Avoir moins de 25 ans, remplir une mission d’utilité publique en France ou à l’étranger, pour ensuite se lancer dans le monde professionnel, fort de l’expérience ? Le Service Civique se présente comme un engagement citoyen, mais peut aussi favoriser le début de carrière. On en parle dans le Cercle RH avec Nadia Bellaoui, présidente de l’agence du Service Civique, et Benoît Serre, DRH du Boston Consulting Group.
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00:11 -Focus, aujourd'hui, dans le Cercle Arrache,
00:14 sur le service civique. Depuis sa création en 2010,
00:17 plus de 600 000 jeunes de 16 à 30 ans
00:19 ont déjà effectué un service civique.
00:21 Faire l'expérience du vivre-ensemble,
00:24 de la citoyenneté, de l'intérêt général.
00:26 Plusieurs études montrent qu'ils sont nombreux à le faire
00:29 et à enrichir leur CV. Mais alors, avec quelle efficacité ?
00:33 Réponse avec nos deux invités.
00:34 Nadja Bellahouy, présidente de l'Agence du service civique,
00:38 nous accompagne. Bonjour. -Bonjour.
00:40 -Bienvenue sur le plateau de Smart Job.
00:42 Benoît Asser, qu'on connaît bien, nous accompagne.
00:45 DRH et Boston Consulting Group,
00:47 et vice-président délégué de la NDRH. Bonjour.
00:50 -Bonjour. -Merci à tous les deux
00:52 d'être là. Nadja Bellahouy,
00:53 redéfinissez très brièvement, pour nous,
00:56 ce que c'est que le service civique.
00:58 -Le service civique, ce sont 145 000 jeunes par an
01:03 qui s'engagent 6 à 12 mois,
01:05 24 heures par semaine, ou l'équivalent
01:07 sur la durée de la mission,
01:09 dans un des 10 grands domaines d'intervention du service civique,
01:13 l'éducation, la santé, l'urgence, l'environnement, etc.
01:16 -Le sport. -Le sport.
01:17 -On en a parlé. Donc, les parcours possibles
01:21 du service civique, ce sont lesquels ?
01:23 -Il n'y a aucun prérequis,
01:25 autre que d'être âgé de 16 à 25 ans,
01:28 30 ans pour les jeunes en situation de handicap.
01:32 Notre rôle, à l'agence du service civique,
01:35 avec tout l'écosystème du service civique,
01:37 c'est de trouver à chaque jeune une mission qui lui correspond
01:41 au moment où il est candidat à faire un service civique.
01:44 -On est étudiant, on peut faire un service civique,
01:47 on est dans le monde professionnel ?
01:49 -Oui, il y a 8 % des jeunes en emploi
01:51 qui candidatent à un service civique,
01:53 mais le cas typique, c'est soit un étudiant,
01:57 soit, au contraire, un jeune, disons, qui se cherche,
02:00 qui est en difficulté scolaire
02:03 et qui recherche une expérience professionnelle,
02:07 mais vous l'avez très justement dit,
02:09 pour 4 jeunes sur 5, la mission du service civique
02:13 prépare l'avenir professionnel, clairement.
02:16 Et d'ailleurs, 75 % des jeunes disent
02:19 que l'accompagnement dont ils ont bénéficié
02:22 dans le service civique les a aidés, justement,
02:25 à comprendre de quelles compétences ils pouvaient...
02:29 Enfin, quelles compétences ils pouvaient avoir
02:32 et comment, finalement,
02:36 se présenter dans une recherche d'emploi.
02:39 -On va en parler de ces compétences acquises
02:42 lors de cette expérience assez originale, assez unique.
02:45 Benoît Serre, en tant que DRH,
02:47 vous avez déjà croisé la route de jeunes
02:49 qui ont effectué ce service civique ?
02:52 -J'en ai croisé à 2 titres, d'abord, comme DRH,
02:55 puis j'en ai croisé, j'ai eu la chance
02:57 d'être au conseil d'administration
02:59 de l'agent du service civique.
03:00 Il y a quelques semaines, on a rencontré
03:03 plein de jeunes qui avaient fait des parcours.
03:05 Non, mais je trouve cette initiative super bien
03:08 et je trouve ça très bien qu'il y ait autant de gens qui le font.
03:12 Je pense que ça va se développer,
03:14 donc j'ai pas d'inquiétude,
03:15 parce que ça correspond à la fois à une aspiration
03:18 et ça correspond aussi, ça, c'est quand même coup de bol,
03:22 aux attentes des entreprises. -Ou plutôt aux critères
03:24 qui font qu'aujourd'hui, on va aller recruter quelqu'un.
03:28 Les critères de compétences techniques, d'études,
03:30 demeurent pertinents. On voit quand même
03:33 que les entreprises, ce qu'on appelle en bon français
03:36 les "soft skills", jouent leur rôle.
03:38 Pour avoir mené, évidemment, par fonction,
03:40 beaucoup d'entretiens de recrutement,
03:42 finalement, quand le candidat arrive jusqu'au DRH,
03:45 il est déjà passé par des dizaines de gens,
03:48 ou pas des dizaines, mais la partie de dimension technique
03:51 ou de compétences ou d'expérience, elle est déjà évacuée.
03:54 Ce qui nous intéresse, c'est la personne.
03:57 Souvent, quand on voit ce type d'expérience,
03:59 ou d'autres comparables, c'est de ça dont vous parlez.
04:02 C'est là où la personne, d'abord, est-ce qu'elle a su tirer
04:05 des conséquences, des enseignements,
04:07 qu'est-ce que tu lui as apporté ?
04:09 Et puis, pour en avoir rencontré quelques-uns,
04:12 ils sont les premiers à le dire, ça les change un peu.
04:15 Donc, ils voient les choses un peu différemment,
04:18 ils développent des compétences ou des aptitudes
04:21 intéressantes, notamment d'adaptation
04:23 dans les organisations. -Je rebondis là-dessus.
04:25 Des compétences comportementales,
04:27 c'est ce que nous dit Benoît Serres,
04:29 majoritairement, c'est ce qu'on développe
04:32 lorsqu'on effectue un service civique,
04:34 des capacités à s'adapter, entre autres.
04:37 -Oui, clairement, mais c'est aussi une immersion
04:39 dans un milieu professionnel qu'on éprouve.
04:42 -C'est une première expérience professionnelle ?
04:45 -Oui, une expérience professionnelle,
04:47 en tant que telle, la siduité, la relation à des adultes,
04:50 etc., mais aussi des champs professionnels.
04:53 Et d'ailleurs, c'est intéressant de voir
04:56 que le service civique a une influence sur la trajectoire.
05:00 Il y a bien sûr des jeunes qui font un bac
05:03 dédié au métier de la santé et du soin,
05:08 mais la plupart des jeunes qui vont finalement être infirmiers,
05:12 en fait, ne savent pas vraiment spontanément,
05:14 à 18 ans, qu'ils veulent le devenir.
05:16 -En plus d'acquérir des compétences,
05:19 le service civique permet aussi de créer des vocations,
05:22 on peut avoir un impact sur la formation du jeune,
05:25 lui donner une idée, finalement, de ce qu'il veut faire plus tard.
05:28 -Oui, et même changer, effectivement,
05:30 dans les faits, sa trajectoire professionnelle
05:33 et peut-être rapprocher des jeunes de milieux moins rémunérateurs,
05:37 mais qui ont plus de sens pour eux.
05:39 -Vous avez des exemples à nous donner ?
05:41 -Là, typiquement, ce matin, je ne connaissais pas
05:44 ce bac ST2S,
05:46 bac section technologique santé et soins,
05:52 donc une jeune fille qui en sort,
05:55 donc elle, elle a envie de travailler
05:58 dans les milieux de la santé,
06:00 mais c'est en passant, donc, huit mois,
06:03 à l'Association des traumatisés de France,
06:06 auprès d'un couple de personnes retraitées,
06:10 elle est aveugle et lui a eu Alzheimer,
06:13 et auprès d'un jeune trisomique
06:16 qu'elle comprend que sa vraie vocation
06:18 est d'être éducatrice spécialisée.
06:21 Un autre, lui, il fait un bac STMG,
06:24 qui mène à tout, il connaît bien l'espagnol,
06:26 il fait deux premières années de licence,
06:29 une en espagnol, une en AES,
06:31 et en fait, son truc, c'est les métiers du son,
06:35 et c'est à travers un atelier
06:37 dans le cadre de son service civique
06:39 à la mission locale, Atelier Radio,
06:42 qu'il se découvre une vocation pour être animateur radio,
06:45 et il y a bien. -Benoît Serre,
06:47 le service civique crée des vocations aussi.
06:50 -Oui, parce qu'en fait, comme le disait Nadia,
06:52 quand vous êtes confronté à un univers professionnel
06:55 avec une activité, vous allez découvrir des talents
06:58 que vous ne soupçonniez pas avoir,
07:00 ou des centres d'intérêt que vous aviez peut-être fantasmé
07:03 ou rêvé, mais dont vous ne saviez pas bien à quoi ça correspondait.
07:07 Ca doit marcher dans l'autre sens,
07:09 des gens qui vont une expérience du service civique
07:12 et qui vont faire des choses,
07:14 parce qu'ils avaient imaginé que c'était comme ça.
07:17 Le principal, c'est qu'au-delà des compétences,
07:20 des aptitudes qu'on évoquait, que les gens acquièrent,
07:23 que ce soit un outil qui les révèle à eux-mêmes
07:25 dans ce qu'ils veulent faire plus tard,
07:28 parce que c'est mieux d'essayer,
07:29 mais on n'y arrive pas toujours, de faire ce qu'on veut.
07:33 On n'est jamais aussi bons dans ces conditions.
07:35 C'est l'avantage du service civique,
07:37 ils ont la possibilité de faire quelque chose.
07:40 Ce qui est intéressant, c'est que j'ai trouvé
07:43 que ces jeunes ont découvert ce que c'est que de donner aux gens.
07:46 Il faut reconnaître que notre modèle d'éducation,
07:49 même dans les entreprises, on n'est pas trop là-dedans.
07:52 Généralement, quand les gens ont découvert
07:54 que plus on donne, plus on reçoit,
07:56 ce qui n'est pas une phrase banale, c'est une réalité,
07:59 dans l'entreprise... -Pourquoi ça peut être
08:02 intéressant pour son futur travail ?
08:04 -Une entreprise, on a toujours un peu...
08:06 Ca fait des années que je suis DRH
08:08 dans plusieurs organisations.
08:10 On a toujours tendance à penser que le travail,
08:13 il y a un débat en ce moment sur le sens du travail,
08:15 et tous ces sujets-là.
08:17 J'aime bien une définition du management,
08:19 qui est de dire que l'objectif, c'est de faire vivre ensemble
08:22 8h par jour des gens qui n'ont pas choisi de vivre ensemble.
08:26 Si vous voulez bien vous entendre, tout en produisant,
08:29 avec vos collaborateurs, vos équipes, avec tous les gens
08:32 que vous rencontrez, vous arrivez dans une entreprise,
08:35 vous ne connaissez personne, par définition,
08:37 et vous créez un lien humain entre ces gens-là.
08:40 Quand vous avez été déjà, par le service civique,
08:43 mis dans le bain d'un environnement que vous ne connaissiez pas,
08:46 que vous avez dû vous adapter,
08:48 vous retrouvez ces qualités et cette capacité dans l'entreprise.
08:51 C'est un avantage. -C'est intéressant
08:54 ce que ces profils peuvent apporter à l'organisation.
08:57 -Je crois que ces profils ont un plus.
09:01 Ils sont recrutés parce qu'ils ont les compétences attendues.
09:05 Ça n'a pas changé, quelle que soit la manière dont on recrute,
09:09 mais ils ont pour eux, en plus, effectivement,
09:11 je crois que tu avais dit une fois,
09:14 d'avoir appris à aimer leur travail.
09:16 Et on ne fait bien que ce qu'on aime.
09:19 Et ça, c'est très juste.
09:21 Dans le service civique, il y a quelque chose
09:23 de l'ordre du don de soi, effectivement, avant tout.
09:28 Donc on n'a pas le stress ni de la note
09:31 ni le risque du licenciement, finalement,
09:34 parce que l'Etat prend en charge, pour vous,
09:37 une expérience qui a vocation à vous faire grandir.
09:40 C'est un temps pour vous, mais paradoxalement,
09:43 c'est parce qu'on a du temps pour soi
09:45 qu'on peut davantage s'ouvrir et apprendre
09:48 à s'épanouir dans son travail.
09:49 Or, c'est ce dont ont besoin les entreprises.
09:52 Des gens qui, non seulement, arrivent avec des compétences,
09:56 mais choisissent d'être là parce que ça a du sens pour eux.
09:59 -Vous dites "ils sont recrutés".
10:01 Leur service civique est-il vraiment recruté aujourd'hui ?
10:04 C'était le propos.
10:06 Est-ce que "service civique"
10:08 égale "meilleure insertion professionnelle" ?
10:11 -Non, j'entends les jeunes sortants du service civique
10:14 qui sont recrutés par des entreprises au titre...
10:17 Comme les autres, d'une certaine manière,
10:19 avec un plus, c'est ce que je voulais dire.
10:22 -C'était ma question également.
10:24 Est-ce que ça leur permet d'être davantage recrutés ?
10:27 -Il y a une donnée particulièrement intéressante
10:30 qui donne raison à Benoît Serre.
10:32 C'est que 74 % des recruteurs de moins de 35 ans
10:38 disent que c'est un élément qui fait la différence
10:41 contre 56 % des plus de 50 ans.
10:44 -Je dois avoir moins de 35 ans. -Je pense aussi.
10:47 Il y a des précurseurs. Tout le monde n'est pas précurseur.
10:51 Manifestement, le service civique a, en 13 ans,
10:55 trouvé sa place, effectivement, comme un élément
10:58 qui dit quelque chose d'une personnalité, en fait,
11:01 qu'on va recruter.
11:03 Ca ne remplace pas les diplômes, soyons clairs.
11:07 Ca ne remplace pas les compétences techniques requises.
11:11 Mais il se trouve que l'expérience de service civique
11:14 donne à la fois plus d'estime de soi
11:16 et des compétences pratiques techniques.
11:19 -Peu importe la thématique, Nadia Bellahoui,
11:21 qu'il s'agisse d'environnement, de culture, de santé, d'éducation...
11:26 -Le service civique peut se faire à Pôle emploi.
11:28 Vous bénéficiez, dans l'accompagnement au projet d'avenir,
11:32 de formations de cinq jours pour valoriser votre image
11:35 comme un chercheur d'emploi,
11:37 puisque le service civique s'est ouvert
11:39 à tous les organismes d'accueil associatif,
11:42 mais aussi public.
11:43 Le premier organisme d'accueil,
11:45 ça ne se sait pas assez,
11:46 ce sont les établissements scolaires.
11:49 Donc, quand vous voulez devenir prof,
11:52 ou personnel accompagnant des élèves handicapés
11:57 dans les classes, avoir fait un service civique,
12:00 c'est acquérir des compétences
12:02 directement exploitables dans un métier.
12:05 Donc, le service civique n'est pas instrumentalisé
12:08 par les jeunes aussi nettement.
12:11 Ils viennent là parce qu'à un moment donné,
12:13 ils se disent que c'est bien pour eux
12:16 et qu'ils vont pouvoir se rendre utiles à eux-mêmes
12:19 tout en se rendant utiles aux autres.
12:21 Il y a quelque chose d'assez généreux,
12:23 finalement, dans ce mouvement-là,
12:25 c'est qu'ils vivent dans un monde
12:27 où il s'agit aussi d'être stratèges.
12:30 Donc, encore une fois, si le service civique
12:32 s'est développé en présent... -Ou pragmatique.
12:35 -Je suis en train de dire "stratège".
12:37 -Si le service civique s'est développé en présent,
12:40 c'est parce que les jeunes et leurs familles ont compris ça.
12:44 En tout cas, aujourd'hui,
12:45 il y a cette rencontre qui se fait, et c'est très bien.
12:49 -Vous disiez tout à l'heure que vous croyez en son avenir,
12:52 que de plus en plus de jeunes
12:54 vont s'inscrire demain au service civique.
12:56 -J'y crois à deux titres.
12:58 De plus en plus de jeunes vont s'inscrire là-dedans,
13:01 ce qu'on voit bien, qu'il y a une logique.
13:03 On ne va pas refaire le débat sur le Covid et ses conséquences,
13:07 mais ça a créé des bouleversements.
13:09 Indépendamment du service civique,
13:11 on nous dit "je ne comprends pas ce que vous faites,
13:14 "c'est quoi, vos engagements extérieurs ?"
13:16 Il y a une espèce d'ambiance que je trouve très bien,
13:19 c'est pour ça que je suis content de savoir
13:22 que le truc change.
13:23 Le service civique, c'est une solution adaptée.
13:26 L'autre aspect, c'est que ça fait un peu techno,
13:29 mais c'est vrai, les entreprises,
13:31 n'importe quelle entreprise,
13:33 sont confrontées à des transformations dans tous les centres.
13:36 Il faut des gens très agiles, adaptables.
13:38 Ce que font les services civiques, ça rend ces gens-là...
13:42 Ils ont prouvé à un moment qu'ils avaient une capacité
13:45 d'adaptation. J'ai eu une seconde.
13:47 J'ai rencontré une jeune femme qui a fait son service civique
13:51 en Israël, elle parlait pas le mot "hébreu",
13:53 avec des petits-enfants.
13:55 Elle m'expliquait qu'elle avait appris l'hébreu
13:57 en même temps que les petits de 3 ans.
13:59 Ca vous prouve quand même que c'est quelqu'un
14:02 qui est par nature adaptable, par caractère.
14:05 Dans une entreprise, vous avez des gens adaptables,
14:08 qui peuvent comprendre qu'on peut changer de langue,
14:11 d'organisation, de métier.
14:12 C'est ce qu'on recherche.
14:14 -Merci à Nadia Belahoui, présidente de l'agence du service civique,
14:18 et à Nathalie Bouchard,
14:19 vice-présidente déléguée de la NDRH.
14:21 Merci à tous les deux d'avoir débattu avec nous
14:24 dans ce "smart job" du service civique.
14:26 C'est "Fenêtres sur l'emploi".