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Julien Pasquet et ses invités débattent des grands thèmes de l'actualité de la journée dans #SoirInfo

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00:00:00 Bonsoir à tous, ravi de vous retrouver comme chaque soir sur CNews en direct.
00:00:06 Vous le voyez en bas de votre écran, CNews est en deuil ce soir et c'est le monde du journalisme qui a perdu il y a quelques instants.
00:00:12 L'une de ses sommités, Jean-Pierre Elkabach, nous l'apprenons et nous vous révélons cette information,
00:00:19 est décédé aujourd'hui à l'âge de 86 ans des suites d'une longue maladie.
00:00:24 Jean-Pierre Elkabach, c'est évidemment 60 ans d'une carrière exemplaire dans les médias, à la radio, à la télévision, interviewer, patron de chaîne,
00:00:33 grand patron de médias, Jean-Pierre Elkabach qui était notre collègue depuis 2017, c'est donc éteint ce soir et nous subissons évidemment cette information,
00:00:45 nous la prenons de plein fouet, nous allons évidemment rendre un hommage appuyé tout au long de la soirée à celui qui nous a quitté,
00:00:52 donc aujourd'hui à l'âge de 86 ans, François Puponi, ancien député, est avec nous, bonsoir à vous, bonsoir à Gabrielle Cluzet, directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire,
00:00:59 Benjamin Naud dont vous entendez souvent le nom mais dont vous voyez rarement le visage, est avec nous, merci beaucoup Benjamin,
00:01:06 j'avais envie que vous soyez avec nous parce que vous avez été l'assistant de Jean-Pierre pendant très longtemps et vous êtes, comme nous tous, marqué par cette nouvelle ce soir.
00:01:13 On en parle avec Éric de Ritmaten qui a collaboré également avec Jean-Pierre à Europe 1 pendant de longues années,
00:01:17 Yoann Usaï qui dans cette rédaction a eu la chance aussi de collaborer avec Jean-Pierre Elkabbach,
00:01:22 Maureen Vidal qui nous donnera toutes les informations et les dernières réactions tout au long de la soirée.
00:01:27 C'est vrai que nous sommes un petit peu sidérés par cette information, on savait que Jean-Pierre était un petit peu en retrait ces derniers mois,
00:01:36 Yoann peut-être avec vous pour commencer, vous qui avez longuement collaboré à CNews, qu'il avait rejoint en 2017,
00:01:43 Jean-Pierre Elkabbach qui, je le disais, s'était éloigné des plateaux de télé depuis un moment, puisqu'on le savait en souffrance, la nouvelle est tombée aujourd'hui.
00:01:51 C'est d'abord peut-être le roi de l'interview qui nous quitte ce soir.
00:01:58 Ah oui, c'est certain, je peux vous dire que les politiques qui allaient l'affronter, parce que c'était un affrontement quand vous étiez face à Jean-Pierre Elkabbach au micro,
00:02:06 parce qu'il ne lâchait rien et parce qu'il préparait ses interviews avec une minutie absolument incroyable.
00:02:11 La première question posée par Jean-Pierre Elkabbach, elle était préparée, pensée avec la bonne intonation, les bons mots.
00:02:17 Jean-Pierre Elkabbach préparant une interview, c'était quelque chose de très impressionnant.
00:02:21 Moi, je me souviendrai toute ma vie du premier jour où j'arrive dans son bureau.
00:02:24 À l'époque, on préparait le grand rendez-vous Europe 1 CNews et Jean-Pierre Elkabbach en train de préparer une émission politique, c'était quelque chose.
00:02:32 D'abord, il avait mis l'idée à la seconde, il voulait tout changer au dernier moment parce qu'une nouvelle actu venait de tomber,
00:02:38 parce que finalement, il pensait que la première question n'était pas la bonne et il était impressionnant pour cela.
00:02:43 Il était impressionnant par sa connaissance du monde politique, qu'il connaissait absolument par cœur, impressionnant par sa grande culture aussi.
00:02:50 Il avait une culture absolument incroyable et puis impressionnant par sa bienveillance aussi en réalité,
00:02:55 parce que c'était quelqu'un qui pouvait aussi vous donner des conseils, avait beaucoup de choses à vous apprendre
00:03:01 et avait plaisir aussi quelque part à vous faire partager son savoir et à vous transmettre ce que lui avait appris au cours de sa longue carrière.
00:03:08 Donc, c'était quelqu'un de très impressionnant pour tout cela.
00:03:11 Et c'est vrai que, oui, bien sûr, ce soir, je suis très triste parce que c'est un homme qui a marqué évidemment le journalisme,
00:03:18 qui a marqué l'histoire du monde politique et parce que c'est quelqu'un avec qui nous avons tous eu et j'ai eu la chance de pouvoir travailler et je suis très reconnaissant de cela.
00:03:29 François Pupponi, l'enfant d'Oran qui a construit une carrière, d'ailleurs, comme on ne pourra plus en faire, comme on n'en verra plus,
00:03:38 60 ans de carrière, des interviews qui sont allées, je crois, alors ça, il faudrait qu'on en parle avec ceux qui l'ont encore mieux connu,
00:03:45 mais je crois que le général de Gaulle, en tout cas, il a suivi le général de Gaulle.
00:03:47 Il était reporter.
00:03:48 Mais c'est allé en haut du général de Gaulle à nos jours.
00:03:53 On parlait il y a un an de... Comment ?
00:03:55 Il n'a pas interviewé Emmanuel Macron, c'est le seul président de la cinquième qui ne l'a pas interviewé.
00:03:58 C'est le seul président qui ne l'a pas interviewé.
00:04:00 60 ans de carrière et oui, des journalistes fait du bois de Jean-Pierre Elkabbach, il n'y en a plus vraiment aujourd'hui.
00:04:07 Moi, j'ai eu la chance d'être... Enfin, la chance, je disais ça après, mais avant, je n'étais pas très fier d'être interviewé deux, trois fois par lui.
00:04:13 Effectivement, il vous téléphonait avant pour poser des questions.
00:04:17 Comment ? Pourquoi ? Et être très précis sur ce qu'il voulait vous dire.
00:04:22 Et le lendemain, il voulait... C'était des questions cash.
00:04:26 Il voulait des réponses cash.
00:04:27 Et si vous ne donniez pas la réponse, il vous poussait...
00:04:29 Enfin, il ne supportait pas la langue de bois.
00:04:31 Ceux qui venaient être interviewés par lui, il ne fallait pas qu'ils essaient de tourner sur du pot.
00:04:34 Il avait la réponse qu'il avait envie d'avoir.
00:04:37 Il vous poussait pour le faire.
00:04:38 Ça, c'était Jean-Pierre Elkabbach dans son métier.
00:04:41 Et puis après, il y avait l'homme qui était une personne extraordinaire.
00:04:44 Moi, j'ai en particulier un souvenir.
00:04:46 Il rentrait d'Oran.
00:04:47 Il était retourné à Oran avec un ami commun qui est malheureusement aussi décédé, qui était Marc Pietri.
00:04:52 On s'était retrouvés dans un petit village de Corse.
00:04:55 On a tous mangé ensemble.
00:04:56 C'était quelqu'un de très affectueux.
00:04:58 Mais dans son métier, il était intransigeant.
00:05:01 Il y avait le Jean-Pierre Elkabbach, en effet, intransigeant, monstre de l'interview.
00:05:06 Et puis l'homme également que l'on sous-estimait pas forcément.
00:05:10 Vraiment, Benjamin, je voulais que vous soyez là.
00:05:11 Parce que Jean-Pierre Elkabbach, quand on a 25-30 ans, 25 ans à l'époque,
00:05:17 on vous dit "tu vas être l'assistant de Jean-Pierre Elkabbach".
00:05:20 On se dit "je suis face à un monument".
00:05:22 On a peut-être une nuit un peu agitée la veille de rencontrer Jean-Pierre Elkabbach
00:05:26 parce qu'on se dit qu'on est dominé par une telle expérience,
00:05:29 par un tel professionnalisme.
00:05:31 On se demande si on va être à la hauteur.
00:05:32 Et puis très vite, quand on rencontre Jean-Pierre Elkabbach,
00:05:34 on se rend compte qu'il savait se mettre aussi au niveau des autres
00:05:38 et accompagner les jeunes journalistes.
00:05:41 Ah totalement, il laissait totalement la place aux jeunes journalistes.
00:05:43 Il adorait avoir le regard.
00:05:44 À l'époque, je travaillais avec un journaliste de CNews
00:05:46 qui s'appelait Clément Pernier, qui lui était vraiment son assistant.
00:05:49 Et vraiment, à chaque fois, il nous demandait notre regard.
00:05:51 Et il avait vraiment une vision qui était fascinante pour un homme de son âge.
00:05:54 Par exemple, je me rappelle, j'ai deux anecdotes là-dessus
00:05:56 où vraiment je me suis dit, il est incroyable.
00:05:59 C'est quand Aya Nakamura avait fait la une de Time Magazine.
00:06:02 Il s'est dit, je veux Aya Nakamura sur mon plateau.
00:06:04 Bon, évidemment, ça n'a pas pu se faire.
00:06:06 Et c'est surtout la première personne qui m'a parlé des NFT.
00:06:09 Donc, et je me suis dit, moi, de mon âge, je n'ai jamais entendu parler de ça.
00:06:13 Et lui, il s'intéressait déjà.
00:06:15 Il avait fait venir des gens, des artistes pour nous expliquer ce qu'étaient les NFT.
00:06:18 Il avait vraiment un regard très actuel sur le monde.
00:06:21 Et il nous demandait toujours notre avis.
00:06:23 Moi, je me rappelle avoir passé des heures à relire ses fiches
00:06:25 parce qu'il voulait savoir si c'était bien dit, si c'était version 2023.
00:06:29 Enfin, à l'époque 2020.
00:06:30 Toujours besoin d'être rassuré.
00:06:32 Exactement.
00:06:33 Malgré cette expérience.
00:06:34 Et c'était du lundi au dimanche, ses appels.
00:06:37 Tout le temps, il m'appelait du lundi au dimanche, alors que l'émission était le dimanche.
00:06:40 Il m'appelait tous les jours pour mettre à jour l'émission.
00:06:42 Donc, c'était vraiment un monstre de travail.
00:06:44 Bonsoir, Laurence.
00:06:45 Laurence Ferrari qui est avec nous et je la remercie.
00:06:47 Merci, Laurence, de prendre le temps de réagir.
00:06:50 On a appris cette terrible nouvelle il y a une vingtaine de minutes dans la rédaction.
00:06:55 Vous imaginez notre sidération parce que, oui, Jean-Pierre,
00:06:58 c'est vrai que ça faisait un moment qu'on ne le voyait plus.
00:07:00 On le savait un petit peu affaibli,
00:07:03 mais c'est vraiment un monument qui est parti ce soir, Laurence.
00:07:07 C'est un monument, Julien.
00:07:08 Et alors, moi, je vais remonter un peu plus loin que les souvenirs de Benjamin Nau,
00:07:10 parce que j'ai eu la chance de le rencontrer quand c'était mes débuts à Europe 1.
00:07:14 C'était en 1989.
00:07:17 C'était évidemment un monument de l'interview politique.
00:07:21 C'était une référence, évidemment, à la plus grande interviewer politique français.
00:07:25 Et ce qui me frappait, moi, à l'époque, j'étais toute jeune journaliste.
00:07:27 Je venais d'arriver dans cette grande rédaction qui était Europe 1 et qui est toujours Europe 1.
00:07:31 Et c'est qu'il doutait de lui.
00:07:32 Et ça, c'est vraiment, et c'est ce que dit aussi Benjamin,
00:07:35 c'est qu'en permanence, il était insatisfait de l'interview qu'il avait faite.
00:07:39 Je me rappelle la fois où il avait fait une interview de Yasser Arafat.
00:07:42 Et il doutait.
00:07:43 Il venait voir les jeunes journalistes en disant,
00:07:44 est-ce que c'était bien ? Qu'est-ce que tu en pensais ?
00:07:47 Est-ce que je n'aurais peut-être pas dû commencer par ça ?
00:07:48 C'était quelqu'un qui se posait en permanence des questions,
00:07:51 qui n'était jamais satisfait de lui-même
00:07:53 et qui avait un espèce de moteur permanent pour aller chercher le scoop,
00:07:56 aller chercher l'interview qu'il n'avait jamais eue.
00:07:58 Une curiosité, évidemment, incroyable.
00:08:01 Une culture, et ça, c'est aussi important, absolument fantastique,
00:08:04 dont on perd vraiment quelqu'un d'important,
00:08:07 quelqu'un qui nous a ouvert la voie, nous, qui faisons des interviews politiques.
00:08:10 On est nombreux à avoir pris ces attaques d'interview en référence.
00:08:16 Je me souviens, je ne sais plus quel homme politique il interviewait,
00:08:19 où il lui a dit, de quelle couleur il est le mur ?
00:08:22 L'homme politique lui a dit, de quel mur ?
00:08:24 Le mur que vous allez prendre.
00:08:25 Ça, c'était Jean-Pierre Elkabach.
00:08:27 Merci beaucoup, Laurence.
00:08:29 Peut-être encore un mot, parce que c'est vrai que
00:08:32 quand on regarde la biographie de Jean-Pierre Elkabach
00:08:36 et qu'on voit ses décennies, depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui,
00:08:41 il a traversé toutes les époques, il a commencé à l'ORTF,
00:08:45 il a connu le service public, les médias privés,
00:08:47 il a été patron de chaîne, interviewer, bien sûr, on vient de le rappeler,
00:08:50 journaliste. Est-ce que des carrières comme ça, à notre époque,
00:08:52 c'est encore possible, selon vous, Laurence ?
00:08:55 Oui, je pense que tout est possible, mais il était journaliste avant tout.
00:08:58 Et je crois que ça, c'est quelque chose vraiment qui le définissait complètement.
00:09:02 C'était d'abord un journaliste. Il pensait d'abord en journaliste.
00:09:05 Il pensait, encore une fois, scoop,
00:09:08 je vais être le premier sur telle interview.
00:09:10 Alors oui, il a été patron de chaîne, oui, il a exercé les plus grandes fonctions,
00:09:14 mais ce qui le faisait vibrer, c'était l'information.
00:09:17 Il était connecté en permanence, il regardait beaucoup la télévision,
00:09:20 il écoutait beaucoup Europe 1.
00:09:22 Donc voilà, je crois qu'on ne peut pas résumer sa carrière autrement que par
00:09:25 c'était un grand journaliste. Et ça, Dieu sait que c'est important.
00:09:29 Merci beaucoup, Laurence.
00:09:30 Évidemment que dans Punchline, demain, on peut tous l'imaginer.
00:09:34 Je vous reviendrai sur le parcours de Jean-Pierre avec nombreux témoignages.
00:09:37 On rend un hommage appuyé à celui qui nous a accompagnés pendant de longues années,
00:09:41 qui a accompagné les Français pendant un long moment également,
00:09:44 pendant près de 60 ans.
00:09:46 Notre collègue Marc Menand est avec nous également. Bonsoir, Marc.
00:09:51 Ça fait bizarre, ça fait bizarre de se dire qu'il y a une demi-heure,
00:09:55 nous avons appris cette nouvelle. Jean-Pierre Elkabach,
00:09:59 quand vous prononcez ce nom, quelles sont les premières images,
00:10:03 les premiers souvenirs qui vous viennent, cher Marc ?
00:10:07 La première fois que je l'ai rencontré, c'était à Montréal en 1976.
00:10:11 Pour les Jeux Olympiques.
00:10:13 Pour les Jeux Olympiques. Il était là-bas pour France Inter.
00:10:17 Moi, j'étais à RTL et j'avais pris l'engagement sur la proposition de
00:10:22 Monsieur Péricard, Michel Péricard, de gagner France Inter.
00:10:26 Il est venu me sauter dessus dans l'ascenseur et il m'a dit
00:10:29 "je suis content que tu viennes avec nous, on va faire de grandes choses".
00:10:33 Et puis, il s'est trouvé que Robert Chappate m'a appelé à Antenne 2.
00:10:38 Donc, je n'ai pas rencontré à ce moment-là professionnellement Jean-Pierre,
00:10:43 mais quelques mois plus tard, il a été appelé pour prendre la direction
00:10:48 de l'information d'Antenne 2. C'était son premier grand poste de patron.
00:10:53 Et là, l'image que j'en ai, c'est l'homme de l'intransigeance.
00:10:57 C'est-à-dire que oui, c'était un grand interviewer,
00:11:00 mais les doutes qui étaient les siens, tels qu'ils ont été décrits
00:11:03 aussi bien par Laurence que par Benjamin, ces doutes, quand il était patron,
00:11:08 devenaient une sorte de certitude.
00:11:10 Comment m'affirmer et ne pas accepter la moindre contrariété ?
00:11:15 Il n'était pas spécialement bienvenu parce qu'il avait l'image,
00:11:19 c'est bizarre comme quoi les choses évoluent,
00:11:22 à l'époque, on estimait que c'était l'homme de la droite.
00:11:25 Alors, une rédaction qui se sentait plutôt à gauche ne voyait pas bien.
00:11:30 L'arrivée de Jean-Pierre Elkabach.
00:11:33 Il a fait une entrée, toute la rédaction s'était placée dans la salle de conférence.
00:11:38 On était là, on l'attendait.
00:11:40 Il est arrivé, il dit "Maintenant, ceux à qui ça ne plaît pas,
00:11:43 vous foutez le camp, ici, c'est moi le patron."
00:11:45 Voilà comment il était.
00:11:47 Ça ne cachait pas du tout un manque d'empathie.
00:11:50 C'était simplement qu'il montrait que dorénavant,
00:11:54 il y avait une ligne à suivre, que c'était lui qui prendrait les décisions.
00:11:58 Il était à la fois chaleureux, dans certains moments,
00:12:02 mais c'est vrai qu'il ne pardonnait pas la moindre erreur.
00:12:05 Voilà, c'était l'inflexibilité, c'était le patron.
00:12:11 En tant que tel, il n'y avait pas de négociation.
00:12:14 Il ne pardonnait pas la moindre erreur aux autres
00:12:16 parce qu'il ne se pardonnait pas à lui-même la moindre erreur.
00:12:19 C'est ce souci de la rigueur et cette insatiable curiosité.
00:12:23 Si je dis que Jean-Pierre Elkabach, d'entre nous tous journalistes,
00:12:28 il était peut-être le plus curieux et le plus rigoureux
00:12:31 et c'est pour ça qu'il a fait cette carrière.
00:12:33 Est-ce que vous approuvez ?
00:12:34 Oui, il putinait dans tous les domaines.
00:12:37 Moi, je me souviens avoir eu des conversations avec lui au café.
00:12:40 Il était… et ça, je dois dire que j'étais dans cette connivence.
00:12:47 Il était aussi bien capable de vous parler de technologie,
00:12:50 de vous parler de politique.
00:12:53 Grâce à lui, j'ai présenté une émission d'histoire déjà sur Europe 1
00:12:58 avec deux grands historiens qu'il avait choisis
00:13:03 et ce qui comptait pour lui, c'était de mettre en avant la culture.
00:13:07 Je ne peux pas mettre un mot, Marc, je vous coupe.
00:13:10 Mais je pense que Jean-Pierre, et je vais me permettre un trait d'humour
00:13:13 que j'espère qu'il aurait apprécié.
00:13:16 Je pense que Jean-Pierre, dans son souci de rigueur,
00:13:18 vous aurait demandé d'éloigner un tout petit peu votre téléphone
00:13:20 pour qu'on puisse vous voir parce que c'est très compliqué
00:13:23 de réussir à vous apercevoir, cher Marc.
00:13:26 Pardonnez-moi, je vous laisse poursuivre.
00:13:28 Je voulais, avec le sourire, me permettre cette réflexion.
00:13:30 Allez-y.
00:13:31 Allez-y, il aurait été intransigeant, c'est vrai.
00:13:36 Mais vous voyez, il était beaucoup plus moderne que moi.
00:13:39 Moi, je ne sais pas me servir de tous les moyens d'aujourd'hui.
00:13:43 J'ai ma compagne qui va le tenir.
00:13:45 Je ne sais pas si ça va mieux comme ça, le téléphone.
00:13:48 Donc, Jean-Pierre Elkabach,
00:13:50 il avait, moi j'ai rencontré grâce à lui Alain Corbin,
00:13:53 cet historien qui, dans l'histoire,
00:13:56 va chercher comment les Français vivaient à travers les siècles.
00:13:59 Grâce à lui, on connaît l'histoire de l'hygiène.
00:14:04 Corbin, il n'avait jamais fait de radio.
00:14:06 Il m'appelle, il me dit "écoute, je vais signer
00:14:10 et il faut que l'émission, elle soit bien, je compte sur toi".
00:14:13 Parce que pour lui, l'important, c'était de disposer
00:14:17 d'une personnalité qui nous vaille un enrichissement.
00:14:21 Il voulait que l'antenne fleurisse,
00:14:24 mais que ce soit du divertissement intelligent.
00:14:28 Et ça, c'est formidable parce que ça montrait,
00:14:31 contrairement à ce que l'on voit aujourd'hui,
00:14:33 qu'il considérait le public.
00:14:36 Pour lui, le public attendait, de notre part,
00:14:39 d'être dans la joie,
00:14:41 mais une joie qui vous permette d'être dans la prospérité de l'esprit,
00:14:45 la joie de l'esprit, tout simplement.
00:14:47 Merci beaucoup, cher Marc.
00:14:50 On vous retrouvera pour parler de Jean-Pierre demain,
00:14:54 sans aucun doute, sur les antennes de CNews.
00:14:56 Je voudrais, avant qu'on voit quelques extraits,
00:14:58 parce que certaines séquences de Jean-Pierre
00:15:02 interviewant les plus grands politiques de notre pays
00:15:04 sont absolument mémorables.
00:15:06 J'aimerais qu'on en revoie quelques-unes
00:15:08 et qu'on puisse les commenter, en discuter ensemble.
00:15:11 Éric, peut-être qu'on n'a pas entendu Gabriel également,
00:15:14 avant de voir cette séquence,
00:15:15 notamment avec Robert Badinter, dans un instant.
00:15:18 Vous, vous êtes l'époque européen.
00:15:20 Vous connaissez à cette époque Jean-Pierre, votre patron,
00:15:23 à l'époque d'Europe 1.
00:15:25 Quel patron il a été pour vous ?
00:15:27 Très impressionnant, parce qu'il y a plusieurs phases
00:15:30 dans la carrière de Jean-Pierre Elikabach.
00:15:32 Et moi, je l'ai connu quand j'étais petit, à la maison,
00:15:35 en regardant la télévision,
00:15:36 je ne sais pas si vous vous souvenez de Carte sur table,
00:15:38 les interviews avec Anna Duhamel, d'ailleurs,
00:15:41 les débats électoraux avec Georges Marchais.
00:15:44 Souvenez-vous, avec ces sketchs qui sont assez extraordinaires,
00:15:46 quand on voit sur Internet comment ça se passait.
00:15:49 Et puis ensuite, quand je me suis retrouvé à Europe 1,
00:15:51 en 1984, je suis arrivé,
00:15:53 et Jean-Pierre Elikabach était là aussi, mais très discret,
00:15:56 parce qu'il avait vécu cette phase,
00:15:58 si vous voulez, à l'époque de la télévision,
00:16:01 qu'il avait un petit peu mis entre parenthèses.
00:16:03 Il avait été évincé par la gauche,
00:16:06 puisqu'on a même d'ailleurs hurlé son nom à place de la Bastille.
00:16:09 Il faisait partie des gens qui ont houspillé
00:16:12 à l'élection de François Mitterrand en mai 81.
00:16:14 Et c'est intéressant ce que vous me racontez,
00:16:15 parce que "Les rives de la mémoire",
00:16:17 qui est son ouvrage de mémoire qui est sorti l'an dernier,
00:16:19 je l'ai lu et j'avais envoyé un petit SMS à Jean-Pierre Elikabach
00:16:22 pour lui dire "c'est vraiment incroyable ce que tu racontes".
00:16:25 Et il m'avait dit "oui, il faut qu'on se voit,
00:16:27 je te le dédicacerai, tu me rappelleras
00:16:29 les moments qu'on a vécu ensemble".
00:16:30 Et alors, à l'époque, quand je suis arrivé à Europe 1,
00:16:33 c'était en 1984-1985,
00:16:34 lui était sur une émission petite qui s'appelait "Découverte".
00:16:38 Et en fait, il est rentré, il a repris son métier de journaliste
00:16:41 par la radio Europe 1, "Découverte".
00:16:43 Et là, c'est parti comme ça,
00:16:44 et après on connaît son ascension, sa nouvelle ascension,
00:16:46 parce que ça avait été déjà un très grand journaliste
00:16:48 avant les années Mitterrand, avant 1981.
00:16:51 Mais là, par exemple, je me souviens,
00:16:53 il m'avait envoyé interviewer le Bokassa.
00:16:55 Je ne sais pas si vous vous souvenez de Bokassa,
00:16:56 le général Maréchal Bokassa,
00:16:59 qui avait été viré, si l'on peut dire, de Centrafrique.
00:17:02 Et Bokassa s'était réfugié dans son château à Hardricourt,
00:17:05 et il m'avait envoyé là-bas pour faire une...
00:17:07 Et je me suis retrouvé face au général Bokassa,
00:17:09 et quand Elikabach a su que j'avais fait ça,
00:17:10 il voulait absolument l'avoir au téléphone.
00:17:12 Donc, si vous voulez, il y a toute cette aventure,
00:17:14 mais surtout le patron qui était impressionnant,
00:17:17 qui représentait vraiment le grand homme de la télévision.
00:17:20 On va poursuivre le tour de plateau,
00:17:22 mais je voudrais donner aussi la priorité
00:17:23 aux réactions qui nous parviennent.
00:17:25 Bonsoir, monsieur le ministre.
00:17:26 Bonsoir, monsieur Philippe d'Ousteblasie,
00:17:28 ancien ministre de la Culture, ministre de la Santé, notamment.
00:17:31 Vous la prenez comme nous, il y a quelques instants.
00:17:32 Merci de réagir en direct.
00:17:34 Jean-Pierre Elkabach n'est plus.
00:17:37 Vous vous prépariez spécialement
00:17:41 lorsque vous saviez que vous alliez faire face à Jean-Pierre Elkabach
00:17:45 dans une interview politique ?
00:17:47 Bien sûr, le 8h20 le matin de Jean-Pierre Elkabach sur Europe 1,
00:17:53 c'était un grand moment pour les uns comme pour les autres.
00:17:59 En réalité, c'était impressionnant parce qu'il avait,
00:18:02 je pense, travaillé tellement le dossier
00:18:06 qu'il était extraordinairement difficile
00:18:09 de ne pas répondre à ces questions très préparés.
00:18:12 Il avait des fiches, comme tout le monde le sait,
00:18:15 et il n'était pas intimidant,
00:18:18 mais on sentait qu'il voulait de la vérité.
00:18:21 Donc, il n'était pas agressif,
00:18:24 mais si vous ne répondiez pas,
00:18:25 il faisait comprendre aux auditeurs que vous n'avez pas répondu.
00:18:28 Si vous deviez garder un souvenir d'une rencontre,
00:18:31 un moment vécu face ou à côté de Jean-Pierre Elkabach,
00:18:35 selon que ce soit extra-journalistique ou pas,
00:18:39 lequel ou lesquels retiendriez-vous ?
00:18:42 Je vais en retenir deux.
00:18:45 Lorsque j'étais ministre de la Culture,
00:18:48 il est devenu le grand patron de France Télévisions,
00:18:53 et à ce moment-là, c'était un autre moment pour lui.
00:18:58 C'était au-delà du journalisme, je dirais, qu'il faisait quotidiennement.
00:19:03 Et puis, il y a eu un deuxième moment,
00:19:07 où là, c'était le Jean-Pierre Elkabach dans toute la plondeur,
00:19:11 c'est-à-dire, il savait que le président Clinton,
00:19:14 avec lequel j'ai eu de très bons rapports amicaux,
00:19:17 était arrivé à Paris à 18h30-19h,
00:19:21 et il voulait à tout prix l'interviewer.
00:19:24 Je lui disais, écoutez, je n'ai pas son agenda.
00:19:26 Il me dit, mais oui, oui.
00:19:28 Il est venu, il a trouvé le moyen de trouver l'endroit
00:19:32 où nous avions un dîner,
00:19:35 et il n'a pas arrêté pendant deux heures,
00:19:37 il a fini par avoir son interview.
00:19:39 C'était quelqu'un, je crois qu'il avait déjà 70 ans,
00:19:42 vous voyez, 72 ans, il avait une sorte de jeunesse comme ça,
00:19:47 et ce métier, le journalisme, je crois que c'était vraiment fait pour lui.
00:19:51 Et puis c'est vrai qu'au fur et à mesure des années,
00:19:52 vous me dites si je me trompe, Philippe d'Ouste-Blasy,
00:19:54 mais peut-être plus pour de jeunes politiques,
00:19:58 mais il y avait vraiment ce qui n'est pas forcément le cas,
00:20:01 ce qui est peut-être d'ailleurs l'inverse dans la plupart des cas,
00:20:04 c'est-à-dire l'ascendant psychologique.
00:20:07 C'était le postulat de départ d'une interview,
00:20:09 c'est Jean-Pierre qui l'avait sur l'interview V, j'ai envie de dire.
00:20:14 Ah oui, c'est-à-dire que, bien sûr, il avait une certaine...
00:20:18 Il pouvait vous mettre un peu en avant, comme ça,
00:20:22 pour vous décontracter, et puis à un moment donné,
00:20:25 la question arrivait un peu plus dure,
00:20:29 avec un ton un peu différent,
00:20:31 pour obtenir de vous quelque chose de plus franc.
00:20:35 Et au fond, c'était une bonne manière,
00:20:38 parce que l'homme politique, souvent, fait de la langue de bois,
00:20:43 et là, brutalement, vous étiez obligés de parler très franchement.
00:20:47 Et c'est là où, au fond, les uns et les autres sont les meilleurs.
00:20:51 Cette façon de décontenancer l'interview V dès la première question,
00:20:54 dont il avait le secret.
00:20:56 Merci infiniment, monsieur le ministre,
00:20:58 monsieur Philippe Dousteblazy, d'être intervenu.
00:21:01 Pardonnez-moi ?
00:21:03 On pense beaucoup à lui, ce soir.
00:21:04 Évidemment, merci de le rappeler.
00:21:06 On pense beaucoup à lui, à ses proches et à ceux qui l'entouraient
00:21:09 jusqu'à ses derniers instants.
00:21:12 Donc aujourd'hui, si vous nous rejoignez à 22h20,
00:21:14 je vous rappelle qu'on a appris aujourd'hui une triste nouvelle.
00:21:17 Ce soir, il y a moins d'une heure,
00:21:19 c'est le décès de notre ami et confrère Jean-Pierre Elkabach,
00:21:22 qui nous a quittés à l'âge de 86 ans.
00:21:25 Gabriel, je voudrais vous entendre,
00:21:26 puisqu'il y a beaucoup de choses à dire, évidemment.
00:21:30 Mais puisqu'on revenait avec Philippe Dousteblazy
00:21:32 il y a un instant sur cette punacité de Jean-Pierre Elkabach,
00:21:35 s'il en fut dans l'interview,
00:21:37 je voudrais vous proposer un premier extrait.
00:21:39 Robert Badinter est le ministre de la Justice que l'on connaît à l'époque
00:21:42 et Jean-Pierre Elkabach est face à lui, donc.
00:21:45 En période de campagne électorale ou de pré-campagne,
00:21:48 vous voyez monter l'envie d'un retour de la peine capitale
00:21:54 contre les trafiquants, contre les grands récidivistes,
00:21:57 contre les terroristes.
00:21:58 Il y a des terroristes qui sont en ce moment jugés
00:22:01 après leur tuerie de masse du Bataclan
00:22:04 et on entend une nouvelle fois des voix qui s'élèvent
00:22:07 pour rétablir la guillotine.
00:22:10 – Mais chacun est libre de ses convictions en France,
00:22:15 précisément parce que nous sommes une démocratie.
00:22:18 Si nous étions dans un régime totalitaire,
00:22:21 les voix minoritaires d'opposition seraient.
00:22:25 Évidemment, ça se tairait.
00:22:27 Mais je ne veux pas discuter de ça.
00:22:31 Je dis, rappelez-vous une chose,
00:22:34 après l'abolition voulue et votée par le Parlement
00:22:38 à l'initiative de François Mitterrand,
00:22:40 vous avez eu la constitutionnalisation de l'abolition par Jacques Chirac.
00:22:46 – En 2016.
00:22:46 – Et je tiens toujours à le rappeler.
00:22:48 Par conséquent, c'est un principe constitutionnel.
00:22:52 Je ne cesse de répéter, le seul objectif,
00:22:56 c'est l'abolition universelle.
00:23:00 Les progrès, dans ce sens, sont immenses.
00:23:03 Alors, au lieu de me dire, ah mais il y a des démagogues qui…
00:23:06 Je préférerais vous entendre me dire
00:23:08 quels sont aujourd'hui les progrès effectifs
00:23:11 depuis 40 ans de l'abolition.
00:23:13 Ça, ce sont des faits.
00:23:14 – Il y a des progrès partout.
00:23:16 – Il y a des progrès considérables.
00:23:19 – Sauf dans les pays qui sont encore des dictatures,
00:23:21 la Chine, l'Arabie Saoudite, l'Iran, etc.
00:23:24 – Je vais vous dire…
00:23:26 – Voilà, je rectifie, c'est une interview, vous l'avez vue,
00:23:28 évidemment, qui datait d'il y a deux ans,
00:23:30 et cette rencontre entre Jean-Pierre Elkabach et Robert Badinter.
00:23:35 Gabriel Cluzel, on ne vous a pas encore entendu,
00:23:38 je rappelle que vous êtes la directrice de la rédaction de Boulevard Voltaire,
00:23:40 bien sûr.
00:23:41 Jean-Pierre Elkabach, dans le journalisme, qu'est-ce que ça représente ?
00:23:44 – Oui, on en a sorti pas.
00:23:46 – C'est très impressionnant, et vous l'avez dit,
00:23:48 je pense qu'il n'y aura plus de journalistes de cette envergure-là.
00:23:52 Tout simplement parce qu'aussi, il n'y a plus de grand messes politiques.
00:23:57 Aujourd'hui, l'offre est beaucoup plus dispersée.
00:24:00 Là, c'était vraiment, souvenez-vous, dans les années 80,
00:24:02 tous les Français étaient rassemblés autour de leur télévision,
00:24:06 et c'était presque un duel entre l'intervieweur et l'interviewee.
00:24:10 Il y avait une forme d'accouchement aussi,
00:24:12 la maillotie qui faisait accoucher celui qu'il avait en face de lui.
00:24:16 Et c'est vrai qu'il était très impressionnant.
00:24:18 On comprend que le politique pouvait trembler devant lui.
00:24:21 Moi, j'avais été très impressionnée.
00:24:22 Je n'ai pas travaillé comme vous avec lui à Europe 1.
00:24:26 Je l'ai croisé dans les couloirs de CNews.
00:24:28 Pour moi, c'était un titan.
00:24:31 Je me souvenais évidemment, comme tout le monde, de cette phrase qu'on dit apocryphe.
00:24:34 Je crois que ça n'a jamais été prononcée.
00:24:35 Je crois que c'est Thierry Leluron qui l'a inventée.
00:24:37 Taisez-vous, Elkabach, mais qui, en creux, montrait que,
00:24:40 avant de faire taire Elkabach, il fallait...
00:24:42 - Que Georges Marchais aurait prononcé à l'égard de Georges Thierry Elkabach.
00:24:43 A priori, ça n'est jamais arrivé.
00:24:44 - Et ça n'est jamais arrivé.
00:24:45 Je crois que du reste, après, il a écrit un livre qui s'appelait
00:24:47 "Taisez-vous, Elkabach" avec sa femme.
00:24:49 - C'est possible.
00:24:50 - Il se l'est approprié lui-même.
00:24:52 Et j'avais été très impressionnée de le croiser.
00:24:55 Et j'avais découvert, je crois que c'est ce que vous aviez décrit,
00:24:57 que derrière ce titan qui avait l'air très sere de lui quand il interviewait,
00:25:00 de fait, il y avait une forme d'incertitude.
00:25:03 Et on le devinait aux questions qu'il vous posait, un peu,
00:25:07 pour être rassurée sur la prestation, à moi, qui étais parfaitement anonyme
00:25:10 et qu'il ne connaissait pas.
00:25:11 - Mais c'est vraiment ça, je trouve, qu'à travers les témoignages
00:25:13 des uns ou des autres, on l'a vu avec Benjamin il y a un instant,
00:25:17 et Johan le rappelait aussi, moi aussi, je peux témoigner du fait que,
00:25:22 avant de rencontrer Jean-Pierre Elkabach, on se dit "Bon, c'est Jean-Pierre Elkabach".
00:25:24 Et le jour où on se retrouve néané face à lui, on ne fait pas le malin.
00:25:27 Parce qu'on a Jean-Pierre Elkabach, on a 60 ans de journalisme,
00:25:30 on a quelqu'un qui a parlé aux plus grandes semondes, qui a interviewé,
00:25:32 qui a bousculé les plus grandes semondes.
00:25:35 Et puis nous, on se sent tout petit, on se sent minuscule face à lui.
00:25:38 Et bien, il suffit de quelques instants de faire sa rencontre,
00:25:41 d'échanger un ou deux mots avec lui.
00:25:42 Et je ne sais pas si Benjamin veut abonder là-dedans, mais dans ce sens.
00:25:45 - Il fallait d'abord gagner.
00:25:46 - En fait, il brisait lui-même la glace avec les plus jeunes,
00:25:50 ceux qui, a priori, avaient moins d'expérience, avaient moins de notoriété,
00:25:54 moins de charisme que lui sur le papier, j'ai envie de dire.
00:25:57 Cette glace, elle était brisée très, très vite dans le privé aussi.
00:26:00 Pas forcément, vous dites, vous.
00:26:01 - Il fallait d'abord quand même gagner sa confiance,
00:26:03 montrer qu'on voulait vraiment travailler et être un bénéfice.
00:26:05 - En tout cas, moi, j'ai tout de suite eu l'impression d'un homme agréable.
00:26:07 - Ah ça y est, il était très agréable.
00:26:09 - Qui ne mettait pas cette distance.
00:26:10 Il faisait partie de ces grands noms qu'on impressionne, qu'on imagine,
00:26:13 qu'on fantasme, qui nous impressionnent et qu'on fantasme,
00:26:16 et qui, finalement, brisent le mythe assez vite quand on les rencontre
00:26:19 et qui nous mettent à l'oeuvre.
00:26:20 - Il parlait à n'importe qui de la même manière.
00:26:22 - Ça, c'était très agréable, même quand j'ai pu aller dîner ou déjeuner avec lui.
00:26:26 - Parce qu'il vous invitait à déjeuner régulièrement.
00:26:28 - Il faut le dire aussi, Benjamin.
00:26:29 - Non, oui, à la fin des saisons, c'est vrai qu'il organisait toujours des dîners.
00:26:32 J'ai pu avoir des cafés avec lui.
00:26:34 Et c'est vrai que quand le public venait à lui, il discutait toujours.
00:26:37 Il discutait toujours et franchement, beaucoup de gens le reconnaissaient
00:26:40 dans la rue, ce qui interrompait souvent nos discussions.
00:26:43 Mais il avait toujours un mot pour les gens.
00:26:44 Et franchement, c'était quelqu'un de très, très agréable.
00:26:47 - Ça, c'était son côté méditerranéen aussi, parce que l'enchant de branque,
00:26:49 il était avec ce contact aussi.
00:26:52 - Il n'a jamais bouillé d'où il venait.
00:26:53 Il savait d'où il venait.
00:26:54 - Il le dit d'ailleurs.
00:26:55 - Il était extrêmement simple dans le rapport avec les autres.
00:26:57 Et moi, je l'ai connu un jour très ému lorsque François Hollande
00:27:00 lui avait remis, il était grand commandant de la Légion d'honneur.
00:27:03 Et c'est le même jour avec Ramzi Kirou, ils avaient fait une opéra tous les deux.
00:27:06 Ils avaient été honorés tous les deux par la République.
00:27:08 Et le président de la République avait rappelé son parcours, son histoire.
00:27:12 Et on l'avait trouvé très ému parce que c'est vrai qu'il savait d'où il venait.
00:27:15 Il était dur dans son travail, mais il avait cette espèce de fragilité
00:27:19 aussi de par son histoire personnelle qui faisait que dans le contact
00:27:22 personnel avec les gens, il était extrêmement avenant.
00:27:26 - Yoann, je vais revenir sur vous tout de suite, je voudrais juste qu'on fasse un point
00:27:28 parce que, évidemment, il y a de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux,
00:27:32 qu'elles soient politiques, journalistiques.
00:27:34 Maureen, beaucoup de gens réagissent donc d'ores et déjà sur ce décès,
00:27:38 cette triste nouvelle.
00:27:38 - Tout à fait, de nombreux hommages envers Jean-Pierre Elkabach.
00:27:42 Tout d'abord, nous avons Renaud Muselier,
00:27:45 hommage de la région sud à Jean-Pierre Elkabach, dont j'apprends la disparition.
00:27:49 Grand journaliste, brillant intervieweur, il a tout simplement mis en musique
00:27:52 l'histoire politique de notre pays.
00:27:55 Nous avons également Fabien Roussel,
00:27:57 compagnon de route de la Ve République.
00:28:00 Jean-Pierre Elkabach aura marqué l'histoire médiatique de notre pays.
00:28:03 Ses échanges mythiques avec Georges Marchais resteront gravés.
00:28:07 Vous avez donc plusieurs réactions également du côté de la droite.
00:28:12 - Fabien Roussel qui se souvient évidemment des échanges avec Georges Marchais.
00:28:15 - CQFD, oui Maureen, pardon.
00:28:17 - Donc vous avez plusieurs échanges avec,
00:28:22 plusieurs échanges sur les réseaux sociaux.
00:28:23 Bruno Le Maire, tout de suite, hommage à un journaliste passionné,
00:28:26 à un lecteur assidu, un observateur hors pair de notre vie politique nationale.
00:28:31 Hommage à un homme qui a cru toute sa vie dans la force de l'engagement public,
00:28:35 Jean-Pierre Elkabach.
00:28:36 - Je ne sais plus lequel des tweets, c'était le premier, qui était le premier tweet ?
00:28:39 - Renaud Muselier.
00:28:39 - Renaud Muselier qui a dit, il a accompagné en musique,
00:28:43 la musique de Jean-Pierre Elkabach a accompagné les Français.
00:28:46 C'est vrai qu'à chaque moment clé, ces 60 dernières années,
00:28:50 Yoann Uzay, à chaque moment clé de la nation, de la vie politique de la nation,
00:28:55 à chaque grande élection, qu'elle soit législative, présidentielle, bien évidemment,
00:28:59 les interviews avec Jean-Pierre Elkabach faisaient d'une certaine façon la différence.
00:29:03 Oui, il nous a accompagnés, nos parents, nos grands-parents également,
00:29:07 dans toutes ces échéances pour voir un petit peu ce qu'avaient
00:29:12 dans le ventre nos politiques, testé par Jean-Pierre Elkabach,
00:29:15 qui a probablement aidé une grande partie d'entre nous à faire son choix
00:29:20 au moment d'entrer dans l'isoloir.
00:29:22 - Oui, c'est vrai. - Il a contribué.
00:29:24 - Surtout à l'époque où il n'y avait pas beaucoup de chaînes de télévision.
00:29:26 Et c'est même lui qui parfois annonçait le résultat de l'élection présidentielle,
00:29:29 notamment en 81.
00:29:30 C'est lui qui annonce la victoire de François Mitterrand à des dizaines
00:29:33 de millions de Français qui, ce soir, ne regardaient que cette chaîne-là.
00:29:37 En réalité, on a vu l'interview réalisée il y a deux ans avec Robert Baninter,
00:29:42 qui montre d'abord que la passion du journalisme l'a animé jusqu'au bout.
00:29:45 Jusqu'au bout, il a voulu continuer à faire ce métier,
00:29:48 à préparer ses interviews avec la même minutie, avec la même passion,
00:29:51 avec la même rigueur, surtout, parce que la rigueur,
00:29:53 c'est quand même quelque chose qu'il caractérisait bien.
00:29:56 Et animé par la passion de son métier, animé par le fait de décrocher des scoops.
00:30:00 Aussi, c'est ça qu'il animait beaucoup, des scoops.
00:30:03 Il y en a eu beaucoup récemment.
00:30:05 Récemment, en 2014, l'interview de Vladimir Poutine,
00:30:08 il s'est battu pour décrocher cette interview.
00:30:10 Il était là à Moscou, il intervivait le président russe.
00:30:12 Ça a pris des mois, des années même, avant de décrocher cette interview.
00:30:15 Il l'a voulu, il l'a eu.
00:30:18 On peut penser à 2017 aussi, l'interview de Saad Hariri, par exemple.
00:30:21 Il est allé au Liban faire l'interview de Saad Hariri.
00:30:24 On ne savait pas à l'époque s'il était toujours Premier ministre du Liban.
00:30:27 Les télévisions du monde entier s'arrachaient l'interview de Saad Hariri.
00:30:31 Il y avait des journalistes de CNN qui essayaient de la décrocher.
00:30:33 C'est Jean-Pierre Elkabbach qui l'a dit.
00:30:35 Saad Hariri a dit "je ne parlerai qu'à Jean-Pierre Elkabbach".
00:30:38 Ça, il le racontait très modestement d'ailleurs, mais c'est une réalité.
00:30:43 Saad Hariri a donné cette interview à Jean-Pierre Elkabbach.
00:30:47 Elle a été diffusée en exclusivité sur CNews.
00:30:49 Il était capable de se battre et de décrocher des interviews,
00:30:52 des scoops que le monde entier rêvait de décrocher.
00:30:55 C'était ça aussi la caractéristique de Jean-Pierre Elkabbach.
00:30:59 Bonsoir, cher Jacques Vendreau.
00:31:03 Elle est dure cette nouvelle, vous l'avez bien connue,
00:31:05 vous l'avez appréciée, vous l'avez côtoyée, Jean-Pierre Elkabbach.
00:31:08 Quel premier souvenir vous vient en tête lorsqu'on évoque son nom ?
00:31:13 Je l'ai côtoyé surtout à France Inter dans les années 74-77.
00:31:19 Il était le présentateur du 13h.
00:31:22 Et c'est vrai que, comme vous le dites très justement,
00:31:25 c'était quelqu'un de très rigoureux.
00:31:28 C'était quelqu'un aussi qui était très drôle.
00:31:30 Il aimait rire, mais il ne se prenait pas au sérieux.
00:31:33 Il savait que c'était quand même quelqu'un qui avait un talent énorme.
00:31:37 De toute façon, franchement, ce soir est parti le plus grand d'entre nous.
00:31:41 Franchement, c'est l'un des plus grands interviewers,
00:31:44 l'un des plus grands journalistes.
00:31:46 Et comme je l'ai entendu tout à l'heure sur votre chaîne,
00:31:48 il a fait vraiment toutes les fonctions possibles et imaginables
00:31:51 dans le journalisme, simple journaliste.
00:31:53 Il a terminé président de France Télévisions.
00:31:56 Il a travaillé quasiment sur toutes les chaînes de radio,
00:31:58 surtout à Europe 1.
00:32:00 Moi, je l'ai vu récemment, il y a un an, à Europe 1.
00:32:03 Quand j'ai rejoint Europe 1, il y a deux ans,
00:32:06 il m'avait envoyé très gentiment un message en disant
00:32:08 "Bienvenue dans la famille".
00:32:09 C'est quelqu'un que moi j'adorais, que j'aimais beaucoup
00:32:13 et qui était surtout hyper concentré tout le temps.
00:32:17 Là, j'entends vos témoignages, mais c'est tout à fait la réalité.
00:32:20 Il était capable, moi je m'en souviens, je l'ai vu à Inter,
00:32:24 il était capable à 1h05 de changer l'ouverture de son journal
00:32:28 parce qu'il pensait que ce n'était pas la bonne ouverture.
00:32:30 Il changeait tout en cinq minutes.
00:32:32 Il avait un talent immense et sans doute
00:32:35 l'un des plus grands d'entre nous de toute façon.
00:32:38 C'est pour ça que je suis très triste ce soir.
00:32:41 Un homme qui doutait.
00:32:42 C'est vraiment ce qu'on retient depuis plus d'une demi-heure
00:32:46 ensemble avec les différentes réactions, Jacques.
00:32:48 C'est vraiment cette combinaison entre un homme dans un doute permanent,
00:32:53 dans une recherche de confiance permanente
00:32:56 et en même temps, cette rigueur, cette présence,
00:33:00 cette façon d'interviewer, de rentrer dans les politiques.
00:33:03 D'ailleurs, il a fait école, Jean-Pierre Elkabbach,
00:33:06 puisque beaucoup ont essayé de le cinger, de l'imiter.
00:33:09 Je me souviens, je ne sais plus à quel ministre de l'Intérieur
00:33:11 il y a quelques années, "Vous n'avez pas honte".
00:33:13 Il commence, c'était quel ministre qui dit ça ?
00:33:15 D'ailleurs, je me permets de faire l'accent
00:33:17 parce que cette façon de parler,
00:33:19 le premier mot qu'il pose à ce ministre,
00:33:22 et c'était chez nous, je crois.
00:33:23 Ce n'était pas Marine Le Pen.
00:33:24 C'était à Marine Le Pen.
00:33:25 Il dit qu'il avait soutenu son père.
00:33:27 Bonjour Marine Le Pen, vous n'avez pas honte.
00:33:29 C'était en 2001.
00:33:30 Voilà comment il commençait l'interview.
00:33:31 On ne passait pas par 34 jambes.
00:33:33 Il n'avait pas dit aussi à des gens qui applaudissaient dans le public
00:33:36 qu'on n'est pas au musical.
00:33:37 C'est possible aussi.
00:33:39 Et en effet, Jacques, c'est cette combinaison de paradoxes
00:33:43 qui faisait Jean-Pierre Elkabbach.
00:33:45 Peut-être une anecdote aussi avec lui, cher Jacques,
00:33:49 un moment que vous retiendrez particulier ?
00:33:52 Moi, je me souviens, d'abord, regardez,
00:33:55 il a fait pratiquement 60 ans de carrière.
00:33:57 On ne fait pas une carrière aussi longue qu'un hasard.
00:34:00 Ce n'est pas un accident.
00:34:01 Il a fait une carrière phénoménale, mais qui est incroyable.
00:34:05 Personne ne pourra sans doute dépasser la carrière
00:34:08 que Jean-Pierre a réalisée.
00:34:10 Moi, la seule anecdote que j'ai,
00:34:12 c'était aux Jeux olympiques de 1976.
00:34:14 Marc Menand en parlait tout à l'heure.
00:34:16 Il était à France Inter.
00:34:17 Et puis Guy Dru venait d'être champion olympique.
00:34:20 Et je me souviens, on avait organisé une partie de ramy
00:34:23 entre Jean-Pierre Elkabbach,
00:34:24 Guy Dru, un autre technicien de Radio France et moi.
00:34:28 Et ça a été un souvenir merveilleux
00:34:30 parce que je crois qu'on a joué pendant 3 ou 4 heures
00:34:32 pour fêter le titre de champion olympique de Guy Dru.
00:34:35 Mais c'était quelqu'un, c'était une star, attention,
00:34:38 c'était une immense star.
00:34:39 Mais je le répète, même si ça peut faire sourire,
00:34:42 il ne se prenait pas au sérieux.
00:34:44 Il avait toujours le mot pour décontracter les petits jeunes
00:34:47 dont je faisais partie à l'époque.
00:34:48 En tous les cas, moi, j'avais une immense affection pour lui.
00:34:51 Merci beaucoup d'avoir pris le temps de témoigner, cher Jacques.
00:34:55 Je peux vous dire que les différents journalistes
00:34:58 ou personnalités qu'on appelle ces dernières minutes
00:35:01 pour témoigner, il n'y a évidemment aucun refus.
00:35:04 Et tout le monde a envie de dire son affection
00:35:07 et son admiration à Jean-Pierre Elkabbach
00:35:09 parce que c'était tout simplement, ce n'est pas fin.
00:35:11 On n'est pas en train de faire des...
00:35:16 d'essayer de se raconter des histoires
00:35:17 autour de Jean-Pierre Elkabbach.
00:35:19 La vérité, c'est que c'est un homme qui faisait l'unanimité,
00:35:21 comme ils sont peu dans ce métier, dans ce panier de crabes
00:35:24 que peut être le journalisme dans notre pays
00:35:28 et les médias, que ce soit la radio et la télévision.
00:35:30 Et c'est vrai qu'on aura beau chercher ce soir,
00:35:32 je ne pense pas qu'il y ait grand monde pour,
00:35:34 même en off, dire du maux, d'une malle, pardonnez-moi,
00:35:37 de Jean-Pierre Elkabbach, qui était cet homme,
00:35:40 en effet, qui savait parler à tout le monde.
00:35:42 C'est un caméléon qui parlait à Yasser Arafat
00:35:48 comme parlait à Benjamin Naud.
00:35:49 Pardon, Benjamin, de faire cet écart,
00:35:52 mais ou à Julien Pasquet ou à Yoann Uzaye
00:35:54 ou n'importe qui, peu importe, en fait.
00:35:55 Et c'est pour ça aussi que chacun a un souvenir positif
00:35:59 et quelque chose de positif à dire
00:36:01 autour de Jean-Pierre Elkabbach.
00:36:02 Oui, Gabrielle, pardon.
00:36:03 Un interviewer, c'est vraiment un équilibre très compliqué
00:36:07 entre la complaisance d'un côté et l'aboiement de l'autre.
00:36:11 Et lui, l'agressivité lui arrivait à trouver un juste milieu.
00:36:16 Je crois me souvenir que c'est lui qui avait interrogé,
00:36:19 c'était quand même extrêmement délicat,
00:36:21 François Mitterrand sur son cancer.
00:36:23 C'est avec lui que François Mitterrand avait annoncé
00:36:26 qu'il avait un cancer.
00:36:27 Et j'imagine que quand quelqu'un vous annonce,
00:36:29 un président de la République vous annonce une chose pareille,
00:36:31 vous n'avez peut-être pas forcément envie de creuser
00:36:34 ou vous vous demandez de quelle façon
00:36:35 vous allez pouvoir continuer à l'interroger
00:36:37 sans être indiscret.
00:36:39 Et là, il lui a demandé de façon délicate d'en dire plus
00:36:43 et de la façon dont il pourrait continuer à assurer sa mission.
00:36:47 Il y a eu beaucoup d'interviews.
00:36:48 Je vous en prie, François, je voudrais qu'on entend un extrait
00:36:51 avec François Mitterrand, justement.
00:36:52 Il ne vous prenait pas en traître non plus.
00:36:54 Souvent, il vous disait, voilà, moi je vais poser des questions
00:36:57 et il vous préparait.
00:37:00 Et donc, il ne vous demandait pas...
00:37:01 Ça ne vous empêchait pas de finir dans les cordes, François.
00:37:04 Il vous préparait, mais à vous mettre dans les cordes.
00:37:05 Et donc, c'est-à-dire qu'il ne faisait pas non plus...
00:37:08 Attention, il n'était pas en train de négocier quoi que ce soit.
00:37:11 On savait à peu près là où ça allait taper.
00:37:13 Il tapait, toujours juste.
00:37:15 Et ce qui vous obligeait toujours à répondre,
00:37:17 à parfait dans les cordes.
00:37:18 Et effectivement, il était capable d'aborder tous les sujets.
00:37:20 Des entrevues entre Jean-Pierre Elkabbach et François Mitterrand,
00:37:23 je pense qu'il y en a eu quelques-uns.
00:37:25 Il était devenu son confident.
00:37:27 Il était même devenu son confident.
00:37:30 On est en 1994, donc il reste moins d'un an de mandat à François Mitterrand,
00:37:34 qui, on l'apprendra plus tard, est d'ores et déjà souffrant et très souffrant.
00:37:40 Et il est face à Jean-Pierre Elkabbach.
00:37:42 Regardez ce moment.
00:37:43 – Vous allez après à Vichy ? – Oui.
00:37:46 – Et pourquoi, alors qu'il y a le gouvernement de capitulation,
00:37:49 qu'il y a eu les lois anti-juives, vous allez à Vichy ?
00:37:52 Pourquoi vous n'allez pas à Londres ?
00:37:54 Je vous pose la question.
00:37:55 – Vous me dites les lois anti-juives.
00:37:57 Il s'agissait des lois anti-juives, ce qui ne corrige rien,
00:38:01 et ne pardonne rien.
00:38:03 C'est une législation contre les Juifs étrangers,
00:38:06 dont j'ignorais tout.
00:38:07 Car dans tout ce que je vois, dans tous les commentaires qui sont faits,
00:38:11 on oublie toujours que pendant toute cette période-là,
00:38:14 j'étais prisonnier en Allemagne.
00:38:17 Et comme étant évalué deux fois en vain,
00:38:19 j'avais fait pas mal de stages en prison.
00:38:21 Pas simplement prisonnier de guerre, mais en prison tout court.
00:38:24 J'étais à 100 lieux de connaître ces choses-là.
00:38:28 Et quand je me suis trouvé chez les Lévis d'ESPA au début de 1942,
00:38:33 ils ne m'en ont pas parlé.
00:38:35 – Mais alors quand avez-vous appris l'existence de ce statut,
00:38:39 l'existence des camps de concentration,
00:38:41 les camps d'extermination sur la supplutation ?
00:38:43 – Pour les camps de concentration,
00:38:45 j'étais comme tous les Français informés,
00:38:47 je ne savais pas grand-chose.
00:38:49 – Relation très particulière entre l'ancien chef de l'État,
00:38:52 j'ai dit une bêtise, on était déjà au courant,
00:38:54 en 94 on savait déjà que François Mitterrand était malade,
00:38:58 c'est dans ces conditions que l'interview a lieu,
00:39:00 donc dans ces derniers mois à l'Élysée
00:39:02 pour celui qui aura réalisé deux septennats.
00:39:06 Relation particulière, je le disais.
00:39:07 Peut-être la plus forte relation d'un président
00:39:10 avec un journaliste ces dernières années ?
00:39:12 – Oui, il y avait une relation de confiance,
00:39:14 mais ça allait même au-delà de ça, je crois,
00:39:16 entre ces deux hommes,
00:39:17 pour qu'un président en fin de vie politique,
00:39:21 mais en fin de vie tout court,
00:39:22 parce qu'en 94, François Mitterrand sait qu'il est au bout de sa vie
00:39:25 et qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre.
00:39:27 Jean-Pierre Elkabache le sait aussi à l'évidence,
00:39:30 il sait réaliser cette interview dans ces conditions-là.
00:39:34 Une interview qui marque la fin d'une vie politique,
00:39:36 mais la fin d'une vie tout court,
00:39:37 évidemment on imagine que pour Jean-Pierre Elkabache,
00:39:39 ça a dû être un moment d'une très très grande émotion,
00:39:42 mais il y avait ce lien de confiance véritablement,
00:39:44 et encore une fois,
00:39:46 Jean-Pierre Elkabache était devenu,
00:39:47 dans les dernières années de la vie de François Mitterrand,
00:39:49 son confident, et d'ailleurs il ira l'interviewer,
00:39:53 ou en tout cas recueillir ses pensées, ses témoignages,
00:39:57 après son départ de l'Elysée, quasiment jusqu'à sa mort.
00:40:01 François, sur cette relation à François Mitterrand,
00:40:04 et on sera avec Charles Villeneuve dans un instant.
00:40:05 À la fois il y avait une grande confiance entre les deux,
00:40:08 mais dans l'interview on l'entend,
00:40:09 ça ne l'empêche pas d'interroger François Mitterrand,
00:40:12 bien que malade, sur ses relations pendant la guerre,
00:40:16 et avec en particulier Boukhaï et d'autres,
00:40:17 il était capable aussi d'être extrêmement dur et extrêmement précis,
00:40:21 c'est-à-dire qu'il n'était pas complaisant.
00:40:23 Mais je crois d'ailleurs que François Mitterrand
00:40:24 lui avait explicitement demandé lors de cette interview
00:40:27 de poser toutes les questions, y compris les plus dérangeantes.
00:40:29 Donc c'est aussi ça, ce lien de confiance.
00:40:31 C'est Jean-Pierre Elkabbach qui a fait dire,
00:40:33 je reviens quelques années en arrière,
00:40:34 c'est Jean-Pierre Elkabbach qui a fait dire à François Mitterrand
00:40:39 sa volonté d'abolir la peine de mort en 1981,
00:40:42 lors d'une interview conjointe d'ailleurs avec Alain Duhamel.
00:40:45 Mais ce n'était pas simple l'interview-là,
00:40:46 de faire dire à Mitterrand, ce qu'il voulait dire effectivement,
00:40:49 mais ses relations difficiles pendant la Résistance
00:40:53 et après la Résistance,
00:40:55 avec des gens qui avaient été dans la collaboration.
00:40:57 Mais il expliquait, et ça ce n'est pas simple,
00:40:59 parce qu'on sait qu'il est malade, on sait qu'il est en fin de vie
00:41:02 et il n'a pas eu peur de lui poser des questions.
00:41:04 C'était ça aussi Elkabbach.
00:41:05 Charles Villeneuve est avec nous,
00:41:07 grand homme de médias évidemment également.
00:41:09 Bonsoir Charles Villeneuve,
00:41:10 merci de prendre le temps de réagir en direct sur CNews.
00:41:12 Il y a une heure, on apprenait la mort du plus grand journaliste
00:41:17 des 60 dernières années.
00:41:19 Du plus grand ?
00:41:24 Oui, c'est ma question.
00:41:27 Oui, non, je pense qu'avec Étienne Moujotte,
00:41:32 Jean-Pierre Elkabbach était un leader de notre métier.
00:41:39 De la même manière qu'Étienne sur la télévision privée
00:41:43 et Jean-Pierre sur la télévision publique,
00:41:46 a généré beaucoup de journalistes,
00:41:49 aussi bien hommes que femmes, et a organisé des rédactions.
00:41:53 C'est en cela, si vous voulez, que pour moi,
00:41:57 Elkabbach, comme l'a été Étienne Moujotte,
00:42:00 est un organisateur de rédaction
00:42:03 et de toute une génération de journalistes.
00:42:06 Et c'est ce que j'appelle un leader.
00:42:10 Charles Villeneuve, si vous aviez un ou deux moments forts
00:42:14 que vous avez vécu aux côtés de Jean-Pierre Elkabbach à nous conter,
00:42:17 lesquels seraient-ils ?
00:42:20 C'est un moment où, à l'hôtel Le Crion,
00:42:24 on essayait de décider l'un comme l'autre,
00:42:27 mais si vous voulez, dans des camps opposés,
00:42:33 en quelque sorte, TF1 et France 2.
00:42:37 Il y a Serra Rafat, le leader palestinien,
00:42:40 d'accorder l'interview plutôt à TF1 qu'à France 2.
00:42:44 C'était assez amusant, finalement, nous l'avons eu tous les deux.
00:42:47 Donc nous avons partagé ce moment.
00:42:50 Merci beaucoup, Charles Villeneuve, d'avoir témoigné en direct sur notre antenne.
00:42:56 Gabriel Cluzel, c'est vrai que Jean-Pierre Elkabbach,
00:43:01 et on continue d'entendre un maximum de réactions,
00:43:03 on verra aussi sur les réseaux sociaux parce qu'elles sont extrêmement nombreuses,
00:43:08 Jean-Pierre Elkabbach, chaque grande personnalité médiatique de ce pays,
00:43:14 d'une certaine manière, directement ou indirectement,
00:43:16 lui doit quelque chose, a vécu un moment,
00:43:20 que ce soit directement ou par procuration, à travers lui.
00:43:23 Oui, oui, oui, bien sûr, vous avez raison, mais comme je le disais tout à l'heure,
00:43:27 c'était vraiment un accoucheur.
00:43:29 Il y a sans doute beaucoup d'hommes politiques et de femmes politiques
00:43:32 qui n'auraient pas dû dire, ni qui ne se seraient pas révélées
00:43:35 comme ils se sont révélées sans Jean-Pierre Elkabbach.
00:43:37 Mais il avait aussi fait aimer la politique parce que sa voix,
00:43:40 qui est restée très marquante, c'était un spectacle.
00:43:42 Cette intonation, cet accent.
00:43:43 Vous vous souvenez de, vous êtes trop jeune, de l'émission "Carte sur table".
00:43:50 C'était vraiment une émission phare pour les Français,
00:43:56 qui leur a fait aimer la politique et qui a commencé à faire du débat politique
00:44:01 une forme de spectacle.
00:44:03 Alors, il y avait Elkabbach, mais il y avait aussi des grands ténors
00:44:07 qui contribuaient à faire le spectacle.
00:44:09 Mais ça, je suis persuadée que la conscientisation politique
00:44:13 de beaucoup de nos concitoyens, ils la doivent à Jean-Pierre Elkabbach.
00:44:17 Oui, il faut dire qu'aussi, pour les responsables politiques,
00:44:21 être interviewé par Jean-Pierre Elkabbach, c'était le Graal.
00:44:26 Il était un peu harcelé.
00:44:27 Il recevait des dizaines de coups de téléphone tous les jours.
00:44:30 Est-ce que je peux venir ?
00:44:30 Parce que d'habitude, c'est plutôt les journalistes qui harcèlent les politiques
00:44:33 et leurs communicants pour en tenir un interview.
00:44:35 Est-ce que je peux venir dans votre émission ?
00:44:36 Est-ce que vous avez une place pour moi à un moment ?
00:44:38 Et il leur répondait, oui, mais qu'est-ce que vous avez à dire ?
00:44:40 Est-ce que vous avez quelque chose d'intéressant à dire ?
00:44:41 Est-ce que vous avez quelque chose d'important à annoncer ?
00:44:44 Évidemment, il fallait, pour être interviewé, venir délivrer un message.
00:44:49 Mais c'est vrai que les responsables politiques,
00:44:52 y compris à très haut niveau, des ministres, etc.,
00:44:54 voulaient venir chez Jean-Pierre Elkabbach.
00:44:56 Et je ne vous parle pas, évidemment, de la jeune garde.
00:44:58 Quand on débutait en politique, le rêve, un jour,
00:45:01 c'était d'arriver face à Jean-Pierre Elkabbach au micro d'Europe 1
00:45:05 ou au micro de CNews, ensuite, et de répondre à ses questions.
00:45:08 Donc, c'est vrai que les responsables politiques aussi l'ont aimé pour cela.
00:45:13 François Puponnier, vous avez, par le passé, harcelé Jean-Pierre Elkabbach
00:45:17 pour être interviewé par lui.
00:45:18 Ça vous est arrivé ?
00:45:19 Non, non, non, non, non, non.
00:45:20 Je ne me serais jamais permis.
00:45:21 Trop de règles pour lui.
00:45:22 Je dis harcelé, en fait, bien sûr.
00:45:23 Non, non, non, mais je suis trop interpellé pour lui.
00:45:24 Mais par contre, quand lui voulait une interview,
00:45:26 je peux vous dire qu'il était capable de vous appeler.
00:45:28 Quand il y avait des événements de l'actualité,
00:45:30 de vous appeler pour dire, il faut que tu viennes le matin, 8h20,
00:45:33 et il était capable de vous appeler jusqu'à minuit pour vérifier les informations,
00:45:38 pour que l'interview du lendemain, il ne dise pas…
00:45:40 Enfin, que tout soit vérifié.
00:45:42 Et c'est ça aussi, c'est-à-dire qu'il vous mettait en condition.
00:45:45 Donc, non, non, je ne me serais jamais permis de le harceler.
00:45:47 Par contre, effectivement, quand on venait à 8h20 le matin,
00:45:50 fallait avoir bien dormi la nuit parce qu'il ne fallait pas se louper.
00:45:53 Ça partait dans tous les sens.
00:45:54 C'est-à-dire que c'était… les questions fusaient
00:45:57 et jusqu'au moment où, éventuellement, vous pouviez faire une erreur
00:46:00 ou dire quelque chose, et donc, il fallait se préparer.
00:46:02 Bon, Invidal, il est 22h45.
00:46:04 Je rappelle à nos téléspectateurs qui nous rejoindraient seulement maintenant
00:46:07 qu'on a appris ce soir la mort d'un journaliste aux 60 ans de carrière
00:46:11 qui a traversé le XXe siècle et une bonne partie du XXIe,
00:46:15 donc qui nous a accompagnés dans la vie médiatico-politique.
00:46:19 Jean-Pierre Elkabache, qui est donc mort à l'âge de 86 ans.
00:46:22 Et évidemment, les réactions, elles sont extrêmement nombreuses,
00:46:25 notamment sur les réseaux sociaux.
00:46:26 Exactement. Dans la sphère politique, les réactions s'accumulent.
00:46:29 Nous avons Bruno Le Maire qui a dit un hommage à un journaliste passionné,
00:46:33 à un lecteur assidu, à un observateur hors pair de notre vie politique nationale.
00:46:38 Hommage à un homme qui a cru toute sa vie dans la force de l'engagement public,
00:46:42 Jean-Pierre Elkabache.
00:46:43 Nous avons également Fabien Roussel qui a réagi avec une vidéo.
00:46:48 Compagnon de route de la Vème République,
00:46:50 Jean-Pierre Elkabache aura marqué l'histoire médiatique de notre pays.
00:46:53 Ses échanges mythiques avec Georges Marchais resteront gravés.
00:46:56 J'ai apprécié à mon tour ses interviews, toujours respectueuses.
00:46:59 Hommage.
00:47:00 Nous avons encore Renaud Muselier,
00:47:03 hommage de la région sud à Jean-Pierre Elkabache,
00:47:06 dont j'apprends la disparition.
00:47:08 Grand journaliste, brillant interviewer,
00:47:10 il a tout simplement mis en musique l'histoire politique de notre pays.
00:47:13 Son nom, son visage et son timbre de voix inimitables en resteront inséparables.
00:47:19 Des très beaux hommages de la part de la sphère politique.
00:47:22 Maintenant, nous avons aussi Valérie Pécresse.
00:47:24 Une page se tourne.
00:47:25 Un grand journaliste nous a quittés, si percutant, si cultivé
00:47:29 qu'il a traversé toutes les époques au point qu'on le croyait éternel.
00:47:33 Je pense à sa famille et à ses proches.
00:47:36 Et enfin, nous avons Jordan Bardella également qui a réagi.
00:47:39 Il avait interrogé tous les chefs d'État depuis Valérie Giscard d'Estaing
00:47:43 et a fait vivre notre débat démocratique.
00:47:45 Jean-Pierre Elkabache, c'est plus d'un demi-siècle de journalisme politique
00:47:49 et des interviews mémorables.
00:47:51 Toutes mes condoléances à sa famille et à ses collègues.
00:47:54 Et puis, Anuza, je crois qu'il y a également l'ancien président Nicolas Sarkozy qui vient de tweeter.
00:47:58 Oui, à l'instant, Nicolas Sarkozy qui réagit, qui parle d'un interviewer pugnace et sans concession.
00:48:04 Il a marqué de son empreinte toute une génération des Nicolas Sarkozy.
00:48:07 Je fais partie de cette génération pour avoir tant espéré à leur jeune élu d'être invité.
00:48:12 Voilà ce que je vous disais, d'être invité au micro d'Europe 1 jusqu'à ce qu'il me donne ma chance.
00:48:17 Jamais je ne l'oublierai, je pense ce soir à ceux qui, comme moi, l'ont tant aimé et admiré.
00:48:21 Réaction de l'ancien président.
00:48:23 Une réaction de François Hollande, bien sûr, est attendue.
00:48:25 Et une réaction de l'Elysée également, qui va sans aucun doute publier un communiqué
00:48:28 pour rendre hommage à Jean-Pierre Elkabbach.
00:48:30 Pour l'instant, pas de communication du président de la République en exercice.
00:48:34 Mais oui, ça devrait venir sans nul doute.
00:48:37 Peut-être que Karl-Oliv va nous le confirmer, d'ailleurs, puisque Karl-Oliv,
00:48:41 député de la majorité présidentielle, nous fait le plaisir d'être en direct avec nous.
00:48:45 Bonsoir, cher Karl.
00:48:47 C'est intéressant de vous avoir parce que vous, vous avez les deux facettes.
00:48:51 Désormais, vous avez été très longtemps un homme de média, un journaliste, un de nos confrères.
00:48:55 Et puis maintenant, de l'autre côté, j'ai envie de dire de l'échiquier avec cette casquette politique
00:49:01 de député qui est la vôtre.
00:49:03 Votre réaction à ce décès, je disais, c'est peut-être le plus grand journaliste français du XXe siècle qui est parti.
00:49:08 C'est intéressant de voir que ce soir, de Fabien Roussel à Nicolas Sarkozy,
00:49:14 personne n'a un mot au-dessus de l'autre concernant Jean-Pierre Elkabbach.
00:49:20 Bonsoir, mesdames, messieurs, et merci pour l'invitation.
00:49:24 Moi, j'ai toujours pensé que Jean-Pierre Elkabbach volait comme un papillon et piquait comme une abeille.
00:49:29 Et ça a d'ailleurs été dit sur votre plateau.
00:49:33 C'est évidemment la formule de Mohamed Ali.
00:49:36 Parce qu'on était très heureux de pouvoir échanger avec monsieur Elkabbach et François Pouponi,
00:49:42 comme Gabriel Cluzel le disait tout à l'heure, c'est-à-dire qu'on était particulièrement attentionnés,
00:49:47 particulièrement écoutés, particulièrement accueillis, parfois relancés au téléphone tard dans la nuit.
00:49:53 Pour autant, quand Jean-Pierre décochait une piqûre, elle faisait mal.
00:49:59 Et voyez-vous, moi, j'ai l'image de Jean-Pierre Elkabbach comme celui qui préparait finalement ses interventions,
00:50:06 quelles qu'elles soient, comme une finale de Coupe du Monde.
00:50:09 Il y avait vraiment beaucoup, beaucoup de travail en amont.
00:50:12 Il était très exigeant avec lui-même et c'est la raison pour laquelle il était très exigeant avec les autres.
00:50:18 J'ai été journaliste, vous l'avez dit, et je donne aujourd'hui de temps à autre des cours de journalisme.
00:50:23 Et bien, Jean-Pierre Elkabbach, c'est quelqu'un qu'on montre en vidéo, dans le média training,
00:50:27 sur les prises de parole en public, sur la manière de se confronter à un élu politique.
00:50:33 Voilà, c'est l'image que je garderai de monsieur Elkabbach, où j'ai eu la chance d'être accueilli,
00:50:38 interviewé par lui, et comme les uns et les autres le disaient, comme le président Sarkozy,
00:50:43 quand on a été interviewé par Jean-Pierre Elkabbach, on n'est plus tout à fait le même.
00:50:48 Je voudrais dire un petit mot encore à l'ancien journaliste, Karl Oliv, que vous avez été.
00:50:53 C'est vrai qu'encore une fois, on parle notamment avec Yoann Uzaï et Benjamin O,
00:50:58 qui sont en plateau avec nous, qui ont côtoyé Jean-Pierre Elkabbach alors qu'ils étaient vraiment au tout début de leur carrière.
00:51:05 Et quand vous voyez, quand vous passez des années à assister un homme qui a 60 ans de carrière,
00:51:09 qui a interviewé les plus grands et qui, après chaque émission, demande à pardon de le dire comme ça,
00:51:13 les amis, il y a des gamins de 25-30 ans, comment j'ai été ? Est-ce que tu trouves que ça allait ?
00:51:17 Est-ce que la question-là, ça s'est bien passé ? Quel est le ressenti finalement des autres ?
00:51:21 C'est une sacrée leçon d'humilité pour peut-être d'autres journalistes qui, à 30-35 ans,
00:51:26 après avoir fait quelques mois d'émission de télé, se sentent arriver et n'ont plus aucune leçon à apprendre des uns ou des autres.
00:51:33 J'ai beaucoup d'émotion dans ce que vous dites parce que c'est, je crois, effectivement ce que nous ressentons.
00:51:40 Il y avait une préparation incroyable de Jean-Pierre Elkabbach lorsqu'il préparait ses émissions,
00:51:45 mais il y avait tout de suite un feedback qui était renvoyé à son interviewé comme à l'intervieweur.
00:51:51 Et ça aussi, c'est quelque chose qui marque.
00:51:54 Et puis, rappelez-vous, vous l'avez côtoyé bien plus que l'ensemble de nous autres certainement,
00:51:59 c'était la préparation de ses fiches, lui seul pouvait les lire.
00:52:04 Et je dis souvent que les plus grands sont les plus simples.
00:52:07 Jean-Pierre Elkabbach était un très grand parce qu'il était aussi un homme simple et un homme très humble.
00:52:13 Vous confirmez Benjamin ? Il n'y avait que lui qui pouvait lire ses fiches ?
00:52:15 C'était rempli de stabilo d'orature quand il me demandait de les lire.
00:52:18 C'était ma pire angoisse parce qu'en fait, je comprenais un mot sur deux.
00:52:21 Et c'était difficile de lui dire "Jean-Pierre, je comprends un mot sur deux" quand même parce qu'il avait beau être accessible.
00:52:26 Il écrivait très petit.
00:52:28 Oui, très petit et il y en avait dans tous les sens.
00:52:30 Et c'était très très dur de lire.
00:52:32 Mais on arrivait au bout d'un moment, il fallait de l'entraînement à décrypter un peu ce qu'il voulait dire.
00:52:36 Un dernier mot, Karl, avant de vous remercier d'avoir été présent pour rendre hommage à Jean-Pierre.
00:52:41 Peut-être un moment, une anecdote, un moment échangé qu'on pourrait partager avec vous ?
00:52:46 Juste pour reprendre ce que disait François Puponi à juste titre tout à l'heure.
00:52:51 Moi, je me souviens les deux ou trois fois où j'ai eu la chance d'être, parce que c'en était une, un honneur d'être interviewé par Jean-Pierre Elkabbach.
00:52:57 Il m'a systématiquement dit, pardon, surtout ne vous tortillez pas.
00:53:02 Ici, on n'est pas là pour tortiller. Donc si vous avez quelque chose à dire, allez-y, ne tortillez pas, monsieur.
00:53:06 C'était la marque de fabrique de Jean-Pierre Elkabbach, en effet.
00:53:09 Merci infiniment, Karl-Oliv, au plaisir de vous recroiser sur les plateaux de CNews.
00:53:14 Merci d'être intervenu.
00:53:16 Georges Marchais, qu'il est mémorable ce moment, François Puponi.
00:53:20 Il n'a jamais dit "taisez-vous".
00:53:22 Il n'a jamais dit "taisez-vous", mais vous en êtes sûr, certains.
00:53:25 Il l'a confirmé aussi.
00:53:27 Martin dans l'oreille me dit "on ne l'a pas".
00:53:29 Mais non, ça n'a jamais existé, Martin, donc c'est normal que vous ne l'ayez pas.
00:53:32 C'est une légende, en fait.
00:53:34 Jamais Georges Marchais n'a dit "taisez-vous" à Jean-Pierre Elkabbach.
00:53:37 Mais pour autant, ce moment de télévision reste mémorable.
00:53:41 Nous sommes en octobre 1980.
00:53:44 À partir du moment où un homme est élu président de la République,
00:53:47 où une majorité est élue à l'Assemblée nationale,
00:53:51 il faut bien que les élus de l'opposition discutent avec...
00:53:56 C'est ce qu'il faut.
00:53:58 Mais écoutez, vous êtes terribles.
00:54:00 On essaie de comprendre.
00:54:02 Vous avez du mal.
00:54:03 Non, on comprend vite.
00:54:05 Il y a des moments où vous nous expliquez qu'au contraire, vous comprenez très bien.
00:54:08 Il faut dire que vous comprenez quand vous voulez.
00:54:10 C'est-à-dire que dans deux ans, vous nous direz qu'aujourd'hui, on avait raison.
00:54:12 On n'est pas pressés.
00:54:14 Des moments comme ça, d'une telle franchise, j'ai envie de dire,
00:54:17 entre un politique et un journaliste,
00:54:19 là encore, peut-être que ça fait...
00:54:21 Enfin, je n'ai pas forcément l'âge pour m'affubler du terme d'ancien combattant,
00:54:25 mais c'est vrai que ce ne sont pas des choses qu'on voit aujourd'hui.
00:54:27 La télé moderne, le journalisme moderne n'a plus cette couleur.
00:54:31 Oui, mais parce qu'il y avait des journalistes qui étaient capables
00:54:33 de pousser les politiques dans leur retranchement,
00:54:35 et des politiques qui ne se laissaient pas faire.
00:54:37 C'était un autre niveau de politique aussi.
00:54:39 C'était un autre niveau, mais ils ne se laissaient pas faire.
00:54:41 Ça tapait fort des deux côtés.
00:54:43 Et donc, il y avait aussi des politiques qui avaient une vraie expérience politique,
00:54:47 une vraie culture politique, une vraie formation,
00:54:49 et qui étaient capables de tenir l'adrège et autres.
00:54:52 C'était avant 1981, donc il n'y avait pas eu encore les chaînes privées, etc.
00:54:58 Donc, le sentiment que c'était le service public,
00:55:01 qu'il était attaqué, d'où le problème de la bordel-cabache après 1981.
00:55:05 Il y a un avant et un après.
00:55:07 Oui, d'avoir été mis un peu de côté.
00:55:08 Il s'est vite rattrapé, parce qu'il était tellement compétent
00:55:10 qu'il a su rebondir.
00:55:11 Mais effectivement, il était considéré par la gauche comme l'homme du pouvoir.
00:55:15 Parce qu'en 1981, il ne croyait pas que l'élection de François Mitterrand.
00:55:18 Oui, et puis parce qu'il travaillait dans le service public de l'époque.
00:55:20 Et donc, à l'époque, c'était le service public qui était aux ordres du pouvoir.
00:55:24 Et donc, quand la gauche est passée à gagner l'élection,
00:55:28 François Mitterrand a gagné l'élection, il a été un peu montré du doigt.
00:55:31 Très, très vite, il a rebondi.
00:55:32 Mais c'était un peu, voilà.
00:55:33 Et ce que voulait dire George Maschette, c'était ça.
00:55:35 C'était "Vous représentez le grand capital, vous représentez le pouvoir en place,
00:55:38 et bien, je ne vais pas me laisser faire."
00:55:39 Gabrielle, je vous vais y réagir.
00:55:41 Oui, mais c'était aussi un grand cirque politique dans lequel jouait le journaliste,
00:55:46 mais aussi l'homme politique.
00:55:48 Et Maschette et El-Khabas, c'était les deux meilleurs ennemis.
00:55:51 Il y a une émission où George Maschette agitait une feuille
00:55:55 comme s'il avait des révélations pas possibles sur sa feuille,
00:55:58 face à El-Khabas et Duhamel.
00:56:03 Et à la fin, El-Khabas a demandé à Maschette,
00:56:05 "Mais qu'est-ce que vous aviez sur cette feuille ?"
00:56:07 Et Maschette lui a montré la feuille, la feuille était blanche.
00:56:09 Donc tout ça faisait partie d'un grand sketch.
00:56:12 Donc le duo fonctionnait bien, il faut reconnaître.
00:56:15 Et on comprend que Thierry Leluron ait été inspiré.
00:56:20 Et c'est là aussi qu'on voit qu'un journaliste de qualité
00:56:24 peut servir aussi de faire valoir à un politique
00:56:27 qu'un journaliste fallot n'aurait pas révélé.
00:56:30 George Maschette, comme il l'a été par El-Khabas.
00:56:33 Johan.
00:56:34 Oui, mais ça, c'était le talent aussi de Jean-Pierre El-Khabas, effectivement,
00:56:37 qui, à l'époque, savait affronter.
00:56:41 Parce que c'était, enfin ça j'ai remarqué,
00:56:43 c'était vraiment un affrontement.
00:56:44 Il ne fallait jamais lâcher prise, il ne fallait jamais se déconcentrer.
00:56:47 Il fallait tenir tête, y compris face au public, par ailleurs.
00:56:50 Parce que les responsables politiques venaient avec leur soutien nombreux,
00:56:54 qui prenaient place dans le studio
00:56:56 et qui réagissaient précisément aux questions de Jean-Pierre El-Khabas.
00:56:59 Donc il ne fallait pas non plus laisser d'estabiliser.
00:57:01 D'ailleurs, il leur adressait des messages, il leur disait,
00:57:03 mais on n'est pas au cirque ici, les invités n'ont pas à réagir, etc.
00:57:08 Donc c'est quelqu'un qui savait que chaque personne devait rester à sa place
00:57:13 et qui arrivait à poser les bonnes questions,
00:57:16 qui ne se laissait pas déstabiliser.
00:57:19 Il y a quelques mois, ou enfin il n'y a pas si longtemps,
00:57:24 je ne me souviens plus de la date exactement,
00:57:25 il était l'invité d'une émission de télévision, Jean-Pierre.
00:57:28 Justement, c'était il y a un an, je crois, au moment de la sortie de ce livre,
00:57:31 "Les rives de la mémoire", qu'il a publié en 2022.
00:57:34 Il a dit qu'il y avait trois personnes qui avaient particulièrement marqué sa carrière journalistique.
00:57:39 C'est Pierre Mendès France, le général de Gaulle et François Mitterrand.
00:57:43 C'est pas mal.
00:57:44 Oui, bien sûr, parce qu'il les a bien fréquentés, connus.
00:57:47 Et effectivement, il s'est formé avec ces personnalités politiques-là,
00:57:50 qui étaient des personnalités politiques hors normes.
00:57:52 On vient juste de demander à un texto, il est mort,
00:57:55 il avait une adoration pour son père,
00:57:57 et il est mort le même jour que son père, le 3 octobre.
00:58:00 Incroyable.
00:58:01 Ça, j'ignorais.
00:58:02 Son père est d'ailleurs mort un jour de Yom Kippour,
00:58:06 en lisant une prière à la synagogue.
00:58:08 Et là, Jean-Pierre Cabral, qui était un juif laïc,
00:58:11 mais vient de décéder un jour en particulier,
00:58:13 puisque c'est les fêtes de Soucott.
00:58:15 Oui, j'ai un extrait que j'aimerais vous lire de cette autobiographie
00:58:21 qu'il a écrite en 2022, "Les rives de la mémoire".
00:58:24 "J'ai grandi à Oran, une ville inondée de soleil,
00:58:27 que j'ai plus tard appris à aimer.
00:58:29 En passant, je ne rêvais que d'en partir,
00:58:31 quitter cette Algérie française sans horizon,
00:58:34 vivre à Paris, voyager.
00:58:36 Le journalisme où je m'engageais par hasard
00:58:38 fut un moyen inespéré d'assouvir ma curiosité.
00:58:41 Ces rives de la mémoire sont aussi peuplées de celles et ceux
00:58:44 qui ont le plus compté pour moi tout au long de ce périple."
00:58:47 C'était une plume aussi, Jean-Pierre.
00:58:49 J'ai une petite anecdote sur Oran, parce que je ne sais pas si tout le monde le sait,
00:58:52 mais Jean-Pierre Elkabach était végétarien.
00:58:54 Pourquoi il était végétarien ?
00:58:56 C'était à cause des marchés d'Oran, où la viande était exposée,
00:58:58 ça l'a dégoûté quand il était jeune,
00:59:00 et du coup il ne mangeait plus de viande à cause de ça.
00:59:02 Mais il a gardé des grandes affections.
00:59:04 C'est des choses qu'il vous a confiées pendant des journées de travail ?
00:59:06 Des journées où il me racontait vraiment d'un nombre d'anecdotes.
00:59:09 En plus, moi ça me passionnait, parce que ça pouvait aller de Chirac à Mitterrand.
00:59:13 Quand tout le monde parlait justement de son rapport avec Mitterrand,
00:59:15 c'est vrai qu'aujourd'hui, quand il en parlait,
00:59:17 il avait une grande affection en santé par rapport à la relation qu'ils ont eue.
00:59:21 Et même avec d'autres politiques,
00:59:23 il avait toujours des petites anecdotes un peu marrantes.
00:59:25 Je ne peux pas tout révéler parce qu'il y a de l'ordre du privé,
00:59:28 mais il y avait toujours des petits moments de vie comme ça,
00:59:30 et qu'il nous partageait en nous faisant vraiment confiance.
00:59:33 Parce que c'est des choses qu'on aurait pu raconter à droite à gauche,
00:59:35 mais il nous a toujours fait confiance.
00:59:36 Une journée avec Jean-Pierre Elkabach quand on est jeune journaliste,
00:59:38 ça vaut bien un semestre d'école.
00:59:40 Largement.
00:59:41 Dominique de Montvallon, qui est avec nous également.
00:59:44 Bonsoir, cher Dominique, merci d'être avec nous.
00:59:46 Au revoir.
00:59:47 Journaliste, évidemment.
00:59:49 Combien de temps avez-vous côtoyé Jean-Pierre Elkabach,
00:59:52 et qu'en gardez-vous, Dominique ?
00:59:55 Combien de temps ? Je n'ai pas vraiment calculé,
00:59:57 mais je vais dire à la volée 40 ans, 45 ans.
01:00:01 Tout jeune journaliste, débutant, c'était déjà un phare du monde des médias,
01:00:08 un personnage incontournable, quelqu'un qu'on écoutait, qu'on suivait.
01:00:13 Écouter Jean-Pierre Elkabach,
01:00:15 quand il était dans des émissions de télévision,
01:00:18 c'était toujours en retenir quelque chose.
01:00:20 On était d'accord ou pas d'accord, mais ce n'était pas du creux.
01:00:23 Ça ne tournait pas à vide.
01:00:25 Non, c'est un personnage.
01:00:27 Je me rends compte ce soir, au moment où Jean-Pierre Elkabach vient de nous quitter,
01:00:32 je me rends compte, et je ne suis pas le seul,
01:00:34 c'est pour ça que je me permets de dire « je »,
01:00:36 qu'il nous aura accompagnés, nous, citoyens,
01:00:40 alors nous, citoyens journalistes, mais même les citoyens en général,
01:00:44 il nous aura accompagnés pendant, Jean-Pierre Elkabach,
01:00:47 pendant plus d'un demi-siècle, un demi-siècle avec lui.
01:00:50 Il a vécu des choses très différentes.
01:00:53 Vous parliez tout à l'heure de Georges Marchais.
01:00:58 Une chose, je vais vous dire,
01:01:01 je serais content que soit vraiment établi le fait qu'il n'a jamais dit
01:01:06 « taisez-vous Elkabach ».
01:01:08 Moi, personnellement, j'ai vécu depuis 30 ans avec l'idée qu'il avait dit ça,
01:01:12 mais bon, ça, ce sera éclairci demain pour savoir si c'était une invention ou autre chose.
01:01:17 Mais je voudrais surtout insister sur une chose.
01:01:19 Ce qui est extraordinaire, c'est les confidences testamentaires
01:01:24 qu'a donné François Mitterrand, qu'a accordé François Mitterrand à Jean-Pierre Elkabach.
01:01:30 François Mitterrand avait quitté l'Élysée, il était fatigué,
01:01:33 il se savait au terme de sa vie dans un délai relativement rapide,
01:01:40 et il a choisi Jean-Pierre Elkabach, il a accepté Jean-Pierre Elkabach,
01:01:44 il a choisi Jean-Pierre Elkabach pour lui faire des explications, des éclairages,
01:01:50 avant de nous quitter. Je parle de François Mitterrand.
01:01:54 C'est quand même d'autant plus extraordinaire qu'en 1981, vous l'avez dit tout à l'heure,
01:02:01 en 1981, Jean-Pierre Elkabach, à qui, comme tous les grands journalistes,
01:02:05 on a collé des étiquettes dans le dos, alors lui, à ce moment-là,
01:02:08 il était de droite, giscardien, je ne sais pas quoi, enfin bref,
01:02:12 il était sifflé place de la Bastille par les plus durs des militants,
01:02:17 ravis de l'élection de François Mitterrand.
01:02:20 Après, les choses se sont arrangées, après un temps de latence,
01:02:23 mais pensez qu'au terme de sa vie, François Mitterrand avait retrouvé,
01:02:28 ça faisait déjà un moment, mais avait trouvé en Jean-Pierre Elkabach,
01:02:32 au fond, l'interlocuteur attentif,
01:02:36 comment dirais-je, qui ne le trahirait pas.
01:02:43 C'est ça un journaliste, pas forcément d'accord,
01:02:47 surtout quand il s'expliquait sur son itinéraire,
01:02:50 et je pense à Mitterrand durant la Seconde Guerre mondiale,
01:02:54 il y a eu des moments qui ont nécessité pour Mitterrand de s'expliquer longuement
01:03:00 et sans forcément toujours convaincre, mais il savait qu'il ne serait pas trahi,
01:03:04 au sens où il serait respecté.
01:03:06 Jean-Pierre Elkabach, c'était ça.
01:03:08 Vous me demandiez tout à l'heure, je termine là-dessus,
01:03:11 depuis combien de temps, mais j'ai appris le journaliste d'une certaine façon,
01:03:16 avec Jean-Pierre Elkabach, il était là tout le temps.
01:03:19 Moi, je n'ai jamais été dans les rédactions qu'il dirigeait,
01:03:22 mais il était là tout le temps, on le voyait.
01:03:25 Quand Elkabach disait quelque chose, je répète, on peut être d'accord ou pas d'accord,
01:03:31 mais c'était un événement, c'était quelque chose qu'on apprenait.
01:03:36 Je lui tire mon chapeau, c'est vraiment un très très grand professionnel,
01:03:42 un maître du journaliste qui vient de nous quitter.
01:03:46 Merci infiniment pour ce portrait, Dominique de Montvallon.
01:03:51 Merci d'avoir témoigné en direct sur CNews.
01:03:53 On a évidemment envie de réagir, de parler de Jean-Pierre,
01:03:57 mais aussi de se replonger dans le passé, de voir le journaliste,
01:04:01 de se souvenir du journaliste qu'il était, qu'il a été,
01:04:04 de cet interviewer hors pair, le roi de l'interview, diront certains.
01:04:08 Nous sommes le 2 avril 1979, Jean-Pierre Elkabach est face à Jacques Chirac.
01:04:13 Il faut bien sacrifier quelque chose, on ne peut pas adorer le vaudeur en permanence.
01:04:17 Il y a les hommes à la base, il y a l'emploi, il y a les chômeurs,
01:04:21 mais tout le monde a l'air de s'en foutre, c'est tout à fait extraordinaire au gouvernement.
01:04:25 Vous ne pouvez pas admettre, M. Elkabach, qu'il y ait dans ce pays 1,4 millions de chômeurs.
01:04:30 Vous ne pouvez pas admettre que dans quelques années,
01:04:34 les experts gouvernementaux prévoient qu'il y en ait 1,8 millions.
01:04:37 Vous acculez ce pays à la constat...
01:04:40 Enfin, je veux dire, le gouvernement accule ce pays...
01:04:43 Excusez-moi, c'est une assimilation un peu rapide.
01:04:46 Trop rapide.
01:04:48 Mais le gouvernement accule ce pays en refusant absolument tout dialogue,
01:04:54 en refusant d'infléchir en quoi que ce soit sa politique,
01:04:57 en estimant qu'il a la vérité révélée,
01:05:00 accule une très grande partie de nos concitoyens à la constatation suivante,
01:05:05 ou le désespoir, ou la révolution.
01:05:08 Et c'est ce qui m'inquiète sur le plan politique.
01:05:10 Par conséquent, M. Chirac, ce gouvernement depuis trois semaines n'a pas changé, ou presque n'a pas changé.
01:05:15 Nous venons de voir aux élections cantonales que les Français ont, dans une grande majorité,
01:05:20 sanctionné ce gouvernement.
01:05:23 C'était le cas en 1976 aussi.
01:05:26 L'ont sanctionné.
01:05:28 Mais là, juste au lendemain d'une élection législative, gagné.
01:05:31 C'est une autre époque.
01:05:33 C'est vrai qu'on avait l'impression que ce ton de voix...
01:05:35 Gabriel, je ne vais pas trahir grand-chose en disant que pendant qu'on entendait,
01:05:38 on se disait que ces timbres de voix, ces expressions sont assez désuètes.
01:05:41 On n'a plus l'habitude.
01:05:42 Peut-être que les prises de son de l'époque jouent aussi.
01:05:44 Mais c'est vrai qu'il y avait un phrasé,
01:05:46 déjà celui de Jean-Pierre Elkabach qui est assez unique,
01:05:48 mais c'est vrai que le phrasé de l'époque n'est pas celui d'aujourd'hui.
01:05:51 Mais au-delà de cette question de forme,
01:05:53 c'est vrai que sur le fond, et on le voit encore avec cette interview de Jacques Chirac,
01:05:55 peut-être Gabriel encore,
01:05:57 il fallait être prêt à l'affronter.
01:05:59 Parce que les deux, s'ils les connaissaient,
01:06:01 ce n'était pas le moment de faire de la langue de bois
01:06:03 ou d'essayer d'enfumer Jean-Pierre en l'occurrence et Alain Duhamel.
01:06:06 Parce que c'est vrai que les deux sont assez indissociables d'une certaine époque,
01:06:10 où ils menaient les interviews en duo.
01:06:12 Mais on ne lui faisait pas à l'envers pour parler un peu...
01:06:15 On ne lui faisait pas à l'envers, mais...
01:06:17 Il a aussi affronté des monstres sacrés
01:06:21 qui n'étaient quand même pas des lapins de six semaines.
01:06:24 C'est vrai, on le voit avec Jacques Chirac notamment.
01:06:26 Jacques Chirac, il fallait quand même arriver à s'opposer à lui.
01:06:30 C'est d'ailleurs touchant de voir toutes ces images d'archives,
01:06:34 parce que ce sont des monstres sacrés qui ont disparu.
01:06:38 Il a eu une affaire, je ne sais pas si vous vous souvenez,
01:06:42 il y a un de ces monstres sacrés auxquels il était très opposé,
01:06:45 c'était Jean-Marie Le Pen.
01:06:47 Il lui a interdit à un moment l'entrée de Ropin,
01:06:51 puis il a dit qu'il fallait qu'il revienne dans le débat.
01:06:53 Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette occasion-là
01:06:56 qu'il a dit à Marine Le Pen "Vous n'avez pas honte",
01:06:58 parce que Marine Le Pen avait dit que Jean-Pierre Elkabache
01:07:02 avait soutenu son père dans l'opposition.
01:07:04 Ce n'est pas cette occasion-là.
01:07:06 Quand Jean-Pierre Elkabache dit à Marine Le Pen "Vous n'avez pas honte",
01:07:09 c'est parce qu'elle n'a pas participé à la Grande Marche de 2015,
01:07:13 après les attentats de 2015,
01:07:15 Marine Le Pen n'est pas présente lors de la marche
01:07:18 qui a réuni les dirigeants du monde entier.
01:07:20 En tout cas, il s'était opposé parce que Marine Le Pen avait dit
01:07:23 qu'il avait soutenu son père.
01:07:25 C'est bien cet extrait-là.
01:07:27 On est donc en 2015, c'est sur notre chaîne, face à Marine Le Pen.
01:07:33 Bonjour Marine Le Pen.
01:07:35 Vous n'avez pas honte ?
01:07:37 Pardon ?
01:07:38 Vous n'avez pas honte ?
01:07:39 Honte de quoi ?
01:07:40 Vous n'avez pas de regrets ?
01:07:42 De quoi me parlez-vous, M. Elkabache ?
01:07:44 Vous n'étiez pas lié ?
01:07:45 Je vous reconnais bien là, dans la provocation.
01:07:48 Pardon, c'était sur Europe 1.
01:07:50 Bonjour.
01:07:51 Vous n'avez pas honte ?
01:07:52 C'est pas "Bonjour, Marine Le Pen est avec nous, on est sur Europe 1, il est telle heure".
01:07:56 Voilà, alors peut-être une première question pour vous mettre en confiance.
01:07:59 Et puis derrière, je vais attaquer.
01:08:01 Mais bon, d'abord, il faut faire attention à ce qu'on vous mette un peu légère,
01:08:04 un peu soft, super culte, tout de suite, en plein visage.
01:08:08 On voit à quel point Marine Le Pen est déstabilisée.
01:08:11 Elle est plus qu'interloquée, elle est complètement déstabilisée.
01:08:14 Donc, effectivement, pour la suite de l'interview, ça va être un peu compliqué pour elle.
01:08:18 Mais effectivement, la première question, elle est importante, bien sûr, parce que ça donne le ton.
01:08:23 Mais Jean-Pierre Elkabache, il savait aussi que la première question, c'était la plus facile, peut-être,
01:08:28 parce qu'on pouvait la préparer.
01:08:30 La première question, vous pouvez la préparer pendant des heures et des heures, il n'y a aucun problème.
01:08:33 C'est la deuxième question qui est plus difficile à poser,
01:08:35 parce que la deuxième question suppose que vous ayez écouté la réponse de votre invité à la première question posée.
01:08:40 Donc, ça suppose que vous ayez la connaissance du dossier, que vous ayez matière à répliquer.
01:08:44 Si, effectivement, le responsable politique qui est en face de vous essaie de vous enfumer
01:08:48 ou vous donne une information qui n'est pas bonne, vous donne des chiffres qui sont erronés.
01:08:52 Il faut connaître les dossiers par cœur pour être capable de répliquer et de rebondir à ce que dit votre invité.
01:08:58 Donc, cette première question de Jean-Pierre Elkabache, elle est très préparée.
01:09:01 Elle est parfaite, en réalité.
01:09:03 Sa parole est très simple, un peu improvisée.
01:09:05 Mais à priori, elle est très réfléchie.
01:09:08 Ça fait des heures et des heures qu'il y a pensé et qu'il sait comment il va attaquer.
01:09:11 Évidemment, parce que la première question, il l'a préparée toujours avec beaucoup d'attention.
01:09:14 Il savait que c'était très important.
01:09:15 Mais il savait que la plus importante et la plus difficile, c'était la deuxième question.
01:09:19 Et donc, il fallait travailler tous ces dossiers qu'il maîtrisait sur le bout des doigts.
01:09:22 Oui, François.
01:09:24 C'est là où il est très, très fort.
01:09:26 Et c'est vrai qu'aujourd'hui, enfin, je ne vais pas critiquer le jour du, loin de moi, sur les interviewers, bien entendu.
01:09:31 C'est que parfois, il pose des questions d'un sentiment qu'il ne connaisse pas le dossier.
01:09:35 C'est-à-dire qu'il y a des questions qui ont été préparées, mais qui ne correspondent pas à la réponse de l'année d'avant et au sujet.
01:09:39 Alors qu'avec lui, il ne fallait pas se louper.
01:09:41 Vraiment, c'était terrible parce que sur les sujets que vous maîtrisiez, vous, il les connaissait parfois aussi bien que vous.
01:09:47 Donc, il était capable de vous mettre en difficulté sur vos propres compétences.
01:09:50 Et ça qui était terrible, c'est qu'aller chez lui, on pouvait se louper.
01:09:53 Et il a pu casser quelques carrières politiques parce que certains qui voulaient, entre guillemets, faire les malins et se croire très fort parce qu'ils avaient des éléments de langage,
01:10:00 ça ne faisait pas un pli dans une interview de Jean-Pierre Elkabache.
01:10:03 Beaucoup d'entre nous ont tenté de l'égaler, de lui ressembler, d'avoir ce côté incisif dans les interviews.
01:10:09 Ça vous fait sourire ? Mais peu y sont parvenus.
01:10:12 C'est difficile d'égaler Jean-Pierre Elkabache.
01:10:14 Mais effectivement, qu'il soit un modèle pour un certain nombre d'intervieweurs politiques, oui, ça je le comprends tout à fait.
01:10:20 Mais c'est vrai que cet art de la première question, c'est vraiment lui qui l'a porté.
01:10:23 C'est vrai, c'est vraiment lui.
01:10:24 On a montré Marine Le Pen, mais il y a d'autres exemples comme ça.
01:10:26 On a parlé du mur, de quelle couleur est le mur ?
01:10:29 C'était une question posée à André Valigny sur sa réforme territoriale.
01:10:33 Et André Valigny lui répond, mais comment ça ? Mais quel mur ?
01:10:36 Et Jean-Pierre Elkabache lui répond, mais oui, le mur sur lequel votre réforme territoriale va se fracasser.
01:10:40 Donc là aussi, évidemment, André Valigny, qui à l'époque est ministre, est complètement décontenancé.
01:10:46 Et donc la réponse qu'il fait est un peu à côté de la plaque, effectivement.
01:10:50 Mais à l'époque, il faisait un duo extraordinaire avec Alain Duhamel.
01:10:54 S'il y a un autre modèle d'interview, c'est Alain Duhamel.
01:10:57 Et je repensais tout à l'heure au Club de la presse d'Europe 1,
01:11:00 qui avait été créé par Gérard Carreyrou à l'époque.
01:11:03 Mais quand il y avait le Club de la presse d'Europe 1 le dimanche soir,
01:11:06 je peux vous dire que c'était une cour qui suivait Elkabache.
01:11:09 Et même le patron d'Europe 1 à l'époque, Jean-Luc Lagardère, qui venait,
01:11:13 qui était présent tous les soirs.
01:11:14 Je me souviens parce que j'étais jeune journaliste et je m'occupe aussi de la circulation routière.
01:11:18 Oui, absolument.
01:11:19 Mais oui, c'est des flashs du soir pour expliquer.
01:11:21 Ah oui, pardon, je croyais que vous étiez là.
01:11:23 Je vous voyais sur le podoir, François 1er, avec votre sifflet.
01:11:27 Je vous rappelle, je l'ai vu.
01:11:29 Je vous parle d'une époque où il n'y avait pas le téléphone portal, il n'y avait pas Internet.
01:11:33 Et donc la radio informait sur comment ça se passe pour les routiers.
01:11:36 Ce rendez-vous-là du dimanche soir, tout le monde voulait y venir.
01:11:40 Et il y avait toute une logique derrière, par rapport aux invités,
01:11:44 parce qu'il y avait un peu de public.
01:11:46 Et donc les gens se battaient pour être y compris à l'image derrière l'interviewé.
01:11:50 Et après, Jean-Pierre Elkabbach a fait très longtemps le matin,
01:11:53 alors pas l'interviewé du soir.
01:11:55 Comment est-ce qu'il est...
01:11:56 Après, je ne sais pas, peut-être vous, Eric, et d'autres intervenants qui viendront,
01:12:00 qu'ils l'ont connu à une autre époque, aux années 70, 80,
01:12:04 où vraiment il a connu ce firmament, où il était la star des intervieweurs politiques.
01:12:09 Il y a un moment où certains l'ont perçu un petit peu perdre au pied, justement,
01:12:15 cette cour, cet encourage dont vous parlez.
01:12:17 Est-ce qu'il y a un moment où la star a pris le pas sur le journaliste,
01:12:20 ou jamais avec Jean-Pierre Elkabbach ?
01:12:21 Il a eu plusieurs périodes dans sa carrière.
01:12:23 C'est, on en parlait, de cartes sur table, avant 81.
01:12:27 Ensuite, ce rebond avec "Découverte" sur Europe 1 à partir de 82, si je ne me trompe.
01:12:31 Et après, il a eu ce moment difficile, on n'en parle pas actuellement,
01:12:35 mais pour France Télévisions, quand il était président,
01:12:37 vous savez qu'il y avait une guerre entre France Télévisions et TF1,
01:12:41 et qu'il fallait avoir les meilleurs animateurs, complémentaires très chers.
01:12:44 Et il y a eu cette fameuse affaire des animateurs-producteurs.
01:12:46 Et le seul animatrice, à mon avis, dont il ne garde pas un bon souvenir,
01:12:50 c'est Jean-Luc Delarue.
01:12:51 Parce que Delarue, c'est vrai, a provoqué, on peut le dire,
01:12:54 la démission de Jean-Pierre Elkabbach, qui est parti de France Télévisions.
01:12:57 Et là, pour lui, ça a dû être très dur.
01:12:59 Et là où j'admire énormément Jean-Pierre Elkabbach,
01:13:01 c'est qu'il a toujours rebondi, et même s'il a souffert énormément à ça.
01:13:05 Parce que quand vous êtes président d'une chaîne, d'une groupe de télévision,
01:13:07 et que vous vous retrouvez du jour au lendemain sans rien...
01:13:09 Il a témoigné sur cette époque à France Télévisions,
01:13:11 et en effet, c'est quelque chose qui l'a marqué très profondément.
01:13:14 - Et pour une question de surenchère... - Il a vécu ça comme une injustice.
01:13:17 C'est l'affaire des producteurs-animateurs, vous vous souvenez.
01:13:20 On en parlait il y a un instant, Yoann Uzaï.
01:13:22 On dit bonsoir à M. Valigny, qui est avec nous en direct.
01:13:26 Est-ce que je vous fais l'affront, M. Valigny,
01:13:28 de vous demander de quelle couleur est le mur ?
01:13:30 Oui, c'est un souvenir amusant, mais ce soir un peu triste,
01:13:34 parce que j'aimais beaucoup Jean-Pierre Elkabbach.
01:13:36 Et cette interview notamment a marqué.
01:13:39 C'était difficile de répondre à Elkabbach.
01:13:42 On était devenus amis, d'ailleurs.
01:13:44 Racontez-moi ce moment, s'il vous plaît, M. Valigny.
01:13:48 J'imagine que c'était une interview du matin.
01:13:51 C'était un matin, vous arrivez à Europe 1.
01:13:54 Nous sommes d'accord, c'est à Europe 1 que ça se passe à l'époque.
01:13:57 Oui, à Europe 1.
01:13:58 Et donc vous préparez votre interview.
01:14:00 J'imagine que le ministre que vous êtes travaille ses dossiers,
01:14:05 passe une partie de la nuit à réfléchir un petit peu
01:14:07 aux réponses qu'il pourra faire à Jean-Pierre Elkabbach.
01:14:09 Et puis vous vous retrouvez en studio.
01:14:11 Et Jean-Pierre Elkabbach vous demande de quelle couleur est le mur.
01:14:13 Oui, c'est comme ça que ça s'est passé.
01:14:15 Mais je tiens à dire aussi que Jean-Pierre Elkabbach,
01:14:18 vous l'avez déjà dit d'ailleurs, travaillait beaucoup.
01:14:20 Et quand on arrivait au studio, il fallait arriver à 8h15,
01:14:23 pour faire l'interview à 8h20.
01:14:25 Il connaissait déjà très bien son sujet.
01:14:27 Il avait des fiches Bristol, je me souviens, avec son stabilo BOSS.
01:14:30 Il avait suréligné beaucoup de choses.
01:14:32 Il avait des coupures de presse.
01:14:33 Il connaissait très bien, très très bien son sujet.
01:14:35 Et donc je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il me parle d'un mur.
01:14:38 J'ai tout imaginé en quelques dixièmes de seconde.
01:14:42 Je me suis demandé de quel mur il parlait.
01:14:44 Et puis c'est lui qui m'a dit ensuite,
01:14:46 le mur sur lequel va se fracasser votre réforme territoriale.
01:14:49 Donc là, j'ai compris.
01:14:50 Et l'interview s'est engagée à ce moment-là.
01:14:52 Mais au début, ça m'a surpris.
01:14:53 Ça m'a même décontenancé.
01:14:54 Oui, c'est vrai.
01:14:55 J'imagine qu'il n'y a qu'avec Jean-Pierre Elkabbach,
01:14:58 il n'y a que face à Jean-Pierre Elkabbach,
01:15:00 qu'on pouvait vivre ce genre de moment.
01:15:02 On a beau passer des jours à préparer l'interview,
01:15:05 à voir tous les conseillers qui vous donnent les éléments de langage,
01:15:08 face à Jean-Pierre, tout peut arriver.
01:15:10 C'est ça, en fait ?
01:15:11 Oui, c'est ça.
01:15:12 Il fallait se préparer à tout.
01:15:13 Et même à l'impossible, à l'imprévu.
01:15:15 Ce qui a été le cas avec lui, d'ailleurs, c'était sa marque de fabrique.
01:15:18 La première question, ça a été dit tout à l'heure par François Puponi,
01:15:22 je crois que je salue, qui est sur votre plateau.
01:15:24 La première question était souvent la plus difficile.
01:15:26 Elle était désarçonnante et il était connu pour ça.
01:15:29 Moi, j'aimerais savoir ce qu'il s'est passé.
01:15:31 Parce qu'il y a ce que tous les Français, ou en tout cas,
01:15:33 beaucoup de Français ont entendu en direct à la radio ce matin-là,
01:15:37 ce dont on parle encore des années après,
01:15:39 puisque Yoann Huysa avec nous nous rappelait cette anecdote.
01:15:43 Et puis, il y a ce qu'on n'a pas entendu,
01:15:44 les minutes qui ont suivi cette interview.
01:15:47 Il vous a quand même décontenancé, un peu poussé dans les cordes,
01:15:50 comme on dit dans le jargon.
01:15:52 Comment vous étiez à la fin de l'interview ?
01:15:53 Vous lui en avez voulu, vous avez parlé.
01:15:55 Il vous a dit, voilà, c'est de bonne guerre,
01:15:56 ça se passe comme ça, les interviews,
01:15:58 il n'y a pas de problème entre nous.
01:15:59 Comment vous avez réagi ?
01:16:00 Quels ont été les mots que vous avez échangés après le direct ?
01:16:03 Non, mais ça s'est très bien passé.
01:16:05 Moi, je n'en ai pas voulu du tout.
01:16:07 Après, l'interview s'est déroulée, ça a duré 10-15 minutes.
01:16:10 On a parlé du fond de la réforme territoriale.
01:16:13 Et après, on s'est amusé tous les deux de cette première question.
01:16:16 Je l'ai rencontrée la dernière fois à la projection
01:16:19 du film de Bernard-Henri Lévis sur l'Ukraine.
01:16:22 Il était avec son épouse, Nicole Avril.
01:16:24 Et on a reparlé de cette question sur le mur.
01:16:27 Et Nicole Avril m'a dit, j'en ai beaucoup voulu à Jean-Pierre
01:16:30 parce que ce n'était pas gentil de sa part.
01:16:31 Et El-Khabash lui a répondu, mais non, ça l'a fait connaître, au contraire.
01:16:35 On a ri à nouveau tous les trois de cette question sur le mur.
01:16:39 Et aujourd'hui, vous diriez donc que vous devez des remerciements
01:16:43 à Jean-Pierre El-Khabash qui vous a propulsé un peu dans le védétariat ?
01:16:48 Le védétariat, c'est beaucoup dire,
01:16:50 mais c'est vrai que passer chez El-Khabash, c'était le signe...
01:16:53 C'était en quelle année, M. Valigny, cette interview ?
01:16:56 2014.
01:16:57 C'est en 2014, donc 9 ans après, presque 10 ans après,
01:17:00 on vous parle encore de ce fameux mur.
01:17:02 Je crois même que cette séquence est diffusée dans les écoles de journalisme
01:17:06 pour les futurs journalistes, pour leur apprendre à poser des questions punchy.
01:17:10 Mais la vérité, c'est qu'on ne sait toujours pas de quelle couleur il est.
01:17:13 Non, moi non plus, d'ailleurs.
01:17:15 Bon, merci beaucoup.
01:17:17 On se permet ce petit trait d'humour parce qu'on sait que Jean-Pierre
01:17:22 avait aussi cet esprit léger et qu'au-delà de la rigueur,
01:17:25 chacun qui a pu le côtoyer ici en témoigne, il y avait ce...
01:17:29 Pour saluer André Valigny, on ne pouvait pas lui en vouloir.
01:17:35 Parce qu'en fait, c'est le job.
01:17:37 C'est son travail.
01:17:38 On rentre dans une interview, on essaie d'en sortir un vainqueur
01:17:41 et puis des fois, on en sort perdant.
01:17:43 On était même un peu admiratifs.
01:17:45 Il est fort.
01:17:46 Chapeau, quoi.
01:17:47 Il n'y avait rien à dire.
01:17:48 Il n'y avait pas de problème de rapport difficile avec les personnes.
01:17:52 Lui, il faisait son job, il attaquait le politique,
01:17:55 il posait une question au choc, mais après, dans le rapport humain,
01:17:58 il était quand même exceptionnel.
01:17:59 Il avait juste parfois le malheur de connaître peut-être mieux
01:18:01 les dossiers à présent par lui.
01:18:02 Et donc, on était même admiratifs et impressionnés par lui
01:18:05 et donc, on ne pouvait surtout pas lui en vouloir.
01:18:07 Il n'y a rien de personnel dans ce qu'il faisait.
01:18:09 Il n'y avait jamais d'attaque personnelle.
01:18:10 Il n'y avait que des attaques sur la politique.
01:18:12 À 23h17, si vous nous rejoignez, je rappelle que notre confrère et ami,
01:18:17 le journaliste Jean-Pierre Elkabache est décédé à l'âge de 86 ans.
01:18:21 On l'a appris ce soir.
01:18:23 Maureen Vidal, qui est avec nous pour toutes les réactions, également.
01:18:26 Bien sûr qu'elles sont extrêmement nombreuses
01:18:29 et qu'elles viennent des plus grands politiques ou hommes de médias,
01:18:33 personnalités ou hommes et femmes de médias de notre pays.
01:18:36 Beaucoup, oui, de personnalités politiques réagissent sur les réseaux sociaux.
01:18:39 Notamment, regardez Nicolas Sarkozy, l'ancien président de la République.
01:18:42 Tristesse de voir partir ce soir un grand journaliste passionné de politique,
01:18:47 boulimique, d'information, interviewer pugnace et sans concession.
01:18:50 Directeur de Média Exigeant et Visionnaire, Jean-Pierre Elkabache
01:18:54 a marqué de son empreinte toute une génération.
01:18:56 J'en fais partie pour avoir tant espéré, alors jeune élu,
01:18:59 d'être son invité au micro d'Europe 1 jusqu'à ce qu'il me donne ma chance.
01:19:02 Jamais je ne l'oublierai, je pense ce soir à ceux qui, comme moi,
01:19:05 l'ont aimé et admiré, Nicolas Sarkozy.
01:19:08 Nous avons aussi une réaction, regardez, de Michel Deniso, l'animateur.
01:19:11 Jean-Pierre Elkabache a rendu l'antenne avec un petit cœur.
01:19:14 C'est un message très court et très marquant.
01:19:18 Nous avons aussi Pierre Moscovici.
01:19:21 Jean-Pierre Elkabache est mort.
01:19:23 Interviewer hors pair.
01:19:25 Il était vibrant, bouillonnant, irritant parfois.
01:19:27 Il savait tout, s'intéresser à tout de la politique de la France, du monde.
01:19:31 Il était la vie même, un géant.
01:19:34 Une institution du journalisme disparaît.
01:19:36 Il me manquera.
01:19:38 Vous avez aussi une autre réaction, Dany Dalgo, la maire de Paris.
01:19:42 Jean-Pierre Elkabache nous a quittés.
01:19:44 L'interview politique est en deuil.
01:19:46 Je salue la mémoire de ce monument du journalisme.
01:19:49 Pensez à sa famille, ses amis et à ses collègues.
01:19:52 Et enfin, nous avons aussi le ministre Olivier Dussopt.
01:19:55 Beaucoup de tristesse à l'annonce du décès de Jean-Pierre Elkabache.
01:19:59 Travailleur infatigable, interviewer inépuisable.
01:20:02 Je me souviens de notre première rencontre au micro
01:20:05 et de ce sentiment de vertige, de stress,
01:20:08 qui a vite laissé place à une relation cordiale et de confiance.
01:20:11 C'était vertigineux et stressant de se faire interviewer pour la première fois.
01:20:15 François et Gabrielle ?
01:20:17 C'est très frappant de voir cette réflexion de Nicolas Sarkozy
01:20:20 qui dit "jusqu'à ce qu'il me donne ma chance".
01:20:22 Le pouvoir quand même d'avoir un journaliste, un intervieweur politique
01:20:26 et Jean-Pierre Elkabache en particulier.
01:20:29 Il attendait ça comme un tremplin important pour lui.
01:20:33 Une chance, c'est vrai.
01:20:35 On le voit sur les images avec François Baroin.
01:20:38 François, j'ai travaillé avec lui à Europe 1
01:20:40 parce qu'on était tous les deux au service éco-économique.
01:20:43 François Ferrari était là, on était tous les trois ensemble à l'époque.
01:20:46 Et c'est vrai, François Baroin voulait passer en politique, ça l'intéressait.
01:20:49 Et Jean-Pierre Elkabache l'a vraiment aidé à mettre le pied à l'étrier.
01:20:52 L'a conseillé, à me permettre de le dire, un peu son parrain dans la profession.
01:20:57 Et il s'est lancé, quand on voit après la carrière fulgurante de François Baroin,
01:21:00 qui est venu justement ici à CNews il y a quelques mois,
01:21:04 et interviewé à l'époque par Jean-Pierre encore.
01:21:07 Donner une chance, c'était ce que faisait Jean-Pierre aussi.
01:21:10 Évidemment, une relation particulière avec les grandes femmes et les grands hommes politiques de notre pays.
01:21:17 D'ailleurs, on le voit, c'est assez frappant de voir que de gauche à droite,
01:21:22 les réactions sont partagées et sont unanimes.
01:21:26 Jean-Pierre Elkabache, c'est aussi de grandes interviews à l'international.
01:21:30 On parlait d'Yasser Arafat tout à l'heure.
01:21:34 Je ne vais pas faire une liste exhaustive,
01:21:36 mais les grands leaders du monde sont tous passés face à Jean-Pierre Elkabache.
01:21:41 Je pense notamment à Vladimir Poutine.
01:21:43 Interview qui a été, d'ailleurs, on pourra en reparler après avoir entendu cet extrait.
01:21:48 C'était une interview qui a été extrêmement compliquée à monter.
01:21:50 Mais évidemment, comme à chaque fois, Jean-Pierre s'est débrouillé pour parvenir à ses fins.
01:21:54 On va regarder quelques secondes de cette interview.
01:21:56 Nous sommes en 1994.
01:21:59 Jean-Pierre Elkabache face au nouveau chef du Kremlin.
01:22:03 Je pense que vous exagérez un peu en disant qu'une guerre approche.
01:22:10 Vous êtes un peu agressif comme journaliste.
01:22:13 Pourquoi pensez-vous qu'une guerre approche ?
01:22:16 Pourquoi essayez-vous de faire peur à tout le monde ?
01:22:19 Et alors ?
01:22:24 On va rejouer l'interview dans un instant.
01:22:29 Vous comprenez qu'il y avait un petit problème technique.
01:22:31 C'était en 2014, évidemment, que cette interview a eu lieu.
01:22:35 On la verra dans un instant. Il n'y a pas de problème.
01:22:39 Un mot sur cette interview qui est un symbole extrêmement fort.
01:22:42 Là encore, je le disais, il a fallu des semaines et des semaines de négociations et d'inertie pour obtenir cette interview.
01:22:50 Il a fallu des mois et des mois de négociations.
01:22:53 Ça montre, c'est ce que je vous disais tout à l'heure, que quand il voulait quelque chose,
01:22:57 ce qui l'habitait aussi, ce qui le motivait, c'était d'obtenir ce genre de scoop,
01:23:02 que le monde entier s'arrachait. Je vous parlais de Sarah Diarrairie tout à l'heure.
01:23:05 C'est aussi vrai pour Vladimir Putin. Des mois et des mois de préparation.
01:23:08 Il y a eu une fois, c'est quand même fou, en 2014, Jean-Pierre a déjà quasiment 60 ans de carrière.
01:23:11 Il se démène autant comme s'il avait besoin de faire ses preuves.
01:23:15 Mais ce n'est pas une question de faire ses preuves.
01:23:16 Je crois qu'il était passionné par ce métier-là et parce qu'il avait envie de raconter le monde tel qu'il était
01:23:22 et parce qu'il avait envie de s'adresser à ces dirigeants-là pour obtenir des réponses aux questions
01:23:27 que beaucoup de Français se posaient déjà à l'époque concernant la Russie et concernant Vladimir Putin.
01:23:31 Donc, il avait l'impression que c'était son rôle de le faire.
01:23:33 C'est d'ailleurs une réalité et c'était un besoin même pour lui. C'est vraiment ce qui l'animait.
01:23:38 Donc, il s'est battu pendant des mois et des mois pour obtenir cette interview.
01:23:41 Il me l'a raconté. J'en ai parlé avec lui et il expliquait très bien qu'à force de négociations,
01:23:48 de coups de téléphone, etc., il avait eu l'accord du Kremlin 48 heures avant l'interview
01:23:55 et qu'il avait fallu monter tout cela en l'espace de 48 heures, partir avec les moyens techniques,
01:23:59 aller à Moscou, préparer l'interview et tout cela. Donc, c'est fait en deux jours en réalité.
01:24:04 Vous savez comment Vladimir Putin avait qualifié Jean-Pierre El-Karabach après l'interview ?
01:24:08 D'agressif. Pour que Vladimir Putin trouve quelqu'un d'agressif, peut-être de plus que lui, c'est presque un compliment.
01:24:16 Il avait ce côté touchant à la fin, surtout les dernières années, c'est qu'il avait un certain âge,
01:24:21 mais il avait gardé cette espèce de jeunesse dans son comportement. Il ne lâchait rien.
01:24:26 Jamais on ne l'a vu fatigué, un peu épuisé. Il avait toujours cette volonté d'aller de l'avant,
01:24:32 d'avoir des interviews, d'être en phase avec l'actualité, ce qui est exceptionnel
01:24:36 parce qu'on ne pourrait plus imaginer qu'à la fin, il avait un peu le pied.
01:24:39 Pas du tout. Jusqu'à la fin, il a voulu s'occuper du monde dans lequel il était.
01:24:42 Il lui dit, pour terminer avec cette anecdote avec Vladimir Poutine,
01:24:48 Vladimir Poutine était un petit peu agacé par cette agressivité, selon lui, de Jean-Pierre El-Karabach.
01:24:53 Vladimir Poutine lui a répondu "Pourquoi pensez-vous qu'une guerre approche ?
01:24:56 Pourquoi essayez-vous de faire peur à tout le monde ? Nous sommes en 2014."
01:25:00 Jean-Pierre El-Karabach réplique "Parce que l'Ukraine n'est pas si loin."
01:25:03 Voilà. C'est ce que voulait que je vous dise.
01:25:06 C'était il y a neuf ans.
01:25:07 Camariel ?
01:25:08 Cela montre, là aussi, l'importance de l'intervieweur.
01:25:14 Je me dis parfois, comme on peut tous l'être dit d'ailleurs, avant d'être journaliste ou même après,
01:25:21 l'intervieweur pose des questions, mais finalement, il se contente de servir les plats.
01:25:26 On voit bien à quel point ce n'est pas du tout cela et à quel point ça peut être important.
01:25:32 Avec sa fine connaissance de géopolitique, El-Karabach, évidemment, voyait déjà l'alignement des planètes.
01:25:42 C'est vrai que c'est un métier tout à fait particulier.
01:25:46 C'est cela. Évidemment, il connaissait par cœur le monde politique français.
01:25:50 Il en avait une connaissance parfaite. Il connaissait tous les acteurs.
01:25:53 Mais il avait une connaissance de la géopolitique et des relations internationales aussi.
01:25:58 C'est quelque chose qu'il passionnait.
01:26:00 C'est pour cela qu'il voulait aussi aller à l'étranger, interviewer les responsables politiques des autres pays.
01:26:06 Mais il avait vraiment une connaissance du monde, de ses relations internationales,
01:26:11 du monde diplomatique aussi, même, quelque part, qui était assez impressionnant.
01:26:17 Juste pour compléter, parce qu'il n'y avait pas que ça.
01:26:20 Il avait une culture extraordinaire, historique, scientifique, littéraire.
01:26:25 Il avait créé, n'oublions pas, la bibliothèque Médicis sur un public Sénat.
01:26:29 J'ai écrit deux livres. Ils m'avaient reçus.
01:26:32 J'étais fier, car très honoré d'être interviewé par Jean-Pierre Alcabache.
01:26:35 Mais c'était quelqu'un qui s'intéressait énormément aussi aux livres qui sortaient.
01:26:39 Ce n'était pas que la politique. Son émission était remarquable.
01:26:42 On la suivait comme ça, dans un décor extraordinaire.
01:26:44 Dans l'émission qu'on faisait, il n'y avait pas que de la politique.
01:26:48 Il y avait aussi de l'actualité en général.
01:26:50 Sur des thèmes qu'il ne connaissait pas, le lundi,
01:26:52 il était capable de passer des coups de téléphone aux plus grands spécialistes,
01:26:55 de lire des livres.
01:26:56 Et le dimanche, il était imbattable sur le domaine.
01:26:58 C'était très impressionnant.
01:27:00 François ?
01:27:02 Il y a des sujets, mais il avait aussi ce relationnel.
01:27:07 Il avait été capable de créer des relations humaines et personnelles
01:27:11 avec énormément de personnes, mais dans le cadre de relations de confiance.
01:27:15 Et donc, quand effectivement, il devait travailler sur un sujet,
01:27:17 il était capable de passer dix coups de fil à dix personnes avec qui il était en contact,
01:27:21 qui, eux, savaient exactement qu'eux allaient être capables de lui donner les bonnes informations.
01:27:25 Mais c'est ça aussi.
01:27:27 Il avait des relations exceptionnelles avec un nombre très important de personnes.
01:27:31 Vous savez qu'il y a beaucoup de journalistes, je suis en train de regarder rapidement
01:27:34 ce qui se dit sur Twitter,
01:27:36 beaucoup de jeunes journalistes qui disent à quel point il a été bienveillant,
01:27:40 à quel point il a ouvert des portes, à quel point il a été mentor.
01:27:43 Je peux donner une anecdote ?
01:27:44 Dans une partie de la vie des uns et des autres.
01:27:48 Oui, Benjamin, je vais lire un tweet dans un instant.
01:27:50 L'assistant de l'époque s'appelait Clément Pernia.
01:27:52 Ils sont restés très très proches.
01:27:53 Et pour vous dire, il y a un peu plus d'un an, en juin 2022,
01:27:57 ils sont partis ensemble à Alger, sur la terre d'origine de Jean-Pierre,
01:28:01 pour interviewer le président algérien qui malheureusement a été tombé malade,
01:28:05 donc ils n'ont pas pu.
01:28:06 Mais donc, il a pris Clément avec lui en duo, à tous les deux, pour réaliser cette interview,
01:28:11 parce qu'ils avaient noué un lien encore plus fort que moi je pouvais avoir avec Jean-Pierre.
01:28:14 Donc, c'est aussi pour dire le côté humain et relationnel qu'il avait avec les journalistes.
01:28:17 Et je pense aussi à Noémie Schultz, que vous connaissez les uns et les autres,
01:28:21 du service Police-Justice, et je voudrais lire ce tweet,
01:28:23 parce que c'est vraiment très symbolique, symptomatique de ce que Benjamin nous raconte,
01:28:27 de ce que Yoann nous a dit, de ce que les uns et les autres ont pu nous raconter
01:28:30 depuis plus d'une heure et demie que nous sommes ensemble en direct.
01:28:33 Noémie qui dit "Je dois à Jean-Pierre Elkabbach, mon premier CDI à Europe 1,
01:28:37 ce bureau sur la porte duquel il était écrit 'Entrez sans frapper'",
01:28:41 ce que personne ne faisait, mais dans lequel il accueillait en même temps
01:28:44 ministres et jeunes journalistes.
01:28:47 Merci pour la confiance et ce qui a suivi.
01:28:49 Je trouve qu'elle dit tout, Noémie.
01:28:51 Ce bureau dans lequel il accueillait en même temps ministres et jeunes journalistes.
01:28:55 On a presque tout résumé en disant ça, en tout cas sur le comportement
01:28:59 de Jean-Pierre Elkabbach face à autrui, quel qu'il soit.
01:29:02 Et c'est ça que l'on peut noter sur l'homme ce soir également, Gabrielle.
01:29:07 Mais c'est vrai que c'est le propre du reste des bons journalistes
01:29:12 de traiter sur un même pied les rois et les anonymes
01:29:16 que l'on croise au détour des faits divers.
01:29:19 Et lui, je pense qu'il avait dédramatisé tous les grands de ce monde.
01:29:23 Je ne sais pas si on peut dresser la liste de ceux qu'il n'a pas eus.
01:29:27 Donc évidemment, c'était très impressionnant.
01:29:29 Mais je crois qu'il y a aussi une forme d'émotion pour une époque qui s'en va.
01:29:32 Comme à chaque fois qu'on voit disparaître quelqu'un de cet âge-là
01:29:38 qui a marqué notre enfance, son érudition, c'est aussi la marque d'une génération.
01:29:42 Son élocution, alors il avait fait du théâtre, je crois,
01:29:46 quand il était à Oran, du reste.
01:29:48 Mais cette façon de parler extrêmement posée,
01:29:51 ces sortes d'effets de manche quand on parlait de ses premières questions,
01:29:56 son érudition, sa curiosité intellectuelle, sa rigueur, c'est aussi toute une époque.
01:30:02 Et c'est vrai que cette porte-là se ferme et c'est un peu triste.
01:30:07 Tiens, je salue également Léa Salamé qui est passée par cette maison
01:30:12 et qui a connu, côtoyé, à qui Jean-Pierre Elkabach également a aidé
01:30:18 à faire une partie de son jeune chemin de journaliste.
01:30:22 Elle dit "il a été le premier à me donner ma chance, comme beaucoup d'autres".
01:30:25 Il cite Moriac en exergue de son autobiographie
01:30:29 "J'ai été aimé et haï, plus aimé que haï, plus haï qu'aimé, qui le sait".
01:30:34 Fin de citation. Et Léa qui rappelle "nous, on vous aimait, merci Jean-Pierre".
01:30:40 Il suffit d'ouvrir les réseaux sociaux pour voir à quel point
01:30:45 tout le monde médiatique salue Jean-Pierre Elkabach.
01:30:48 Je ne sais plus lequel d'entre vous ou l'un de nos invités pour réagir
01:30:53 parlait de son épouse Nicole.
01:30:55 Là encore, il avait eu des mots en pensant à la fin,
01:31:00 en pensant à la fin à Jean-Pierre Elkabach.
01:31:02 Il avait dit "je souhaite partir le premier pour que Nicole soit le dernier visage,
01:31:06 le dernier sourire, le dernier regard de ma vie".
01:31:09 Mais rien de presse rappelait-il.
01:31:11 D'ailleurs, j'aimerais bien avoir une pensée pour Nicole,
01:31:13 parce que moi, il m'en parlait souvent avec tendresse,
01:31:14 notamment de leur rencontre.
01:31:15 Je n'ai jamais su si c'était un mythe ou une légende.
01:31:17 - Leur rencontre ? - Leur rencontre.
01:31:19 Parce qu'il m'avait raconté qu'en fait, elle passait dans le bus,
01:31:22 qu'il l'avait vue et qu'il lui avait fait ça.
01:31:24 - Ah oui. - Le bus serait arrêté.
01:31:26 - Les choses qu'on ne fait plus en 2023. - Voilà.
01:31:28 Mais on ne saura jamais si c'est une légende ou la vérité.
01:31:32 Christian Estrosi pourrait nous parler également de Jean-Pierre Elkabach.
01:31:36 Bonjour, bonsoir plutôt, monsieur le maire de Nice.
01:31:39 Merci d'être avec nous pour réagir.
01:31:42 Je ne sais pas si vous écoutez CNews depuis quelques instants,
01:31:45 mais les réactions politiques, d'abord qu'elles viennent de la droite,
01:31:49 de la gauche, du centre, elles sont unanimes.
01:31:52 Un homme politique qui a traversé une partie du XXe siècle
01:31:55 et côtoyé Jean-Pierre Elkabach n'a quelque chose de négatif à dire sur lui,
01:31:59 quand bien même il savait vous envoyer dans les cordes au moment de l'interview.
01:32:04 Oui, c'est vrai. Il y avait toujours sa spontanéité dans la franchise.
01:32:11 Mais ce qu'il y avait d'extraordinaire avec Jean-Pierre, c'est d'abord,
01:32:16 on n'était pas toujours prêt à vouloir répondre à une interview
01:32:21 et quand il vous voulait absolument sur un sujet
01:32:23 dont il pensait que vous étiez, au fond, celui qui était le mieux à même
01:32:29 par rapport à l'actualité d'y répondre, il arrivait à vous faire plier.
01:32:34 Pour moi, le plus grand souvenir de cela, c'est notamment mes deux tours d'élection
01:32:42 à la présidence de la région en 2015 face à Marion Maréchal-Le Pen.
01:32:47 Il voulait absolument que ce soit votre chaîne,
01:32:50 que ce soit lui qui puisse organiser ce face-à-face.
01:32:55 Et nous avions une relation ancienne d'amitié.
01:33:00 C'était difficile de lui refuser quoi que ce soit ?
01:33:03 Alors que je ne voulais vraiment pas avoir ce débat,
01:33:07 je l'ai presque fait pour lui, et pas à faction,
01:33:12 parce qu'il m'a dit "mais tu sais que ta chance de victoire,
01:33:17 c'est que j'organise ce débat, non pas pour me favoriser,
01:33:22 mais parce qu'il était convaincu que par rapport à nos deux personnalités,
01:33:27 si nous nous retrouvions face à face,
01:33:29 après avoir bien étudié le déroulement de la campagne,
01:33:32 ça m'accordait plus de chance.
01:33:35 Et voilà, c'était ce regard aguerri,
01:33:42 ce regard expérimenté sur la vie publique, sur les personnalités,
01:33:47 sur ce qu'elles avaient d'empathie, ce qu'elles avaient de dur,
01:33:52 ce qu'elles avaient au contraire de faiblesse,
01:33:55 avec une grande expérience.
01:33:58 Et puis nous avons tissé au fil des ans une relation personnelle
01:34:03 où totalement en dehors de la politique,
01:34:06 il aimait que nous échangeions régulièrement avec d'autres journalistes
01:34:13 qui lui étaient proches et que vous avez cités tout au long de votre soirée
01:34:17 et que chacun connaît.
01:34:19 – Un petit mot peut-être, Christian Estrosi,
01:34:21 je me permets de vous interrompre,
01:34:23 parce que le professionnel du journalisme
01:34:26 que les Français ont pu suivre pendant presque 60 ans,
01:34:30 c'est vrai qu'on en a beaucoup parlé,
01:34:33 on a vu ses extraits et on a compris à quel point
01:34:36 il a influencé l'art de l'interview.
01:34:39 Le côté humain, on a envie d'en savoir un peu plus ce soir,
01:34:42 je pense que les gens qui nous regardent,
01:34:44 qui l'ont observé à la télévision,
01:34:46 ont envie de savoir ce qui se cachait derrière l'armure aussi.
01:34:49 – Derrière cette armure, il y avait effectivement ce côté du cœur
01:34:56 qui faisait d'abord que si vous vous sentez dans l'épreuve,
01:34:59 dans la difficulté, nous avons tous des hauts et des bas,
01:35:04 c'était cette qualité à vous appeler et à vous dire
01:35:08 "Écoute Christian, je sais qu'en ce moment c'est pas simple
01:35:13 face à l'adversité que tu rencontres,
01:35:17 je t'appelle pas pour t'inviter, je t'appelle juste pour te dire
01:35:21 que je pense à toi, puis que si j'ai un conseil à te donner,
01:35:28 fais-toi un peu oublier ou au contraire,
01:35:32 essaie de pousser les feux dans ta direction.
01:35:35 – Vous les suiviez les conseils ?
01:35:37 – Oui, toujours, pas au début, mais quand on apprend
01:35:42 à connaître son honnêteté intellectuelle, sa sincérité,
01:35:49 je crois que le mot sincère, fidélité dans la relation,
01:35:57 sont vraiment des mots qui correspondent au personnage
01:36:01 et puis ce grand professionnalisme, c'est-à-dire que,
01:36:04 autant pour lui que pour son invité, il avait horreur de l'imperfection.
01:36:11 La plupart des journalistes qui vous invitent à une matinale
01:36:17 ou à une émission cherchent à vous piéger,
01:36:22 parce que ça fait partie du jeu,
01:36:26 puis ils disent "au moins ça fera un peu plus parler de mon émission".
01:36:30 Il ne concevait pas du tout son émission comme telle,
01:36:33 c'est-à-dire qu'il était capable de vous appeler jusqu'à 23h ou minuit
01:36:37 pour une interview dans ses émissions de 7h, de 7h30, de 8h du matin,
01:36:43 pour dire "bon alors, demain matin, je vais t'interroger là-dessus,
01:36:48 là-dessus et là-dessus", c'est-à-dire aucun piège, aucun piège.
01:36:52 "Alors vas-y, je t'interroge là-dessus, on répète, tu vas répondre quoi ?"
01:36:56 "Non, non, mais tu ne peux pas me répondre comme ça,
01:36:58 mais tu te rends compte, tu es complètement à côté de la plaque
01:37:02 si tu me réponds comme ça."
01:37:04 C'est-à-dire que ça n'était pas pour me faire faire une bonne émission,
01:37:08 mais c'était pour faire à son employeur une bonne émission.
01:37:14 C'était sa forme et sa conception du professionnalisme.
01:37:18 Il voulait une perfection absolue par rapport à une question,
01:37:23 il voulait s'assurer avant de vous recevoir
01:37:28 que vous étiez à la hauteur de la question qu'il allait vous poser.
01:37:32 Et pour moi ça a été un apprentissage énorme.
01:37:36 Il y a de nombreuses années de cela qui m'a servi de référence
01:37:41 ensuite tout au long de ma carrière.
01:37:43 Merci beaucoup.
01:37:44 Merci Christian Estrosi d'avoir témoigné et de nous avoir dit avec vos mots
01:37:49 qui était Jean-Pierre Elkabach, le journaliste et aussi surtout l'homme
01:37:53 auquel on pense ce soir.
01:37:56 Benjamin, je reviens vers vous parce que c'est vrai qu'à chaque fois
01:37:59 que des invités nous rappellent à quel point ils avaient horreur
01:38:02 de la moindre imperfection, on se dit que pour les jeunes collaborateurs,
01:38:08 préparer des émissions avec Jean-Pierre Elkabach,
01:38:10 c'est à la fois évidemment extrêmement excitant de sortir d'école,
01:38:14 d'être un jeune journaliste, de se dire qu'on travaille avec une telle sommité,
01:38:17 c'est un challenge, c'est quelque chose qui émerveille
01:38:20 mais qui peut faire très très peur également.
01:38:23 Au début, il y a vraiment une sorte de pression de savoir qu'on travaille
01:38:28 avec Jean-Pierre Elkabach et surtout, comme je l'ai dit à un moment
01:38:31 dans l'émission, il était très très exigeant.
01:38:33 Ça a commencé le lundi quand on réfléchissait au thème pour une émission
01:38:36 le dimanche et du lundi jusqu'au dimanche,
01:38:39 il pouvait y avoir 10-15 appels par jour et donc c'était très prenant.
01:38:42 Parfois, je me rappelle, mes amis me disaient "mais tu vis un peu avec Elkabach"
01:38:47 et c'est vrai qu'il nous appelait tout le temps, tout le temps, tout le temps
01:38:50 et il avait décidé peut-être un thème et au final, il allait changer le lendemain
01:38:53 et donc il fallait retrouver des invités.
01:38:55 Moi, je devais aussi passer les coups de téléphone.
01:38:57 Vu qu'il n'était pas très fort en technologie, c'était moi aussi
01:38:59 qui devais caler les taxis, les choses comme ça.
01:39:01 Et donc c'était vraiment très prenant mais à la fois c'était passionnant
01:39:04 et vraiment cette époque avec Jean-Pierre a été certainement
01:39:07 une de mes meilleures époques en termes d'apprentissage, en tout cas du journalisme.
01:39:10 Ça fait partie des raisons, des choses, François, peut-être qui montrent aussi
01:39:16 la valeur d'un homme. En le disant, je me pose aussi la question
01:39:20 quand on a atteint un tel niveau de professionnalisme, une telle aura,
01:39:24 une telle place dans la cité, si je puis dire de façon un peu métaphorique
01:39:30 et qu'on a malgré tout ce comportement avec les plus jeunes,
01:39:34 ce regard bienveillant, cette oreille attentive et cette façon d'accompagner,
01:39:39 de prendre par la main, bien qu'on soit tout en haut, alors qu'on pourrait,
01:39:42 on en a vu d'autres et moi aussi en tant que journaliste
01:39:45 et je pense que les camarades autour de la table, des sommités de ce métier
01:39:49 qui nous regardent d'en haut, qui ne nous adressent pas la parole,
01:39:52 qui ne veulent pas nous dire bonjour parce qu'on n'a pas de temps à perdre.
01:39:55 C'est vrai que quand on voit des gens qui ont atteint un tel niveau
01:39:59 et qui sont encore au niveau de ceux qui ne sont pas au même niveau qu'eux,
01:40:03 ça vous dit, voilà, ça c'est un homme de valeur, ça c'est un homme…
01:40:06 Voilà, c'était un homme exceptionnel.
01:40:08 Il avait du respect pour tout le monde, quel que soit le niveau de la personne
01:40:12 qui l'en face de lui et je pense que foncièrement, il aimait les gens.
01:40:15 Il aimait les gens et donc il l'exprimait, il ne faisait pas semblant.
01:40:18 Et d'ailleurs, s'il a pu nouer autant de relations avec autant de personnalités
01:40:22 durant ses 60 ans de carrière, ou même voir plus, c'est qu'en fait,
01:40:26 il était sincère et que sa personnalité était en or.
01:40:29 C'est vrai, Christian Astreuse le disait, il vous appelait des fois à 22h, 23h,
01:40:33 vous étiez à un repas, vous ne répondiez pas, vous envoyez un texto, rappelez-moi…
01:40:37 Et on le rappelait, on le rappelait par gentillesse et par respect.
01:40:40 Parce que s'il le faisait, c'est qu'il avait besoin de le faire.
01:40:43 Il ne le faisait jamais d'une manière provocatrice, c'était il avait besoin.
01:40:46 Voilà, donc il fallait lui répondre et il y avait toujours le mot sympathique.
01:40:50 Et voilà, donc il était quelqu'un d'exceptionnel.
01:40:54 Dans ce métier, c'est sûr, mais d'une manière plus générale, on en trouve peu.
01:40:58 D'ailleurs, sa personnalité comme ça.
01:41:00 Jean-Pierre Elkabbach qui s'est éteint à l'âge de 86 ans.
01:41:03 L'ensemble, quasiment, de la classe politique qui témoigne,
01:41:06 enfin une partie de la classe politique qui témoigne sur CNews,
01:41:09 et c'est l'ensemble quasiment de la classe politique qui témoigne de son émotion
01:41:12 sur les réseaux sociaux ou ailleurs.
01:41:14 L'ensemble de la vie médiatique également qui prend la parole.
01:41:18 Et bien sûr, ses collègues, ceux plus proches qui l'ont connu pendant de longues années.
01:41:23 C'est le cas de notre consoeur Laurence Ferrari qui était avec nous tout à l'heure.
01:41:27 J'ai eu la chance de le rencontrer quand c'était mes débuts à Europun, c'était en 1989.
01:41:33 C'était évidemment un monument de l'interview politique.
01:41:37 C'était une référence, évidemment, à la plus grande interview européenne politique française.
01:41:41 Et ce qui me frappait, moi à l'époque, j'étais toute jeune journaliste,
01:41:44 je venais d'arriver dans cette grande rédaction qui était Europun et qui est toujours Europun,
01:41:47 c'est qu'il doutait de lui.
01:41:49 Et ça, c'est vraiment, et c'est ce que dit aussi Benjamin,
01:41:52 c'est qu'en permanence, il était insatisfait de l'interview qu'il avait faite.
01:41:55 Je me rappelle la une fois où il avait fait une interview de Yasser Arafat,
01:41:58 et où il doutait, il venait voir les jeunes journalistes en disant
01:42:01 "Mais est-ce que c'était bien ? Qu'est-ce que tu en pensais ? Est-ce que j'aurais peut-être pas dû commencer par ça ?"
01:42:05 C'est quelqu'un qui se posait en permanence des questions, qui n'était jamais satisfait de lui-même,
01:42:09 et qui avait un espèce de moteur permanent pour aller chercher le scoop,
01:42:12 aller chercher l'interview qu'il n'avait jamais eue.
01:42:15 Une curiosité évidemment incroyable, une culture, et ça c'est aussi important, absolument fantastique,
01:42:21 dont on perd vraiment quelqu'un d'important, quelqu'un qui nous a ouvert la voie à nous,
01:42:25 qui faisons des interviews politiques.
01:42:27 On est nombreux à avoir pris ces attaques d'interview en référence.
01:42:32 Je me souviens, je ne sais plus quel homme politique il interviewait,
01:42:35 où il lui a dit "De quelle couleur il est le mur ?"
01:42:38 L'homme politique lui a dit "De quel mur ?" "Le mur que vous allez prendre."
01:42:42 Ça c'était Jean-Pierre Elkabach.
01:42:44 Ça c'est André Valigny, qui est Lawrence, qu'on a eu la chance d'avoir au début de l'émission,
01:42:49 et André Valigny en fait qui était donc l'interviewé qui ne l'a jamais pris ce mur,
01:42:53 d'ailleurs, dont on n'a jamais su la couleur,
01:42:55 et qui garde malgré tout un souvenir très très tendre et très bon de cette matinée,
01:43:03 il y a une dizaine d'années, où Jean-Pierre Elkabach en guise de première question,
01:43:06 lui a demandé de quelle couleur était le mur qu'il allait se prendre.
01:43:09 C'était ça aussi Jean-Pierre Elkabach.
01:43:11 Il nous reste 6-7 minutes.
01:43:13 Bien sûr que la rédaction de CNews est bouleversée,
01:43:15 puisque Jean-Pierre faisait partie de l'équipe.
01:43:18 Ça faisait un moment que nous ici à la rédaction,
01:43:22 nous savions que ça n'allait pas fort pour Jean-Pierre,
01:43:25 et c'est un euphémisme, vous l'aurez compris.
01:43:28 Jean-Pierre qui collaborait avec CNews depuis 2017,
01:43:31 avant évidemment des décennies dans différents médias,
01:43:35 en tant que journaliste ou encore grand patron.
01:43:38 La rédaction est orpheline ce soir, Johan.
01:43:42 Vous, le journaliste politique qui plus est,
01:43:46 on peut dire que c'est un mentor qui est parti,
01:43:50 quelqu'un en tout cas qui vous a guidé d'une certaine façon,
01:43:52 à un moment de votre carrière.
01:43:54 Je suis très triste ce soir, bien sûr,
01:43:57 parce que j'ai adoré travailler avec lui,
01:43:59 j'ai adoré nos conversations,
01:44:01 j'ai adoré parler de la vie politique avec lui.
01:44:04 C'est quelqu'un que j'aimais beaucoup, vraiment.
01:44:07 Je veux avoir une pensée pour lui, bien sûr, pour ses proches,
01:44:11 et avoir une pensée aussi peut-être pour Gérard Leclerc,
01:44:13 qui nous a quittés récemment.
01:44:15 Nous sommes durement éprouvés depuis quelques semaines.
01:44:19 Je pense à eux, et ils vont beaucoup nous manquer, évidemment.
01:44:24 - Ça fait beaucoup pour cette rédaction, en à peine deux mois.
01:44:27 Je rappelle que Gérard Leclerc, et vous êtes très bien de le rappeler,
01:44:30 cher Johan, nous quittait le 15 août dernier
01:44:33 d'un terrible accident d'avion.
01:44:35 Et donc Jean-Pierre Elkabach, ce soir à l'âge de 80 ans.
01:44:38 Éric, de l'autre matin, je voudrais qu'on fasse
01:44:40 un dernier tour de plateau ensemble pour se souvenir de Jean-Pierre Elkabach.
01:44:44 - Écoutez, comme je le disais, il m'a accueilli à Europe 1.
01:44:47 C'est déjà mon début dans la carrière de journaliste.
01:44:50 Toujours confiance. Et puis voyons, il s'envoyait des SMS de temps en temps.
01:44:53 Je remontais un petit peu les SMS.
01:44:55 Et quand il y a eu le Covid à un moment, il a été resté bloqué longtemps chez lui.
01:44:58 On ne le voyait plus le matin sur CNews.
01:45:00 Il avait disparu de l'antenne.
01:45:02 Et on s'inquiétait tous. À l'époque, je faisais la matinale avec Romain Desarbres.
01:45:05 Et il m'a dit "Merci cher Éric, comme toi, je n'imaginais jamais vivre une telle tragédie".
01:45:10 Et en plus, pour moi, avec un premier confinement de presque cinq mois,
01:45:13 il était resté confiné cinq mois.
01:45:15 "Avec les douleurs, j'ai appris la patience.
01:45:17 Mais là, je regrette de ne pas être physiquement à vos côtés.
01:45:20 Merci de penser à moi comme moi. Je pense constamment à vous.
01:45:23 Avec fidélité, salut à tous les confrères."
01:45:26 C'est un beau mot et ça, je ne l'ai jamais oublié.
01:45:28 Je l'ai toujours. Et le dernier, il date du bouquin.
01:45:31 Je devais le voir pour la dédicace de ce livre vraiment extraordinaire
01:45:35 sur les rives de la mémoire.
01:45:37 Parce que finalement, on connaissait peu sa vraie histoire et sa profonde histoire.
01:45:40 Et puis moi, ce qui m'avait vraiment impressionné,
01:45:43 c'est quand l'été dernier, je suis allé sur l'INA
01:45:46 pour voir les interviews de François Mitterrand,
01:45:48 cette confession de François Mitterrand.
01:45:50 Aussi bien pour s'expliquer sur le choix de la peine de mort,
01:45:53 puisqu'il ne faut pas oublier qu'en 1981, au moment du débat,
01:45:57 la question lui a été posée, alors François Mitterrand ne le voulait pas.
01:46:00 Et donc Alain Duhamel et Jean-Pierre Alcabache ont quand même posé cette question.
01:46:04 Et François Mitterrand a osé dire "Oui, je suis favorable
01:46:08 à l'abolition de la peine de mort", alors que les sondages étaient au contraire contre.
01:46:13 Et c'était très ennuyeux pour François Mitterrand,
01:46:15 qui espérait avoir cette élection en 1981.
01:46:17 Mais alors que l'opinion était pour le maintien de la peine de mort,
01:46:20 et bien là, François Mitterrand osait dire "Non, moi je suis contre,
01:46:24 parce que les oeuvres morales, la société morale aujourd'hui
01:46:27 est contre cette peine de mort et donc il faut l'abolir".
01:46:30 Il y a eu une couronne au risque.
01:46:32 Du coup, Alcabache a été très très mal vu.
01:46:34 Et ça, c'est très bien rendu sur les films de l'INA.
01:46:36 Et puis le deuxième élément, on l'a vu tout à l'heure à l'antenne,
01:46:39 c'est sur, justement, l'affaire Jean Bousquet, l'affaire de Vichy.
01:46:43 Et là, François Mitterrand est assez poignant dans ses explications,
01:46:46 puisqu'il faut vraiment le voir, parce que ça ne se raconte pas,
01:46:49 que François Mitterrand n'était pas au courant.
01:46:51 Donc j'en reste là, mais très grande tristesse.
01:46:54 Et Jean-Pierre, on vous aimait tant, vous nous manquez vraiment.
01:46:57 – Je voudrais qu'on entend une dernière fois Benjamin Gabriel et François,
01:47:00 peut-être juste, Maureen, on s'arrête ensemble un instant
01:47:03 pour peut-être montrer à nos téléspectateurs 3, 4 tweets vraiment marquants ce soir,
01:47:08 des grandes personnalités politiques ou médiatiques qui lui rendent hommage.
01:47:11 – Oui, Xavier Bertrand a réagi également sur Twitter ce soir.
01:47:15 – Donc ils étaient assez proches.
01:47:16 – Ils étaient également, oui, très proches.
01:47:18 Il a dit "profondément marqué par la disparition de Jean-Pierre Alcabache,
01:47:21 lui qui inventa l'interview politique et aura marqué de son empreinte le journalisme.
01:47:26 Sa curiosité et sa passion des livres resteront gravés,
01:47:29 son émission "Découverte", celle qui le révélait le plus.
01:47:33 Il y a également… – Bernard Cazeneuve.
01:47:36 – Oui, voilà, Bernard Cazeneuve qui a réagi.
01:47:38 "Jean-Pierre Alcabache était un journaliste habité par la passion de savoir,
01:47:42 de comprendre et d'informer.
01:47:44 Nous avions en partage des souvenirs d'Afrique du Nord,
01:47:47 des expressions que nous étions seuls à utiliser.
01:47:49 Il était mon ami Doran."
01:47:51 Voilà, des mots qui marquent.
01:47:53 Et nous avons, pour finir, Jacques Langue.
01:47:56 Combien de répliques célèbres, combien d'émissions,
01:47:58 combien de saillies diverses et marquantes
01:48:00 auront jalonné la carrière de Jean-Pierre Alcabache ?
01:48:02 Tant est temps.
01:48:04 – Un dernier tour de plateau les amis, Benjamin.
01:48:06 Jean-Pierre Alcabache, il a interviewé, on l'a rappelé,
01:48:09 tous les présidents de la Vème République sauf Emmanuel Macron,
01:48:12 et pourtant, il vous invite à déjeuner après les émissions.
01:48:15 C'était ça Jean-Pierre en fait.
01:48:16 – Non mais je retiendrais… – C'est ça qui est magnifique.
01:48:18 – Je retiendrais évidemment les moments de vie,
01:48:20 parce qu'au-delà du journalisme, c'était toujours des moments très intéressants,
01:48:23 il était toujours à l'écoute, prêt au débat,
01:48:25 et surtout, il nous racontait des anecdotes qui étaient formidables,
01:48:28 nous en tant que jeune journaliste, d'en apprendre un peu
01:48:31 sur cette longue carrière de journaliste politique,
01:48:34 et donc c'était toujours passionnant de passer du temps avec lui.
01:48:38 – Gabrielle ?
01:48:40 – Ecoutez, je serais Emmanuel Macron, je regretterais ce soir
01:48:43 que ce soit terminé, l'opportunité est passée.
01:48:46 – C'est vrai, il a interviewé le candidat Macron en début 2017.
01:48:49 – Oui mais pas le président Macron.
01:48:51 – Non, pas en tant que président, moi je suis très impressionnée
01:48:53 par ce genre de journaliste, comme Molière est quasiment,
01:48:58 je ne vais pas dire mort sur scène, mais jusqu'au bout,
01:49:00 a fait son travail qui était une passion pour lui.
01:49:03 – Mais tant qu'il en avait la force, il voulait se le rendre à la rédaction
01:49:06 et travailler.
01:49:07 – Exactement, il était vraiment très impressionnant pour ça,
01:49:11 donc c'est vrai que ça reste un modèle pour tous les jeunes journalistes,
01:49:16 et une page d'Histoire de France qui se tourne
01:49:18 par toutes les personnalités qu'il a rencontrées.
01:49:20 – François, un dernier.
01:49:22 – Oui, il va bien sûr nous manquer, je sais qu'il mettait les gens dans des cases,
01:49:26 c'est-à-dire qu'il savait que certaines personnes avaient des compétences
01:49:28 dans tel ou tel domaine, moi c'était la banlieue,
01:49:31 la lutte contre l'islamisme et la Corse.
01:49:33 Et donc quand il avait des questions à poser sur ces trois sujets,
01:49:36 j'étais assez honoré, il ne faut pas dire ému, quand il m'envoyait un texto,
01:49:40 j'étais content, parce que ça me donnait de l'importance aussi,
01:49:43 parce qu'à la fois il maîtrisait complètement le sujet,
01:49:45 et donc il posait les bonnes questions, mais il attendait les réponses
01:49:48 pour encore être encore plus compétent.
01:49:50 Et c'est vrai que ça va nous manquer aussi, à de nombreuses personnes,
01:49:53 de recevoir ces textos, parfois tard la nuit,
01:49:56 parce qu'il avait besoin de connaître quelque chose, et c'est ça.
01:49:59 Voilà donc, une grande tristesse ce soir.
01:50:03 – Que nous partageons tous, évidemment, que CNews,
01:50:07 la dernière maison professionnelle de Jean-Pierre Elkabach,
01:50:11 va rendre, on peut vous le certifier, un hommage très appuyé
01:50:15 dès le retour de la matinale avec Romain Desarbre,
01:50:18 et on peut le dire bien sûr, tout au long de la journée,
01:50:22 avec nos différentes émissions.
01:50:24 Jean-Pierre Elkabach s'est éteint à l'âge de 86 ans,
01:50:26 la rédaction de CNews est en deuil, le journalisme français est en deuil,
01:50:31 né en 1937, il s'est éteint donc ce 3 octobre 2023.
01:50:35 Merci à tous les 6, merci à tous ceux qui ont témoigné en direct sur CNews,
01:50:39 merci aux équipes en régie qui ont su réagir après avoir appris,
01:50:43 juste avant cette émission, cette triste information.
01:50:45 On vous quitte avec le visage de Jean-Pierre que aucun d'entre nous n'oubliera.
01:50:51 Très bonne nuit sur CNews, l'édition de la nuit est à suivre,
01:50:55 et donc vous retrouvez Romain Desarbre à partir de 6h du matin.
01:50:58 Bonne nuit.
01:50:59 [Musique]