Face au danger d'enlisement de la dette, quelles sources de financement alternatives pour le Maroc ?

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Invités de l'émission : MM. Youssef Salihi, Expert-comptable et Taib Aisse, Expert-comptable
Transcript
00:00 (Générique)
00:07 Et je suis ravi d'accueillir sur ce plateau Youssef Stalihi, expert comptable à ma droite.
00:12 Bonjour, ici Youssef. - Bonjour Adil.
00:14 - Et Taïb Eissam à ma gauche. Bonjour, c'est Taïb.
00:16 - Bonjour, c'est Adil. Bonjour, ici Youssef.
00:18 - Toujours un plaisir de vous accueillir et de débattre avec vous.
00:21 Alors, ce matin, vaste sujet, la dette.
00:24 Question très simple et directe. Est-ce que ce sujet vous inquiète directement ?
00:30 Est-ce que c'est une problématique qui, selon vous, n'est pas prise véritablement ou sérieuse à sa juste valeur au Maroc ?
00:37 Ou est-ce que le niveau d'endettement du pays actuellement est relativement acceptable ?
00:43 Youssef Stalihi.
00:44 - Pour moi, le Maroc n'est pas un cas isolé. Pour répondre directement à votre question, ça ne m'inquiète pas autant que ça.
00:52 Si vous voulez, pour commencer, parler un peu des chiffres, puisqu'on va parler d'endettement dans qui il le faut.
00:58 On est sur un niveau d'endettement de proximativement 1 000 milliards de dirhams.
01:04 - Si ça ne vous inquiète pas. - Si ça...
01:07 - T'es un optimiste. - Je vais essayer de défendre ma position.
01:15 Ce chiffre, si vous voulez, comme ça, qu'on n'arrive peut-être pas à mesurer à juste titre, il faut le rapporter au PIB.
01:22 Donc l'endettement, quand on parle d'endettement, bien sûr, l'encours de la dette publique ou la dette du trésor, pour être précis,
01:29 représente 71% du PIB. Est-ce que c'est inquiétant ? On va peut-être répondre à la question en parlant de la recommandation du FMI
01:41 qui parle d'un niveau d'endettement de 60% du PIB. Mais il faut contextualiser parce qu'on est en période de crise.
01:48 Donc généralement, et vous l'avez dit, on préambule en période de crise, on a tendance à recourir, si vous voulez, de plus en plus à l'endettement.
01:58 Maintenant, si on voit un peu les choses de manière macro, la moyenne d'endettement, c'est-à-dire si on prend la dette publique au niveau mondial,
02:07 représente plus ou moins, notez bien, 250% du PIB. Dans le détail, vous avez les États-Unis à 120% du PIB, la France, 110%.
02:18 Ça, c'est les pays, si vous voulez, développés. Après, si on prend quelques pays, les pays africains, par exemple, on prend l'Égypte, 88%,
02:27 avec la Tunisie, 88%. Vous prenez le Sénégal, l'Afrique du Sud, on est sur un niveau d'endettement, c'est un ratio d'endettement de 74-73%.
02:38 La dette, dont on a parlé de 1 000 milliards de dirhams, génère un service de la dette, approximativement, de 110 milliards de dirhams.
02:48 - C'est ce qui pose peut-être le plus problème pour certains, c'est justement les services de la dette, et non pas la dette en soi.
02:54 - Oui, 110 milliards de dirhams, ce qui représente plus ou moins le 1/3 des recettes publiques.
03:02 Et dans les 110 milliards de dirhams, vous avez 30 milliards d'intérêts. Vous avez posé la question "Est-ce que la dette est soutenable ?"
03:13 D'après les agences de notation, on dit que la dette est soutenable à partir du moment où les charges d'intérêts, ou les intérêts, ne dépassent pas 10% du PIB,
03:25 ce qui est loin d'être le cas de notre pays. Et d'autres, aussi pour appuyer mes propos, les 1 000 milliards de dirhams, vous avez dedans 76% de dette interne,
03:41 et vous avez plus ou moins 24% de dette externe.
03:45 - J'allais vous donner la parole, Taïbé Riss, mais je ne vais pas vous la donner tout de suite. Non pas parce que je ne vous aime pas,
03:50 mais parce qu'on m'a dit à l'instant que nous avons trois minutes de réclame. - Eh oui.
03:55 - Pas tous les jours qu'on a trois minutes de réclame. On se retrouve juste après la pub et les informations pour la suite du débat.
04:02 Et je vous donne la parole, Taïbé Riss, à la reprise. A tout de suite.
04:05 Il est 9h37 sur les ondes Atlantique Radio. La suite de votre émission Les Décodeurs ce matin avec Youssouf Salehi et Taïbé Riss.
04:12 On parle de la dette du Royaume du Maroc. Doit-on s'en inquiéter ? Et puis, avec cette question aussi,
04:18 quel mécanisme de financement innovant en temps de crise au-delà du recours systématique ou quasi systématique à l'endettement et à la dette extérieure ?
04:27 Et juste avant le flash info de Karim, Karim dans les noms, on pense à Karim, mais c'est Khaoula Zezer qui a présenté le flash info.
04:33 Juste avant le flash, Youssouf Salehi a exposé son point de vue sur la question. Et j'allais vous donner la parole, Taïbé Riss.
04:40 Globalement, ce qui revient de la prise de parole de Youssouf Salehi, c'est que bon, le niveau d'endettement, il est ce qu'il est, 71%.
04:49 Mais d'abord, on n'est pas les pires à l'échelle mondiale. Et c'est relativement acceptable compte tenu de ces temps de crise qui se sont enchaînés.
04:58 Vous, est-ce que vous êtes sur la même longueur d'onde ou est-ce que vous avez un avis différent ? Est-ce que cette question de la dette vous inquiète ?
05:05 Oui, ça m'inquiète, effectivement. Mais ça devrait surtout inquiéter nos enfants, parce que c'est les enfants qui vont la payer, finalement.
05:12 Et puis la dette nous rappelle des événements, de tristes événements. Et il faut savoir que le Maroc a été colonisé en 2012 à cause de la dette,
05:24 parce qu'il avait une dette envers la France. Et donc il a été colonisé à cause de ça.
05:29 Expliquez, parce que vous y allez fort quand même. Le Maroc a été colonisé. Éteignez votre propos.
05:35 L'origine du protectorat, c'est que le Maroc avait une dette envers la France.
05:41 Vous parlez de 1912 ? Je pensais que vous avez dit que le Maroc était colonisé en 2012.
05:45 Non, 1912.
05:46 Je crois que vous avez dit 2012. C'est pour ça que j'ai réagi. Donc 1912.
05:49 Heureusement. Non, non. Ça fait un siècle. Ça fait un siècle quand même. Donc la colonisation a été faite.
05:54 Le protectorat, justement, était venu parce que le Maroc n'arrivait pas à rembourser sa dette, qui était d'ailleurs un petit montant.
06:02 Enfin, un petit montant maintenant, mais à l'époque, c'était un grand montant.
06:07 Et donc c'est suite à cette dette que le Maroc n'avait pas pu rembourser que le protectorat avait débuté.
06:15 Et plus récemment, on a en mémoire le plan d'ajustement structurel.
06:19 En 1980, suite justement à des problèmes au niveau des finances de l'État, parce qu'en fait, l'État,
06:26 durant les années 70, avait un programme. On avait le phosphate qui était florissant.
06:31 Donc on avait un cours très, très intéressant. Et donc les pouvoirs publics à l'époque avaient fait des programmes d'investissement très,
06:37 très importants en infrastructures, etc. Et puis du jour au lendemain, le phosphate a chuté.
06:43 Donc le prix de phosphate a chuté suite à la crise à l'époque. Et du jour au lendemain, on s'est retrouvé avec une dette importante
06:50 vis-à-vis justement de la Banque mondiale et des fonds monétaires internationales, ce qui a entraîné donc l'incapacité du Maroc de rembourser.
06:59 Et quand vous remboursez pas, il y a le PAS qui est arrivé. Et qui a sanctionné les finances de l'État.
07:04 Et toute la société marocaine a été changée à cause des 10 années du PAS.
07:09 C'était des temps, effectivement, très difficiles. Une fois qu'on a dit ça...
07:12 Et c'est là où on a sacrifié la santé et l'éducation des Marocains.
07:16 Comme vous le rappelez à chaque fois. Une fois qu'on a dit ça, aujourd'hui, quel est le parallèle que vous faites justement entre
07:22 précisément cette période des années 80 et ce plan d'ajustement structurel et la situation actuelle où le niveau d'endettement
07:29 n'est peut-être pas aussi inquiétant qu'il ne l'était à l'époque. Mais pourquoi vous y voyez un parallèle ou un rapprochement
07:36 entre ce qui s'est passé il y a 40 ans et ce que nous vivons aujourd'hui au niveau de la dette au Maroc ?
07:40 - Vous savez, la banque, elle vous prête quand il fait beau. Elle vous donne un parapluie quand il fait beau.
07:49 Et elle vous l'enlève quand il pleut. C'est ça, en fait, le problème. Quand vous avez de l'argent, tout le monde vous prête.
07:55 Et dès que vous avez des problèmes, tout le monde arrête le robinet.
07:57 - Donc vous emprunter de l'argent, c'est à vous aussi de bien gérer cet argent que vous empruntez.
08:01 - Exactement. J'entends bien. Vous avez tout à fait raison.
08:04 - C'est toujours le même débat avec vous. C'est pas un côté "FMI, la banque mondiale, ce sont les méchants",
08:08 mais de l'autre les pays qui empruntent, qui sont les pauvres démunis face aux géants de la finance mondiale.
08:14 - Non, non, non. Je ne parle pas de méchants ni de gentils. Là, c'est une question de politique publique.
08:19 Donc quand vous êtes en dette, tant que vous arrivez à rembourser, ça va. Quand vous n'arrivez pas, vous n'arrivez plus à rembourser.
08:27 - C'est le jeu. - Ça ne va plus. Et donc il faut faire attention.
08:30 C'est pour cela que je dis toujours que la dette, il faut bien la gérer.
08:34 Ça veut dire quand on est endetté, surtout vis-à-vis de l'étranger, il faut que cette dette aille aux projets qui sont rentables
08:44 et qui peuvent justement, grâce à cette rentabilité interne de ces projets, rembourser la dette et le service de la dette, c'est-à-dire les intérêts.
08:55 Quand vous empruntez à des taux qui varient de 4 à 6 %, aujourd'hui c'est le taux globalement, c'est entre 4 et 6 % au niveau international,
09:06 il va falloir que le taux de rentabilité interne de ce projet soit au moins égal ou supérieur à ce taux, ce qui n'est pas toujours le cas.
09:17 Donc là, c'est un premier problème vis-à-vis de la dette externe. Et là, j'ouvre un chapitre qui est très intéressant et qu'on oublie souvent.
09:27 - Lequel ? - C'est que justement, nous avons deux sortes de dettes. Nous avons une dette interne et une dette externe.
09:33 Globalement, on dit qu'il ne faut pas avoir la dette externe. On voit justement le danger qui vient de la dette externe, ce qui est vrai,
09:40 parce que justement, c'est une question de souveraineté vis-à-vis... - Elle représente aujourd'hui 26 %.
09:45 - Donc, elle représente aujourd'hui globalement 26 %, mais la dette interne, elle est importante. Et le danger de la dette interne, c'est quoi ?
09:54 C'est que justement, l'État, quand il emprunte aux institutions financières nationales, il fait la concurrence aux entreprises industrielles et de services qui produisent.
10:04 Donc l'État est en concurrence avec ces entreprises-là. Comment ? Au niveau de la finance, quand vous avez une entreprise,
10:10 vous voulez emprunter à une institution financière, l'institution financière, elle préfère prêter à l'État, qui est sûr, qui est garantie, etc.,
10:18 plutôt que de prêter aux entreprises. Donc là, on casse notre tissu économique et on va vers une économie de rente où les grandes institutions financières du pays,
10:29 au lieu d'emprunter à l'économie réelle, industrielle, de services qui produisent, de la valeur ajoutée, qui créent des emplois,
10:35 ils vont tout simplement prêter à l'État parce que l'État, c'est plus sûr, parce que l'État, c'est garantie.
10:40 Et donc, au lieu de prendre ce risque, parce que justement, l'économie, c'est surtout un risque, c'est surtout la prise de risque,
10:45 et le travail des banquiers, c'est surtout la prise de risque. Mais quand vous avez une aubaine sans risque, garantie, vous allez vers cette aubaine.
10:54 Et donc là, en concurrence, les entreprises qui produisent. Et du coup, on casse notre économie. Et du coup, les impôts qu'on va récolter dans les années à venir
11:04 vont être moindres. D'ailleurs, les finances publiques aujourd'hui, au niveau de la recette fiscale, ils ne couvrent que 55%, entre 50 et 55% des dépenses publiques,
11:16 ce qui est très peu. Sachant que le Maroc n'est pas un pays qui produit autre chose que du pétrole, du gaz, etc. Donc, la recette principale, c'est les impôts.
11:28 Et donc, pour justement développer les impôts, qu'est-ce qu'il va falloir faire ? Il va falloir développer notre système économique, notre système industriel,
11:35 les entreprises, notamment les PME, les petites et moyennes entreprises, qui génèrent justement du cash et qui produisent des impôts et qui produisent aussi de la main d'œuvre,
11:45 surtout qui créent de la main d'œuvre. Et donc, quand l'État va concurrencer ces entreprises au niveau du financement, on va les asphyxier et on va justement réduire leur croissance.
11:54 Et là, c'est le danger. Donc, vous voyez, il y a plusieurs dangers au niveau de la dette.
11:58 – Oui, j'adhère à cette position, mais que faire ? Rappelez-vous un peu des chiffres de l'année 2023. Le niveau des dépenses de mémoire, il était plus ou moins dépense publique.
12:11 On était sur à peu près 490 milliards de dirhams. En face, on avait des recettes globales de presque 300 milliards de dirhams.
12:23 Donc, 80 à 90% sont des recettes fiscales, ce qui génère un déficit de presque 100 milliards de dirhams. Que faire pour financer ce déficit ?
12:34 – Justement, il faut développer le tissu économique.
12:36 – Oui, financer ce déficit. À mon avis, le problème, il ne faut pas voir la solvabilité d'un État comme la solvabilité d'une entreprise.
12:44 Ce n'est pas pareil. L'État est éternel. Tant que l'État lève de l'impôt, il est la dette de vie.
12:52 – Vous avez raison. L'entreprise qui fait faillite, elle disparaît du jour au lendemain.
12:55 – Un État qui fait faillite, il ne disparaît pas forcément.
12:58 – Mais si, un État qui fait faillite…
13:00 – Dans les années 80. On va encore refaire le débat.
13:02 – Un État qui fait faillite, il perd sa sobriété.
13:04 – Oui, mais justement, dans les années 80, le Maroc était en faillite.
13:07 – Il a perdu sa sovriété.
13:09 – Il a perdu momentanément sa sovriété financière, qu'il a retrouvée par la suite.
13:12 – Pas momentanément. En fait, les séquelles du pass, on continue à les vivre au niveau de l'éducation,
13:17 au niveau de la santé, au niveau des infrastructures sociales.
13:19 – Oui, mais ce n'est pas comparable. L'exemple qui a été donné par Ayouss Salehi est très juste.
13:24 Parce qu'effectivement, on ne peut pas comparer la solvabilité d'une entreprise qui disparaît littéralement du jour au lendemain.
13:30 Le Maroc n'a pas disparu du jour au lendemain, même si effectivement, on a eu un passage…
13:34 – Mais une entreprise ne disparaît pas. Même une entreprise ne disparaît pas.
13:37 Il change de main. Quand une entreprise fait faillite, il y a un reprenant qui va la reprendre.
13:42 – Pas toujours le cas, mais moi, l'idée, c'est de dire que la notion d'endettement,
13:47 c'est une notion, mais je pense que vous l'avez soulevée tout à l'heure,
13:50 c'est quelque chose qui rentre dans le cycle, je dirais, naturel et normal.
13:55 – Il ne faut juste pas en abuser. – C'est ça.
13:57 – Et il y a ce qu'on appelle, vous en avez parlé tout à l'heure, l'effet de levier.
14:03 Quand, par exemple, vous voulez investir en immobilier, vous allez être endetté,
14:10 vous allez payer des traites à hauteur de 5 000 dirhams.
14:13 Si vous arrivez à louer ce même bien à 6 000 dirhams, vous créez de la richesse.
14:17 C'est pour ça, tout à l'heure, quand j'ai parlé de 120% de PIB,
14:21 des chiffres qui peuvent peut-être donner le tournis,
14:23 mais c'est des dettes qui sont soutenables à partir du moment
14:27 où vous avez une devise ou une monnaie qui est forte,
14:30 ce qui est le cas des États-Unis,
14:32 et vous avez un niveau de croissance qui est régulier et soutenu.
14:36 C'est ça la nuance à faire.
14:38 Pour nous, je pense que la dette reste quand même dans des niveaux qui sont acceptables
14:42 en comparaison avec les autres pays, et bien sûr en contextualisant,
14:48 parce qu'il ne faut pas oublier qu'on est en train de traverser une période de crise,
14:51 mais peut-être qu'on va en parler tout à l'heure,
14:54 oui, il faut peut-être penser à une alternative,
14:56 trouver d'autres sources de financement.
14:59 Mais je vois mal comment combler ce déficit avec...
15:07 Il y a des moyens, on peut en parler,
15:08 par exemple, vous avez ce qu'on appelle les PPP, les partenariats publics privés.
15:13 - C'est la dette ? - Oui, mais...
15:15 - La dette maquillée ?
15:17 - Ce n'est pas nécessairement des dettes maquillées,
15:19 parce qu'effectivement, par exemple, pour expliquer les PPP,
15:22 vous faites appel à une société de...
15:23 - Partenariat public privé. - C'est ça, partenariat public privé.
15:26 Vous faites appel à une société qui va faire, par exemple,
15:28 assurer un service public, etc.
15:31 Mais j'essaie juste de mettre...
15:33 - Mais là aussi, au niveau des PPP, pardon, M. Youssef,
15:36 je suis d'accord avec ce que cela dit,
15:38 mais au niveau des PPP, c'est un endettement maquillé,
15:43 mais aussi qui, en quelque sorte, l'État va perdre une partie de sa souveraineté.
15:48 Quand vous donnez un aéroport ou un port en PPP,
15:51 l'État va perdre sa souveraineté sur ce port ou sur cet aéroport.
15:55 Donc il va le perdre pendant 20 ans,
15:57 il va le récupérer par la suite, mais pendant 20 ans,
15:59 c'est arrivé même dans des pays occidentaux.
16:03 Il y a les Chinois qui ont pris des ports en Grèce et ailleurs,
16:08 et qui le gèrent, ça veut dire que ça devient un territoire chinois,
16:12 même si c'est en Grèce, et qui le gère.
16:14 - Ça c'est une lecture du PPP, mais une fois qu'on a dit ça...
16:16 - Non, c'est la réalité du PPP.
16:17 - Oui, mais c'est votre lecture du PPP.
16:19 Certains estiment que ce n'est pas le cas.
16:20 Mais une fois qu'on a dit ça, et la question au fond,
16:22 la plus importante, c'est justement quelles alternatives à la dette ?
16:26 Si effectivement, il ne faut pas abuser de la dette,
16:28 qu'il y ait des dangers inhérents à la dette,
16:30 quelles alternatives au-delà ?
16:32 Parce que vous avez dit qu'il faut dynamiser l'économie pour,
16:34 effectivement, ce que vous avez dit tout à l'heure,
16:37 pour générer de l'impôt, pour générer de revenus.
16:41 Mais au-delà de ça, pour avoir un financement,
16:43 par exemple, dans l'immédiat, il y a le PLF 2024 qui est en préparation.
16:47 Il y a un budget qui doit être mobilisé pour l'année à venir.
16:51 Si, par exemple, je dis n'importe quoi,
16:54 on n'a pas toutes les ressources nécessaires pour l'exercice fiscal qui vient.
16:58 Il y a un choix, une option, celui de la dette,
17:01 le choix, entre guillemets, de la facilité à travers les lignes de crédit
17:04 auprès du FMI ou autre institution.
17:06 Si on ne veut pas opter pour ce choix de la dette, qu'est-ce qu'on fait ?
17:09 - Il y a deux choses à faire à ce niveau-là.
17:11 Déjà, des choses basiques.
17:14 La première, évidemment, c'est d'augmenter l'activité économique,
17:16 comme j'avais expliqué, et donc pour générer des impôts
17:20 et également créer des emplois.
17:23 - Mais ça, ce n'est pas une mesure concrète ?
17:25 - Non, ce n'est pas un bout.
17:26 Oui, augmenter l'activité économique, ça prend du temps.
17:30 Ça prend 5, 10, 20, 30 ans.
17:32 Mais dans l'immédiat, je vous donne un exemple concret.
17:35 Il y a un projet de loi de finances à préparer dans quelques semaines,
17:38 quelques mois. On a besoin d'un financement.
17:40 Si on n'a pas recours à la dette pour combler le manque potentiel qu'on a,
17:45 qu'est-ce qu'on fait ?
17:45 - Justement, si vous me permettez, il y a deux choses.
17:48 Il y a des choses qui sont structurelles, il faut les gérer.
17:50 Et puis, il y a des choses qui sont techniques.
17:52 Maintenant, ce que vous me demandez, c'est technique.
17:53 J'ai une loi de finances à préparer.
17:57 Comment je fais techniquement, rapidement ?
17:59 Non, je parle structurellement.
18:01 Donc, la première chose, c'est d'augmenter l'activité de l'État.
18:05 Et pour cela, il va falloir encourager le tissier économique,
18:12 encourager les entreprises qui vont créer de la richesse, l'investissement, etc.
18:16 Effectivement, tout ça, ça crée des emplois, ça crée de la richesse,
18:19 ça crée aussi des impôts et ça renfloue les caisses de l'État.
18:22 Ça, c'est le premier. - Quand c'est déclaré, oui.
18:25 - Bien sûr, heureusement.
18:27 Le deuxième... - Je fais déjà la transition.
18:29 - Merci, merci de le rappeler.
18:31 Alors, le deuxième volet, c'est de réduire le gaspillage au niveau de l'État.
18:35 Une grande partie de ce qu'on finance,
18:37 et on en prend pour le financer, c'est du gaspillage.
18:40 Donc, au niveau de l'État, il va falloir faire, donc, optimiser les dépenses,
18:44 vraiment orienter les dépenses.
18:46 Chaque diram des Marocains compte.
18:49 Il faut les mettre là où ça génère une richesse pour les Marocains.
18:53 C'est ça, ce qui est important.
18:55 Déjà, quand on dégraisse l'État, on réduit le budget,
19:01 on réduit les dépenses et on réduit, du coup, le besoin de financement de ces recettes,
19:07 enfin, de ce budget.
19:09 Et donc, on n'a plus besoin d'emprunter.
19:12 Voilà. Donc, là, déjà, c'est ça, ce qui est basique.
19:14 - On va parler du cash. On va parler du cash.
19:16 Il nous reste moins de 10 minutes.
19:17 C'est le deuxième sujet programmé aujourd'hui.
19:20 Bon, sans piterner le problématique du cash au Maroc.
19:23 On a des récents chiffres qui nous montrent à quel point, effectivement,
19:27 ce phénomène est très, très présent au Maroc.
19:31 D'un mois sur l'autre, le cash en circulation progresse de 1,1 milliard de dirhams en août 2023 au Maroc
19:38 pour atteindre 384 milliards de dirhams.
19:42 Et sur l'ensemble de l'année, eh bien, sur une année, en tout cas, la circulation,
19:47 ou en tout cas, le cash en circulation au Maroc a progressé de 40 milliards de dirhams.
19:51 C'est-à-dire qu'en 12 mois, 40 milliards qui ont circulé
19:55 et qui sont ajoutés aux milliards déjà présents.
19:58 Bon, c'est une problématique qu'on évoque à plusieurs reprises à chaque fois
20:02 et qu'on corrèle à plusieurs autres problématiques,
20:05 comme la corruption, comme la non-déclaration de certaines activités,
20:10 dans certaines professions, l'informel, etc.
20:14 Et là aussi, on a l'impression, j'ai l'impression, il y a des sujets comme ça.
20:17 J'ai l'impression qu'on a beau en parler, comme la réforme de la fiscalité.
20:21 Ça fait des décennies qu'on en parle.
20:24 On peut en parler, relancer le débat, poser toutes les questions qu'on veut,
20:28 avoir même les réponses à toutes les questions, mais rien ne change.
20:32 - Rien ne change. Même ici, on en a parlé à plusieurs reprises.
20:35 On a parlé de cette problématique du cash, mais il faut des mesures phares.
20:40 Mais je vais vous étonner en disant qu'il y a même,
20:43 ils ont proposé de faire des assises sur l'informel,
20:47 parce que le fléau du cash est extrêmement lié à l'informel.
20:53 Contrairement à ce que pourrait penser notre ami...
20:55 - Non, mais vous avez tous les deux raison, mais je crois qu'il y a un peu le curseur là où...
20:59 - Moi, je pense que c'est extrêmement lié.
21:02 Je rappelle juste un chiffre.
21:04 - Lise dans ma peinture, les pensées.
21:06 - Je rappelle juste un chiffre. On est sur les paiements qui sont faits,
21:10 enfin les paiements, 74% des paiements sont effectués en cash dans notre pays.
21:14 - 90% des opérations réalisées par les cartes bancaires marocaines,
21:18 des clients marocains, c'est du retrait de cash. 90%.
21:21 - Donc c'est un fléau qui a vraiment la peau dure.
21:24 Si on se compare à d'autres pays, il y a même des pays cashless,
21:27 il n'y a pas de cash qui circule,
21:28 il y a des pays qui sont à des niveaux de 5% d'utilisation du cash.
21:31 Mais il faut revenir un peu aux origines.
21:33 Moi, je pense aussi que c'est très culturel,
21:37 que c'est profondément enraciné dans notre culture,
21:40 dans notre inconscient, dans nos habitudes de consommation.
21:44 La détention du cash a peut-être une connotation liée au pouvoir.
21:49 C'est quelque chose qui rassure.
21:52 Parfois même dans des patelins ou dans des zones qui sont éloignées,
21:57 il n'y a vraiment pas d'accessibilité parce qu'ils n'ont pas le choix.
22:01 Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a un problème d'inclusion financière.
22:06 Le niveau de bancarisation est très bas, oui, c'est vrai.
22:09 Il y a aussi le coût des transactions financières qui est parfois élevé
22:13 sur les virements, etc.
22:14 Mais il ne faut pas oublier que le cash, à mon avis, c'est extrêmement lié.
22:20 On ne peut pas parler du cash sans parler de l'informel.
22:22 Quand vous êtes chez un prestataire, il vous demande pour ne pas citer de nom,
22:28 il vous demande, il exige, pas il demande, il exige un paiement en cash.
22:34 Là, on se dit que vraiment, on ne peut pas dissocier les deux.
22:39 On ne peut pas dissocier les deux.
22:41 Après, il y a un cash qui est généré par exemple, vous avez cité tout à l'heure,
22:46 je pense, vous avez parlé des MRE.
22:48 Oui, quand il y a des transferts des MRE.
22:50 - Je n'en ai pas parlé, mais je l'ai salué.
22:53 - Je l'ai salué aussi.
22:54 Donc, les transferts des MRE aussi, c'est essentiellement des retraits,
22:59 soit des retraits au niveau des établissements de transferts.
23:03 Vous avez aussi l'activité touristique qui génère beaucoup de cash.
23:06 Donc, il n'y a pas uniquement l'économie souterraine, si vous voulez,
23:13 mais il y a aussi d'autres circuits qui génèrent du cash.
23:16 Maintenant, les solutions, peut-être on peut en parler après.
23:19 - Après, ce sera fini à Taillebert. Il reste trois minutes.
23:23 - En fait, le cash, c'est effectivement une problématique,
23:27 mais qu'il y a en cash d'autres problématiques.
23:29 La première, en fait, c'est tout un système.
23:32 Je ne pense pas que ce soit culturel.
23:34 On ne va pas dire que les Marocains aiment le cash, on n'aime pas le cash.
23:37 Je ne pense pas. En fait, c'est un système...
23:38 - Moi, je pense qu'il a raison.
23:42 Après, ça, on l'a compris.
23:45 Pas besoin de le répéter mille fois.
23:47 - Il a raison sur beaucoup de choses, mais pas sur ça.
23:50 - Je crois savoir pourquoi vous êtes réticent à cette idée
23:53 que le fait que les gens aiment le cash soit une notion culturelle,
23:57 parce que vous, vous associez le cash à la corruption.
23:59 Et là, pour le coup, je vous rejoins et je dis que la corruption n'est pas culturelle.
24:03 - Oui, bien sûr.
24:05 - Mais elle est favorisée par un certain nombre d'éléments.
24:08 - Je vais vous dire pourquoi je ne dis pas que c'est culturel.
24:10 Parce qu'en fait, quand on dit que c'est culturel,
24:12 pour moi, il y a un peu de racisme.
24:14 Pour dire que tel peuple a telle culture, etc.
24:16 Je ne pense pas que ce soit le cas.
24:18 - C'est du racisme. Qu'est-ce que vous racontez ?
24:19 Il y a des gens qui aiment le cash.
24:22 - Non, non, non.
24:23 - Vous voyez du racisme partout.
24:25 - Mais non, quand vous dites qu'un peuple aime le cash...
24:28 - Les Marocains, d'une manière générale, allez vous balader dans les souks.
24:32 Ils ont des liasses de billets pour faire leurs courses.
24:34 Ce n'est pas raciste que de dire ça.
24:36 Allez faire un tour à Derbrelleuf, on achète tout avec du cash.
24:41 - Youssouf l'a rappelé parce que l'économie marocaine est bancarisée à moins de 50%.
24:48 Donc c'est un système qui oblige à avoir cette culture.
24:52 - Ce n'est pas raciste que de dire que les gens aiment le cash.
24:56 Je reste sur ça parce que je n'arrive pas à comprendre votre logique.
24:58 - C'est lent à expliquer, mais...
25:00 - On le fera après l'émission.
25:01 - On le fera après l'émission, je vous expliquerai.
25:03 Mais globalement, je pense que c'est un système qui crée des pratiques culturelles.
25:13 Donc quand un Marocain va dans un pays européen, il travaille avec les moyens monétiques existants.
25:22 - Pas forcément.
25:25 - Globalement.
25:26 - Non, vous changez vos dirhams en devises et vous utilisez du cash
25:30 parce que vous aimez utiliser le cash.
25:32 - Oui, mais ça dépend. Quand vous avez un pays où il y a la possibilité d'utiliser le cash...
25:36 Si vous allez en Chine maintenant, vous allez tout payer par votre téléphone portable.
25:42 - Alors pourquoi le cash est aussi prédominant au Maroc ?
25:46 Si ce n'est pas culturel, si ce n'est pas...
25:48 - Justement, comme j'essaie de vous expliquer, c'est que justement il y a tout un système qui le fait.
25:54 D'abord, il y a la bancarisation qui n'est pas généralisée.
25:58 Il y a le paiement par mobile, par téléphone, qui n'existe pas.
26:04 - Parce qu'on ne veut pas le faire.
26:06 Le Kenya, je suis désolé, tous les agriculteurs kényans utilisent le mobile money.
26:11 Il y a une réticence au Maroc à démocratiser l'accès aux nouveaux moyens de paiement.
26:17 - Donc ce n'est pas culturel.
26:19 C'est un système qui ne veut pas se mettre en place.
26:22 Pourquoi ? Parce qu'il y a des intérêts derrière.
26:23 Parmi les intérêts, vous l'avez bien dit, c'est Aadine.
26:27 - Oui, c'est Taïb. Il est 10h.
26:30 Malheureusement, c'est la fin de l'émission.
26:33 Nous allons rendre l'antenne, mais on va poursuivre le débat, vous et moi.
26:36 - Avec grand plaisir, c'est rami.
26:38 - Taïb et Aïs, merci beaucoup.
26:39 Youssouf Salehi, merci beaucoup.
26:42 Toujours un plaisir d'échanger avec vous.
26:43 Le temps nous manque.
26:45 C'est vrai que ce n'est pas assez, mais bon, on va essayer de se rattraper la prochaine fois.
26:49 Mourad Baba prendra le relais dans quelques secondes pour le flash d'informations en langue arabe.
26:53 Bonne fin de journée à l'Écoute d'Atlantique.
26:55 ...