Anne Fulda reçoit Cédric Sapin-Defour pour son livre «Son odeur après la pluie» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Cédric Sapin-Defour.
00:03 Alors vous êtes alpiniste de profession,
00:06 vous avez déjà écrit un ou deux livres,
00:08 notamment "Gravir les montagnes est une affaire de style".
00:11 Et vous avez surtout publié un livre qui s'appelle
00:14 "Son odeur après la pluie", un livre paru chez Stock,
00:17 et qui, outre le fait que c'est vraiment un très beau livre,
00:19 très fin, très sensible, est vraiment le phénomène éditorial
00:22 de l'année, puisqu'il est paru fin mars et il continue
00:26 à être en tête des ventes et c'est mérité.
00:30 Première question, déjà, c'est vrai que c'est rare
00:32 des histoires comme ça à éditorial.
00:34 Pourquoi ce succès, à votre avis ?
00:36 - Je n'en sais strictement rien.
00:38 Je n'en sais strictement rien et je trouve assez ravissant
00:40 qu'il y ait un mystère autour de ce livre.
00:43 Et l'autre grand bonheur qui est le mien,
00:45 c'est que je crois, en tout cas de ce qu'on me dit,
00:48 c'est une réussite de libraire, de lecteur.
00:52 Et j'aime beaucoup cette idée que le livre soit né comme ça.
00:56 Mais ni de recherche de recettes ou d'explications à tout crin,
01:00 je me mets un peu à distance de ça et je profite,
01:03 ce qui est déjà un vrai plaisir.
01:06 - Alors vous y racontez votre, finalement, on peut dire,
01:08 votre histoire d'amour avec un chien,
01:10 qui a une histoire qui a duré 13 ans, un bouvier bernois
01:16 de quelques 42 kilos.
01:18 Prendre un chien, écrivez-vous, c'est se saisir d'un aide de passage,
01:21 s'engager pour une vie ample, certainement heureuse,
01:24 irrémédiablement triste, économant rien.
01:27 C'est pour exprimer votre gratitude que vous avez écrit ce livre,
01:30 à ce chien ?
01:31 - Certainement.
01:32 - D'une certaine façon.
01:33 - Je lui dis autrement.
01:35 Je lui dis autrement.
01:36 Je lui dis en regardant les étoiles chaque soir.
01:39 Mais certainement qu'il y ait beaucoup de témoins
01:41 de l'expression de cette gratitude, de cette reconnaissance,
01:45 ça ne gâche rien.
01:46 Après, l'autre mobile de l'écriture, c'est aussi de passer du temps,
01:49 de passer du temps avec qui l'on choisit.
01:51 On choisit son sujet, on choisit son compagnon.
01:54 Et je crois que la première motivation pour moi,
01:58 dans l'acte d'écriture, c'était de passer de nouveau des soirées,
02:02 des nuits, devant une page blanche, mais en compagnie du bac.
02:05 - Alors, vous l'écrivez, en fait, la limite de cette aventure,
02:08 lorsqu'on prend un chien qui n'est pas un acte neutre,
02:10 c'est que ce bonheur a ses dates de péremption.
02:12 On sait que ce bonheur aura un temps limité.
02:17 Ça ne vous a jamais freiné ?
02:18 Et est-ce que ça ne vous a pas freiné après ?
02:21 Aussi, surtout.
02:23 - Non, je m'interroge toujours.
02:24 Je me demande si c'est cette certitude, finalement,
02:28 du temps réduit, du temps biologique contraint,
02:32 qui rend la puissance de cette relation.
02:34 Je n'en sais rien.
02:36 Ce qui est certain, c'est que c'est un équilibre
02:40 qui est difficile à trouver, mais avec lequel il faut composer,
02:44 c'est-à-dire ne pas l'avoir trop en tête,
02:47 mais quand même l'avoir dans un petit coin du cœur
02:49 pour se dire que chaque jour compte,
02:51 et que chaque jour est à prendre, chaque minute est à absorber.
02:54 Donc, moi, je vis plutôt cette temporalité
03:00 comme une source vraiment d'intensité de vie,
03:03 plutôt que de façon mortifère.
03:05 - Vu l'extérieur, cette relation, vous en parlez d'ailleurs,
03:08 entre un homme et son chien,
03:10 ça peut paraître un peu inégalitaire,
03:12 parce qu'il y en a un qui est le bête, quand même.
03:15 Et puis, le chien voue, en général, un amour inconditionnel à son maître.
03:20 C'est quelque chose de... Ça fait partie du tableau, aussi ?
03:24 - Oui, de toute façon, ce serait mentir
03:26 que de dire que nous ne sommes prescripteurs de rien.
03:29 Il y a évidemment un déséquilibre initial.
03:31 On choisit son chien, on le nomme,
03:34 on choisit beaucoup de choses pour lui.
03:37 Mais c'est à soi-même de construire la relation
03:40 la plus horizontale possible, et pour ça, la nature.
03:44 La nature est un lien.
03:45 Moi, j'ai vécu essentiellement à l'extérieur avec mon chien.
03:48 Et le grand air, la nature, le mouvement libre du corps avec les chiens,
03:52 là, c'est un élément qui favorise
03:54 une sorte d'équilibre, de réciprocité, d'horizontalité.
03:58 Et moi, en tout cas, j'ai tenu à avoir ce type de rapport avec lui.
04:02 - Et ce qui ne vous a pas empêché d'avoir une forme de dialogue,
04:06 finalement, sans les mots, sans la parole, ce que vous dites,
04:09 c'est des échanges faits de petits riens, ce que vous décrivez ?
04:13 - Oui, et ça rend attentif à l'autre, en fait.
04:15 Parce que la construction d'un langage commun,
04:18 mais qui ne peut pas s'appuyer sur la langue,
04:20 ça nécessite d'être capable de capter la moindre humeur,
04:25 le moindre mouvement de poil.
04:28 En fait, on augmente son parlement, on se désintéresse de soi-même,
04:32 et on est beaucoup plus à l'écoute de ce qu'est l'autre et de l'altérité.
04:37 - Alors, ça peut rendre une vie amoureuse ou une vie sociale plus compliquée ?
04:41 La vie amoureuse, c'est réglé,
04:43 puisque la personne Mathilde dans le livre accepte le chien.
04:49 Mais qu'est-ce que vous pensez ?
04:50 Il y a un livre qui vient de paraître d'Hélène Gâteau,
04:52 qui s'appelle "Pourquoi j'ai choisi d'avoir un chien,
04:54 entre parenthèses, et pas un enfant ?"
04:57 De ce type de déclaration un peu provocante, certes, mais...
05:02 - Je comprends l'idée.
05:04 Je comprends l'idée.
05:05 Après, moi, j'ai beaucoup de difficultés,
05:08 mais ce n'est pas en lien avec ce titre ou avec ce livre.
05:10 J'essaie de me préserver, de comparer,
05:14 d'indexer les amours les uns par rapport aux autres.
05:16 Voilà, moi, je ne sais pas très compliquer ma façon de comprendre
05:19 et d'appréhender le monde.
05:20 J'ai un cœur qui bat, et lorsqu'il bat un peu plus fort,
05:22 ça me rend heureux.
05:23 Et ça s'appelle certainement de l'amour,
05:26 que l'objet de cet amour soit un chien, soit une femme,
05:29 soit une forêt ou un livre.
05:32 Finalement, peu importe.
05:34 - En tout cas, vraiment, je vous conseille "Son odeur après la pluie".
05:36 C'est donc paru chez Stock.
05:38 Merci beaucoup, Cybrick Sapin de Four.
05:40 - Merci.
05:41 (Générique)
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