Anne Fulda reçoit Ève Ruggieri pour son livre «Au cas où je mourrais» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Evrogéry.
00:02 On n'a pas besoin de vous présenter,
00:04 tout le monde vous connaît, vous a écouté,
00:06 vous a regardé lors de vos émissions,
00:08 à la télévision, à la radio.
00:11 Ev raconte, musique au cœur,
00:12 tout le monde vous a lu, vous avez écrit.
00:14 Et là, vous écrivez votre autobiographie,
00:17 la première, évidemment,
00:18 qui s'appelle "Au cas où je mourrais".
00:21 Un livre qui est paru chez Flammario.
00:23 Et un joli titre qui intrigue,
00:25 qui vous a été inspiré par une jeune aristocrate.
00:28 -J'ai bien compris, c'est ça. -Qui vivait au XVIIIe siècle,
00:31 donc en plein moment de la Révolution,
00:33 là, ça peut se comprendre,
00:34 et qui avait intitulé son journal,
00:36 elle avait quoi, 18 ans, quand elle a commencé ça,
00:38 par "Au cas où je mourrais".
00:40 Il manque le point d'interrogation sur la couverture,
00:43 puisqu'on ne met pas de ponctuation sur les couvertures.
00:46 Mais c'est ça, c'est "Au cas où je mourrais",
00:48 ça laisse une possibilité de... Voilà.
00:50 -Voilà. Alors, vous racontez votre vie,
00:54 vous racontez les personnalités que vous avez rencontrées
00:57 tout au long de votre vie,
00:59 et surtout, vous revenez sur votre enfance,
01:01 ce que l'on ne connaît pas bien,
01:03 et sur cette passion que vous aviez pour le piano,
01:05 que vous avez dû arrêter,
01:07 et ça a dû être un déchirement terrible,
01:09 parce que c'était votre vie,
01:10 vous avez été élevée par vos parents musiciens.
01:13 -Oui, ça a été une blessure, vraiment,
01:15 dont je me suis jamais remise, tout à fait.
01:17 C'est-à-dire que parfois, je passe de la maison de la radio
01:20 ailleurs, devant des grands pianos de concert,
01:22 et je me dis, "Qu'est-ce que c'est beau, ces instruments."
01:25 Voilà. Bon, mais il fallait le faire, j'étais assez lucide,
01:28 ayant été élevée au milieu de grands artistes,
01:31 pour savoir que j'avais une main très étroite,
01:34 qui ne me permettait pas d'aborder
01:35 le grand répertoire romantique, Tchaïkovski, etc.,
01:38 tous les grands compositeurs russes,
01:41 et donc j'ai dit, "Bah, j'arrête." Voilà.
01:43 -Et alors, quand vous rencontriez
01:45 des interprètes magnifiques,
01:47 comme Vladimir Horowitz, par exemple,
01:49 est-ce qu'il y avait toujours un petit pincement au coeur
01:52 derrière l'admiration ?
01:54 -Ah, bah, qui sait ? J'aurais pu être à sa place.
01:57 -Non. Alors, ça, je me suis jamais dit
01:59 que j'aurais pu être à sa place.
02:00 Mais par contre, ce perfide m'a dit,
02:02 "Parait que vous êtes pianiste."
02:04 J'ai dit, "Oui, maître, oui."
02:06 J'ai été... Jouez-moi quelque chose !
02:08 J'ai cru que j'allais m'évanouir,
02:10 parce que c'était tellement perfide.
02:12 Alors bon, j'ai bien noté un petit peu que c'était...
02:15 "Oh, bon, vous n'avez pas menti."
02:17 -C'est une sacrée personnalité, Horowitz.
02:19 -Incroyable. -Pas le seul,
02:21 mais vous racontez, il y a sûr.
02:23 -Il est rentré sur scène en disant, "I am a legend."
02:25 Donc on savait où on allait à partir de là.
02:28 C'est vrai que c'était une légende du piano.
02:30 C'était un des derniers grands pianistes romantiques.
02:33 -Alors bon, vous avez rencontré énormément de musiciens.
02:37 Il y a évidemment Karajan, il y a Pavarotti,
02:40 enfin, un chanteur.
02:41 Célimidach aussi, c'est lui aussi un personnage.
02:45 Jessye Norman, la Calas.
02:48 -La Calas, je l'ai jamais rencontrée.
02:50 -Vous l'avez pas rencontrée. -Non.
02:52 -Je l'ai pas rencontrée et je n'ai pas regretté.
02:55 Non, parce que quand je suis arrivée à Paris,
02:58 j'aurais pu la rencontrer à ce moment-là.
03:00 Elle était vers la fin de sa carrière
03:02 et la voix n'était plus ce qu'elle avait été.
03:05 Elle le savait.
03:06 J'ai regardé des images à la télévision.
03:09 On voyait dans son regard, quand elle s'écoutait,
03:12 qu'il y avait quelque chose d'éteint.
03:15 C'était plus ça.
03:16 -On vous associe souvent
03:17 à des personnages de musique classique,
03:19 des personnes qui ont compté dans la musique classique,
03:22 mais aussi des musiciens plus contemporains
03:24 que vous avez rencontrés, comme Nina Simone,
03:27 qui, d'ailleurs, aurait aimé être une pianiste classique.
03:31 -Je me suis aperçue que personne n'avait jamais interviewé.
03:35 Pour moi, c'était une des plus grandes voix de jazz,
03:37 de pianiste, pardon.
03:39 Je me suis dit qu'il fallait que je la rencontre.
03:42 Je l'ai rencontrée.
03:43 Elle m'a complètement bouleversée.
03:45 Elle m'a raconté que son rêve, c'était une très bonne pianiste,
03:49 était de devenir la première pianiste classique noire.
03:53 Elle a fait ses études,
03:55 mais quand il a fallu rentrer dans un grand conservatoire,
03:58 on ne l'a pas admise.
04:00 On lui a dit qu'on ne prenait pas les genres de couleurs.
04:02 Elle m'a raconté qu'elle partait en tournée,
04:05 elle l'était, la vedette de ses tournées.
04:07 Les gens s'écrasaient pour l'écouter,
04:09 mais en sortant, elle voyait rentrer son orchestre,
04:12 ses amis, dans les restaurants réservés aux blancs,
04:15 et elle allait dormir dans un hôtel réservé aux noirs.
04:18 -Elle pleurait à la fin. -C'est terrible.
04:21 Oui, c'est absolument...
04:22 C'est assez bouleversant, ce que vous racontez sur elle.
04:25 Vous avez rencontré François Mitterrand,
04:27 que vous avez tenté de soigner en urgence,
04:30 car il s'était pris quelque chose dans l'oeil,
04:32 ce que vous racontez de façon amusante.
04:35 Parmi toutes ces personnalités que vous avez croisées,
04:38 ces gens extraordinaires,
04:39 est-ce qu'il y en a une qui vous a marquée plus qu'une autre ?
04:42 Je dirais peut-être Jessye Norman,
04:45 qui, pour moi, reste la plus grande voix de ce siècle,
04:48 qui était une artiste absolument merveilleuse.
04:51 J'ai eu le privilège, avec Karajan qui l'accompagnait,
04:55 de l'écouter chanter.
04:57 C'était vers la fin de la vie de Karajan.
05:00 C'est un air déchirant, c'est la mort d'Isolde.
05:02 Et à la fin de l'enregistrement,
05:05 Karajan a soufflé à l'auteur, au producteur qui était là,
05:09 qui est un Américain,
05:10 qui maintenant dirige le Métropolitain d'Opéra,
05:13 et lui a dit "Vous avez fait là le portrait d'un homme mort".
05:17 On avait tous la gorge serrée,
05:19 les techniciens étaient atterrés, tout le monde.
05:22 C'était un moment terrible,
05:24 et elle avait été sublime.
05:27 Sublime, une voix incroyable,
05:29 et puis c'est grave, doré, comme ça.
05:33 C'était une merveille.
05:34 En tout cas, je tiens à dire aux téléspectateurs
05:38 que vous écrivez et vous racontez aussi bien
05:40 avec ce que vous appelez le syndrome de Sheherazade,
05:43 votre livre que vous racontez à la radio et à la télévision.
05:47 Je vous conseille vraiment de lire ce beau livre
05:50 qui s'appelle "Au cas où je mourrais".
05:52 Il n'y a pas d'autosatisfaction ni de narcissisme exacerbé.
05:56 C'est un livre délicieux, c'est paru chez Flammarion.
05:59 -Merci beaucoup. -Merci beaucoup, Anne.
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