Bernard Rogel, ancien chef de l'État-major particulier

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Bernard Rogel, ancien chef de l'État-major particulier

Bernard Rogel au micro de Julien Sellier

https://youtu.be/n1nFtCBvULg?si=iDFU-O3I-pnDlCVg

https://www.rtl.fr/actu/politique/invite-rtl-poutine-est-prompt-a-vous-reprocher-ce-qu-il-fait-lui-meme-affirme-l-ancien-chef-de-l-etat-major-particulier-de-macron-7900291995
Transcript
00:00 Avec notre premier invité.
00:02 Et grâce à lui, vous allez pénétrer ce soir dans les coulisses de l'Elysée.
00:05 Dialogue musclé avec Poutine, guerre en Libye, coup de fil à Trump, ces anecdotes se dévorent.
00:10 Notre invité, l'amiral Bernard Rogel, bonsoir.
00:13 Vous avez été chef d'état-major particulier des présidents Hollande et Macron,
00:16 vous avez commandé des sous-marins nucléaires et vous publiez "Un marin à l'Elysée" chez Talendier.
00:21 Ou comment un gamin des quartiers populaires de Brest est devenu l'un des convives,
00:25 quelques années plus tard, autour de la table lors de dîner officiel avec Vladimir Poutine.
00:29 J'ai envie de commencer par Poutine parce qu'il est au cœur de l'actualité en ce moment.
00:33 Vous l'avez notamment rencontré au fort de Brégançon en 2019,
00:37 et vous dites dans votre livre qu'il aime, en quelque sorte, les rapports virils, c'est-à-dire ?
00:41 Oui, c'est vrai. Je l'ai rencontré à plusieurs reprises, d'abord avec le président François Hollande,
00:46 puis avec le président Macron. C'est quelqu'un qui aime installer un rapport de force avec vous,
00:53 quand vous lui parlez. Et c'est quelqu'un qui n'est pas facilement déchiffrable, à vrai dire.
00:59 Mais en tout cas, avec lui, la méthode, c'est de répondre du tac au tac et de répondre à ce rapport de force.
01:05 Il y a eu un échange plein de sous-entendus entre vous et Poutine, d'ailleurs, lors du dîner au fort de Brégançon.
01:10 Oui, c'est vrai. C'est parce que les rapports, encore une fois, sont musclés.
01:15 Et au cours du dîner à Brégançon, il voulait nous faire part de son inquiétude sur notre stratégie spatiale militaire,
01:25 en nous reprochant, en quelque sorte, de militariser l'espace.
01:28 Inquiétude mutuelle.
01:29 Et je lui ai donc répondu que, vraiment, nous, on était dans le cas de la légitime défense,
01:34 et que c'est pas nous qui avions des armes de destruction de satellites, c'est pas nous qui aveuglions les satellites,
01:42 c'est pas nous qui faisons des manœuvres d'approche dangereuses.
01:48 Non, je ne lui ai pas dit "c'est vous". Je lui ai dit "on fait ça pour répondre à certaines puissances qui font ça,
01:56 et on peut collaborer si vous voulez pour ça". Il a parfaitement compris.
02:02 Mais il est aussi pront à vous reprocher ce qu'il fait lui-même.
02:07 Donc c'est ce rapport de force qu'il faut installer.
02:09 - Alors toujours sur Poutine, je vais solliciter votre avis d'expert, tel que vous le connaissez.
02:13 Il est potentiellement derrière l'accident d'avion douteux de Prigojine, le chef de Wagner.
02:17 Ça ne vous semble pas improbable ?
02:18 - Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Disons que le hasard fait bien les choses.
02:22 - Autre personnalité, Tony Truante, autre souvenir.
02:25 Vous racontez le premier coup de fil entre Trump, fraîchement élu, et François Hollande.
02:30 Et alors là, c'est un coup de fil absolument déconcertant.
02:33 - C'est un coup de fil déconcertant parce qu'on découvre un homme qui n'a pas les mêmes codes
02:39 de relations internationales qu'à l'habitude.
02:42 - C'est le moins qu'on puisse dire.
02:43 - Les relations internationales, c'est un milieu feutré,
02:45 où il y a beaucoup de circonvolutions pour expliquer ce qu'on veut atteindre.
02:50 Lui, je crois que je le mets dans le livre, c'est un peu le ring de boxe.
02:54 Il installe un deal avec la personne avec laquelle il dialogue.
03:02 À suivre de ça, je le raconte dans le livre, je me suis précipité sur un livre qu'il a écrit lui-même,
03:06 qui s'appelle "The Art of the Deal", qu'il a écrit bien avant, dans les années 90.
03:11 Et là, vous avez le décryptage entier de Donald Trump.
03:14 C'est-à-dire, je pousse jusqu'à ce que je veux, je mets la barre très haut dans la négociation.
03:19 C'est une négociation avec lui.
03:21 - Alors dans votre livre, Amiral, vous la racontez aussi, vous avez épaulé deux présidents.
03:28 Mais en restant vous-même, un petit exemple assez parlant, quand Emmanuel Macron vous demande de travailler avec lui,
03:33 vous lui répondez "Ok, mais je veux pouvoir dire toujours la vérité et pas uniquement ce que vous voulez entendre", c'est ça ?
03:41 - Oui, c'est vrai, je l'avais déjà dit à François Hollande lorsqu'il m'a appelé.
03:45 Je crois que cette relation de confiance totale, elle est nécessaire dans un domaine aussi sensible
03:50 que celui de la sécurité de la France.
03:53 Et il est important pour un président d'entendre ce qu'on a à lui dire.
03:59 Après, il prend la décision qu'il souhaite.
04:01 Mais en tout cas, il faut pouvoir lui dire en toute franchise et en toute sincérité ce qu'on a envie de lui dire.
04:06 Et je dois dire qu'en plus de trois ans de présence aux côtés d'Emmanuel Macron,
04:11 j'ai toujours dit ce que j'avais à dire et il l'a toujours accepté.
04:14 - Et ça a marché aussi bien avec Emmanuel Macron qu'avec François Hollande ?
04:16 Il y en a un des deux qui était plus réticent à vous expliquer ?
04:18 - Non, non, non, les deux ont parfaitement entendu à chaque fois ce que je vais leur dire.
04:24 Vous savez, je suis breton, j'ai mon caractère et je dis ça pour me taquiner.
04:29 - Ah tiens, on connaît ça !
04:30 - Il y en a deux dans l'équipe, donc ils sont au courant.
04:32 - C'est pour ça que je le dis.
04:34 Mais donc j'ai un caractère granditique et quand j'ai envie de dire quelque chose, je le dis.
04:38 - Je voudrais revenir sur un moment marquant et heureux.
04:40 Quelques jours seulement après l'élection d'Emmanuel Macron,
04:42 vous le racontez dans votre livre, vous l'accompagnez à l'hôpital Percy,
04:44 vous rencontrez un caporal-chef amputé au Sahel.
04:46 Il demande au président de passer un message d'encouragement aux Bleus
04:49 qui vont jouer la finale de la Coupe du Monde.
04:51 Et là le président vous dit "on va faire mieux que ça, on va l'emmener".
04:54 Je voudrais que vous écoutiez justement, dans le vestiaire après la victoire des Bleus à Moscou,
04:58 les mots d'Emmanuel Macron parce qu'on a déniché l'archive.
05:00 - Vous avez fait rêver tout le pays et l'adjudant-chef Cabrita qui est là avec nous,
05:04 il était donné pour mort au Mali.
05:07 On l'a sauvé. Il a perdu une jambe, un bras.
05:10 Et en faisant la fête nationale avec les militaires, comme un président fait toujours les 13 juillet,
05:15 je l'ai revu le 13 juillet, il était sur un fauteuil roulant.
05:18 Et il m'a dit une chose, il m'a dit que la personne qu'il admirait le plus c'était Didier Deschamps,
05:22 ça m'a fait un peu mal au début.
05:25 - C'est forcément quelqu'un de bien.
05:27 - Et il m'a dit "j'ai une faveur à vous demander,
05:30 après-demain quand vous verrez les joueurs,
05:33 dites-leur qu'ils ont fait rêver un petit français comme moi".
05:35 C'est pour ça que je voulais vous l'emmener,
05:37 parce que je voulais que vous vous rendiez compte de ce que vous faites.
05:42 - Ça c'est un moment qui vous a marqué, le bonheur dans les yeux de ce militaire.
05:46 - Bien sûr, j'en ai encore des trémolos dans la voix.
05:51 Je crois que le président de la publique a toujours pris beaucoup de soin
05:55 des gens qu'il a engagés au combat,
05:57 et en particulier les blessés de guerre.
06:01 Alors, je suis passé un peu par tous les sentiments,
06:03 parce que quand il s'est retourné vers moi,
06:05 pour me dire "on va faire mieux que ça, on va l'amener",
06:09 c'était la veille du match.
06:11 - Organiser tout ça !
06:13 - Organiser le déplacement d'un blessé de guerre,
06:17 dans ces conditions-là, c'était pas facile.
06:20 Mais surtout, ce que je retiens de Manuel Cabrita,
06:23 c'est sa force de caractère absolument importante, énorme.
06:27 - Vous avez longtemps été chef d'état-major de la Marine,
06:29 vous avez commandé des sous-marins nucléaires,
06:31 et vous avez des anecdotes sur la vie dans les cylindres de métal
06:34 qui ont fait peur à notre ami claustrophobe Cyprien.
06:38 - Non mais c'est pas très ration quand même, vous nous racontez.
06:40 - Parfois il y a des fuites, des petits défauts d'étanchéité,
06:43 mais que vous, vous trouvez que c'est pas si grave.
06:46 - Non, parce que, alors ça c'était sur les sous-marins classiques,
06:49 en début de carrière, il y a ce qu'on appelle les fuites normales.
06:53 - C'est quoi une fuite normale ?
06:55 - Une fuite normale, c'est une fuite qui n'engage pas la sécurité du sous-marin.
06:58 On est à des profondeurs qui sont importantes,
07:01 donc avec une grande pression,
07:03 donc quand on sait qu'on peut maîtriser cette fuite,
07:05 on en tient un peu moins compte,
07:07 et c'est vrai que ça peut paraître un peu curieux,
07:10 mais on s'y habitue.
07:12 - Pour mieux comprendre l'isolement des profondeurs,
07:14 un jour vous recevez un message pendant une mission,
07:17 et vous apprenez au fond de l'eau les attentats du 11 septembre,
07:21 tout l'équipage est coupé du monde,
07:23 et vous allez attendre des semaines la veille de l'arrivée
07:26 pour communiquer la nouvelle à vos hommes.
07:28 - Oui, parce que ce qu'il faut bien comprendre,
07:30 c'est que lorsqu'on part en patrouille opérationnelle
07:33 sur un sous-marin nucléaire lanceur d'engin,
07:35 on n'est pas coupé de l'information,
07:37 mais l'information est filtrée.
07:39 Pourquoi ? Parce qu'il ne passe pas une nouvelle
07:43 qui impacterait quelqu'un de l'équipage.
07:45 Il faut quand même rester près de 80 jours sous l'eau,
07:47 donc il faut avoir un moral d'acier,
07:49 et quelqu'un qui aurait une mauvaise nouvelle familiale,
07:52 qui la prendrait par hasard dans ces conditions,
07:56 ça ne serait pas convenable.
07:58 Donc les informations sont filtrées,
08:00 le commandant a une vision assez claire
08:02 de tout ce qui se passe, réelle,
08:04 et il n'y a pas de changement.
08:06 Donc on prête attention à ça.
08:08 Et quand la nouvelle du 11 septembre est arrivée,
08:10 le premier message que j'ai reçu,
08:13 que je raconte dans le livre,
08:16 c'est "5000 morts aux Etats-Unis,
08:18 les Etanus se déclarent en guerre",
08:20 c'est quelque chose !
08:22 Pour un commandant de SNLE qui...
08:24 - Oui, vous êtes tout seul à gérer ce message.
08:26 - Mais je n'ai pas voulu dire à mon équipage,
08:28 justement parce que je ne pouvais pas garantir
08:30 que dans les victimes du World Trade Center,
08:35 il n'y aurait pas quelqu'un de la famille de l'équipage.
08:37 Donc je ne l'ai pas dit, j'ai gardé le secret
08:39 pendant 22 jours, tout l'équipage savait
08:41 qu'il y avait quelque chose d'important,
08:43 mais je n'ai pas voulu dire pour ces raisons-là.
08:45 - Il y a mille anecdotes dans votre livre,
08:47 en tout cas, où vous racontez par exemple
08:49 la course-poursuite à travers la Méditerranée
08:51 avec un sous-marin russe, on apprend aussi
08:53 qu'à 10 ans à Brest, vous aviez dit à votre famille
08:55 "je serai amiral, j'irai à Tahiti",
08:57 et que votre grand-mère avait répondu
08:59 "je serai amiral à la grand-mère".
09:01 Merci Amiral Bernard Rogel de nous avoir raconté
09:03 ces anecdotes, c'était passionnant,
09:05 votre livre "Les tout-autants, un marin à l'Elysée"

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