Octobre Rose : Virginie Girod raconte son combat contre le cancer du sein

  • l’année dernière

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, il reçoit Virginie Girod qui nous raconte son combat contre le cancer du sein.

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Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous
Transcript
00:00 Europ1, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:05 Et vous réagissez aux 080 20 39 21 avec Pascal Praud.
00:09 On parle d'octobre rose, le mois de sensibilisation contre le cancer du sein, Pascal.
00:13 Exactement et Virginie Giraud est avec nous.
00:15 Vous la connaissez sur Europ1 car vous pouvez retrouver Virginie dans le podcast au cœur de l'histoire
00:20 et à l'antenne tous les week-ends à 15h.
00:23 Vous avez été touchée par ce cancer cette année, c'était en février.
00:26 Février 2022.
00:28 Donc c'était il y a 18 mois.
00:30 Voilà, c'est ça.
00:31 Et ce mois-ci, on m'apprend que j'ai un cancer du sein au moment où Europ1 m'approche
00:36 pour présenter au cœur de l'histoire.
00:37 Donc les deux arrivent en même temps.
00:39 Bon, Virginie, pour les auditeurs, vous êtes très jeune.
00:42 On peut dire votre nom ?
00:43 Mon âge ?
00:44 Votre nom.
00:46 Vous voyez, je suis troublé.
00:47 Votre âge, pardonnez-moi.
00:48 Je viens d'avoir 40 ans.
00:49 Bon, comment vous avez appris ou comment vous êtes vous rendu compte que vous souffriez d'un cancer du sein ?
00:58 En prenant ma douche un matin, je sens une grosseur que je ne connaissais pas, qui est déjà grosse d'ailleurs,
01:02 donc je prends rendez-vous chez ma gynécologue, je pense à un kyste,
01:05 et puis commencent à s'enchaîner les rendez-vous, la mammographie, l'échographie.
01:09 Et là, on voit tout de suite la tête des médecins et on comprend que ça ne va pas bien se passer.
01:13 Donc il n'y a pas eu de grand moment solennel d'annonce.
01:16 Les choses arrivent avant qu'on dise le mot.
01:18 Et arrive le moment où, en attendant les résultats de la biopsie, je passe une IRM
01:22 et je vais voir la médecin qui lit l'IRM et j'ai ma soin en face d'elle et je lui dis
01:26 "écoutez, si je vais mourir, il faut me le dire, je vais organiser le temps qui me reste".
01:29 Et là, elle me dit "vous allez en baver pendant six mois mais vous allez guérir".
01:33 Et donc voilà, après je savais où j'allais, je savais que ça allait être difficile,
01:36 mais je savais que j'allais m'en sortir.
01:39 On est toujours surpris de la phrase que vous venez de dire tellement elle est brutale.
01:44 Vous avez des enfants ?
01:45 J'ai une petite fille de 9 ans.
01:47 Entre le moment où vous êtes sous la douche et vous sentez cette grosseur
01:52 et le moment où le diagnostic tombe, il se passe combien de temps ?
01:55 Le diagnostic, c'est en plusieurs moments, mais le diagnostic final, ça met à peu près un mois
02:01 parce qu'on fait une série d'examens, y compris un TEP scan pour savoir si c'est métastasé.
02:05 Donc moi j'arrive avec une très grosse tumeur qui est extrêmement agressive.
02:09 Le médecin du TEP scan est convaincu que je vais mourir.
02:12 Et quand il voit que je n'ai pas de métastase, il est presque déçu de m'annoncer que j'en ai pas.
02:16 Moi je suis très contente, au demeurant.
02:18 Mais pourquoi il est convaincu que vous allez mourir ce médecin du PET scan ?
02:21 Parce que j'ai une tumeur de 4 cm, qu'on appelle HER2 positive,
02:25 donc qui se développe très très vite, et chez les femmes jeunes en général, le cancer est très agressif.
02:30 Donc j'ai eu de la chance, mon oncologue m'a dit "bon, votre tumeur n'a pas voulu donner de métastase,
02:34 sinon vous en auriez déjà eu".
02:36 Quand vous vous rendez compte qu'il y a cette grosseur,
02:41 8 jours ou 15 jours avant, elle n'existait pas de la même manière cette grosseur ?
02:47 Je ne l'avais pas sentie, et mon conjoint non plus.
02:49 Donc je pense que c'est venu relativement vite.
02:54 Je ne suis pas capable de l'expliquer, les médecins non plus,
02:57 ils m'ont dit "parfois c'est quelque chose qui se remanie rapidement,
02:59 il n'y a pas d'explication particulière à l'heure d'aujourd'hui".
03:01 Et vous entrez donc dans un processus, une fois que le diagnostic est tombé,
03:08 de chimio, d'intervention chirurgicale.
03:12 Là on est en mars-avril 2022.
03:16 Exactement, je commence une chimio-thérapie avec 12 séances
03:20 avec une molécule qui s'appelle le Taxol,
03:22 qui a été développée en France dans les années 90.
03:25 Mon oncologue me dit "une chimio ce n'est pas ce que vous imaginez".
03:29 Je ne le crois pas au moment où il me dit ça, mais il avait raison.
03:32 J'ai pu continuer à mener une vie quasiment normale,
03:36 je passe mes castings ici à Repain, il y a beaucoup de rendez-vous,
03:39 je viens pour faire des essais voix, des essais textes,
03:42 et un jour j'ai rendez-vous avec tout le service de Repain Studio,
03:45 et j'arrive devant l'immeuble, je suis à 50 mètres de l'immeuble,
03:48 et je commence à saigner du nez à cause de la chimio-thérapie,
03:51 donc je fais mon petit point de compression,
03:53 et je me dis "si elles me voient saigner du nez, elles vont croire que je prends de la cocaïne".
03:57 Et je rigole toute seule, et je me dis "un jour je vais le raconter et j'en rirai".
04:01 Et vous voyez ce jour est arrivé, et en fait je suis très contente de vous le raconter.
04:04 Mais quand vous faites ces tests pour Repain,
04:06 vous avertissez ceux qui vous écoutent que vous êtes malade ?
04:10 Ah ben non, c'est le job de ma vie, je le veux absolument,
04:12 donc il est hors de question que j'en parle.
04:14 - Et vous dites "la chimio ça fatigue, a priori,
04:18 il y a des effets secondaires importants, vous ne les avez pas eus ?"
04:22 - On sait gérer les effets secondaires,
04:24 donc j'ai autour de moi une équipe médicale qui m'aide à les gérer.
04:27 Cette molécule qu'on appelle le Taxol,
04:29 c'est pas du tout la plus agressive en termes de chimio-thérapie,
04:31 c'est ultra efficace, mais il n'y a pas de nausée par exemple.
04:34 Pas sûrement dans tous les cas, mais il n'y en a pas de manière générale,
04:36 je m'oubliais même de prendre les médicaments contre la nausée qu'on prescrivait au cas où,
04:40 et puis je me suis rendu compte que j'en avais pas besoin.
04:43 Donc tout se gère extrêmement bien,
04:45 j'étais donc encore freelance jusqu'à ma dernière chimio-thérapie,
04:48 donc je pouvais gérer aussi mon emploi du temps,
04:50 et j'ai signé mon contrat et je commence à travailler ici
04:53 quatre jours après ma douzième et dernière chimio-thérapie.
04:56 - Votre enfant à ce moment-là a sept ans, huit ans ?
04:59 - Oui.
05:00 - C'est un garçon, c'est une fille ?
05:01 - C'est une petite fille.
05:02 - Et vous lui apprenez votre maladie ?
05:05 - Il faut, parce qu'au moment où je suis diagnostiquée,
05:08 je ne sais pas ce qui va se passer,
05:09 je ne sais pas si je vais me délabrer physiquement,
05:11 donc il faut bien qu'elle le sache.
05:12 Donc elle rentre de vacances, la pauvreté,
05:14 elle a passé de bonnes vacances,
05:15 et je lui dis "Bon ben, Sophia, j'ai quelque chose à te dire",
05:18 et on discute toutes les deux, évidemment c'est un peu dur,
05:20 et puis après il faut dédramatiser,
05:22 donc je lui explique,
05:23 parce qu'on est très intello dans la famille,
05:25 donc je lui explique le fonctionnement des cellules cancéreuses
05:28 avec ses doudous,
05:29 et en fait on se marre, et ça reste un bon souvenir.
05:31 - Alors moi je ne vous connaissais pas beaucoup Virginie,
05:34 je vous entends, je vous découvre,
05:36 manifestement vous êtes une personnalité quand même
05:39 qui a le moral, qui croit en la vie,
05:42 qui est enthousiaste, c'est ce que j'entends dans votre voix,
05:44 est-ce que vous pensez que ce moral a joué dans cette séquence ?
05:49 - Je pense que oui,
05:50 parce que j'ai décidé que je n'avais pas le temps d'être malade
05:52 et que j'avais mieux à faire.
05:53 Donc forcément j'allais à l'hôpital,
05:56 je rigolais avec tout le monde,
05:58 je faisais des blagues,
05:58 alors les médecins n'aiment pas les blagues sur la mort d'ailleurs,
06:00 moi qui suis historienne et qui travaille avec des morts
06:02 toute la journée d'une certaine manière,
06:04 je pense que je suis beaucoup plus détendue avec ça qu'eux,
06:06 mais au final, bien sûr qu'il y a eu des moments difficiles,
06:09 des pleurs,
06:10 mais ce qui me reste aujourd'hui,
06:12 un an après la fin des traitements,
06:13 ce sont les rires.
06:15 La première fois que je sors de Chimio,
06:16 c'est une de mes meilleures amies qui vient me chercher,
06:18 on prend un taxi et on rigole pendant tout le trajet.
06:20 Et c'est ça qui reste.
06:22 - Vous avez une famille, sans doute, vos parents,
06:25 et il faut pouvoir dire à ces parents,
06:27 peut-être dédramatiser,
06:30 ne pas forcément les inquiéter,
06:32 garder cette inquiétude pour soi,
06:34 je ne sais pas comment vous avez géré cette séquence-là ?
06:37 - Mes parents ne vivant pas à Paris,
06:39 pour le coup je suis restée discrète,
06:40 parce que je ne voulais pas les inquiéter.
06:42 - C'est-à-dire que vous ne leur avez discrété ?
06:44 Ils n'étaient pas au courant ?
06:44 - Non, parce que je ne les voyais pas très souvent,
06:46 donc je pouvais le cacher comme je l'ai caché à Europe 1
06:49 pendant un certain temps.
06:50 - Bon, donc il y a cette séance de Chimio,
06:53 c'est plusieurs séances de Chimio,
06:55 donc on est en avril,
06:57 mais est-ce qu'il y a une intervention chirurgicale ?
06:59 - Oui, donc je vais faire un premier mois de travail ici à Europe 1
07:01 pour préparer la sortie d'Au coeur de l'Histoire au mois de juin,
07:04 et fin du mois de juillet de l'année dernière,
07:07 je me fais opérer.
07:08 Et là je choisis, parce que je suis jeune,
07:11 parce que le risque de récidive est plus important,
07:13 d'avoir une double mastectomie.
07:14 C'est-à-dire que c'est moi qui la demande,
07:15 ce n'est pas mon médecin qui me l'impose.
07:17 - Il faut expliquer peut-être,
07:18 c'est assez important,
07:21 évidemment comme opération,
07:23 sur le plan physique,
07:23 mais aussi disons-le, sur le plan mental.
07:26 - Pour moi, ça n'a pas été un sujet en fait,
07:28 parce que je me suis renseignée,
07:29 parce que j'ai pu garder aussi tous les tuits cutanés,
07:32 donc en fait pour moi, je l'ai vécu
07:34 comme si je faisais de la chirurgie esthétique.
07:36 D'ailleurs, ça énervait presque parfois mon chirurgien,
07:38 qui est formidable, à qui je dois beaucoup,
07:40 mais des fois il me disait "mais calmez-vous,
07:41 vous ne faites pas de la chirurgie esthétique là".
07:43 - Mais la mastectomie totale,
07:46 ce qui est votre cas,
07:47 ça enlève tout le sein et le tissu
07:50 qui recouvre les muscles du thorax.
07:52 - Non, moi j'ai gardé ma peau,
07:53 parce que mes médecins ont fait un super boulot,
07:55 donc j'ai pu garder l'intégralité de ma peau,
07:57 on a juste enlevé la glande,
07:58 comme on enlève les amygdales,
07:59 et on a reconstruit le volume avec des prothèses.
08:02 Et ça, c'est important de le faire savoir aux femmes,
08:03 c'est que de plus en plus de chirurgiens
08:05 commencent à faire ce qu'on appelle de la reconstruction immédiate.
08:08 Donc quand un chirurgien ne veut pas vous la faire,
08:10 changez de chirurgien.
08:12 - C'est vrai qu'entre le moment
08:15 où vous avez compris que vous pouviez être malade,
08:19 au moment de cette douche,
08:21 après les séances de chimio, après l'opération,
08:24 l'opération elle est quand ?
08:26 - Elle arrive fin juillet.
08:28 - Donc tout ça est très rapide.
08:30 - Oui.
08:31 - Et à partir de fin juillet,
08:33 vous pouvez considérer que vous êtes guérie et sortie d'affaire ?
08:36 - Les médecins me disent "considérez que vous êtes guérie".
08:38 Officiellement pour la sécurité sociale, je suis en rémission,
08:41 mais mes médecins me disent "c'est bon, vous êtes guérie, tout va bien,
08:44 on continue à vous surveiller bien évidemment".
08:46 - C'était il y a 14 mois, 15 mois ?
08:48 - Voilà, c'est ça.
08:49 - Et depuis ?
08:49 - Et depuis, donc j'ai fait ma radiothérapie après la chirurgie
08:53 pour bien sécuriser tout le processus,
08:56 et bien stériliser la peau justement, que j'ai pu conserver.
08:59 Et puis maintenant, c'est terminé.
09:01 Je suis juste surveillée tous les 6 mois par mon équipe médicale,
09:03 mais tout va absolument bien.
09:05 - Est-ce que dans votre famille, il y avait des cas de cancer de ce type ?
09:09 - Oh oui, je viens d'une longue lignée de femmes qui ont eu des cancers du sein,
09:12 mais à la cinquantaine, donc je ne l'attendais pas si tôt.
09:14 - Parce que moi je suis toujours frappé,
09:16 et j'entends les médecins dire souvent que les familles sont divisées en deux,
09:21 les familles où, hélas, on meurt du cancer,
09:24 et les familles où, hélas, on meurt des maladies cardiovasculaires.
09:27 Et il est rare que dans une même famille,
09:30 il y ait et cancer et maladies cardiovasculaires.
09:34 Et il y a des familles où, effectivement, les cancers sont nombreux,
09:37 et manifestement, c'est pour ça que je posais en même temps cette question,
09:40 et il y a une famille où il n'y a parfois pas de cancer.
09:43 Donc, quelle est la part de la génétique, de l'hérédité sur un sujet comme celui-là ?
09:47 Évidemment, je n'en sais rien.
09:48 Vous allez rester avec nous,
09:50 votre témoignage est très fort, très puissant, bien sûr,
09:54 et puis très précis, c'est ça aussi.
09:57 Et puis, il est porteur d'optimisme.
10:00 - D'espoir, oui.
10:01 - Ce que je ne sais pas aujourd'hui, et vous nous le direz après la pause,
10:04 c'est le taux de guérison du cancer du sein.
10:08 Merci en tout cas d'être avec nous, Virginie,
10:11 et on poursuit notre conversation.
10:14 - Vous écoutez Pascal Proévouz sur Europe 1.
10:16 - Pascal Proévouz.
10:17 - Et dans Pascal Proévouz, nous parlons d'Octobre Euros sur Europe 1,
10:20 le mois de sensibilisation contre le cancer du sein avec Virginie Giraud.
10:23 Votre invitée, Pascale Virginie Giraud, qu'on retrouve le samedi et le dimanche
10:27 au cœur de l'histoire de 15h à 16h et en podcast aussi sur europe1.fr.
10:31 - Exactement, et si vous nous rejoignez à l'instant sur Europe 1,
10:34 Virginie nous rappelle qu'elle a été diagnostiquée en février dernier.
10:38 C'était une tumeur de 4 cm, cancer du sein,
10:42 une dizaine de séances de chimio après le diagnostic.
10:44 À partir de fin mars, vous en avez parlé à votre enfant
10:48 de cette maladie sous une forme particulière,
10:52 avec des doudous et pour dédramatiser,
10:55 vous avez subi une double mastectomie,
10:58 qui est une reconstruction, ce qui est une opération lourde.
11:01 Et puis surtout, et c'est aussi pour ça que vous voulez être là ce matin,
11:04 c'est parce que vous avez poursuivi votre activité professionnelle.
11:08 Et sans doute, dans cette période-là, le fait de travailler est un médicament.
11:13 - Ah mais oui, en soi, c'est très clair, puisque dans la mesure où je prends la décision
11:18 que ma vie continue, je ne m'enferme pas dans l'état de malade.
11:21 Et je pense que forcément, le moral joue beaucoup,
11:25 et j'avais d'autres choses à vivre de toute façon.
11:27 - Qu'est-ce que ça vous a appris sur vous ?
11:30 - Ça m'a appris la sérénité.
11:32 Je pense que je suis plus heureuse aujourd'hui,
11:34 parce que les petites contrariétés du quotidien glissent davantage,
11:38 et je profite plus des petites joies quotidiennes.
11:41 - Vous avez parlé tout à l'heure de votre couple,
11:43 est-ce que c'est une épreuve du feu qu'on traverse à deux dans ces cas-là ?
11:48 - C'est une épreuve du feu, il faut savoir qu'il y a 25% des hommes
11:51 qui quittent leur femme à l'annonce d'un cancer.
11:53 Donc moi j'ai dit à mon compagnon,
11:56 "écoute, si tu veux partir, c'est tout de suite",
11:57 et il m'a dit évidemment que non,
11:59 et il est resté, il a été formidable,
12:01 et surtout, il ne m'a jamais regardée comme une femme malade,
12:04 et ça c'est extrêmement précieux,
12:06 et presque mon message à ce moment-là s'adresse aux hommes qui nous écoutent,
12:09 dire "si votre femme traverse ça,
12:11 soyez des hommes, des vrais, soyez là, loyaux, confiants,
12:14 et ça c'est important".
12:15 - C'est quoi regarder sa femme comme une femme malade ?
12:18 - Je pense que ça parle aussi du désir,
12:23 c'est-à-dire que nous on n'a jamais arrêté de se séduire,
12:25 on a continué à vivre normalement.
12:26 - Et votre fille, vous avez eu le sentiment
12:32 que son caractère ou son tempérament
12:36 était modifié par cette séquence-là,
12:39 lorsqu'elle voyait sa mère peut-être en difficulté ?
12:42 Parce que dans ces séances de chimio,
12:44 vous n'avez pas parlé des effets secondaires visibles,
12:47 il n'y en avait pas ?
12:48 - Si, il y en a, mais franchement ce n'est pas grand-chose,
12:51 ce sont des choses qui se gèrent parfaitement,
12:53 et ma fille ne m'a jamais vue dans un état de délabrement,
12:55 parce que je n'ai pas eu d'état...
12:57 Je ne passais pas mon temps à dormir,
12:59 je ne passais pas mon temps à vomir,
13:00 je vivais, encore une fois, quasiment normalement,
13:03 je saignais un peu du nez de temps en temps,
13:05 je faisais attention à ce que je mangeais, et c'est tout.
13:07 - Est-ce qu'elle comprenait,
13:09 dans le sens où elle a...
13:10 Par exemple, les filles, ma fille, nous embêtent,
13:13 elles ne sont pas cool avec nous,
13:14 est-ce qu'elle la comprenait,
13:16 du coup elle était un peu plus gentille,
13:18 au moins... Non ?
13:19 - Non, elle n'a pas changé.
13:21 - Non, elle n'a pas changé, c'est ça ?
13:22 - Elle n'a pas changé, mais parce que moi-même,
13:23 je n'ai pas changé.
13:24 Donc, je n'ai pas un pulsé de demande particulière
13:27 ou de changement de son côté.
13:29 - L'âge moyen au diagnostic en 2023
13:31 est de 64 ans pour le cancer du sein,
13:33 près de 80% des cancers du sein se développent après 50 ans,
13:37 le taux de survie pour les femmes diagnostiquées
13:39 entre 2010 et 2015 est quand même de 88% à 5 ans,
13:44 donc on a fait beaucoup de progrès.
13:46 C'est vrai que souvent pour les femmes,
13:49 il y a la peur de la perte des cheveux
13:52 qui peut venir être un souci majeur,
13:58 psychologique, moral...
14:00 - Il y a des artifices qui existent,
14:02 franchement je pense que ce n'est pas du tout un problème.
14:04 - Ce n'était pas ce qui vous préoccupait.
14:06 Le cancer du sein, on le sait d'ailleurs,
14:10 et on en est toujours étonnés,
14:11 peut également toucher les hommes.
14:13 - Oui tout à fait, 1% des malades du cancer du sein
14:16 sont des hommes parce que généralement
14:18 chez eux il y a un aspect génétique.
14:20 - Virginie Giraud est avec nous
14:22 et je rappelle que vous la connaissez,
14:23 elle anime au cœur de l'histoire chaque week-end.
14:26 Vous nous parlerez peut-être également
14:29 des contacts que vous avez eus avec les malades
14:32 et aussi avec le personnel médical,
14:34 parce que le personnel médical,
14:36 les chirurgiens, les médecins sont parfois...
14:40 on leur reproche d'être un peu brutaux dans la démarche.
14:43 Vous me direz si c'était le cas.
14:45 A tout de suite.
14:45 - Et vous pouvez témoigner au 01-80-20-39-21 sur Europe 1.
14:49 - Pascal Praud.
14:49 - Et vous réagissez au 01-80-20-39-21
14:52 avec Pascal Praud sur Europe 1.
14:53 - Et nous sommes toujours avec Virginie Giraud
14:55 qui a été diagnostiquée en février dernier,
14:58 d'ailleurs je dis en février dernier,
14:59 non en février 2022,
15:01 d'un cancer du sein,
15:03 une tumeur de 4 cm qui a été guérie.
15:06 Et cette émission est en direct
15:08 et monsieur Olivier Guenec est en ligne
15:10 avec beaucoup d'auditeurs régulièrement,
15:13 me dit qu'il avait un chauffeur de taxi
15:15 qu'il connaissait qui s'appelait Mohamed.
15:17 Et je le salue,
15:18 Mohamed, il était en train d'écouter notre radio.
15:21 Et Mohamed, au moment où il faisait sa course,
15:23 il avait avec lui une jeune femme
15:25 qui s'appelle Fabienne,
15:26 qu'il transportait.
15:28 Et cette Fabienne, je la salue
15:30 parce qu'elle doit être en ligne avec nous,
15:32 puisque Fabienne, vous écoutiez notre émission
15:35 et vous avez été diagnostiquée
15:38 il y a quelques jours d'un cancer du sein.
15:40 - Oui, tout à fait.
15:43 - Bon, vous écoutiez notre émission.
15:44 - Oui, dans le taxi, j'écoutais votre darme parler.
15:49 - Il y a trois semaines, je crois.
15:50 - Oui, il y a trois semaines.
15:52 - Est-ce que c'est indiscret de vous demander
15:54 votre nom, Fabienne ?
15:55 - Non, je suis Fabienne Leguie.
15:58 - Oui, votre nom, ça fait deux fois que je le dis,
16:00 je confonds âge et nom.
16:02 Généralement, je ne demande pas les noms
16:04 des auditeurs à l'antenne.
16:06 - Pardonnez-moi, mais c'est un sujet, vous voyez,
16:09 qui doit me troubler de manière inconsciente.
16:11 Quel âge vous avez, Fabienne ?
16:13 - 48 ans.
16:14 - Bon, vous avez été diagnostiquée.
16:16 Qu'est-ce que les médecins vont mettre en place
16:19 pour vous soigner ?
16:21 - Eh bien, j'ai l'ordre de l'Institut Curie ce matin,
16:25 mes premiers rendez-vous.
16:27 Je vais être opérée le 8 novembre,
16:32 une mastectomie partielle.
16:36 Et ensuite, je vais faire de la radiothérapie,
16:40 c'est pour moi.
16:41 - Bon, tout à l'heure, Virginie Giraud demandait
16:44 à son médecin des choses directes.
16:47 Elle disait, si je dois mourir, je veux le savoir.
16:51 Est-ce que vous-même avez été tentée
16:55 de poser des questions de ce type ?
16:58 - Pas du tout.
16:59 Moi, je pars du principe qu'on m'a détectée tôt.
17:03 Je suis quelqu'un qui se bat.
17:07 Et honnêtement, je n'ai pas peur.
17:10 Je ne vais pas mourir, déjà, ça c'est sûr.
17:13 Je ne veux pas.
17:14 Je vais me battre pour mes enfants.
17:15 Donc voilà, je suis positive dans ma tête.
17:18 - Vous avez combien d'enfants, Fabienne ?
17:19 - Oui.
17:20 - Vous avez combien d'enfants, Fabienne ?
17:22 - J'ai trois enfants.
17:23 - Virginie peut-être qui connaît forcément mieux
17:27 l'état d'esprit dans lequel est Fabienne en ce moment.
17:30 - J'entends du sourire dans votre voix, Fabienne.
17:32 Je suis déjà contente pour vous,
17:33 parce que je sens que vous êtes dans la bonne posture
17:35 pour mener ce combat.
17:36 Et au final, vous vous direz que ce n'était pas un combat
17:38 si difficile et que vous en sortirez la grande gagnante.
17:42 - Oui, j'essaie de positiver.
17:45 C'est pour mes enfants, de toute façon,
17:47 quoi qu'il arrive, je vais écouter aussi
17:51 tout ce que les docteurs vont me dire.
17:53 Déjà, tout ce qu'ils m'ont dit ce matin.
17:56 Et voilà, je pars confiante, on va dire.
18:00 - Est-ce que votre activité professionnelle est entre parenthèses
18:04 ou est-ce que vous allez la poursuivre ?
18:07 - Pour l'instant, je suis en arrêt maladie.
18:10 - Vous êtes en arrêt maladie, donc vous allez plutôt
18:12 prendre le temps de vous soigner avant de revenir ?
18:17 - Dans mon optique, je voulais reprendre le travail
18:18 au mois de décembre, mais je pense que le mois de décembre,
18:23 je vais rester sagement à la maison
18:25 et je reprendrai le travail quand on m'autorisera
18:29 pour reprendre le travail au mois de janvier, je pense.
18:32 - Vous savez ce qu'on va faire, Fabienne ?
18:33 Ce qui peut être intéressant, c'est qu'on peut vous suivre
18:35 sur l'antenne régulièrement.
18:37 Moi, ce que je vous propose, c'est que...
18:40 Vous avez dit que l'opération, elle est le 8 novembre.
18:43 Pourquoi d'ailleurs est-elle si tard ?
18:47 Je ne sais pas Virginie, si c'est tard ou pas ?
18:50 - En général, un cancer, ça n'avance pas très vite.
18:54 - Je ne pense pas que ce soit si tard.
18:56 Pour moi, elle n'est pas si loin.
18:58 C'est-à-dire que le mois qui va se dérouler là
19:01 n'a pas d'influence sur la maladie qui évolue.
19:06 - En général, il faut faire des diagnostics.
19:07 Et comme disait mon chirurgien, qui est quand même un plomb,
19:09 qui disait, en général, ce n'est pas une urgence absolue,
19:11 un cancer du sein.
19:13 Dans certains cas, vous avez même le temps de partir en vacances
19:15 et on en reparle après.
19:17 - Fabienne, je vous remercie beaucoup.
19:19 - Moi aussi, je vous remercie.
19:21 - Vous avez prévenu vos enfants.
19:22 Quel âge ont vos enfants, Fabienne ?
19:24 - Ils ont 22 ans, 18 ans et 17 ans.
19:28 - Vous les avez avertis ?
19:30 - Oui, ils sont tous les trois avec moi
19:32 parce qu'il y a 9 ans, j'ai perdu mon mari d'un cancer cérébral.
19:35 Je suis toute seule pour les élever.
19:37 - Et ils font corps avec vous ?
19:41 C'est des garçons ou des filles ?
19:42 - Ils sont avec moi.
19:43 - Ce sont des garçons ou des filles ?
19:45 - J'ai deux filles et un garçon.
19:47 - Évidemment, ils vont être autour de vous
19:50 et ils vont vous choyer dans cette période particulière.
19:52 - Oui, ils sont là.
19:54 Ma grande fille est à côté de moi dans le taxi.
19:56 Elle va m'accompagner.
19:58 Elle a pris une semaine.
19:59 Elle va m'accompagner à tous mes rendez-vous.
20:02 Elle sera là le jour de l'intervention.
20:04 On est une famille unie et soudée.
20:07 - Merci vraiment de votre témoignage.
20:09 Je pense qu'avant le 8 novembre,
20:12 ce que je propose, c'est qu'on puisse vous avoir de nouveau à l'antenne.
20:16 Pardonnez-moi peut-être Virginie de poser des questions qui sont indiscrètes,
20:20 mais lorsque vous alliez par exemple faire des examens,
20:24 est-ce que votre compagnon vous accompagnait ?
20:26 Est-ce que vous aviez envie qu'il soit avec vous ?
20:28 Est-ce que vous préfériez être seule ?
20:30 - Parfois j'avais envie qu'il soit là et il venait.
20:33 Parfois j'avais envie d'être seule et j'y allais seule.
20:36 Le jour de mon opération, je tenais à être seule.
20:38 Et dans les 4-5 jours qui ont suivi,
20:40 je voulais que ce soit mes meilleures copines qui soient là et pas lui.
20:43 - Alors là, vous m'étonnez.
20:46 Je vous assure, vous m'étonnez.
20:48 Mais je suis...
20:50 C'est toujours intéressant d'essayer de comprendre.
20:52 Et la difficulté de comprendre l'autre.
20:54 - Parce que, encore une fois, il s'agit de la préservation du désir, quelque part.
20:58 Donc dans les moments où on est un petit peu plus fragile,
21:00 j'avais envie d'être avec mes copines en fait.
21:02 - Et lui-même, comment a-t-il...
21:05 Il a accepté cela ? Il aurait aimé être près de vous ?
21:08 - Je sais que le jour de l'opération, parce que c'est mes copines qui me l'ont dit,
21:11 il était le premier à appeler l'hôpital pour savoir comment ça se passait.
21:14 Je crois qu'il a appelé plusieurs fois, mais il ne me l'a pas dit à moi.
21:17 Je ne l'ai su pas à mes copines.
21:19 - 12h29, on va marquer une pause.
21:23 Votre témoignage est évidemment extrêmement intéressant à vous écouter.
21:29 Et on va continuer ensemble la discussion.
21:31 - Il est midi et demi, vous écoutez Europe 1.
21:33 - Europe 1.
21:34 - Pascal Praud et vous.
21:35 - Jusqu'à 13h, vous écoutez Pascal Praud.
21:37 Nous parlons d'Octobre Rose, le mois de sensibilisation contre le cancer du sein,
21:40 avec Virginie Giraud, venue témoigner.
21:42 Virginie Giraud, que vous retrouvez tous les week-ends,
21:45 le samedi et dimanche, de 15h à 16h, pour Au cœur de l'Histoire.
21:48 - Et on peut peut-être écouter, Virginie, un des podcasts, un extrait d'un podcast ?
21:53 - Exactement, pour Octobre Rose, je voulais parler de Ruth Andler.
21:56 Alors, Ruth Andler, vous la connaissez sans le savoir,
21:58 c'est la créatrice de la poupée Barbie.
22:00 Et bien, il s'avère qu'en 1970, à l'âge de 54 ans,
22:03 elle a un cancer du sein et subit une mastectomie.
22:05 À l'époque, on ne reconstruit pas tout de suite.
22:07 Et elle n'aime pas les prothèses externes qui existent.
22:09 Alors, elle se dit, je suis quand même une businesswoman,
22:11 je vais créer la nouvelle prothèse qui va bien.
22:14 Et elle lance une gamme qui s'appelle Nirlimi, presque moi.
22:17 Et on a créé un podcast avec l'équipe d'Au cœur de l'Histoire,
22:20 très girly, très joyeux, parce que c'était l'énergie que je voulais y mettre.
22:24 Ça ne doit pas être vu aujourd'hui comme quelque chose de triste, le cancer du sein.
22:27 La très grande majorité des femmes en guérissent.
22:30 Et je veux remettre de la joie là-dessus, pour que ce ne soit plus anxiogène.
22:33 Nous sommes en Californie, en 1970.
22:37 Ruth Andler, la créatrice de la poupée Barbie et présidente de Mattel,
22:41 vient de subir une mastectomie suite à un cancer du sein.
22:45 Pour cette belle quinquagénaire, toujours élégante,
22:48 il est inconcevable de rester à plat.
22:51 Elle essaye tout, les chaussettes dans le soutien-gorge,
22:54 et tous les types de rembourrage possibles.
22:56 Ridicule !
22:58 Les prothèses externes sur le marché ne ressemblent à rien,
23:01 ne tiennent pas dans les sous-vêtements,
23:03 ou s'arnachent avec peine autour du buste.
23:05 Le résultat est lamentable.
23:07 Quant aux prothèses internes en ivoire ou gonflées au sérum physiologique,
23:11 le résultat est si peu naturel qu'il vaut mieux s'abstenir.
23:15 Les prothèses mammaires en silicone, en sang à leur balbutiement,
23:18 et les techniques chirurgicales de reconstruction sont loin d'être abouties.
23:22 Les chirurgiens préfèrent travailler sur les augmentations mammaires,
23:25 relevant de la pure esthétique.
23:27 Ruth Andler est contrariée.
23:29 Mais après tout, elle est une créatrice,
23:32 et elle est une femme d'affaires.
23:34 Pourquoi n'inventerait-elle pas ses propres prothèses ?
23:39 - Elle a inventé ses propres prothèses ?
23:41 - Exactement, elle a créé toute une gamme,
23:44 de toutes les tailles, de toutes les formes,
23:46 pour s'adapter à toutes les femmes qui en avaient besoin.
23:48 - La détection.
23:50 Vous êtes dans votre douche et vous sentez une grosseur.
23:53 Est-ce que vous faisiez, une fois par an,
23:56 comme c'est souvent recommandé, une mammographie ?
23:58 - Et non, j'étais trop jeune.
24:00 Ma gynécologue avait prévu un programme pour moi
24:02 qui commencerait relativement tôt, vers 45 ans,
24:04 mais pas du tout à 38.
24:06 - Alors qu'est-ce qu'il faut faire ?
24:08 Il faut demander à toutes les jeunes femmes qui nous écoutent,
24:10 à partir, oui, dès l'âge de 20 ans, 25 ans,
24:14 de faire des mammographies ?
24:16 - Dès l'âge de 25 ans, je pense qu'il faut commencer
24:18 à palper sa poitrine, bien la connaître,
24:20 et au moindre changement, dès qu'on sent quelque chose
24:22 qui a la taille, la forme, la dureté d'un grain de riz,
24:25 c'est immédiatement gynéco et contrôle.
24:27 - Si vous ne vous rendez pas compte
24:31 de cette grosseur en février 2022,
24:35 si vous ne vous en rendez compte 6 mois plus tard...
24:39 - Eh bien, je ne serai plus là pour vous en parler.
24:41 - Parce que j'imagine, cette question, vous l'avez posée
24:43 aux médecins, c'était vraiment une sorte d'urgence ?
24:45 - Comme je vous dis, chez moi,
24:47 ça allait relativement vite, et j'en ai parlé
24:49 avec mon chirurgien, il n'y a pas longtemps,
24:51 je lui ai dit "écoutez, aujourd'hui, je serai morte,
24:52 ils me feront peut-être pas, mais vous seriez en bonne voie".
24:54 - C'est-à-dire que si vous aviez attendu 6 mois,
24:56 ça aurait été beaucoup plus délicat ?
24:58 - Ah ben, j'aurais été métastasée, donc ça aurait été impossible.
25:01 - Il y a deux choses dont on n'a pas parlé,
25:03 c'est le rapport avec les médecins,
25:05 je ne sais pas si vous avez été contente
25:07 de ce rapport, non pas sur le fond,
25:09 mais parfois c'est sur la forme,
25:11 on reproche une forme de brutalité
25:13 dans la médecine française,
25:15 et notamment chez les chirurgiens,
25:17 disons-le, qui ne sont pas toujours,
25:19 qui ne s'encombrent pas toujours
25:21 de paroles nuancées.
25:23 - Alors moi, je suis très cachée aussi,
25:25 donc on s'est très très bien entendus
25:27 sur ce point, et mon oncologue,
25:29 qui est vraiment aussi un vieux ponte,
25:31 il me voyait arriver, moi j'arrive,
25:33 moi aussi je suis docteur, bon en histoire, mes patients sont tous morts,
25:35 mais je veux comprendre, je veux qu'on m'explique tout,
25:37 mais je le rends des chèvres !
25:39 Je l'obligeais à me faire des schémas, à tout m'expliquer,
25:41 il me fait "bon écoutez, on va prendre un rendez-vous d'une demi-heure,
25:43 je vais tout vous raconter", mais on s'aimait beaucoup,
25:45 même si on se cuspiait.
25:47 - Donc là, vous avez été satisfaite de ce contact-là ?
25:49 - Oui. - Bon, et avec les malades,
25:51 est-ce que vous avez pu échanger et garder,
25:53 pourquoi pas, des contacts ? - Très peu, très peu.
25:55 J'ai été une fois dans une association
25:57 qui s'appelle Rose Up, où il y avait une réunion
25:59 sur ce qu'on appelle le "chemo brain",
26:01 c'est-à-dire les effets secondaires de la chimiothérapie
26:03 qui vous embrument un peu le cerveau,
26:05 qui vous font faire des lapsus, ce qui m'arrive parfois,
26:07 ça c'est un effet secondaire.
26:09 J'ai pas trouvé mon compte, en fait.
26:11 D'ailleurs, dans cette réunion-là,
26:13 à mon initiative,
26:15 on s'est disputé en deux clans très clivés,
26:17 celles qui voulaient continuer à travailler,
26:19 celles qui voulaient arrêter de travailler,
26:21 ça a failli partir en pugilat.
26:23 - Merci vraiment pour ce témoignage.
26:25 On est avec Dominique,
26:27 qui voulait peut-être réagir,
26:29 qui nous écoute depuis quelques minutes.
26:31 Bonjour Dominique.
26:33 - Oui, bonjour Pascal.
26:35 - Vous habitez, je crois,
26:37 à Gironde.
26:39 - J'habite en Gironde, et je suis originaire
26:41 de Nantes.
26:43 - Bah écoutez, c'est de bonnes origines, forcément.
26:47 - Voilà, tout à fait.
26:49 - Est-ce que vous-même, vous avez été au contact
26:51 d'un cancer du sein ?
26:53 - Alors voilà, en ce qui me concerne,
26:55 j'ai eu un cancer du sein il y a un peu plus de 20 ans maintenant.
26:59 Voilà, que j'ai découverte toute seule.
27:01 J'ai été traité, comme l'a bien dit
27:03 votre interlocutrice tout à l'heure,
27:05 le fameux parcours du combattant.
27:07 La seule chose, c'est que moi,
27:09 une fois que je suis sortie de ce parcours,
27:11 j'ai décidé de m'engager,
27:13 de militer pour l'amont,
27:15 pour être en amont de la maladie,
27:17 c'est-à-dire pour le dépistage.
27:19 Voilà, et donc depuis 20 ans,
27:21 j'ai créé une association
27:23 et je fais partie de l'INCA
27:25 et je fais partie du centre régional
27:27 de dépistage en Gironde,
27:29 dans Nouvelle-Aquitaine,
27:31 pour faire savoir, inciter
27:33 et toujours sensibiliser les femmes
27:35 au dépistage,
27:37 c'est-à-dire celles qui reçoivent
27:39 cette fameuse invitation
27:41 entre 50 et 74 ans
27:43 pour aller se faire dépister.
27:45 Et je suis là,
27:47 pour aller se faire dépister.
27:49 Et je suis toujours catastrophée
27:51 quand j'entends et quand j'en récupère
27:53 les chiffres de taux de dépistage
27:55 et qu'on se dit "mon Dieu, il n'y a qu'une seule
27:57 femme sur deux en France,
27:59 dans la tranche 50-74 ans,
28:01 qui se fait dépister".
28:03 Et ce qui explique
28:05 le taux de mortalité encore
28:07 qui est relativement élevé,
28:09 12 000 décès par an, c'est quand même beaucoup.
28:11 C'est une femme toutes les heures
28:13 qui meurt du cancer du sein en France.
28:15 Alors qu'on a à disposition
28:17 des moyens
28:19 pour aller se faire dépister,
28:21 passer une mammographie régulièrement,
28:23 rester en bonne santé
28:25 et ensuite on continue.
28:27 Et puis, si on ne trouve quelque chose
28:29 à un stade précoce,
28:31 et bien, effectivement,
28:33 on a tout ce qu'il faut au niveau
28:35 chirurgie, au niveau médicaments.
28:37 - Alors comment on explique cette réticence ?
28:39 Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ont simplement,
28:41 quand ils sont en bonne santé,
28:43 ils n'ont pas envie de passer un PET scan,
28:45 ils n'ont pas envie de savoir quelque chose.
28:47 C'est une sorte de peur
28:49 ou de superstition
28:51 qui peut exister.
28:53 - Non, parce que j'allais dire, est-ce qu'on n'a pas peur
28:55 justement de l'appréhension du résultat ?
28:57 - Bien sûr, et c'est idiot.
28:59 Bien sûr, c'est idiot, parce que
29:01 si on anticipe, c'est mieux.
29:03 - Le premier frein, c'est la peur.
29:05 Et effectivement, quand je rencontre,
29:07 puisque je bouge beaucoup dans ma région,
29:09 je fais beaucoup de manifestations,
29:11 et quand on me dit "non, je ne veux pas savoir,
29:13 je ne veux pas savoir", je dis "mais vous vous rendez
29:15 compte que vous avez peur,
29:17 mais si par hasard, dans un an, dans deux ans,
29:19 on vous trouve quelque chose, ça va très évoluer,
29:21 mais ce n'est pas une peur que vous allez avoir,
29:23 ça va être affreuse le parcours...
29:25 - Mais Dominique, je sais,
29:27 on peut tous passer un PET scan.
29:29 Moi je connais des médecins
29:31 qui me disent "viens passer un PET scan"
29:33 et je suis comme tout le monde,
29:35 j'ai la trouille,
29:37 c'est ça la vérité, j'ai la trouille,
29:39 et je dis "vais pas",
29:41 et je peux citer...
29:43 - Mais la trouille, elle n'est pas le danger !
29:45 - Je vous dis hélas,
29:47 comment je suis, je n'en suis pas très fier,
29:49 mais j'imagine qu'effectivement,
29:51 c'est une erreur, parce que le PET scan,
29:53 on est d'accord qu'on voit tout,
29:55 on peut rappeler précisément ce qu'est un PET scan.
29:57 - C'est un scanner ultra précis,
29:59 avec un produit de contraste qui permet de voir
30:01 toutes les cellules qui absorbent trop vite le glucose,
30:03 c'est le cas des cellules cancéreuses.
30:05 - Donc si vous avez un cancer de n'importe quel
30:07 endroit du corps,
30:09 avec un PET scan, on sait immédiatement tout.
30:11 Bon, ben, il faut y aller.
30:13 - Là en l'occurrence, pour le cancer du sein,
30:15 c'est une mammographie qui est avancée.
30:17 - Oui, bien sûr.
30:19 - Donc c'est plus simple. Alors je sais que vous avez des femmes
30:21 qui vous disent "ah non, ça fait trop mal,
30:23 je ne veux pas qu'on me comprime le sein, je ne vais pas".
30:25 - Non, non, ça c'est pas douloureux.
30:37 - Mais surtout, moi ça me fait tellement mal au cœur
30:41 de savoir qu'il y a autant de femmes
30:43 qui ne se font pas dépister,
30:45 qui n'y vont pas, parce que
30:47 "c'est ma môme, parce que j'ai peur, parce que je ne veux pas savoir,
30:49 parce que je ne suis pas malade".
30:51 - "Doux octobres roses" de Bénix.
30:53 - Voilà, voilà. Donc, tous les gens depuis 20 ans,
30:55 je m'habille en rose, je vais sur le terrain,
30:57 je marche, je cours,
30:59 je vais à des concerts,
31:01 et on fait plein de choses.
31:03 Et là, dans 15 jours,
31:05 sur les quais de Bordeaux, nous serons 20 000 personnes,
31:07 tous en rose, pour le dépistage du cancer du sein.
31:09 Mais il faut, il faut, il faut
31:11 qu'elles comprennent, ces femmes,
31:13 que c'est pour elles.
31:15 Vous parliez, la jeune femme tout à l'heure
31:17 parlait de ses enfants, parlait de tout ça.
31:19 Mais moi, quand j'ai eu mon cancer,
31:21 c'est pareil, il y a 20 ans,
31:23 on n'avait pas tout ce qu'on a aujourd'hui.
31:25 Ma première idée, ça a été "mais mon Dieu,
31:27 je ne vais pas voir ma fille se marier,
31:29 je ne vais pas voir mes petits-enfants".
31:31 Bon, 20 ans après,
31:33 mes enfants sont mariés,
31:35 j'ai quatre petits-enfants, et voilà.
31:37 Mais je me suis fait suivre,
31:39 je me suis fait d'équipe.
31:41 - Dominique, merci, et pour aller dans le sens
31:43 de ce que vous dites, moins d'une femme sur deux,
31:45 on fait une mammographie de dépistage
31:47 organisé du cancer de sein
31:49 2021-2022.
31:51 Merci beaucoup, Dominique,
31:53 et merci de votre énergie que vous transmettez.
31:55 Il est 12h42,
31:57 Virginie Giraud est avec nous.
31:59 Virginie, votre programme,
32:01 samedi et dimanche ? - Alors, mon programme,
32:03 samedi-dimanche, de mémoire, on fait Asperger,
32:05 qui a été un médecin, donc qui a participé
32:07 à l'élimination des petits
32:09 handicapés pendant la période nazie
32:11 en Autriche, donc très joyeux.
32:13 Et dimanche, ça va être Vincent Van Gogh,
32:15 "De quoi est-il vraiment mort ?" et une interview
32:17 incroyable avec
32:19 Van Der Ven, qui est le plus grand spécialiste de Van Gogh.
32:21 - Parce que "De quoi est-il vraiment mort ?"
32:23 - Il s'est suicidé, mais certains ont raconté que c'était
32:25 peut-être un accident ou un meurtre,
32:27 donc on fait un petit peu la lumière sur ces différentes
32:29 pistes. - Et votre formation, vous avez dit
32:31 "Je suis docteur en histoire". - Exactement, je suis spécialiste
32:33 de l'Antiquité romaine, donc il n'y a pas que les
32:35 hommes qui pensent à Rome tous les jours.
32:37 - Bon, bah écoutez,
32:39 c'est
32:41 formidable, et on se retrouve pour
32:43 le dernier quart d'heure de l'émission. - Vous écoutez
32:45 Pascal Fraussuret revint.

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