Les nouveaux défis de la recherche académique en management et stratégie [Hélène Delacour]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Hélène Delacour, professeure des universités à l'Université de Lorraine, pour parler des nouveaux défis de la recherche académique en management et stratégie.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Transcript
00:00 Bonjour Hélène Delacour. Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:10 Hélène Delacour, vous êtes professeure des universités, agrégée des facultés à l'université
00:15 de Lorraine, laboratoire Sérré-Fige. J'ai envie de vous poser quelques questions sur l'avenir de
00:20 la recherche académique dans le domaine management et stratégie. Je vois trois thèmes personnellement,
00:25 slow science, sur lesquels vous êtes déjà exprimé, la question écologique, évidemment,
00:32 avec quelle place on fait à l'impact sociétal et à l'impact écologique de nos pratiques de
00:38 recherche. Et puis le troisième sujet qui est toujours dans toutes les têtes, c'est le
00:41 publisher periche et la course en avant. Donc sur ces trois thèmes, quel regard vous portez
00:48 aujourd'hui sur les évolutions et voire les défis pour les communautés de recherche ? Slow science
00:54 d'abord. D'accord, alors je vous remercie pour ces thématiques. Alors, il faudrait dire slow science
00:58 et open. Slow science et open. Alors, il y aurait beaucoup de choses à dire et effectivement,
01:03 je tiens à signaler que ce n'est qu'une vision, qu'une interprétation que je peux avoir. Voilà,
01:11 ce que l'on a actuellement ou ce à quoi on doit faire face, c'est à une espèce d'accélération,
01:17 ou du moins un sentiment d'accélération de la recherche, parce que les gens ont besoin d'avoir
01:22 de l'information vite, que les processus aillent vite, que tout aille vite, qui est aussi une
01:27 espèce aussi d'accumulation. Et ce qu'on avait essayé notamment sur le slow science, dans
01:33 l'article qu'on avait co-écrit avec Héloïse Berkowitz, qu'on avait co-dirigé au management,
01:39 c'était de revenir aussi aux fondamentaux. C'est oui pour la recherche, parce que ça fait partie
01:46 de notre métier, c'est notre ADN, mais aussi de la recherche raisonnée, raisonnable, voilà,
01:52 en n'oubliant pas différents aspects, mais ce n'est pas de la publication pour de la publication,
01:58 à des rythmes toujours plus effrénés. C'est aussi de la recherche qui a un impact social et sociétal,
02:04 voilà, de prendre aussi le temps de faire de la recherche, parce que ce n'est pas juste une
02:08 accumulation d'articles. Donc, c'était toutes ces dimensions-là qu'on essayait de prôner,
02:14 même si on sait que c'est difficile. Même si on sait que c'est difficile et que ça s'accélère
02:20 encore, je pense à l'IA, notamment avec les revues de littérature que l'intelligence artificielle
02:24 peut faire, ou les questions de Chadjipiti, co-auteur d'articles scientifiques, enfin,
02:29 on sent qu'il y a un vrai sujet. Il y a un vrai sujet, alors c'est vrai que nous,
02:33 quand on était à management, ce n'était pas encore arrivé, donc je laisse ça à mes successeurs.
02:38 Pour le moment, on n'a pas encore vu d'articles purement Chadjipiti qui ont été faits par ça,
02:45 parce qu'on est quand même encore dans une discipline où on a besoin du terrain,
02:50 et de verbatim, on a besoin d'être un petit peu ancré quand même sur la recherche,
02:56 ou du moins dans celle que l'on peut voir. Donc, pour le moment, on n'est pas encore
03:00 contaminé par ça, mais en revanche, on ne peut pas omettre le fait qu'il y a une réelle montée
03:05 en puissance, et que une littérature faite par Chadjipiti ou par un académique,
03:11 ou quelqu'un qui fait de la recherche, ça sera difficile à distinguer.
03:14 En tout cas, le défi est là. Le deuxième défi, c'est l'écologie. Là, il y a une vraie
03:22 interrogation aussi, dans tous les domaines. Prendre l'avion, c'est problématique. Certains
03:28 nous annoncent un quota de quatre vols dans une vie, donc deux avant 20 ans pour découvrir le
03:34 monde, mais après il n'y en a plus que deux. Comment vous voyez ça ? Là, c'est presque à l'IMS
03:38 que je me dresse davantage, quand on gère des congrès où il y a 300 ou 400 participants.
03:42 Comment on voit ça ? Alors, c'est extrêmement compliqué, et je pense qu'il n'y a pas de
03:47 bonne solution en tant que telle. Alors, effectivement, de prôner, comme beaucoup
03:52 de conférences dans l'IMS, de venir en train plutôt que de venir en avion, de proposer à
03:58 des moments des sessions hybrides, et à un moment, et c'est là où est tout le paradoxe,
04:03 et qu'il faut aussi faire sens de la communauté. Et voilà, le virtuel ou le coprésentiel est
04:10 intéressant, mais à des moments, la rencontre et l'échange informel entre les collègues est
04:15 aussi un vrai moment de socialisation et lieu de vie, et c'est aussi des opportunités de rencontre
04:20 entre chercheurs, de naissance de nouveaux terrains, etc. Donc, c'est un équilibre à trouver. Après,
04:27 j'imagine qu'il est assez personnel et que chacun fait les choix qui lui semblent le bon,
04:31 mais tout passer en monde virtuel, ça a aussi des conséquences qui ne sont pas positives. Donc,
04:38 voilà, après, mettre des quotas, c'est toujours quelque chose qui m'a paru spécial.
04:42 On aura peut-être droit bientôt à quatre colloques dans une carrière.
04:44 Oui, c'est ça, c'est ça. C'est-à-dire un nombre limité de colloques par an. Après,
04:49 c'est de la responsabilité individuelle. Mais trouver un équilibre entre les deux,
04:54 parce que le présentiel a quand même son importance pour faire vivre une communauté
04:59 quelle qu'elle soit. Le troisième point, c'est le publisher periche, mais je pense que vous y avez
05:03 de fait déjà un peu répondu avec les deux premiers. Peut-être une interrogation, c'est
05:07 peut-être justement de rappeler ça, cette pédagogie-là. C'est-à-dire que les colloques,
05:11 c'est d'abord de la rencontre, ce n'est pas juste aller tester le papier en vue de le publier,
05:15 etc. Et donc, ça a du sens de cette idée de slow, quelque part, et de slow science,
05:20 de dire retrouver aussi l'esprit. Quand on interroge les jeunes chercheurs, pour eux,
05:26 ils vont aux colloques pour présenter leur papier, pour publier, point. Rappeler que c'est d'abord
05:32 un espace de socialisation. C'est un événement social. Il est important, effectivement, d'avoir
05:37 des retours sur ces articles, etc. C'est quelque chose qui fait partie de la conférence, mais ce
05:42 n'est vraiment pas le seul aspect d'une conférence. C'est avant tout un lieu de socialisation,
05:47 et quel que soit le statut, l'âge, où on en est dans la carrière, c'est important pour tous. Et
05:55 puis, ça permet aussi de savoir où on en est, où va la communauté, quelles sont les thématiques
06:00 qui sont choisies, comment ça s'oriente. C'est un regard qui est extrêmement intéressant et riche.
06:05 Je ne dis pas qu'il faut faire des tonnes de conférences, mais ça reste quelque chose qui
06:11 est important pour la vie d'un chercheur, quel qu'il soit. La sobriété, en route vers la
06:19 sobriété académique. Mais pas l'abstinence. Surtout pas l'abstinence, mais la sobriété
06:23 intensive, disent certains. J'aime beaucoup cette idée, simplement dire qu'on peut repenser un peu
06:28 autrement notre manière de faire, et que ce soit moins impactant pour l'environnement, notamment.
06:33 Tout à fait.
06:34 Merci Hélène Delacour.
06:35 Merci Jean-Philippe Denis.
06:36 Merci.
06:37 [Musique]

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