Créateurs, marchands, curateurs… bon nombre d’acteurs permettent de dessiner une scène artistique plus ou moins importante au sein d’un pays. À travers différentes actions d’influence, certains États sont particulièrement présents sur la scène internationale. Depuis quelques années, la France tire son épingle du jeu et se replace au centre de la scène artistique européenne.
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00:00 Et c'est bientôt la semaine de l'art contemporain à Paris avec l'ouverture de Paris+ et puis
00:08 aussi de toutes ces foires dites satellites.
00:11 C'est l'occasion pour nous de se poser la question de la place de la France au sein
00:14 du monde de l'art contemporain.
00:16 Et pour répondre à cette question, j'ai le plaisir de recevoir Nathalie Obadia qui
00:19 est directrice de la Galerie Eponyme et auteur du livre "Géopolitique de l'art contemporain".
00:24 Merci beaucoup d'être avec nous.
00:26 Merci.
00:27 Ma première question c'est, tout de suite quand on voit le titre "Géopolitique de l'art
00:31 contemporain", est-ce que ça se résume, c'est ça le soft power de chaque pays ? C'est
00:36 ce qui se cache derrière le mot soft power ?
00:37 C'est un des mots qui se cachent derrière le mot de soft power.
00:41 En tout cas c'est toute cette politique d'influence, ces actions justement d'influence qui n'ont
00:46 rien à voir avec une guerre, avec des moyens en tout cas de coercitif très forts.
00:55 Et justement ce mot est arrivé et s'est développé après la seconde guerre mondiale
01:01 quand les Etats-Unis ont déployé d'une manière tout à fait sophistiquée la création
01:09 contemporaine des Etats-Unis à travers la peinture, à travers des expositions qui ont
01:13 eu lieu en RFA de l'époque, en France, en Italie ou en Belgique.
01:17 Alors il y a le hard power, soft power.
01:20 Derrière cette géopolitique de l'art contemporain, quels sont les acteurs qui s'y cachent ? Est-ce
01:25 que c'est à la fois justement des acteurs du hard power et des acteurs du soft power ?
01:29 Alors c'est au départ des acteurs du soft power, c'est-à-dire que ce sont d'abord
01:32 les créateurs.
01:33 Pour qu'il y ait un soft power réussi, pour qu'il y ait une tentative en tout cas de l'organiser,
01:38 il faut déjà des créateurs.
01:39 Les créateurs sont en tout cas pour le domaine qui m'intéresse, les artistes, les peintres,
01:46 les artistes plasticiens.
01:47 Et il faut déjà des écoles d'art en tout cas ambitieuses, il faut des galeries qui
01:54 font la promotion d'artistes contemporains.
01:57 Certains collectionneurs du pays qui commencent à acheter et ensuite il y a une action concertée
02:04 avec d'autres acteurs, ce qu'on appelle les test makers, ce que sont les curateurs, les
02:08 conservateurs de musées qui forment ce cercle en tout cas de décideurs et qui font qu'une
02:16 scène contemporaine, artistique, se dessine et se fasse connaître déjà auprès de ces
02:23 citoyens et puis ensuite après à l'étranger.
02:27 Et c'est là qu'effectivement il peut y avoir des aides comme ça a été le cas toujours
02:30 aux Etats-Unis dans les années 50 où la CIA ou le gouvernement américain a aidé
02:34 justement au financement d'expositions dans certains pays à travers les transports notamment
02:40 d'œuvres d'art.
02:41 Et c'est la manière où vous découpez votre livre aussi par chapitre, par acteur de ce
02:46 monde.
02:47 Est-ce qu'on pourrait rajouter un chapitre sur les réseaux sociaux ? Est-ce que ça fait
02:50 partie aussi peut-être d'un acteur de géopolitique ?
02:54 Bien sûr, aujourd'hui les réseaux sociaux sont complètement partie prenante d'un soft
03:00 power.
03:01 On l'a vu notamment avant que la Chine ne se referme que les jeunes collectionneurs
03:05 chinois échangeaient beaucoup sur les réseaux sociaux en parlant de leur acquisition, en
03:11 mettant en avant leurs acquisitions d'artistes chinois, asiatiques ou américains.
03:16 Donc ils existaient, ils faisaient exister le pays justement dans ce monde de l'art.
03:21 Comme aujourd'hui la scène française et les artistes, je le vois très bien à travers
03:26 des artistes contemporains très jeunes, ils ont une facilité justement de se faire connaître
03:32 aussi à travers les réseaux sociaux, à travers Instagram.
03:35 On rentre directement dans leur atelier, que ce soit à l'école des beaux-arts ou même
03:39 dans leur atelier plus tard, même si ça ne suffit pas pour justement construire une
03:44 carrière.
03:45 On a besoin des autres acteurs que sont les galeries et les conservateurs de musées et
03:50 aussi bien entendu les critiques d'art.
03:53 Alors vous avez écrit déjà plusieurs éditions de ce livre.
03:56 Quels sont les grands mouvements qu'on voit de changement depuis ces dix dernières années
04:02 dans la géopolitique de l'art contemporain ?
04:04 Alors je dirais qu'à partir des années 70, il y a le réveil d'autres pays, autres
04:12 que les Etats-Unis sur justement la scène de l'art contemporain.
04:16 On l'a vu notamment avec l'ARFA, donc aujourd'hui l'Allemagne, qui très tôt dès 1967, à
04:22 travers une foire, mais aussi dès 1955 avec la création de Documenta, qui a voulu montrer
04:27 qu'elle faisait évidemment table rabe toute cette période du nazisme et qu'il y avait
04:32 une nouvelle scène artistique qui était en train de naître.
04:35 Et c'est à travers justement Documenta et la foire de Cologne en 1967 qu'on s'est
04:40 aperçu qu'il y avait des artistes comme Baselitz, évidemment aussi Luperce, Richter,
04:47 Beuys, et donc bien entendu que tout ça a été aussi articulé autour de galeries allemandes.
04:53 Et ensuite on l'a vu aussi notamment avec le Royaume-Uni, où à la fin des années
04:57 80, avec l'école, ce qu'on appelait les Young British Artists, à travers Damien
05:01 Hearst, à travers un acteur très important qui était le collectionneur, et aussi justement
05:05 un grand homme de communication, Saatchi, qui a remonté la scène artistique anglaise.
05:13 Et on s'est aperçu qu'à un moment donné, elle est rentrée même en compétition avec
05:18 la scène américaine.
05:19 On a vu Damien Hearst arriver au même niveau que Jeff Koons dans les grandes collections
05:22 internationales.
05:23 Et puis aujourd'hui, on voit évidemment la France prendre sa place.
05:27 - Justement, on a fait cette édition 2023, qu'est-ce qui change dans cette nouvelle
05:31 édition ? Est-ce que c'est la place de la France ?
05:33 - Alors, disons que la France est en train de reconquérir une place qu'elle avait complètement
05:37 perdue depuis la seconde moitié du XXe siècle.
05:41 Et aujourd'hui, Paris redevient… Alors je dis Paris parce que nous sommes quand même
05:46 dans un pays très centralisé.
05:48 Et Paris redevient le centre, en dehors de New York.
05:51 Je dirais qu'aujourd'hui Londres s'est un peu plus compliquée avec le Brexit.
05:54 Elle redevient une place centrale de la scène artistique, avec effectivement l'entrée
06:02 en jeu et la mise en place de tous les acteurs que sont les galeries, les plus expérimentales
06:06 ou les plus puissantes.
06:07 Les ventes aux enchères, il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui Sotheby's et Christie's
06:11 appartiennent à deux Français.
06:12 Ils sont en train même de déplacer des ventes importantes de Londres à Paris.
06:18 Ensuite, on voit que des artistes français sont de plus en plus reconnus, que des artistes
06:22 étrangers viennent s'installer en France.
06:25 On voit que par exemple, David Hockney pour le plus connu, ou des artistes moins connus
06:29 comme Ogiron Dienone ont choisi la France maintenant pour travailler et habiter.
06:33 Et puis aussi, surtout, des grands collectionneurs français, des locomotives comme François
06:38 Pinault et Bernard Arnault, et aujourd'hui accompagnés de centaines, on va dire même
06:42 de plusieurs centaines, voire de milliers de collectionneurs français qui sont dans
06:46 le jeu de l'avant-garde.
06:47 C'est ce qui était d'ailleurs le problème en France.
06:48 On n'avait pas beaucoup de collectionneurs d'avant-garde.
06:49 Oui, c'est ça, c'est ce que vous dites, c'est qu'il n'y a pas beaucoup de mise en avant
06:53 de l'art très contemporain.
06:55 On va sur la modernité, l'art moderne.
06:57 Ce paramètre, ce paradigme a énormément changé.
07:00 Alors grâce évidemment à des collectionneurs, oui on peut le dire, comme François Pinault
07:04 et comme Bernard Arnault, mais aussi comme d'autres.
07:06 On le voit aujourd'hui à travers nos galeries que les artistes vraiment d'avant-garde, les
07:12 plus jeunes, ceux-là même qui ne sont pas simplement des peintres dont on peut dire
07:16 qu'ils sont achetés pour être accrochés à des murs, mais aussi avec des propositions
07:21 beaucoup plus expérimentales, sont achetés par les collectionneurs français.
07:25 Et aujourd'hui, s'il y a autant de galeries étrangères qui s'installent à France, et
07:31 si une foire comme Arbazel a choisi de s'implanter en France…
07:34 Oui, parce que c'est dans ce sens-là du coup.
07:35 Voilà, c'est parce que justement le réveil de Paris se dessine déjà depuis une bonne
07:39 dizaine d'années et que bien sûr que le savoir-faire par exemple d'Arbazel apporte
07:45 en tout cas ce socle de performance, de professionnalisme qui pêchait peut-être avec d'autres acteurs
07:54 et qui font qu'aujourd'hui Paris est devenue vraiment en Europe la place incontournable
07:58 pour la scène de l'art contemporain.
08:00 Parce que c'est Arbazel qui va confirmer cette place et non pas l'initier on va dire.
08:04 Elle vient la confirmer, elle vient en tout cas l'augmenter, ça c'est éclairé net
08:10 qu'en deux ans, on va le voir d'ailleurs la semaine prochaine, le fait qu'il y ait
08:15 Arbazel, on sait qu'il y a des collectionneurs vraiment les plus exigeants qui vont choisir
08:21 de venir à Paris, peut-être même de délaisser Friese qui a lieu cette semaine, peut-être
08:26 même, peut-être ils vont choisir de venir à Paris plutôt que d'aller à Bal au mois
08:30 de juin donc simplement un voyage par an et puis on le voit avec la proposition et des
08:34 galeries, des artistes qui sont proposés dans les galeries en ce moment et la proposition
08:38 dans les musées entre Roscoe, McKelly ou Modigliani pour donner même évidemment Van Gogh, on
08:44 s'aperçoit que cette proposition d'exposition va forcément faire venir le monde entier
08:49 en dehors de la Foire.
08:50 Merci beaucoup Nathalie Obadia, je rappelle que vous êtes directrice de la galerie Nathalie
08:54 Obadia et auteure de l'ouvrage Géopolitique de l'art contemporain.
08:58 Merci à vous de nous avoir suivi dans cette émission que vous pouvez bien sûr regarder,
09:02 retrouver sur bsmart.fr et quant à nous on se retrouve la semaine prochaine pour un
09:06 nouvel épisode d'Art et Marché.
09:08 Merci.
09:09 Merci.
09:09 Merci.
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