• il y a 3 semaines
Dans un paysage politique souvent marqué par des échanges convenus et sans relief, la lettre ouverte d’Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques, adressée à Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, fait figure d’exception. Dense, réfléchie et porteuse de messages philosophiques et politiques d’une rare profondeur, cette missive dépasse le cadre d’une simple réponse à une critique. Elle nous interroge sur les fondements de notre rapport à la chose religieuse.
Face à la plume érudite et incisive de Toufiq, la réponse de Benkirane, mesurée et limitée philosophiquement, déçoit par son manque de densité intellectuelle. Là où le ministre des Habous livre une réflexion d’envergure sur la complexité du modèle marocain, le chef de fil du PJD répond sur des détails futiles et évite le débat de fond.
Que doit-on retenir de cette joute épistolaire éphémère ?

Aziz Boucetta, journaliste politique fondateur de Panorapost
Brahim Rachidi, membre du bureau politique de l'USFP

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Transcription
00:00Le débat sur la laïcité s'est poursuivi chez nous la semaine dernière, quand Ahmed
00:11Taufiq a décidé de prendre sa plume pour exprimer, une bonne fois pour toutes, le fond
00:16de sa pensée.
00:17Sa lettre ouverte adressée à Abdelrahman Kirain résonne comme une symphonie entre
00:20mouvements.
00:21D'abord, une défense de son propos initial sur la laïcité à la marocaine, ensuite
00:26une mise en garde, subtile, contre l'instrumentalisation de la religion, et enfin une charge à peine
00:32voilée contre une certaine posture politique qu'incarne vraisemblablement le destinataire
00:37de la lettre.
00:38Érudit et précis, le ministre des Habousses a rédigé une missive qui transcende l'échange
00:42personnel pour devenir un texte à double destinataire.
00:44Son interlocuteur direct, bien évidemment Abdelrahman Kirain, mais aussi l'opinion
00:49publique qu'il prend à témoin et qui est, comme on le sait, avide d'interprétation
00:54et d'analyse en tout genre.
00:56Grâce à lui, l'ancien chef de gouvernement a choisi une réponse mesurée, empreinte
01:00de respect et d'un brin de nostalgie pour les années de collaboration passées.
01:04Mais ce qui est saisissant dans cette joute épistolaire, c'est le contraste.
01:08Là où Ahmed Taufiq Mani a un langage soutenu pour adresser des messages politiques percutants,
01:12Abdelrahman Kirain opte pour une simplicité désarmante.
01:16Le premier élève le débat sur la laïcité et la religion à une réflexion philosophique
01:21quand le second recentre la discussion sur l'humain, la relation personnelle et les
01:24malentendus d'une banalité sans nom.
01:26Je dois vous avouer que ma déception était à la hauteur de l'attente qui était la
01:30mienne, celle d'avoir peut-être enfin une élévation du débat politique dans la médiocrité
01:34ambiante.
01:35Au final, le secrétaire général du PJD n'a pas su, n'a pas pu ou n'a pas voulu
01:39tout simplement élever son niveau pour égaler celui de son interlocuteur.
01:43Ceci n'est que mon sentiment, mais peut-être qu'il n'est pas partagé par mes deux interlocuteurs
01:47du jour, Aziz Bousta et Ibrahim Rachidi.
01:50Que retiennent-ils de cette joute épistolaire éphémère ? Eh bien, vous le saurez d'abord.
01:54Dans quelques instants, juste après le point info de 8h45.
01:57Les Décodeurs d'Atlantique, matin, nous sommes ensemble jusqu'à 9h30 avec Ibrahim
02:02Rachidi à ma gauche, maître Ibrahim Rachidi, avocat et membre du bureau politique de l'USFP.
02:08Bonjour, c'est Ibrahim.
02:09Bonjour, c'est Adil.
02:10Bonjour, c'est Aziz.
02:11C'est Aziz Bousta à ma droite, mon confrère journaliste politique, fondateur du média
02:14Panorapas.
02:15Bonjour, c'est Aziz.
02:16Bonjour.
02:17Alors, on va poursuivre le débat que nous avions commencé la semaine dernière.
02:22Cette joute épistolaire qui a marqué la semaine dernière et bon, je vous ai en quelque
02:29sorte donné mon sentiment par rapport à la lecture de la lettre initiale d'Ahmad Tawfiq
02:34et la réponse d'Abd-Ilha Ibn Kiren.
02:37Est-ce que vous partagez ce sentiment ou pas ?
02:38Quel sentiment ?
02:39Le sentiment que j'ai décrit en introduction, maître Ibrahim Rachidi.
02:42C'est Adil.
02:43D'habitude, vous êtes gentil, mais là, vous êtes un petit peu excessif.
02:47Ah, mais je suis toujours gentil, moi.
02:48Ah, non, non.
02:49Je pense que monsieur Ibn Kiren a bien précisé sa pensée dans un débat avec les cadres
02:56du parti du PJD.
02:57Il leur a dit, j'ai essayé de résumer un peu sa vidéo, il leur a dit tout simplement
03:03que c'est un rééquilibrage de sa pensée.
03:05Donc, il clarifie davantage sa pensée et il dit que...
03:09Juste une petite précision, là, vous faites référence à sa prise de parole ce week-end
03:12lors de la réunion ordinaire du secrétariat général du PJD.
03:16Exactement, voilà, exactement.
03:18Il leur a dit tout d'abord qu'il avait beaucoup de respect pour Ahmed Taufik, qui est un érudit,
03:22un soufis, soufisme, un soufis, issu d'une famille très religieuse.
03:28Donc, il n'y a pas, il n'y a seulement une différence de point de vue entre Ibn Kiren
03:34et monsieur Taufik en ce qui concerne le concept de laïcité, mais le contenu est le même.
03:40Parce que quand ils disent, tous les deux disent que le concept, le ministre entend
03:45par laïcité au Maroc, la liberté individuelle, comme je l'ai dit la dernière fois,
03:49chacun fait ce qu'il veut.
03:51L'État n'intervient pas, sauf s'il y a violation de la loi.
03:55Ibn Kiren vise certains qui ont exploité la déclaration du ministre Taufik,
04:01qui ont écrit un certain nombre de papiers en disant que le Maroc est laïc.
04:04Bien sûr, quand on lit sur des journaux écrits...
04:08Alors ça, il ne l'a pas dit, justement, c'est votre interprétation.
04:10Tout le monde pense au même, mais il ne l'a pas...
04:12Non, non, il l'a dit clairement.
04:15Je ne vise pas Ahmed Taufik, pour qui j'ai beaucoup de respect,
04:17mais ceux qui ont essayé d'exploiter...
04:20Ben justement, c'est qui ce ceux ?
04:21Ceux, c'est un certain nombre d'articles qui ont été dans la presse,
04:26qui disaient que le Maroc était un État laïc.
04:28Au Maroc, le Maroc est un État musulman.
04:32Comme nous l'avons dit, la Constitution le dit clairement.
04:34Le roi est Amir el-Moumenine, et personne ne conteste ces données-là
04:38parce que c'est prévu par la Constitution, et tous les Marocains y croient.
04:42Mais nous avons des libertés individuelles qui sont intactes,
04:45qui ne sont pas touchées.
04:46Nous respectons les conventions internationales.
04:49Nous n'avons pas le charia islamique, on coupe pas les droits des gens, etc.
04:52Bien sûr, tout ça peut être exploité comme une laïcité à la marocaine,
04:58mais pas au sens de la loi de 1905 en France.
05:01Mais quand je parle de déception,
05:02le sentiment de déception que j'ai exprimé en introduction,
05:06ce n'était pas par rapport à la qualité ou à la réponse d'Abd el-Abn Kiren,
05:12mais le fait justement que le débat de fond
05:15initié par Ahmed Taufiq dans sa lettre initiale
05:19n'ait pas été suivi par Abd el-Abn Kiren.
05:22Parce que dans sa réponse écrite,
05:23c'est une réponse assez courte,
05:26qui se contente à répondre à côté sur les malentendus entre les deux hommes,
05:34mais pas sur le fond de la pensée d'Ahmed Taufiq lorsqu'il donne,
05:37par exemple, le fait qu'au Maroc, le Parti de la justice et du développement
05:44profite entre autres d'un système inspiré, pas laïque,
05:47mais inspiré de concepts issus de civilisations laïques.
05:51Là, j'aurais bien aimé avoir la réponse d'un peu d'exploitation politicienne.
05:57N'oubliez pas que M.
05:58C'est un grand défenseur de l'islam.
06:01Et c'est M. Taufiq, bien sûr, et ça suffit.
06:09Il y a beaucoup d'adeptes du PJD qui ont beaucoup de respect pour M. Taufiq.
06:13Et M. el-Abn Kiren ne veut pas s'inscrire en contradicteur de M. Taufiq.
06:19C'est un calcul politique qui fait que...
06:21Non, mais il ne s'agit pas de le contredire juste pour le contredire,
06:23mais peut-être donner des arguments pour défendre son point de vue.
06:26J'ai l'impression qu'il ne l'a pas tant défendu que cela, mais bon, c'est juste une interprétation.
06:32Vous savez qu'il y a une mutation très profonde qu'a connue le parti du PJD
06:35avec le mur Mouvement Unité Réforme.
06:39C'est tout à fait normal que M. el-Abn Kiren n'affronte pas M. Taufiq sur ce terrain,
06:44parce que M. Taufiq, quand même, il a clarifié les choses d'une manière doctorale.
06:49Bon, j'aimerais avoir l'avis de Cyril Dibousta sur cette joute épistolaire.
06:53La lettre initiale et la réponse de M. el-Abn Kiren.
06:55Qu'est-ce que vous en retenez ?
06:56Vous ne me posez pas la question, est-ce que je suis d'accord avec vous ou pas ?
06:59Ah bah, parce que je crains la réponse, c'est la raison pour laquelle je ne vous pose pas la question.
07:02Il faut oser parfois, parce qu'il se trouve que je suis d'accord avec vous.
07:05Ah bah oui, oui.
07:07Je t'en suis, je m'ignorais.
07:09Oui, plutôt.
07:11Vous avez le droit d'exprimer vos opinions, n'est-ce pas ?
07:13En fait, je vous rejoins, Adil, je te rejoins parce que M. Taufiq a hissé le niveau très haut
07:22en engageant le débat.
07:24Je pense qu'il n'écrit pas, il ne dit pas n'importe quoi, je pense qu'il était informé,
07:29je pense qu'il a écouté ce qu'a dit M. el-Abn Kiren à Oulad Barheil, je pense.
07:35Et je pense qu'il sait très bien, M. Taufiq, que M. el-Abn Kiren ne l'a pas cité, nommément.
07:40Et qu'il ne s'en est pas pris à lui, nommément.
07:43Ce qui donne encore plus de valeur à la lettre de M. el-Abn Taufiq
07:48qui aurait donc pris la décision, quelque part, en écrivant cette lettre,
07:53d'engager le débat sur la laïcité.
07:55Depuis 3 ans, 4 ans, 5 ans, 10 ans, 20 ans, on parle de la laïcité au Maroc, la laïcité au Maroc.
08:00La laïcité concerne la sphère religieuse de ce pays,
08:04et la sphère religieuse est un domaine de souveraineté qui a un ministre
08:08qui est gardien de cette sphère religieuse, et qui est gardien, entre guillemets, de cette sphère religieuse.
08:14Bien entendu, bien entendu, bien évidemment, c'est pour ça que je dis souveraineté.
08:17Donc, ça dépend directement de sa majesté.
08:20Et là, il a donné des explications.
08:22Voilà, qu'est-ce que c'est la laïcité, est-ce que le sommes-nous, ne le sommes-nous pas ?
08:29Il a développé un certain nombre d'arguments.
08:31On peut être d'accord, on peut ne pas être d'accord,
08:34mais el-Abn Kiren a été directement interpellé par M. el-Abn Taufiq.
08:41On aurait peut-être attendu d'el-Abn Kiren qu'il réponde sur le même ton,
08:46c'est-à-dire une lettre peut-être un peu moins précipitée le jour même, quelques heures après,
08:50prendre un jour, prendre deux jours, prendre trois jours,
08:53et répondre au même niveau, aussi bien de forme,
08:55qui est une forme absolument extraordinaire, la lettre qu'el-Abn Taufiq a offerte,
08:59pour répondre...
09:00Oui, je n'ai pas répondu, j'ai attendu le chemin...
09:03Non, non, il a répondu le jour même, il a répondu par lettre, à la lettre le jour même, le jour même.
09:08Et qu'est-ce qu'il a fait ?
09:09Il a botté en touche, sur le côté de fond, sur le fond, et il est parti sur la forme.
09:14« A la main indime akoualo, lakin hadouk l'khorine likahidra illa laïcité »
09:17« Oumad dinish Allah »
09:19Donc il a refusé le débat quelque part, le débat de fond,
09:22et il est entré sur le débat de forme en s'en prenant à ceux qui,
09:25selon lui, sont laïcs ou défendent la laïcité.
09:29Bien.
09:29C'est... el-Abn Kiren est un homme politique.
09:32Il aurait...
09:33Puisqu'il s'intègre aussi facilement dans la sphère religieuse,
09:36et qu'il parle aussi avec autant d'éloquence de la sphère religieuse,
09:40de facilité, il aurait dû élever le débat et rester sur le même ton
09:43que Ahmed Taufek et lui répondre, avant de s'en prendre aux autres.
09:46Il a préféré dire à Ahmed Taufek « Je n'ai rien contre vous,
09:49je vous respecte, vous me respectez,
09:52mais c'est aux autres que je m'en prends. »
09:53Et il est revenu à cette facilité, excusez-moi du terme,
09:56de taper sur les gens qui considèrent qu'ils sont laïcs.
09:59Or tout le monde a son mot à dire.
10:04Si si l'Abn Kiren est un exégète, est un fréh,
10:07il ne peut pas faire de la politique.
10:09En cela, nous sommes dans une forme de laïcité,
10:11parce que les deux sphères sont totalement séparées,
10:14sauf dans la personne du chef de l'État de sa majesté.
10:16Si l'Abn Kiren est un homme politique,
10:18alors il a exprimé son avis, qu'il laisse les autres exprimer le leur,
10:21et qu'il ne rentre pas dans la sphère religieuse,
10:22dans l'explication, dans l'exégèse et l'interprétation.
10:25S'il veut le faire, alors il n'avait qu'à répondre à ces Ahmed Taufek
10:28avec les mêmes arguments.
10:29Justement, lui, à qui l'on prête une certaine forme de courage politique,
10:33l'Abn Kiren, je parle de lui, dans l'homorosité ambiante,
10:38c'est vrai que ce qui ressort aussi dans sa réponse,
10:40c'est un certain manque de courage en répondant à côté...
10:49En refusant le départ finalement.
10:50Non, en refusant le départ, mais surtout, il ne répond pas à ce qu'a déclaré Ahmed Taufek dans sa lettre,
10:57mais il pointe du doigt les autres, sans les nommer, sans les citer encore une fois.
11:01On pense tous au même, aux commentateurs de la vie politique
11:04qui ont effectivement pris les prises de parole d'Ahmed Taufek
11:08pour aller encore au-delà de ce qui a été déclaré initialement,
11:12mais là aussi, ça révèle une certaine forme de manque de courage politique.
11:15Il est en marge, si je puis dire, je vais m'exprimer quand même avec beaucoup de prudence, de la légalité,
11:22quand il dit, hier, lors de la réunion du secrétariat général,
11:29« Si on doit se taire devant la récupération par les laïcs des propos d'Ahmed Taufek,
11:35alors qu'on ferme ce parti, car cette responsabilité nous a été confiée par Dieu,
11:40et cette responsabilité qu'on accompagne les gens dans ce qu'ils disent,
11:43et qu'on puisse ramener sur le droit chemin, partant de notre référentiel,
11:46ceux qu'on ne peut convaincre. »
11:48Il ajoute autre chose.
11:50C'est un discours unique.
11:52Et ça, ça fait écho à ce qu'a écrit noir sur blanc Ahmed Taufek dans sa lettre initiale.
11:59Il l'a accusé, c'est ce que j'ai compris en tout cas, il l'a accusé d'utiliser la chose religieuse et la religion
12:06à des fins purement politiques.
12:08L'instrumentalisation de la religion.
12:10Mais la responsabilité qui nous a été confiée par Dieu, qui êtes-vous monsieur ?
12:13Moi je pense que là, je suis d'accord avec vous, c'est un deal.
12:18Il a ajouté dans ce que vous avez dit, que nous en tant que parti politique,
12:22nous n'avons que la religion pour défendre nos positions,
12:25nous n'avons pas l'arme nucléaire comme chez Poutine.
12:27Comme chez Poutine, je ne vois pas ce que ça veut dire.
12:29Mais je pense que sa réponse est une fuite en avant.
12:32Parce qu'il faut reconnaître que la lettre de monsieur Taufek, c'est vraiment une lettre historique.
12:38C'est une lettre à étudier.
12:40C'est une tentologie.
12:42Personnellement, je n'ai pas compris 30 ou 40% de cette lettre.
12:44Je le reconnais.
12:46Il lui a dit la chose suivante.
12:48Il a dit on pratiquait la démocratie, on l'amenait de l'Occident.
12:50Vous pratiquez beaucoup de choses.
12:52Mais moi j'attendais un débat de fond sur ces notions-là.
12:54Justement, c'est pour cela que moi je vais mettre fin à ce débat.
12:58Au Maroc, pour moi, il y a une laïcité à la marocaine,
13:02qui est en phase, en symbiose avec l'article 3 de la constitution marocaine,
13:08qui dit que l'islam est la religion de l'Etat,
13:10qui garantit à tous le libre exercice des cultes.
13:14C'est pour cela qu'il y a une égalité.
13:20Il y a une fraternité au Maroc.
13:22Il y a des multiples réformes du Code de la Famille,
13:26en avance en ce qui concerne les droits de la femme.
13:28Je pense que tout cela, c'est une laïcité à la marocaine,
13:32et sous la roulette de Sa Majesté le Roi,
13:34que le nouveau Code de la Famille,
13:36qui va vraiment moderniser l'arsenal juridique en ce qui concerne les droits des femmes,
13:42et surtout le champ familial, le Code de la Famille.
13:46Le Code de la Femme peut être considéré comme une révolution juridique au Maroc.
13:50Il faut le dire.
13:51Depuis le 2004, c'est Ahmed Bousta qui a réussi à faire un Code à l'unanimité.
13:58Et aujourd'hui, avec le projet de Code qui est entre les mains des religions,
14:03j'espère, je relance encore une autre question,
14:06que les Ollamas répondent assez vite aux interrogations posées par Sa Majesté.
14:11Il y a, ce que j'ai dit ici, c'est une laïcité andogène,
14:15qui est basée sur la sécurisation andogène,
14:18sur les bases de l'Etat ayant comme religion officielle l'Islam.
14:23On va marquer une petite pause, c'est Ibrahim, c'est Aziz,
14:26parce qu'on a de la pub et le Point Info de 9h,
14:28et on va poursuivre le débat avec vous messieurs dans quelques instants.
14:30A tout de suite.
14:31La suite des décodeurs d'Atlantique Matin,
14:34toujours avec Aziz Bousta et Ibrahim Rachidi,
14:36on continue de parler de ce débat autour de la laïcité,
14:40et on décortique en quelque sorte cette joute épistolaire
14:43entre Ahmed Taufiq et Abdel Elah Benkiren.
14:46Bon, on a évoqué pas mal de choses en première partie,
14:49des missions.
14:50Maintenant, avant de, peut-être,
14:52je voudrais revenir sur la conclusion de la lettre initiale de Ahmed Taufiq,
14:55dans laquelle il pointe justement l'utilisation à des fins politiques
15:01de la chose religieuse.
15:03Peut-être qu'on peut aussi avoir un débat avec vous aussi, Aziz Bousta,
15:07sur la liberté d'expression sur de tels sujets chez nous au Maroc.
15:11Moi, à mon avis, je pense que c'est sur ce plan qu'il faut mener ce débat
15:17entre Ahmed Taufiq et Abdel Elah Benkiren,
15:20pas sur la laïcité, mais sur la liberté d'expression de ses opinions,
15:26dans le sens, bien sûr, où elles s'inscrivent, dans le cadre de la loi.
15:31Le débat sur la laïcité est très vaste,
15:33ça fait 20 ans qu'on le mène, ou plus,
15:35et on le mènera encore pendant 20 ans,
15:36parce que chaque pays a sa laïcité.
15:38Nous avons notre laïcité à la marocaine, vous le disiez, Maître Rachidi,
15:41la laïcité à la française, à la japonaise...
15:43Et chaque pays a sa notion de la liberté d'expression.
15:46Et chaque pays a sa notion de la liberté d'expression.
15:48Maintenant, Moujkine le Indien avec Sim Kiren,
15:50c'est qu'il empêche, quelque part, les autres de s'exprimer.
15:54Il veut les ramener sur le droit chemin.
15:56Si on parle de la laïcité...
15:57Empêcher, le mot empêche...
15:58Vous avez raison, je retire le mot empêcher,
16:01mais disons, dissuader ou conseiller,
16:06apporter un naseha à ces gens qui considèrent que la laïcité...
16:10Mais la laïcité, personne ne remet en cause
16:12la prééminence de l'islam dans notre société,
16:16dans notre état, dans notre constitution.
16:18Mais la constitution, allons dans cette logique,
16:20la constitution dit que nous sommes un état musulman.
16:22Très bien, nous avons un certain nombre d'articles de loi
16:24qui viennent directement du référentiel religieux.
16:27Très bien, mais la constitution parle aussi de la liberté d'opinion,
16:30de la liberté d'expression.
16:31Du culte.
16:32Non, de la liberté...
16:33Du culte, l'âme, le rêve, le culte, la liberté d'expression.
16:35Je reviens sur ça, c'est...
16:36Il est à Miquelaine, et avec tout le respect que je lui dois,
16:40et je lui dois beaucoup de respect, je le respecte beaucoup,
16:42je lui ai dit, vous avez exprimé votre opinion en tant qu'homme politique,
16:45laissez les autres exprimer leur opinion sur le plan politique.
16:48Quant à la religion, elle a ses gardiens.
16:52Il y a sa majesté, le commandeur des croyants,
16:54il y a le conseil des ulama,
16:56il y a le ministère des affaires islamiques,
16:57il y a des gens qui s'occupent de la sphère religieuse,
16:59et la constitution, si vous voulez, monsieur Miquelaine,
17:01être conséquent envers vous-même,
17:03agissez en homme politique.
17:05Vous n'êtes pas un homme religieux, agissez en homme politique,
17:07et ouvrez le débat.
17:08J'aimerais bien avoir un débat entre Abdelalame Miquelaine et Ahmed Arassid, par exemple.
17:12Ils ne sont absolument pas d'accord,
17:14mais ce serait intéressant sur un plan intellectuel,
17:16et sur un plan, encore une fois, purement politique.
17:18Et c'est ce que, si Abdelalame Miquelaine refuse de faire.
17:20Justement, en fait, le fait de répondre, argument par argument,
17:24sur ce que déclarent les opposants politiques d'Abdelalame Miquelaine,
17:29au contraire, nous nous sommes demandeurs de ce genre de débat politique, de fond.
17:34Maintenant, je vous rejoins effectivement, Siyazi,
17:36sur la notion, en tout cas, d'essayer de remettre les gens sur le droit chemin.
17:42Si certains estiment que, oui, nous sommes un pays laïque,
17:46et ils présentent des arguments là-dessus,
17:48à charge d'Abdelalame Miquelaine,
17:50de présenter des arguments qui vont dans le sens inverse.
17:53J'aimerais juste reprendre un paragraphe de la lettre initiale envoyée par Ahmed Detaoufir,
18:00qui va dans ce sens.
18:01Le débat, il n'est même pas sur la question de savoir si nous sommes un pays laïque,
18:04avec une conception française de la laïcité ou pas.
18:07Vous vous êtes imposé, là je cite Ahmed Detaoufir,
18:09avec une traduction approximative,
18:11parce que la version originale en anglais, elle était...
18:13Vous vous êtes imposé une tâche qui n'était pas nécessaire.
18:16Bon, j'ai apprécié cette première phrase.
18:19Car les paroles d'une personne, voire de milliers de personnes,
18:21ne changent pas la vérité dans un domaine aussi grave.
18:23Une telle question n'exige pas que l'on prenne la posture de défenseur dans les rassemblements,
18:28notamment lorsqu'il s'agit de la relation entre la religion et l'Etat.
18:31Les fondements religieux ont leur solidité,
18:33et aucun avis ou prétention ne peut altérer cette essence.
18:37Ça rejoint ce que vous disiez,
18:38parce que même ceux qui ont un avis contraire à celui d'Abdelalame Miquelaine,
18:42et qui l'expriment publiquement,
18:43ne vont pas changer grand-chose à ce qu'est la place de la religion dans ce pays.
18:51Et j'aimerais conclure aussi avec la conclusion d'Ahmad Tawfiq dans sa lettre initiale,
18:57parce que là, pour le coup, il interpelle directement Abdelalame Miquelaine
19:03sur l'utilisation, l'usage qu'il fait de la chose religieuse dans le débat politique.
19:10Et là, je le cite.
19:11Il fait référence à une anecdote qu'il avait avec Abdelalame Miquelaine.
19:15« Je rappelle un conseil que je vous avais donné lors de la crise provoquée par le décès de M. Abdelaber.
19:21Il est préférable, là il cite le conseil qu'il avait donné à Abdelalame Miquelaine,
19:25il est préférable pour un responsable politique de convaincre les citoyens par ses réalisations,
19:29plutôt que d'exploiter la religion à des fins de mobilisation.
19:33La religion est avant tout une question d'éthique, ce que les citoyens perçoivent instinctivement.
19:38Alors si ça, ce n'est pas une attaque politique frontale qui mérite,
19:42qui nécessite une réponse politique avec un argument, j'ai un problème de vocabulaire.
19:46Et cette réponse, je ne l'ai pas eue, d'où le sentiment de déception que j'ai exprimé en introduction. »
19:50Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous prenez cette conclusion.
19:54Il est tout à fait normal que l'islam ait une religion modérée.
19:58L'avantage de l'islam, c'est la religion la plus souple par rapport aux autres religions monothéistes.
20:06Et quand M. Taufek ici, et je suis entièrement d'accord avec lui,
20:11le champ religieux n'a rien à voir avec le champ économique et le champ politique.
20:17C'est vrai qu'il y a certains qui exploitent la religion pour des fins partisanes.
20:22Et il y a une France, c'est les amis de M. Benkiren,
20:26qui vraiment veulent devenir des donneurs de leçons, des... comment on appelle ça ?
20:30Morshidin. Morshidin.
20:32On n'en a pas besoin, parce que la religion musulmane, vous savez, c'est une relation entre l'être et son créateur Dieu.
20:37C'est tout. On n'a pas besoin d'intermédiaires.
20:39Ce n'est pas comme la religion catholique, vous allez voir un berger et vous lui dites...
20:43Et je suis entièrement d'accord, laissant le champ religieux à ses défenseurs,
20:49notamment le commandeur des croyants Amir al-Mouminine, bien sûr,
20:53et le ministre des Habousses, parce que lui, il s'occupe de toute la logistique qui va dans ce sens.
21:02En politique, il faut laisser la religion tranquille,
21:05parce que chaque pays a sa spécificité.
21:09Nous ne sommes pas wahhabistes.
21:11Les wahhabistes, on coupe les mains des gens, etc.
21:14Nous avons une religion médiane, tolérée, l'islam toléré,
21:18et nous avons un islam qui respecte les droits de l'homme,
21:22qui respecte les conventions internationales.
21:24On respecte la liberté d'expression.
21:29Si M. Kéllen parle, c'est grâce à ce respect de la liberté d'expression.
21:33Et personne ne vient lui dire qu'il n'a pas le droit de dire ceci ou cela.
21:36Il doit aussi respecter celle des autres, ce qu'il ne fait pas tout le temps.
21:39A contrario, il faut respecter le point de vue des autres.
21:43La modernité, oui, mais vous ne pouvez pas imposer un point de vue
21:47par la force linguistique ou par le politique.
21:50Au contraire, chacun est libre de penser ce qu'il veut.
21:53Et l'avantage du pays, c'est le pluralisme.
21:56Le Maroc a eu l'intelligence depuis l'accession à l'indépendance
21:59de ne pas avoir un parti unique, le pluralisme.
22:02On voit ce que ça fait au Moyen-Orient, notamment, avec ce qui se passe en Syrie.
22:05Peut-être qu'on aura l'occasion d'en parler rapidement.
22:08Il est 9h15, Karim Droneh va nous en parler à coup sûr
22:11dans Le Point Info qui va sur dans quelques instants.
22:13Et nous, on se retrouve juste après pour la suite du débat.
22:15A tout de suite.
22:27L'essentiel de l'info, c'est tous les quarts d'heure,
22:30entre 7h et 10h.
22:32Karim Droneh, bonjour.
22:34Bonjour Adil, bonjour à vos décodeurs et bonjour à tous.
22:37On a tout d'abord appris ce dimanche que Sa Majesté le Roi Mometsis
22:40a été opéré avec succès hier, après avoir affecté une chute
22:43au cours d'une activité sportive.
22:45Cette chute a occasionné un traumatisme de l'épaule gauche
22:48avec fracture de l'humérus.
22:50A l'issue de cette intervention, l'épaule gauche sera donc immobilisée
22:53pendant une durée de 45 jours et Sa Majesté le Roi
22:56devra ensuite suivre une période de rééducation fonctionnelle.
22:59Nous souhaitons un prompt et bon rétablissement aux souverains.
23:02En Syrie, moins de deux semaines après le début de leur offensive
23:05fulgurante en Syrie, donc les rebelles emmenés par le groupe
23:08islamiste radical HTS ont fait chuter le président Bachar el-Assad.
23:11Selon les agences de presse russes, ce dernier s'est rendu à Moscou
23:14après avoir pris la fuite.
23:16Selon le président américain Joe Biden, il va désormais devoir rendre des comptes.
23:19Enfin, une ONG fait ce matin état de la mort de onze civils
23:22dans une attaque de drones turcs sur le nord de la Syrie.
23:25Merci Karim, à tout à l'heure pour le Point Info de 9h30.
23:40La suite des décodeurs d'Atlantique Matin
23:43avec Aziz Bousta et Ibrahim Rajdi.
23:46On poursuit le débat sur la laïcité.
23:49J'aimerais maintenant avoir votre point de vue, votre avis
23:52sur la suite des choses après cette joute épistolaire
23:55éphémère que, à titre personnel, j'aurais préféré
23:58que se poursuive à travers un échange
24:01entre les deux hommes et argument contre argument.
24:04Est-ce que le débat est clos
24:07ou est-ce que ça pourra ouvrir justement
24:10la voie à un débat plus approfondi
24:13sur notre rapport à la chose religieuse,
24:16sur le concept de la laïcité à la marocaine ?
24:19Qu'est-ce que vous en pensez ?
24:22Le débat n'est pas clos et ne sera jamais clos
24:25parce qu'une société est une chose évolutive.
24:28Des concepts aussi compliqués que la laïcité,
24:31aussi profonds que la laïcité sont évolutifs
24:34et donc il y aura toujours un débat, du moins je l'espère.
24:37Il y va de la vitalité, de la vivacité de notre société.
24:40L'énervement n'est pas de son côté uniquement.
24:43Du côté des « progressistes »,
24:46des « laïcs », des « modernistes »,
24:49de ceux qui ne sont pas du camp d'Abd el-Hilal.
24:52Il y a autant d'énervement, autant de rage et autant d'invectives.
24:55Et donc nous nous retrouvons dans un débat de fond.
24:58Dans ce débat de fond, nous nous retrouvons
25:01dans un débat de forme, dans un débat un peu superficiel.
25:04Si Abd el-Hilal avait absolument engagé un débat sur la laïcité,
25:07il aurait pu répondre à Seyh Ahmed Taufek,
25:10il pourrait le faire avec Seyh Ahmed Hassed, comme je le disais tout à l'heure,
25:13avec Mme Asma El Mrabat, qui sont des connaisseurs,
25:16qui sont des connaisseurs en la matière, qui ont d'autres opinions
25:19que Seyh el-Hilal. Et là, on aura un débat de fond.
25:22Mais que les uns et les autres, sexe communi...
25:25Mais est-ce qu'il a intérêt à le faire, d'un point de vue politique ?
25:28Parce que ça reste quand même un homme politique, et vous le savez très bien.
25:31Alors dans ce cas, si c'est un homme politique, qu'il reste dans la sphère politique.
25:34Si il veut rentrer dans une sphère qui est une sphère idéologique, ou une sphère religieuse,
25:37une sphère spirituelle, il faudra qu'il développe
25:40les arguments qui vont avec, et qu'il accepte,
25:43encore une fois, de discuter, et de débattre de ça.
25:46Si Michelin refuse ce débat, il parle
25:49avec lui-même, et avec ses pères,
25:52P-A-I-R-S, ou avec ses Zouailles, pour reprendre
25:55un langage religieux, du P-J-D.
25:58Il n'a pas de contradiction, il refuse la contradiction.
26:01Il n'accepte pas la contradiction.
26:04Et ça, c'est le problème.
26:07Je conclurai en disant qu'actuellement, il y a un débat sur la laïcité.
26:10Quel est ce débat ? Vous en parliez tout à l'heure,
26:13Maître Rachedi, au niveau du conseil des ELEMA.
26:16Il y a un côte de la famille, qui a suivi tout son cursus
26:19juridique, qui est orienté par
26:22Sa Majesté. Sa Majesté a reçu les
26:25recommandations et les suggestions de la commission
26:28qu'il avait créées, toujours sur le plan civil, et puis
26:31il l'a passée. Lui, qui est
26:34présent sur les deux sphères, et qui a la main sur les deux
26:37sphères, aussi bien civile et politique que religieuse, il a transmis au conseil des ELEMA
26:40depuis six mois maintenant, le conseil des ELEMA qui prend son
26:43temps pour analyser les choses. Mais on se rappelle que Sa Majesté
26:46quand il avait envoyé,
26:49quand il avait saisi le conseil des ELEMA,
26:52il leur avait donné des orientations. Répondez à ce qu'on
26:55vous demande. Gardez en tête
26:58la modernité, l'ouverture, l'évolution,
27:01les besoins actuels de la société marocaine.
27:04Sans renier, bien entendu, les principes et les préceptes de l'islam.
27:07Forcément, c'est un travail à plein temps,
27:10ça fait six mois que ça dure, ça risque encore de durer.
27:13Et donc il y a ce débat quelque part. Tout le monde attend
27:16cet avis du conseil des ELEMA, les laïcs
27:19entre guillemets et les pas laïcs entre guillemets, donc quelque part, il y a
27:22un débat, mais un débat qui se situe dans les sphères où il doit
27:25se situer. Le reste n'est que de la politique politicienne,
27:28dans ce qu'on voit. Je ne parle pas d'Ahmad Taufek, je parle d'Abd el-Habib
27:31et de tous les autres qui profitent de ce, ou qui
27:34prennent appui sur ce débat-là pour
27:37renier des parts électorales
27:40ou pour gêner, ou pour embarrasser leurs adversaires.
27:43Ibrahim Rajdi, le débat n'est pas clos ?
27:46Pas du tout. C'est que le début du débat, et puis c'est très sain.
27:49Moi je pense que c'est un débat sain, à condition que les gens
27:52précisent les concepts dont ils parlent, notamment
27:55ce qu'on entend par laïcité, et pas la laïcité au sens
27:58de la loi de 1905 française.
28:01Autre chose, c'est que M. Ahmad Taufek est dans son rôle.
28:04Il est dans son rôle. Chaque fois qu'il voit qu'il y a
28:07des déviations, des mauvaises interprétations, il doit intervenir
28:10à plusieurs titres, pas seulement parce qu'il est ministre,
28:13mais parce qu'il est allé, c'est un théologien, c'est un docte,
28:16et c'est tout à fait normal. M. Benkiren,
28:19je pense qu'il ne fuit pas le débat.
28:22Mais là, c'est un terrain très glissant.
28:25Il ne veut pas s'aventurer dans ce terrain glissant
28:28parce qu'il n'y a pas... Donc il fuit le débat de fond.
28:31Oui, c'est ce qu'on dit. On est d'accord.
28:34Je pense qu'il va, suite à cette émission, il va réagir.
28:37Il est le bienvenu. Il va vous dire qu'il est prêt à venir débattre ici.
28:40Il est le bienvenu. Ben oui, à condition
28:43qu'il accepte la contradiction aussi.
28:46Il doit l'accepter parce que nous sommes dans un État qui respecte la liberté d'expression.
28:49Si vous ne respectez pas la liberté d'expression, vous n'êtes pas démocrate.
28:52Et vous ne respectez pas la Constitution.
28:55Surtout, oui. Vous ne respectez pas la Constitution et la contradiction.
28:58De la contradiction naît la vérité. La vérité.
29:01Et puis la vérité est toujours relative.
29:04C'est un débat qui ne fait que commencer. C'est très simple.
29:07Et ça veut dire que le Maroc avance, puisqu'il n'y a plus de sujet tabou.
29:10Il n'y a plus de sujet tabou.
29:13Ça, c'est vraiment l'avantage du débat.
29:16Le débat va se poursuivre et il est le bienvenu.
29:19S'il veut avoir un débat de fond avec les personnes que vous avez citées,
29:22c'est Aziz Boussa ou avec nous, tout simplement, pour exprimer son point de vue.
29:25Non, non, on n'est pas spécialiste. Du moins, je ne suis pas spécialiste.
29:28Je ne peux pas me tenir à un débat comme ça.
29:31Pour moi, j'aimerais bien l'interroger sur les nombreuses interrogations que j'ai à son sujet.
29:34Je sais que je dois te libérer, mon cher Aziz, rapidement.
29:38Quelques instants sur ce qui se passe actuellement en Syrie.
29:41La chute du régime de Bachar el-Assad.
29:44Les puissances régionales qui s'activent pour s'accaparer une certaine forme d'influence dans la zone.
29:53Il y a les Russes, les Iraniens, Israël, les Américains.
29:57Quel regard vous portez sur ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient,
30:02d'une manière assez globale et précisément en Syrie ?
30:05Franchement, ce que je suis en train de voir maintenant, c'est que le monde est en train de se mettre en place.
30:11Tout le monde est en train d'essayer de marquer des points, de conquérir des positions,
30:16en attendant un jour fatidique de 2025, qui est le 20 janvier 2025.
30:22Vous voyez venir l'arrivée, quand le boss sera là, Donald Trump.
30:27Maintenant, ce qui est inquiétant, c'est que depuis 5000 ans que l'histoire dure, plus ou moins,
30:36on n'a jamais connu ça.
30:39Ne remontons pas jusqu'à 5000 ans, mais restons sur le 20e, 21e siècle.
30:44Nous sommes sur une manière, sur une pratique diplomatique, politique, géopolitique, géostratégique,
30:50qui n'a jamais existé, celle du deal.
30:53Nous sommes dans le deal.
30:55Quand on parle beaucoup de deal, et quand on parle de deal, on est sur un territoire, sur un terrain inconnu,
31:00on ne sait pas du tout ce qui s'est passé, parce que la chute d'un régime Assad ultra violent, ultra brutal, ultra meurtrier,
31:09en 10 jours, sans même pratiquement un coup de feu tiré, interroge.
31:14Et s'il interroge, sachant que Vladimir Poutine soutenait la Syrie,
31:20et qu'il avait grâce à la Syrie cet accès, comme on dit, aux mers chaudes,
31:23et qu'il a laissé tomber aussi facilement la Syrie, c'est qu'il y a un deal.
31:27Et à partir du moment où il y a un deal au Moyen-Orient, en Mésopotamie,
31:31on peut ouvrir sur des deals dans le monde entier.
31:34Un deal avec l'Ukraine, un deal sur Taïwan, un deal sur un certain nombre d'endroits,
31:39et donc on ne peut absolument rien savoir, c'est trop tôt pour le savoir.
31:42Ce qu'on peut dire, c'est qu'on entre sur un terrain inconnu, qui est celui du deal,
31:47qui est celui de la négociation, qui est celui du marché athlénatique,
31:50et là on verra bien ce que ça va donner.
31:52On n'est pas dans un territoire qu'on connaît, sur lequel on a des références,
31:55qu'on peut citer comme exemple. On n'en sait rien.
31:57Donald Trump 2 n'est pas Donald Trump 1.
32:00Ça, c'est clair. Et donc, on peut s'attendre à tout. Voilà.
32:03Wait and see.
32:04Wait and see.
32:05Merci, en tout cas, je sais que tu as un engagement professionnel,
32:07mais tu tenais à participer à cette émission, donc je te remercie.
32:09Merci, merci beaucoup Adi.
32:10Merci beaucoup Adi, je vous souhaite la prochaine.
32:12Et je me tourne vers Brahim Rajdi,
32:14Brahim, question effectivement, votre point de vue tout simplement sur ce qui se joue actuellement en Syrie.
32:18Je suis d'accord avec C.Aziz.
32:20Simplement, je pense que ce deal s'est concrétisé entre trois ministres des Affaires étrangères,
32:28à Doha, entre les ministres des Affaires étrangères russes, turcs et de l'Iran.
32:36C'est pour cela que la fuite de Bachar Assad s'est réalisée sans qu'aucune balle ne soit tirée.
32:47L'armée n'est pas là.
32:49Et puis, vraiment, aujourd'hui, il y a des interrogations très profondes qui se posent.
32:54Sur l'avenir de la Syrie.
32:55Sur l'avenir de la Syrie, parce que la Syrie, c'est un pays cosmopolite où il y a beaucoup d'ethnies.
33:01Aujourd'hui, quand même, c'est un pays multiconfessionnel.
33:05Il y a 3 millions de Syriens qui sont réfugiés en Turquie.
33:10On a 5 millions en Allemagne.
33:12Il y en a aussi en Jordanie, à travers le monde.
33:16Et ce qui est important, c'est que M. Abu Mohamed El Joulani...
33:21Alors lui, c'est un personnage qu'il faut étudier parce que...
33:24Déjà, avant son nom de guerre, ça c'est un nom de guerre, il s'appelle Ahmed Hossein Shara.
33:29C'est ça.
33:30Et c'est un professeur d'arabe.
33:32Quand il était prisonnier chez les Américains, il enseignait au prisonnier la langue arabe.
33:36Et puis, il est considéré par les Américains comme un terroriste mondial.
33:42Sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars.
33:44Oui, mais peut-être que la donne a changé aujourd'hui.
33:47Tout ce que vous avez dit, c'est vrai.
33:49Non, jusqu'à présent, ils n'ont pas enlevé cette recherche à 10 millions de dollars.
33:52Ça va peut-être partir.
33:54Et puis, comme il est passé par Haïda, il connaît tous les grands patrons de Zarqawi.
34:01Il connaît les autres.
34:04Je pense qu'il y a une résolution de l'ONU qui donne une sortie de la crise.
34:11Il faut qu'on la respecte.
34:13Il y a une réunion du Conseil de sécurité à la demande de la Russie pour étudier l'avenir de la Syrie.
34:17C'est une très bonne chose parce que je pense...
34:19Ça rejoint ce que disait aussi Aziz, c'est que l'heure du deal approche.
34:24Parce qu'il s'agit pour les uns et les autres de tirer profit au maximum de la situation actuelle.
34:28Ce que je constate aujourd'hui avec beaucoup de bonheur, c'est qu'on n'a pas touché aux institutions existantes.
34:34Le Premier ministre exerce toujours ses pouvoirs.
34:36Le ministre de la communication exerce ses pouvoirs.
34:39Les institutions existantes sont là.
34:42Et Hamid Hossein Chalha a dit qu'on va faire une passation de consignes paisibles.
34:47Et j'espère qu'on ne va pas revivre les expériences de la Libye, les expériences d'Israël.
34:54Oui, ça c'est votre côté optimiste qui s'exprime.
34:58Mais effectivement, vous avez raison de souligner, il y a des précédents.
35:02Il y a la Libye, l'Irak.
35:04Et les mêmes causes engendrent les mêmes effets.
35:11Et on a peur, effectivement, pour l'avenir du peuple syrien.
35:15Je relativise un petit peu votre position.
35:19Pourquoi ?
35:20Parce que quand on a vu Chalha rentrer à la mosquée amhaouine, etc.,
35:25on voit que d'abord il s'est taillé la barbe, il n'a plus cette barbe blonde.
35:28C'est une barbe moderne, il est habillé.
35:31Il a dit, il affirme, qu'il va être un État islamique,
35:37mais il y aura la mexicaine, la femme va travailler, etc.
35:41Mais moi je méfie de tout cela parce que quand je vois ce qui se passe en Afghanistan...
35:46Oui, mais ce n'est pas ça qui m'inquiète profondément.
35:48Il y a des autres puissances qui veulent s'accaparer une part du gâteau syrien
35:53qui pourraient éventuellement ne pas se mettre d'accord.
35:55Et ce qui va engendrer, c'est que pourraient engendrer
35:58les scénarios irakliens ou libyens.
36:00C'est ça qui me inquiète le plus.
36:01Non, les scénarios irakliens ou libyens, je pense qu'ils ne vont pas se répéter de la même manière.
36:05Quand il a tiré profit de cela.
36:08Et puis je pense que le deal dont on a parlé
36:11va essayer un petit peu de suivre l'évolution de la chose
36:15d'une manière plus paisible que ce qui s'est passé avant
36:21chez les irakiens ou les libyens.
36:24Et moi je ne sais pas, parce que déjà il y a des points de vue importants.
36:32Il y a beaucoup de Syriens qui regagnent aujourd'hui.
36:35Aussi bien de la frontière de la Syrie que de la frontière de l'Irak.
36:37Ils rentrent dans leur pays.
36:39Et la Syrie c'était une grande puissance économique.
36:42Ils ont le gaz, le gaz naturel, le pétrole.
36:45C'était une puissance en matière de textile.
36:47C'était un pays influent aussi.
36:49C'était un pays influent.
36:50Mais malheureusement avec les dissensions internes et les divisions claniques,
36:54je souhaite que les différentes factions syriennes
36:58qui interviennent dans le jeu politique
37:01soient plus raisonnables pour éviter à la Syrie
37:05des expériences passées en Irak ou en Libye.
37:08C'est tout ce qu'on souhaite effectivement, qu'on peut souhaiter pour le peuple syrien.
37:11Merci beaucoup Maître Ibrahim Rajdi.
37:13C'est toujours un plaisir de vous accueillir dans cette émission
37:16pour débattre de sujets divers et variés.
37:18A la prochaine. Merci infiniment Ibrahim.
37:20L'information se poursuit sur Atlantique Radio.
37:23Dans quelques instants Karim Droneh prend le relais pour le journal de 9h30.

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