est une forme de reconnaissance à la fois pour le musée,
00:32 mais aussi pour le travail effectué, le travail mémoriel de la ville de Bastia.
00:36 Donc on est évidemment très honoré par la présence d'un président de la République dans notre établissement.
00:43 Et c'est vrai qu'au-delà des cérémonies beaucoup plus classiques,
00:47 la visite d'une exposition marque l'intérêt dont le président a voulu toujours donner l'image,
00:55 l'intérêt d'un homme de culture.
00:57 Donc c'est en effet une double reconnaissance.
01:00 C'est vous qui allez lui faire la visite ?
01:02 Normalement oui, mais vous savez que c'est des timings très serrés.
01:06 Donc on n'est pas à l'abri de voir cette séquence être modifiée ou peut-être même supprimée.
01:12 Alors cette expo dont vous êtes le commissaire, vous avez voulu que ce soit quoi ?
01:16 Un témoignage, une tranche de vie de l'histoire de la Corse, un marqueur en tout cas de l'histoire de la Corse ?
01:22 Une expo qui fasse date ?
01:23 Alors c'est incontestablement une partie de l'histoire qui est évidemment un marqueur de notre passé.
01:31 Alors plusieurs choses évidemment.
01:33 Déjà il fallait commémorer de façon un petit peu plus originale que des célébrations officielles,
01:38 cet anniversaire, à travers justement une exposition.
01:41 Et c'est le deuxième point qui reconstruise notre imaginaire collectif de cette période
01:47 et surtout le recontextualise parce que la libération, on en entend parler,
01:51 mais on ne comprend pas pourquoi et comment du moins forcément elle arrive à ce moment-là.
01:56 Donc il y avait cette idée-là.
01:57 La deuxième, c'était effectivement de fabriquer un imaginaire collectif commun,
02:03 surtout pour les jeunes générations qui n'ont pas eu, comme nous qui sommes âgés,
02:06 l'idée de plus en plus même, et heureusement, ce lien familial, cette mémoire familiale,
02:12 cet affect que nos grands-parents qui ont connu ce conflit nous ont transmis.
02:18 Donc il y avait vraiment un travail de mémoire à faire, un travail évidemment le plus objectif possible,
02:22 en dépasser aussi les instrumentalisations politiques et idéologiques
02:26 qui sont toujours derrière ces commémorations.
02:29 Et on voit bien que la venue du président de la République s'inscrit aussi
02:32 dans une démarche éminemment politique.
02:34 Alors je ne vais pas spoiler l'expo,
02:37 totalement en tout cas, ça débute avec un buste de Mussolini,
02:41 ça marque déjà les esprits.
02:43 Et puis l'expo évolue.
02:46 On commence sur une image un peu romantique et on arrive sur des images dures,
02:49 sur des articles et des objets et des pièces dures,
02:52 notamment tous les articles "de l'armée allemande".
03:00 Cet expo qui glisse vers le côté obscur, ça marque vraiment les esprits.
03:04 C'était vraiment une scénographie qui était particulière ou ça s'est construit petit à petit ?
03:08 En tout cas, ça marche.
03:11 Merci. En tout cas, on a voulu parler de tout et son tabou.
03:15 Donc effectivement, on a même présenté le journal de Live de juillet 1944
03:20 qui présente les seules photos que l'on connaisse de femmes tendues
03:24 à Ajaccio au mois de septembre 1943.
03:28 Donc on a vraiment voulu non seulement faire fi de tous ces non-dits
03:32 et de ces chaps de plomb qu'on a mis dans les célébrations mémorielles
03:37 de ce moment de l'histoire de la Corse.
03:38 Et surtout, on a voulu montrer dans la deuxième partie de l'exposition
03:42 comment la société corse a été confrontée à ce conflit
03:46 et quelles en ont été les conséquences au quotidien.
03:48 C'est surtout ça qui est important et qui est le grand apport de cette exposition.
03:52 C'est cette vision anthropologique du conflit.
03:55 500 pièces présentées, pas des moindres.
03:57 Alors Sylvain Grégory, je sais votre passion pour l'histoire.
04:01 Personnellement, qu'est ce que vous ressentez de voir ces objets,
04:05 vos objets, certains sont vos objets personnels, exposés ?
04:09 C'est quoi ? C'est de l'émotion ? C'est de la fierté ?
04:12 Non, je pense qu'il ne faut pas avoir une relation trop dans l'affect
04:17 quand on fait de l'histoire.
04:18 Il faut garder beaucoup d'objectivité et de recul.
04:23 Ce qu'il y a de fonctionnel dans cette exposition,
04:25 en termes d'objets ou d'œuvres qui sont présentés,
04:28 c'est effectivement que ça matche, comme on dit.
04:31 Ça parle évidemment aux visiteurs et ça leur donne une autre image de ce conflit
04:35 qui est souvent réduit à sa dimension d'histoire bataille et d'histoire militaire.
04:39 Donc le but, c'était vraiment de sortir de cette approche-là,
04:42 même si évidemment on en parle, c'est une partie de cette histoire,
04:47 pour avoir vraiment une vision beaucoup plus humaine du conflit
04:52 et de montrer toutes ces dimensions, à la fois aussi politiques.
04:55 Vous le disiez avec Moussoline, on a évoqué dès l'entrée
04:59 une des origines de la résistance, c'est évidemment la propagande irrédentiste
05:06 et les revendications fascistes sur la Corse.
05:08 Donc évidemment, on a ce volet-là qui est somme toute assez classique,
05:12 même si on essaye de le réinterpréter à travers une lecture beaucoup plus culturelle,
05:17 comment l'identité corse a été confrontée aussi à ces revendications.
05:22 C'est ce dont on ne parle quasiment jamais dans l'historiographie traditionnelle.
05:27 Donc vraiment, l'important, comme dans toutes les expositions,
05:30 c'est que les objets parlent aux visiteurs sans qu'ils aient besoin
05:34 de faire un effort intellectuel trop poussé.
05:36 Ça marche vraisemblablement oui, puisqu'on a battu notre propre record
05:40 pour les journées du patrimoine avec plus de 3600 visiteurs.
05:44 Donc c'est que vraiment, l'exposition intéresse.
05:47 Merci Sylvain Grégoire, cours ICA 39-45, expo à voir jusqu'au 23 décembre.
05:51 Et puis pour aller plus loin, il y a aussi l'excellent livre que vous signez,
05:54 La Libération de la Corse, septembre-octobre 1943. Merci encore.

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