Leur patch tête de mort fait trembler, leur nom nourrit tous les fantasmes. Les combattants du groupe paramilitaire russe Wagner étaient inconnus du grand public il y a encore quelques mois. Depuis, ils ont été accusés de déstabiliser l’Afrique, de commettre les pires atrocités en Ukraine. Le 23 juin dernier, ils tentaient aussi l’aventure d’une mutinerie, derrière leur chef Evgueni Prigojine, disparu depuis dans un étrange crash d’avion le 23 août.
Grand reporter et directeur de la rédaction d’Omerta, Régis Le Sommier a rencontré ces combattants dans le Donbass, où ils ont été redéployés au sein d’autres unités dont certaines de l’armée russe. Pendant près de 10 jours, il a pu les côtoyer, appréhender leurs formations et leurs compétences, évaluer leur rôle dans le conflit. "Les rescapés de Wagner", un documentaire exclusif d’Omerta présenté par Régis Le Sommier sur TVL.
"Les rescapés de Wagner", disponible ici sur abonnement : https://www.omertamedia.fr/movie/148/
Grand reporter et directeur de la rédaction d’Omerta, Régis Le Sommier a rencontré ces combattants dans le Donbass, où ils ont été redéployés au sein d’autres unités dont certaines de l’armée russe. Pendant près de 10 jours, il a pu les côtoyer, appréhender leurs formations et leurs compétences, évaluer leur rôle dans le conflit. "Les rescapés de Wagner", un documentaire exclusif d’Omerta présenté par Régis Le Sommier sur TVL.
"Les rescapés de Wagner", disponible ici sur abonnement : https://www.omertamedia.fr/movie/148/
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00:00 [Générique]
00:06 Leur nom était presque inconnu il y a deux ans.
00:08 Ils sont accusés de déstabiliser l'Afrique,
00:10 de commettre des crimes de guerre en Ukraine au nom de la Russie.
00:14 Ce nom, vous l'imaginez, c'est le groupe paramilitaire Wagner.
00:17 Mon invité les a rencontrés. Régis Le Saumier, bonjour.
00:19 Bonjour.
00:20 Alors, vous êtes grand reporter, on le sait.
00:22 Vous êtes également directeur de la rédaction d'OMERTA.
00:25 OMERTA, pour qui vous avez réalisé un documentaire exclusif,
00:28 les rescapés de Wagner.
00:30 Alors, peut-être pour commencer, pour que tout le monde se souvienne,
00:33 qu'est-ce donc que cette milice, ce groupe paramilitaire Wagner ?
00:37 Alors, c'est une milice qui a été fondée, je crois, le 1er mai 2014,
00:41 si ma mémoire ne fait pas défaut,
00:44 par un ancien des forces spéciales russes,
00:49 qui s'appelait Dmitri Houtkine,
00:51 puisqu'il est mort dans l'accident d'avion avec Yevgeny Prigojin.
00:55 Et donc, il a rencontré Prigojin peu avant.
00:57 Ils ont décidé de faire cette milice à partir de 2014.
01:00 Pourquoi 2014 ?
01:01 Puisque la partie est de l'Ukraine, à l'époque le Donbass,
01:07 est rentrée en sécession face à Kiev.
01:09 Il y a eu le début d'une guerre absolument sanglante dans cette région.
01:15 Et puis, Wagner est venu aider les séparatistes prorusses
01:19 de cette zone en combattant.
01:21 Donc, la milice a été faite à partir de cette époque.
01:24 Ensuite, en effet, comme vous l'avez signalé,
01:26 elle s'est intéressée à l'Afrique.
01:28 Elle a utilisé le principe de ce qu'on appelle donc
01:30 une "chevekar" en russe, ou une "SMP", Société Militaire Privée.
01:34 C'est vraiment le modèle "Blackwater"
01:36 inventé par les Américains au moment de la guerre en Irak.
01:39 C'est-à-dire l'idée mercantile de la guerre.
01:42 C'est-à-dire qu'on fait…
01:43 – Le mercenariat, tout simplement.
01:44 – Le mercenariat, avec le côté business aussi.
01:47 C'est-à-dire que Blackwater agissait également
01:51 dans un environnement où il y avait Ali Burton,
01:54 où en fait, l'idée, elle vient de Dick Cheney
01:56 et de Donald Ramsey à l'époque, de privatiser l'armée, tout simplement.
02:00 C'est-à-dire de créer une multitude de sociétés privées comme ça,
02:04 parfois certaines en compétition avec les autres,
02:07 pour assurer d'abord toute l'intendance de l'armée américaine en Irak,
02:10 et puis certaines missions de sécurité.
02:12 Il s'agissait pour Blackwater,
02:14 non pas d'aller nécessairement dans des missions de combat,
02:17 mais par exemple, Blackwater assurait toute la sécurité
02:20 des membres du département d'État en Irak et de l'ambassade.
02:24 Toutes les personnalités venant en Irak visiter le pays
02:27 partaient en général avec une sécurité opérée par Blackwater.
02:31 – Ça permet d'organiser un peu une forme de partenariat
02:33 avec les armées régulières.
02:34 On voit par exemple que quand les États-Unis
02:36 ont pu se désengager de certains terrains,
02:38 ils laissent sur place leur société paramilitaire.
02:39 – Tout à fait.
02:40 Ça permet aussi de ne pas accentuer ce qu'on appelle,
02:43 ce que les Américains appellent le "body count",
02:45 c'est-à-dire le fait qu'il y ait des morts militaires.
02:48 Quand il y a un mort d'une société militaire privée,
02:53 je ne vais pas dire que c'est moins grave, mais c'est moins visible,
02:55 ça ne rentre pas dans les statistiques de l'armée.
02:57 Et ça, tous les pays ont joué de ça, les sociétés militaires privées,
03:01 telles qu'on les connaît aujourd'hui si on est en Afrique du Sud.
03:03 On peut faire remonter ça même jusqu'à l'époque de Bob Denard,
03:08 où en France, c'est de la France-Afrique,
03:09 où on avait ces commandos faciles, utiles à utiliser,
03:13 qu'on pouvait actionner et ensuite déstabiliser tel ou tel pays
03:17 suivant les intérêts de la France.
03:18 – Ce qui explique que souvent on les considère comme de la chair à canon.
03:20 – Ah oui, complètement.
03:21 Alors, pour ce qui est de Wagner, le processus a été, je vais dire,
03:26 développé de façon encore plus importante.
03:30 Il y a eu la question de l'Afrique, où tout simplement à partir de 2016,
03:35 se passe, c'est la fin de l'opération Sangharis,
03:38 dans laquelle les Français sont impliqués,
03:40 sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy.
03:44 La France quitte la Centrafrique et les Wagner vont venir,
03:49 finalement, combler le vide, le vide sécuritaire.
03:52 D'abord, s'occuper de la sécurité des meetings du futur président.
03:58 Une fois que celui-ci est élu,
04:01 ils vont s'occuper de la garde présidentielle, puis ensuite de l'armée.
04:04 Et ensuite, l'idée c'est, on vous assure votre sécurité,
04:07 mais on se paye "sur la bête",
04:11 c'est-à-dire qu'on va utiliser des revenus de mine,
04:14 des revenus de ressources du pays, avec des contrats avec le pays.
04:19 Donc, ils vont faire ça en Centrafrique.
04:21 Ensuite, va se passer la question, à peu près au même moment,
04:24 la question de la Syrie, où Wagner est entrée de façon assez fracassante,
04:31 avec justement la reconquête de Palmyre.
04:33 Palmyre a été perdue par les troupes du gouvernement de Bachar el-Assad,
04:38 et Wagner va aider, avec le Hezbollah, à la reconquête de Palmyre.
04:43 Ensuite, Wagner va être aussi dans l'opérationnel pour la reconquête d'Alep,
04:47 qui est un des tournants de la guerre en Syrie.
04:49 Donc, ça a permis pour la Syrie de…
04:52 Les Russes, en armée officielle, ont déployé à peu près 5 000 soldats,
04:56 et 70 aéronefs, hélicoptères, sous-rois, enfin avions de chasse confondus.
05:02 C'est très peu.
05:03 Et Wagner est venu pour suppléer, à côté, et pour faire un travail décisif,
05:07 puisque, en fait, le principe qui sous-tend Wagner,
05:11 c'est en effet des soldats de fortune,
05:12 en effet des gens qui vont chercher une solde, chercher de l'argent,
05:15 qui sont mieux payés que dans l'armée régulière,
05:18 mais surtout, c'est des gens qui ont des compétences.
05:20 C'est souvent des anciens forces spéciales, des anciens commandos,
05:24 des gens qui ont vécu des guerres, qui les ont connus.
05:28 – Ça, c'est un point très important,
05:29 parce que ce n'est pas du tout ce que nous donnaient comme informations
05:32 les médias généralistes, en réalité.
05:34 On nous expliquait que c'était des reprises de justice un peu demeurées.
05:37 – La question des reprises de justice existe,
05:39 et elle est présente dans notre documentaire.
05:41 Je vais vous raconter ensuite, quand on va venir, sur le documentaire.
05:44 Mais pour ce qui est de Wagner en soi, en effet, sur la question ukrainienne,
05:48 il y a eu l'idée qui vient de Prigojin, c'est Yevgeny Prigojin qui décide,
05:52 d'abord, de financer la SMP Wagner, avec aussi des fonds venant de l'État russe,
05:58 il y a des deux, de faire son armée privée.
06:01 Mais son armée privée, il a l'idée, en se disant,
06:03 est-ce qu'on ne peut pas proposer à des prisonniers,
06:07 justement, en échange de leur liberté, de servir dans la SMP,
06:12 et les envoyer sur le front ? Et c'est ce qui s'est produit.
06:14 – Il y avait un recrutement. – Il y a eu un recrutement.
06:16 – Vous ne prenez pas n'importe qui.
06:17 – Non, pas n'importe qui, et il y a surtout une formation.
06:19 Et là où j'ai été très surpris, c'est qu'aujourd'hui,
06:23 je vais y venir, mais pour un petit peu avancer sur notre documentaire,
06:28 c'est qu'en fait, les anciens de Wagner, depuis la mort de Prigojin,
06:31 beaucoup ont été réaffectés dans des unités,
06:34 parfois dans des groupes de volontaires, dans des bataillons de volontaires.
06:38 Il y a de multiples unités qui opèrent sur le front ukrainien,
06:42 et ils sont sur le front ukrainien, et ils sont aussi à la formation.
06:45 Et dans cette formation, ils ont gardé cette composante,
06:47 c'est-à-dire qu'il y a d'autres bataillons,
06:49 comme celui qu'on a rencontré, qui est le bataillon des loups,
06:52 qui utilisent des prisonniers également.
06:56 Donc la technique Wagner de former des prisonniers
06:59 pour les envoyer sur le front existe toujours.
07:02 – Alors justement, on sait que les combattants de Wagner
07:05 ont œuvré grandement dans la bataille de Barkhmouth,
07:07 qui a finalement été un succès pour l'armée russe.
07:10 On sait ensuite, qu'on va peut-être y revenir aussi après,
07:13 quand on verra peut-être les témoignages,
07:15 mais le 23-24 juin, Evgeny Prigojin décide de monter vers Moscou
07:21 pour se lancer dans une forme de mutinerie
07:23 que d'aucuns en Occident ont voulu qualifier de tentative de coup d'État.
07:27 On le verra un peu plus tard, que c'était quand même
07:29 un petit peu en dessous de ça.
07:31 Néanmoins, l'avenir de la milice Wagner s'est joué à ce moment-là
07:35 et on a bien vu que les combattants avaient été redéployés.
07:37 Beaucoup avaient dit qu'ils avaient été redéployés
07:40 de l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire plutôt en Biélorussie.
07:43 On découvre, grâce à vous, que ce n'est pas le cas.
07:45 – Exactement, c'est ça le point fort de notre documentaire,
07:48 c'est de montrer qu'ils sont dans l'opérationnel,
07:51 dans la formation d'abord, puisque, en fait,
07:53 comment on le découvre ?
07:54 Tout simplement parce qu'au départ,
07:56 on ne part pas du tout pour rencontrer des gens de Wagner.
07:58 On a entendu dire qu'il y en avait.
08:00 On va vous dire, en tant que reporter, on part, on quitte Moscou,
08:05 on arrive dans le Donbass et là, on doit rejoindre une unité de Cossacks.
08:09 Cossacks, vous savez, c'est ces anciennes, très anciennes communautés guerrières,
08:12 libres, en gros les serviteurs de l'Empire tsariste
08:16 et qui ont été réaffectées au vu des changements,
08:19 des divers changements politiques en Russie
08:22 et qui aujourd'hui font partie de l'appareil militaire russe
08:25 et des unités de Cossacks.
08:26 Vous savez aussi, d'ailleurs, des Cossacks côté ukrainien.
08:28 Et donc là, on doit passer du temps avec une unité de Cossacks
08:32 qui s'appelle l'ENICE, une unité de Cossacks très ancienne avec une histoire.
08:37 Et dans la voiture, un de leurs représentants,
08:39 celui qui est venu nous chercher dans la ville de Lugansk.
08:42 – Donc dans le Donbass ?
08:43 – Dans le Donbass, nous dit, voilà, vous verrez,
08:48 et puis on a un instructeur qui vient de Wagner.
08:51 Alors là, on entend le mot, le mot est lâché.
08:55 Je me dis, mais est-ce que c'est possible de le rencontrer ?
08:57 Bien sûr, vous le verrez probablement demain.
09:01 Et le lendemain, se passe ce genre de moment où, vous savez,
09:06 les Cossacks, c'est des vieux soldats,
09:07 c'est des gens, pour certains, qui ont fait l'Afghanistan,
09:09 qui ont fait la Tchétchénie,
09:11 énormément d'expériences de guerre, etc.
09:13 Donc ils aiment beaucoup raconter leurs histoires, etc.
09:15 Et la discipline, je dirais, chez les Cossacks,
09:17 elle est peut-être moins importante que chez d'autres unités d'élite
09:21 ou moins importante peut-être que dans l'armée régulière.
09:23 Il y a un côté un petit peu fraternité guerrière plus qu'autre chose.
09:27 Et donc, ça se fait un peu comme ça.
09:30 On va au déjeuner, on discute avec le commandant, on discute.
09:33 Et tout à coup, je demande au commandant…
09:36 – Il ne faut pas passer par l'état-major
09:37 pour avoir une interview toutes les 3 minutes.
09:39 – Non, exactement.
09:40 Il n'y a pas vraiment…
09:41 Il y a des gens qui, évidemment, vont contrôler, vont essayer.
09:45 Toujours ça, chez les Russes,
09:46 il y a quand même toujours quelqu'un qui a une oreille.
09:48 Mais là, chez les Cossacks, c'est plutôt détendu.
09:51 Et je demande au commandant au matin, on vient de terminer,
09:54 je lui dis "mais votre responsable",
09:56 et ça, on l'a filmé, c'est dans le documentaire,
09:57 je lui dis "mais vous avez quelqu'un de Wagner à l'instruction ?
10:00 Ah oui, il s'appelle… c'est Marguel".
10:03 "Marguel", c'est évidemment un pseudo,
10:04 je crois que ça vient de "Game of Thrones" ou quelque chose comme ça,
10:06 parce qu'ils ont tous des pseudos, ils ont tous…
10:09 Ils s'appellent par leur pseudo,
10:11 on finit par même oublier leur nom et leur prénom.
10:13 – C'est l'objectif sans doute d'ailleurs.
10:15 – Exactement, c'est ça, c'est la dissimulation, les masques, etc.
10:18 Vous allez voir, et donc on voit le type de Wagner qui arrive,
10:22 il nous le présente, on commence à le filmer,
10:24 "ah non, non, il ne faut pas le filmer, il faut le filmer mais avec son masque".
10:29 Donc bon, mais là, pour le moment, il fait son instruction,
10:34 "suivez-le", donc on va dans les bois,
10:36 et puis on fait 2-3 kilomètres à pied,
10:38 et on se retrouve sur ce qu'on appelle un polygone de tir,
10:41 avec des maisons défoncées, etc.,
10:43 où ils font des entraînements à balles réelles.
10:46 Et donc là, il y a un entraînement au déminage pour en premier,
10:49 et on voit ce type de Wagner entraîner les autres,
10:53 on est autorisé à filmer l'entraînement,
10:55 et l'entraînement c'est de la prise de maison type "backmood",
10:58 c'est-à-dire avec assaut à la grenade, mortier,
11:01 comme en sniping, il y a tout,
11:04 et c'est lui qui vraiment porte l'histoire,
11:07 et on lui demande, il y a un moment d'attente,
11:11 "est-ce qu'on peut vous interviewer ?"
11:12 et il dit "ok", et là il met un masque à tête de mort.
11:15 Donc voilà, et tout de suite,
11:18 je sais que moi dans ce genre de circonstances,
11:20 on ne sait pas combien de temps on va avoir,
11:22 on ne sait pas s'il ne va pas être amené,
11:25 ou s'il n'y a pas un type qui va pas dire "allez, on arrête,
11:27 on a autre chose à faire",
11:28 donc je pose tout de suite les questions importantes.
11:30 – Vous ne vous demandez pas si on a mis la bonne cravate.
11:31 – Voilà, ma première question,
11:35 Yevgeny Prigojin est allé à Rostov,
11:37 s'est rendu à Rostov, fait partie des hommes de Wagner
11:41 qui sont allés à Rostov avec lui,
11:43 et là il me regarde et me dit "non,
11:44 moi je ne faisais pas partie de la colonne qui est partie vers Rostov,
11:47 je faisais partie de la colonne qui est partie vers Moscou".
11:50 – Encore mieux, mieux, incroyable.
11:53 – Voilà, et je lui dis "mais qu'est-ce que vous aviez dans la tête ?
11:58 Est-ce que vous avez pensé à renverser le gouvernement ?
12:01 Est-ce que… qu'est-ce que vous espériez ?"
12:04 et là il commence à me dire "oui,
12:07 j'espérais que beaucoup de choses positives
12:11 sortiraient de cette action",
12:13 et là, paf, il y a un type qui arrive,
12:16 évidemment qui sent que on est en train…
12:19 – Ça va un peu loin.
12:19 – Et lui-même dit "vous comprenez que je ne pourrai pas tout vous dire", etc.
12:24 Donc voilà, je constate non seulement qu'il y a des Wagner,
12:26 mais il y a aussi des Wagner qui ont fait partie de ceux
12:29 qui ont fait trembler le pouvoir,
12:30 de ceux qui, à l'époque,
12:32 on suivait ça dans les chaînes d'info en continu en France,
12:36 allaient renverser Poutine,
12:38 enfin c'était ce qu'on disait en Occident,
12:39 même si, vous l'avez noté,
12:41 c'était plus une question de solde et une question de problèmes relationnels
12:46 entre le ministre de la Défense et Yevgeny Prigojine
12:51 qu'autre chose, même s'il y a encore,
12:53 ça j'ai pu le remarquer, les griefs…
12:56 – Oui, les griefs n'ont pas disparu,
12:57 et clairement de Prigojine, bien sûr.
12:58 – Et beaucoup de soldats sont encore très mécontents
13:00 vis-à-vis de leur hiérarchie,
13:01 ça, ça existe et Prigojine a véritablement capitalisé là-dessus,
13:05 on le sent très très bien,
13:06 c'est quelqu'un qu'on puisse considérer
13:08 comme un véritable dieu vivant parmi les soldats,
13:10 ils en parlent quasiment avec des larmes aux yeux
13:13 des anciens de Wagner et d'autres qui n'ont pas participé à Wagner,
13:16 donc c'est quand même incroyable cette relation qu'il a sutissée
13:21 que ce type qui était un ancien repris de justice,
13:24 cuisinier de Poutine,
13:25 qui avait fait dans la restauration,
13:27 était tout à coup devenu l'emblème des soldats russes
13:30 et de ces soldats oubliés par leur hiérarchie
13:35 ou en tout cas méprisés par l'état-major,
13:37 voilà ce qu'il a réussi à faire
13:39 et ça c'est vraiment, vraiment, la légende de Prigojine
13:43 est inscrite là-dedans.
13:45 Mais donc, on a évidemment,
13:47 donc là-dessus, après quand je vois que c'est compliqué,
13:50 j'essaie de revenir sur cette question mais je vois que c'est fini,
13:53 mais bon, je lui fais parler de Bakmouth
13:56 et là, bon, évidemment, il était sniper,
13:58 il participait au groupe d'assaut contre les bâtiments à Bakmouth
14:03 et donc il me raconte qui vous avez en face,
14:06 les ukrainiens, les vagues d'ukrainiens, etc.
14:08 Donc ça devient un comment, déjà, je me dis,
14:11 pour la première journée sur le,
14:13 on n'est même pas sur le front, on est à 30 kilomètres
14:16 et je me dis, c'est déjà incroyable
14:18 et le lendemain, on continue avec ces Cossacks
14:21 et on apprend qu'il y a un autre bataillon,
14:25 on fait une demande,
14:28 au départ, on parle de formation, d'aller voir comment ça se passe,
14:31 la formation parce qu'on a fait,
14:34 et puis finalement, on tombe sur ce bataillon
14:37 qui s'appelle le bataillon des loups
14:38 et là, en gros, si vous voulez, on est autour de,
14:41 on se rend compte qu'en fait, c'est tous des Wagner ou quasiment,
14:43 alors il y en a qui le disent, il y en a qui le disent pas,
14:45 ceux qui ne le disent pas vous diront,
14:47 qu'est-ce que vous avez fait avant en Ukraine ?
14:49 Ils vous diront, je ne peux pas vous commenter
14:50 ce que j'ai fait avant en Ukraine ou voilà.
14:53 Et puis il y en a qui l'affichent,
14:56 il y en a qui affichent le logo,
14:57 donc ça veut dire que le logo Wagner, la tête de mort,
14:59 est accepté dans l'armée régulière ?
15:01 Absolument, tel qu'il est, voilà.
15:03 Et aussi, ça veut dire que, vous en avez,
15:07 alors il y en a un qui est incroyable dans notre documentaire
15:09 qui s'appelle Oleg,
15:10 Oleg, lui, un matin, on arrive et puis il est en train de faire
15:14 un petit déj pour ses camarades,
15:16 il fait partie des instructeurs,
15:17 donc on est dans une maison pas très loin du front cette fois-ci,
15:21 et il fait un petit déj et il nous explique,
15:24 il commence à nous expliquer avec quelques mots d'arabe
15:28 parce qu'il a gardé des condiments de Syrie,
15:32 que c'est un petit déjeuner syrien qui est en train de nous concocter,
15:36 et il se rappelle la Syrie,
15:37 moi j'ai couvert pas mal de, beaucoup la guerre en Syrie,
15:41 donc notamment la bataille de Palmyre,
15:43 on parle de Palmyre, il dit, déjà il dit pas Palmyre,
15:47 il dit Tadmor, Tadmor c'est une Palmyre en syrien,
15:50 donc il y a beaucoup passé de temps là-bas.
15:53 Il y en a un autre à côté qui nous dit juste après,
15:55 oui, avec Oleg, on s'est rencontré en Libye,
15:59 et en fait on se rend compte qu'on est dans toute l'histoire de Wagner,
16:04 en fait que ces gens, ces hommes qu'on a en face de nous,
16:07 sont des instructeurs,
16:08 donc on va assister à ce qu'ils font sur la formation,
16:12 et c'est là qu'on se rend compte que les types qu'ils forment
16:14 en allant sur le pas de tir,
16:16 sont des gens en général d'ethnies de l'Est de la Russie,
16:20 et que ce sont des prisonniers,
16:22 ils auraient pu ne pas nous le dire, nous l'on dit,
16:25 par contre on avait prévu de leur parler,
16:29 de pouvoir leur parler,
16:30 et en fait le jour où on y est allé,
16:32 le lendemain, on nous a dit,
16:35 tous les prisonniers sont partis sur le front.
16:37 Il y a eu une percée ukrainienne au sud de Bakhmout,
16:40 on les a envoyés,
16:41 donc ça veut dire que les types avec qui on a,
16:43 c'était leur dernière journée d'entraînement,
16:45 alors ils n'étaient pas très très développés,
16:47 c'était pas des super mecs,
16:48 à la différence des mecs de Wagner,
16:49 où on voyait tout de suite qu'il y avait quand même
16:52 deux qualités de soldat,
16:54 et une expérience militaire absolument incroyable,
16:59 mais ce qui a été assez fou,
17:00 c'est donc, ça c'est la deuxième partie de notre enquête,
17:03 c'est qu'on se rend compte que l'instruction
17:05 de tout un groupe armé,
17:07 en fait qui fonctionne comme une Cheveka,
17:10 comme une SMP, un peu comme Wagner,
17:12 qui s'appelle le fameux bataillon des loups,
17:15 mais bon, plus encadré aujourd'hui par l'armée russe,
17:19 que donc ces anciens de Wagner ont été réintégrés,
17:23 et la troisième partie de notre reportage,
17:24 c'est, on suit les loups,
17:27 et on va au front avec eux,
17:28 et là on se retrouve sur le front de Soledad,
17:30 donc plusieurs observations,
17:33 c'est-à-dire que le front de Soledad,
17:36 c'est quand Soledad est tombé,
17:38 c'est Wagner qui a fait tomber Soledad en janvier dernier,
17:41 janvier au début de l'année,
17:42 ensuite il y a eu Bakhmout,
17:43 ces deux villes qui sont vraiment à quelques kilomètres l'une de l'autre,
17:47 et bien en fait le front s'est reformé à l'ouest des deux villes,
17:53 et en fait les ruines de ces villes qu'on a vues à la télé,
17:57 avec donc pour Soledad c'est les mines de sel,
17:59 Bakhmout c'était ces barres d'immeubles, etc.,
18:02 toutes ces structures urbaines sont aujourd'hui utilisées par les russes,
18:07 alors il y a d'autres unités,
18:08 mais ce qu'on va voir c'est qu'il y a aussi des Wagner qui sont toujours là,
18:12 et bien il y a d'autres unités qui utilisent en fait
18:15 les positions de défense faites par des ruines,
18:18 pour, comme ligne de front en fait,
18:20 c'est-à-dire que le problème aujourd'hui pour les ukrainiens,
18:23 c'est d'arriver à reconquérir ces ruines,
18:26 qui disposent en leur sein, c'est là où se sont camouflées,
18:29 les pièces d'artillerie des russes, la vie des soldats...
18:33 – Pardon, je vous interromps, ce que ça montre surtout,
18:35 c'est que si les ruines qui ont été gagnées par les russes
18:38 servent aujourd'hui de lignes de fortification russes,
18:41 c'est qu'ils ont quand même beaucoup avancé.
18:43 – Ils ont beaucoup avancé, en tout cas ils ont reconquié,
18:45 on se dit, vous savez, quand vous observez la contre-insurrection,
18:49 la contre-offensive ukrainienne,
18:51 vous voyez qu'ils essayent de taper au nord de Bakhmout et au sud,
18:55 mais que la ville en tant que telle, il n'y touche pas,
18:58 ou en tout cas il la pilonne, mais les russes pilonnent aussi.
19:01 Mais la difficulté c'est qu'il y a ces habitations,
19:03 c'est qu'il y a ces fortifications, qu'il y a ces usines désaffectées,
19:07 ces terrils parfois.
19:08 – C'est comme les grottes à mer quoi, c'est presque...
19:10 – Voilà, là, tout à fait par hasard, juste avant d'arriver,
19:13 j'écoutais une émission qui expliquait justement une autre ville
19:16 qui est un peu plus au sud, qui s'appelle Avdivka,
19:19 où les russes ont fait une percée hier,
19:22 et là hier les russes ont réussi à prendre un terril,
19:25 vous savez les montagnes de charbon, et là il y en a plein.
19:28 Donc le terril, ça veut dire qu'on est en hauteur,
19:30 évidemment quand on a une hauteur, on a une disposition d'artillerie,
19:34 évidemment une supériorité d'artillerie parce qu'on peut implanter des pièces,
19:37 et l'autre n'a plus l'avantage.
19:39 L'idée du Donbass à chaque fois,
19:40 c'est pour chaque belligérant d'arriver à conquérir les hauteurs.
19:44 On le voit aussi pour le sud, c'est pareil.
19:45 Donc cette contre-offensive ukrainienne aujourd'hui,
19:48 elle est bloquée par ces décombres de villes
19:51 dans lesquelles les russes actionnent leur pièce d'artillerie,
19:54 ont évidemment installé un tas de pièges et miné les pourtours,
20:00 mais ils ont surtout, ils vivent en sous-sol,
20:03 ils sont dans les immeubles,
20:04 on logeait nous dans des appartements
20:08 que les gens avaient dû quitter visiblement
20:10 puisqu'ils avaient encore toutes leurs affaires.
20:11 C'était d'ailleurs toujours très tragique de se retrouver dans les…
20:15 moi ça m'est arrivé plusieurs fois dans des reportages…
20:18 – Dans des vies volées, un peu trachées.
20:19 – Exactement, vous avez l'album de famille,
20:21 vous dormez à côté de l'album de famille des gens,
20:23 de leurs icônes qui sont encore au mur.
20:26 Et en fait, tout ça, pourquoi ?
20:28 Parce que l'immeuble a été bombardé,
20:30 donc la nuit on dort là, mais pas pendant la journée,
20:33 parce que dans la journée les mouvements peuvent être détectés par les drones.
20:36 Pareil, pour fumer, on est obligé de fumer comme les soldats,
20:40 vous savez, en mettant la cigarette.
20:42 – Pour ne pas qu'on boive au rouge.
20:43 – Donc surtout pas d'éclairage à l'extérieur dès que la nuit tombe.
20:46 Donc on vit à l'intérieur, calfeutré, derrière des fenêtres…
20:51 – Opaques, pacifiées.
20:55 – Non, de sacs de sable, pour éviter les impacts des obus,
20:59 parce qu'il y a de l'artillerie ukrainienne qui continue à pionner ces zones.
21:04 Et ce que font les soldats ?
21:05 Ils reçoivent leur position d'artillerie, ils sortent,
21:08 ils vont dans le jardin abandonné ou sous les arbres
21:11 et camoufler le canon de 120 mm,
21:14 sortent le canon de 120 mm de son camouflage,
21:18 hop, ils le pointent en direction, etc.
21:20 Ils balancent cinq obus aux endroits où ils doivent,
21:22 ensuite on se rebarre en courant et on retombe dans la cave.
21:25 C'est ça la vie sur le front actuellement,
21:27 parce qu'essentiellement il y a des offensives,
21:30 il y a des offensives pédestres,
21:32 il y a des offensives où c'est les fantassins qui y vont
21:34 avec de l'appui artillerie, de l'appui feu d'artillerie,
21:38 mais en réalité 80% des pertes, des morts et des blessés,
21:43 c'est des duels d'artillerie en fait.
21:45 On va regarder un petit extrait, les messieurs sommiers ?
21:47 C'est parti !
21:48 Il m'invite à l'accompagner sur sa pièce d'artillerie.
22:11 C'est une pièce de la guerre.
22:13 C'est une pièce de la guerre.
22:15 C'est une pièce de la guerre.
22:17 C'est une pièce de la guerre.
22:19 C'est une pièce de la guerre.
22:21 C'est une pièce de la guerre.
22:23 C'est une pièce de la guerre.
22:25 C'est une pièce de la guerre.
22:27 C'est une pièce de la guerre.
22:29 C'est une pièce de la guerre.
22:31 C'est une pièce de la guerre.
22:33 C'est une pièce de la guerre.
22:35 C'est une pièce de la guerre.
22:37 C'est une pièce de la guerre.
22:39 C'est une figure du héros, quoi.
22:41 C'est de les rendre...
22:43 C'est de les rendre...
22:45 Non, ce que je cherche à faire,
22:47 c'est pas valoriser les Wagner.
22:49 c'est pas valoriser les Wagner.
22:51 C'est de raconter, à travers ce documentaire,
22:53 C'est de raconter, à travers ce documentaire,
22:55 comment une société militaire privée,
22:57 d'anciens soldats,
22:59 parce que pour la plupart, c'est des gens qui étaient...
23:01 Lui, je pense qu'il avait
23:03 probablement un travail dans le civil
23:05 avant cette guerre.
23:07 Il a pu faire bénéficier du service avec Wagner.
23:09 Il a pu faire bénéficier à la SMP
23:11 de ses compétences
23:13 et de sa spécialisation.
23:15 Lui, c'est un artilleur.
23:17 Celui dont je vous parlais tout à l'heure était un sniper.
23:19 C'est des gens qui ont travaillé,
23:21 qui ont une expérience de la guerre absolument incroyable.
23:23 Et ce que je veux montrer,
23:25 c'est comment la Russie,
23:27 aujourd'hui, utilise l'Ukraine
23:29 aussi à des régiments.
23:31 Je me souviens,
23:33 un en particulier,
23:35 devant lequel on s'est retrouvé,
23:37 qui s'appelle Kraken,
23:39 qui est aussi un
23:41 bataillon de volontaires
23:43 mixte avec des mobilisés.
23:45 Il y a un peu de tout.
23:47 Les Russes, en fait, font réactive
23:49 dans cette guerre leurs anciens soldats
23:51 à travers cette société militaire privée
23:53 pour former,
23:55 finalement, les jeunes
23:57 et puis pour développer des compétences.
23:59 Et on est
24:01 dans une espèce
24:03 de guerre hybride.
24:05 C'est-à-dire que c'est plus l'ancienne armée rouge
24:07 ou l'armée russe
24:09 avec son commandement.
24:11 Non.
24:13 Ils se sont développés des éléments nouveaux.
24:15 Qui apportent
24:17 et qui irriguent, finalement,
24:19 cette armée, qui la transforment peu à peu.
24:21 Et qu'en fait, les conflits modernes
24:23 aujourd'hui, dans lesquels il y a besoin de maîtriser
24:25 l'informatique, il y a besoin de maîtriser le cyber,
24:27 il y a besoin de maîtriser les armes
24:29 classiques aussi, puisque
24:31 on dit "oui, les ukrainiens ont
24:33 des drones incroyables, les russes aussi,
24:35 ils ont des armes nouvelles, l'OTAN a des armes
24:37 de nouvelle génération". Mais en réalité,
24:39 il faut aussi connaître les armes d'ancienne génération.
24:41 Ce que je peux vous dire, c'est que des deux côtés,
24:43 encore, la majorité des armes
24:45 des deux côtés, c'est l'ancienne génération.
24:47 C'est-à-dire du bon fusil russe,
24:49 du bon RPG, du bon
24:51 SPG 9
24:53 ou autre vieux matériel,
24:55 de l'AKM, etc.
24:57 Enfin, qui sont tous ces calibres de fusils.
24:59 Ce sont des fusils russes à la base.
25:01 Donc, tout ça, il y a besoin de connaître ça.
25:03 Et finalement, c'est ça qui est
25:05 décisif, c'est cette force d'artillerie
25:07 qui est décisive. C'est ces vieux canons
25:09 qui, finalement, font le plus de ravages
25:11 et permettent de tenir un front ou en tout cas
25:13 d'écraser l'adversaire sous une pluie d'obus,
25:15 même s'il a des super véhicules
25:17 Bradley, des chars Léopard,
25:19 etc. Donc, il y a
25:21 ce mélange de technologie et
25:23 d'ancien et d'archaïque.
25:25 Il faut maîtriser les deux. Donc, ça demande des compétences
25:27 et ça demande de l'expérience.
25:29 Et c'est surtout ce que j'ai voulu démontrer.
25:31 C'est pas tellement d'en faire des héros.
25:33 Mon but n'est pas de faire des héros.
25:35 Je ne suis pas quelqu'un qui vénère la guerre
25:37 ou qui soit... J'ai du respect pour les guerriers
25:39 mais je ne suis pas du tout fasciné par les armes.
25:41 Par exemple, tout le monde me dit "Ah, t'as du tirer".
25:43 On me propose de tirer. Je dis "Non, jamais.
25:45 Ça ne m'intéresse pas".
25:47 Et je ne suis pas quelqu'un qui est attiré par ça.
25:49 Mais
25:51 ce que j'ai voulu
25:53 démontrer, c'est comment
25:55 d'abord, 1) les Wagner ne sont pas partis.
25:57 2) même s'ils ont
25:59 commis des fautes ou en tout cas
26:01 des choses où on pourrait penser qu'on les a mis
26:03 à la retraite,
26:05 voire au goulag
26:07 pour être montés sur Moscou, et bien non.
26:09 Ils sont toujours à la formation de l'armée russe.
26:11 Et puis en plus,
26:13 qu'ils forment
26:15 et qu'ils sont aussi
26:17 des piliers de cette guerre nouvelle
26:19 qui manie... Vous savez,
26:21 Wagner, ça, ça vient de discussions
26:23 que j'ai pu avoir avec un certain nombre de leurs cadres,
26:25 explorent,
26:27 depuis la mort de Piprigogine et même avant,
26:29 énormément le domaine des drones.
26:31 Ils ont une expérience
26:33 énorme qu'ils ont eue à Bakhmout.
26:35 Me disaient-ils,
26:37 à Bakhmout, ils abattaient environ 200 drones
26:39 ukrainiens par jour.
26:41 Donc ça veut dire qu'eux, on avait au moins 200 ou 400.
26:43 Il y avait un duel
26:45 de drones absolument incroyable,
26:47 de drones kamikazes, comme de drones de
26:49 surveillance, de tout type de drones,
26:51 des drones qu'on met dans la poche, etc.
26:53 Qu'est-ce qu'a fait Wagner ? Wagner,
26:55 ils ont pris des milliers d'heures
26:57 de surveillance de drones
26:59 qu'ils ont toujours et qu'ils continuent à analyser.
27:01 Donc ils ont des hackers,
27:03 ils ont des fermatrôles,
27:05 on en parle régulièrement, en disant que voilà,
27:07 ils font de la propagande antifrançaise, etc. Ce qui est vrai.
27:09 Mais ils ont aussi surtout des hackers,
27:11 des spécialistes du drone,
27:13 qui sont des gens qui ont 27 ans
27:15 de moyenne d'âge.
27:17 Et que ces gens-là, ils les mettent à travailler,
27:19 à étudier les comportements
27:21 de l'adversaire,
27:23 là où on peut améliorer.
27:25 Et surtout, ils font
27:27 une...
27:29 Ils ont une démarche très moderne, qui est une démarche d'entreprise,
27:31 encore une fois, on revient sur la question
27:33 du business, qui font de ce qu'on appelle
27:35 du "bottom-up".
27:37 "Bottom-up", ça veut dire qu'ils prennent 6
27:39 de leurs meilleurs combattants, des plus audacieux,
27:41 par exemple, dans une compagnie.
27:43 Ils les font venir au siège
27:45 à Leningrad. Et ils leur disent
27:47 "De quoi vous avez besoin ?"
27:49 On pensait développer ce drone,
27:53 machin, là le mec dit "Non, non,
27:55 c'est un drone comme ça qu'il nous faut,
27:57 ou un drone de surveillance qui peut devenir kamikaze,
27:59 parce qu'il y a des drones mixtes aussi,
28:01 c'est cette taille de drone, c'est..."
28:03 Enfin bref, voilà.
28:05 - Des ressources terrains, une analyse, bien résultat.
28:07 - Et du soldat, ensuite,
28:09 est manufacturé le nouveau drone.
28:11 Et ce qui est incroyable, c'est que les Wagner,
28:13 en tant que tel, ont à peu près une cinquantaine
28:15 de drones à disposition pour Wagner.
28:17 En France, nous, on en est encore
28:19 à faire des recherches sur le drone pour l'armée française.
28:21 Donc là, pour Wagner,
28:23 ils en sont au moins à une cinquantaine de drones.
28:25 - Heureusement, en France, on a des drones pour les manifestants.
28:27 - Oui, c'est vrai. Non mais,
28:29 c'est d'ailleurs... Mais pour l'armée,
28:31 on a été obligés de louer,
28:33 ou en tout cas d'acheter, pardon,
28:35 aux Américains leur Reaper, quand on était en Afrique,
28:37 sur Barkhane. On a eu
28:39 très tardivement des drones armés,
28:41 il n'y avait même pas 3-4 ans, je crois.
28:43 Et là, on se retrouve face à des
28:45 milices privées qui, elles, ont déjà tout
28:47 exploré, font des brouilleurs de drones,
28:49 enfin, ont une technologie
28:51 hyper avancée, et
28:53 voilà, et donc, mettent,
28:55 font profiter finalement,
28:57 l'effort aux Russes,
28:59 à l'effort de guerre russe, de leur
29:01 technologie, de leur avance, de leur audace,
29:03 et de tout ce qu'ils ont appris au combat. Parce que
29:05 le siège de Bakmouth, c'est plus de 220 jours,
29:07 c'est quelque chose, c'est une...
29:09 Alors, on a caricaturé ça
29:11 en France, en disant "ce sont des armées
29:13 de prisonniers qu'on envoie à l'abattoir", etc.
29:15 Et sans doute de ça... – Le hachoir à viande,
29:17 disait. – Oui, le hachoir à viande,
29:19 il a joué des deux côtés, il a été côté
29:21 Wagner, il a été côté aussi de l'armée ukrainienne,
29:23 qui s'est usé sur cette ville.
29:25 Et donc, mais ce qu'on
29:27 remarque, c'est que...
29:29 Pardon, je suis un peu... – Ça arrive.
29:31 – Ouais. Mais
29:33 ils ont donc réussi,
29:35 mais ils ont réussi à arracher cette ville,
29:37 qu'on disait sans intérêt stratégique,
29:39 que les
29:41 grands généraux de plateau,
29:43 avec leur médaille,
29:45 expliquaient que ça n'avait aucun
29:47 intérêt, que les russes allaient perdre, etc.
29:49 Et puis finalement, ils ont conquis
29:51 Bakmouth, les ukrainiens ont tenté
29:53 de s'y accrocher, ils essayent encore de le reconquérir.
29:55 C'était plus qu'un...
29:57 Voilà, on pourra
29:59 expliquer aussi
30:01 qu'historiquement, ni Stalingrad, ni Verdun
30:03 n'avaient d'intérêt stratégique.
30:05 Mais pourtant, c'est là où la guerre s'est jouée,
30:07 c'est peut-être à Bakmouth que s'est jouée la guerre en Ukraine,
30:09 on verra, mais en tout cas,
30:11 ça a contribué à user une partie de l'armée ukrainienne.
30:13 – Toute dernière question,
30:15 rapidement, Régis Le Sommier, est-ce que vous avez été
30:17 surpris par un aspect de ces
30:19 prisonniers recyclés ?
30:21 – Oui.
30:23 – De ces combattants que vous avez rencontrés ?
30:25 – Moi, ce qui m'a surtout surpris,
30:27 j'ai eu la chance dans ma vie de faire
30:29 des reportages avec
30:31 plusieurs armées, plusieurs
30:33 des forces spéciales, notamment le 1er,
30:35 le 1er mars, dans la configuration
30:37 Takouba, au Sahel,
30:39 au Mali.
30:41 J'ai pu faire aussi
30:43 des reportages avec la Légion
30:45 étrangère, avec des armées
30:47 avec des soldats extrêmement
30:49 expérimentés, l'armée américaine aussi
30:51 en Irak, l'armée irakienne
30:53 à Mossoul.
30:55 Ce qui m'a surpris avec les Wagner,
30:57 c'est qu'en fait, ils appartiennent,
30:59 on les imagine, comment dire,
31:01 farouches,
31:03 russes, un peu arriérés,
31:05 vivant,
31:07 finalement, en tant que des
31:09 Tsars Rouges, avec les commissaires
31:11 politiques autour, et puis des prisonniers
31:13 qu'on en voit comme de la chair à canon.
31:15 Et en réalité, ils font partie de cette communauté
31:17 que je commence à vraiment bien
31:19 connaître maintenant,
31:21 du monde des contracteurs,
31:23 de la sécurité privée, et qui a,
31:25 depuis la guerre en Irak en particulier,
31:27 une communauté comme ça,
31:29 d'hommes qui ont vécu des guerres,
31:31 qui ont vécu des conflits,
31:33 qui se connaissent aussi,
31:35 qui visitent
31:37 les comptes Telegram
31:39 des uns des autres.
31:41 Il y a une culture aussi
31:43 de la SMP, il y a une véritable...
31:45 Ouais, il y a quelque chose d'assez...
31:49 Et puis, chez les Wagner,
31:51 quand on y réfléchit, ce qu'ils ont fait,
31:53 c'est le soldat sans visage,
31:55 le soldat sans visage, c'est très jeu vidéo,
31:57 la tête de mort, c'est très...
31:59 Toutes ces emblèmes qui ne sont pas des emblèmes neufs
32:01 pour les armées, beaucoup d'armées ont utilisé la tête de mort.
32:03 Mais la façon dont les Wagner en ont
32:05 joué, cette façon aussi
32:07 de s'appeler Wagner,
32:09 à chaque fois qu'il remportait une victoire,
32:11 il sortait des violons, ou un accordéon,
32:13 alors il jouait très très mal, mais
32:15 on les appelle, il s'appelle entre eux les musiciens.
32:17 – Mais t'as pas choisi pour ça. – Il s'appelle les musiciens
32:19 entre eux. Celui que vous voyez là,
32:21 Sergei, il a
32:23 un badge Wagner, en fait, qui a un badge
32:27 on va expliquer comme étant un badge
32:29 honorifique,
32:31 et c'est la compagnie des musiciens préférés,
32:33 voilà ce qui est écrit en russe. Donc ils ont
32:35 une espèce d'humour noir, un humour Prigogine,
32:37 il y a une forme de...
32:39 Voilà, Prigogine a
32:41 laissé sa marque, comme ça, sur ces gens-là.
32:43 Et voilà, ce qui m'a beaucoup surpris, c'est de retrouver
32:45 ce monde, cet autre monde,
32:47 qu'on ne voit jamais, avec des
32:49 hommes, des soldats
32:51 très expérimentés, donc très
32:53 relax, très cool, pas du tout
32:55 le type qui est là, prêt à tirer
32:57 sur tout ce qui bouge, mais par contre, le type
32:59 qui est capable de passer 4 jours,
33:01 4 nuits, dans une forêt,
33:03 sans manger,
33:05 qui est capable de tout.
33:07 En fait, l'entraînement,
33:09 c'est comme nos forces spéciales françaises,
33:11 ils passent leur vie à s'entraîner.
33:13 Dès qu'ils sont pas au front, ils s'entraînent.
33:15 Tous les matins, ils vont tirer. Ils sont tout le temps
33:17 avec des armes, tout le temps, tout le temps, tout le temps.
33:19 Donc ça en fait des hommes un peu particuliers,
33:21 et cette compagnie de ces hommes-là,
33:23 j'ai déjà ressenti, je disais,
33:25 je parlais du 1er RPIMA, je parlais de ces gens-là,
33:27 c'est toujours passionnant de
33:29 raconter cette vie, un peu
33:31 à part, parce qu'on en parle sans en parler,
33:33 enfin, on a une vision, nous, journalistes,
33:35 en tout cas de notre monde journalistique,
33:37 assez éloignée de ces gens.
33:39 – Pour les découvrir, il faut regarder les
33:41 "Rescapés de Bagnière", comment on fait alors ? On va sur Omerta ?
33:43 – Sur la plateforme Omerta, il faut
33:45 être abonné,
33:47 s'abonner, alors on a fait
33:49 des abonnements, alors il y a des abonnements à l'année,
33:51 on est en dessous de 50 euros,
33:53 il y a des abonnements au mois, on est en dessous de 5 euros,
33:55 et puis on vient de faire des abonnements
33:57 pour étudiants, pour les précaires,
33:59 parce qu'on pense
34:01 qu'il y a, que tout le monde
34:03 doit avoir accès à nos contenus,
34:05 qui sont souvent assez exclusifs,
34:07 en particulier celui-là, et là on a un abonnement
34:09 pour les étudiants à 1,99 €,
34:11 donc voilà, je lance l'appel
34:13 si des étudiants veulent venir voir,
34:15 et on a aussi notre chaîne YouTube
34:17 sur laquelle on présente une partie des documents,
34:19 mais surtout des extraits,
34:21 et puis des grands entretiens, voilà.
34:23 – Merci beaucoup Régis Le Sommier,
34:25 merci à tous de nous avoir suivis, n'oubliez pas d'aller sur Omerta
34:27 pour voir "Les Rescapés" de Wagner.
34:30 [Musique]
34:34 Sous-titrage Société Radio-Canada