Chaque jour dans Culture Médias, deux invités débattent autour d'un sujet médiatique.
Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour
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00:00 9h-11h, Europe 1 Culture Média, avec Thomas Hill.
00:05 Et Thomas, c'est l'heure de la question Média du jour.
00:07 En un an, le nombre d'auditeurs de podcasts a augmenté de 17%
00:11 pour atteindre les 17,6 millions de Français en janvier dernier.
00:14 Mais malgré cette progression du nombre d'auditeurs,
00:17 les studios ont de plus en plus de mal à trouver des financements
00:19 pour leur production.
00:20 Alors pourquoi les podcasts sont si peu rentables ?
00:23 Quel modèle économique est l'avenir pour les podcasts ?
00:25 En France, on en parle avec nos invités.
00:28 Fanny Raskle, bonjour. - Bonjour Thomas, bonjour à tous.
00:31 - Vous êtes directrice d'Europe 1 Studio et Joël Ronez, bonjour.
00:34 - Bonjour.
00:34 - Vous êtes cofondateur de Binge Audio et président du PIA,
00:38 le syndicat des studios de podcasts indépendants.
00:41 D'abord, qu'est-ce qui explique cette contradiction ?
00:43 De plus en plus d'auditeurs de podcasts
00:45 et de moins en moins d'argent pour les financer, Joël Ronez ?
00:48 - Alors, il n'y a pas de moins en moins d'argent.
00:49 En grosso modo, le marché progresse.
00:52 Si on considère qu'il y a 37% des Français qui écoutent des podcasts,
00:56 c'était 32% l'an dernier, c'était 22% en 2019.
01:01 Et le marché publicitaire, par exemple, sur l'audio à la demande,
01:04 c'est quand même 70 millions d'euros.
01:06 C'est quand même de l'argent.
01:07 C'est un marché qui a doublé en deux ans.
01:10 Donc, ça progresse.
01:11 Il y a de plus en plus d'offres.
01:12 Il y a de plus en plus, effectivement, d'intérêts des acteurs économiques,
01:15 notamment des annonceurs.
01:16 Néanmoins, le système aujourd'hui, effectivement, c'est un marché naissant.
01:21 C'est un marché en croissance et c'est un marché qui se consolide
01:24 et qui cherche aussi, effectivement, à un moment donné,
01:27 à mettre en place les moyens de sa subsistance,
01:31 les marges bénéficiaires pour les entreprises et les outils de redistribution.
01:34 - Et donc, c'est un peu compliqué quand même,
01:37 compris pour des studios comme le vôtre.
01:39 - Non, mais c'est compliqué.
01:41 Enfin, monter un média en France, de manière générale, c'est compliqué.
01:45 C'est d'une manière ou d'une autre, l'équilibre économique des médias est un défi.
01:49 Le podcast fait partie, mais de manière générale aussi,
01:52 la question culturelle, la question de l'industrie culturelle
01:55 est un sujet économiquement compliqué.
01:58 C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a des systèmes de soutien,
02:01 des dispositifs qui permettent à la France
02:03 d'avoir une des premières industries culturelles en Europe et dans le monde.
02:06 - Le podcast, c'est forcément gratuit, Fanny Rascl ?
02:08 - Ce n'est pas forcément gratuit, mais c'est vrai que ça a été le postulat de départ,
02:12 en tout cas, de se dire, voilà, vous êtes disponible sur toutes les plateformes.
02:14 Ça a été le cas ici, notamment à Europe 1, en replay ou en podcast natif,
02:18 de dire, ben voilà, on est disponible partout, gratuitement.
02:22 Il se trouve que nous, on a aussi une version payante
02:26 qui est un petit peu étrange sur le marché.
02:28 On l'a construite autour de la personnalité de Christophe Ondelatte
02:31 et on a réussi à agréger comme ça des fans de Christophe Ondelatte
02:36 qui acceptent de payer pour un abonnement
02:37 qui permet notamment d'avoir des épisodes en avant-première, des choses comme ça.
02:40 Donc là aussi, modèle payant, modèle gratuit, pardon, à l'origine,
02:45 mais on voit qu'il y a des extensions qui sont possibles au niveau du payant.
02:48 - Mais c'est vrai que c'est difficile de faire payer les auditeurs aujourd'hui
02:51 pour du podcast Joël Ronez, les gens ne sont pas habitués à ça en fait.
02:54 - La radio est un média gratuit depuis sa naissance,
02:57 qu'elle soit privée ou publique, contrairement par exemple
03:01 au marché de l'édition photographique ou du livre.
03:04 Donc ça veut dire que quand on propose un business
03:08 qui est basé sur l'audio à la demande,
03:10 il faut savoir effectivement trouver des ressources auprès des auditeurs.
03:14 C'est notre cas, par exemple, à Binge Audio,
03:17 chaque fois qu'on fait un enregistrement, les gens payent leur place.
03:19 On édite des livres en papier, que les gens achètent dans les librairies,
03:23 et effectivement, on met à contribution des marques
03:28 qui sont des annonceurs de nos programmes ou qui nous commandent des productions.
03:32 Donc c'est un modèle qui est effectivement combiné.
03:34 - Et on va voir qu'il y a d'autres solutions pour essayer de rentabiliser les podcasts.
03:38 On poursuit la discussion dans deux minutes sur Europe 1.
03:40 - Europe 1.
03:41 - Vous écoutez Culture Média sur Europe 1.
03:43 Thomas Hill, c'est la suite de la question média du jour.
03:45 Quel avenir pour les podcasts en France ?
03:47 On en parle avec Fanny Rasque, directrice d'Europe 1 Studio,
03:51 Joël Ronez, cofondateur de Binge Audio,
03:53 et président du PIA, le syndicat des studios de podcasts indépendants,
03:56 et Marie Drucker qui est restée avec nous pour cette question média du jour.
03:59 - Il y a une chose qu'on ne réalise pas nécessairement,
04:01 c'est que les podcasts, ça peut être très cher à produire.
04:03 Bien sûr qu'on peut le faire avec deux micros comme ça, facilement dans sa cuisine,
04:07 mais parfois il y a des épisodes qui coûtent plusieurs dizaines de milliers d'euros à produire.
04:13 - Oui, il peut y avoir, par exemple,
04:15 il y a de toute façon un travail d'écriture,
04:17 qui est forcément complexe, un travail de recherche documentaire,
04:20 il peut y avoir une partie de scénarisation,
04:22 donc faire appel à un scénariste,
04:24 il peut y avoir bien sûr des comédiens qui viennent jouer,
04:27 il peut y avoir aussi une direction artistique,
04:30 tout un habillage musical, un compositeur.
04:32 Donc on a toujours l'image peut-être du podcast un peu bout de ficelle,
04:36 on se met à deux derrière un micro et l'affaire est pliée,
04:39 et en réalité les coûts de fabrication, de production de ces podcasts,
04:43 ils sont vraiment importants,
04:44 et d'autant que les formats eux-mêmes sont vraiment très variés,
04:47 on peut avoir évidemment la simple interview,
04:50 mais aujourd'hui on a des podcasts très ambitieux avec de la fiction,
04:54 avec une narration très complexe,
04:56 voilà, le modèle ça peut être Netflix.
04:58 - Et alors comment on fait pour rentabiliser tout ça Joël Ronez ?
05:01 Est-ce qu'il faut forcément un sponsor ?
05:03 - Alors, dans le modèle des studios qui sont adhérents du Pial,
05:07 le syndicat des producteurs indépendants,
05:08 vous avez plusieurs modèles, il y a des gens qui font de la prod purement,
05:11 et qui livrent des œuvres à des plateformes, à des studios ou à des marques,
05:14 il y en a qui sont éditeurs, c'est le cas de Binge Audio,
05:16 ou de Louis Médias, Noël's Ecoute, qui sont aussi éditeurs,
05:18 qui sont des médias, comme des radios mais sans antenne,
05:21 avec juste effectivement des programmes à la demande,
05:23 et effectivement les revenus c'est un patchwork on va dire,
05:28 de production pour des tiers, de pubs,
05:30 donc de pubs qu'on met en pré-roll, en post-roll,
05:33 comme on a autour de cette antenne.
05:34 - Donc ça c'est une pub avant ou une pub après ?
05:35 - Voilà, tout à fait, et donc qui sont vendues à des annonceurs,
05:38 qui achètent cet espace, parce qu'ils trouvent que c'est un écran pour leur marque,
05:41 et puis effectivement il y a la participation des auditeurs,
05:44 et comme le disait Fanny, oui, il y a plusieurs formats,
05:47 enfin faire un podcast c'est pas poser un micro sur la table et discuter,
05:50 il y a aussi ça, c'est-à-dire que c'est un média qui est très diversifié,
05:54 il y a la catch-up, historiquement le replay des radios,
05:56 dont celle d'Europe 1, de Radio France et autres,
05:58 il y a ensuite les studios de podcasts natifs comme nous,
06:00 mais vous avez aussi des marques, des institutions,
06:02 vous avez des youtubeurs, des influenceurs qui lancent des podcasts,
06:05 tout ça est très varié, très diversifié,
06:07 et en gros on a coutume de dire que pour un talk, c'est-à-dire un entretien,
06:12 on est entre 2 et 4 000 euros de l'heure,
06:14 pour du documentaire on est entre 10 et 20 000 euros de l'heure,
06:17 et pour de la fiction c'est 20 à 50 000 euros de l'heure,
06:19 c'est moins cher que du cinéma,
06:20 mais ça reste quand même effectivement un coût d'une oeuvre audiovisuelle.
06:25 - Mais c'est pour ça que les studios ont tendance maintenant à se concentrer,
06:28 notamment sur ces formes d'entretien, de talk plus simple, moins cher,
06:32 où on va prendre par exemple des grandes figures, des influenceurs,
06:36 comme l'ENA Situations par exemple, pour me citer qu'elle,
06:38 et puis faire un podcast autour d'elle,
06:40 et ça c'est vrai que ça va être beaucoup moins cher et ça peut être plus rentable.
06:43 - Alors, le cas de l'ENA Situations est un mauvais exemple,
06:47 parce que c'est une production qui est produite par Spotify,
06:51 et qui met à contribution quand même, c'est filmé, c'est quand même produit,
06:55 il y a du monde.
06:56 - Mais ça reste un entretien sur un canapé entre deux personnes.
06:58 - Mais comme vous le savez, les entretiens ça se prépare,
07:01 c'est du travail en amont, donc en gros c'est un peu la même chose.
07:04 Ce qui est vrai c'est que les studios aujourd'hui,
07:06 quand elles financent des œuvres, c'est-à-dire de la fiction ou du documentaire,
07:11 elles sont obligées d'y réfléchir à deux fois,
07:13 parce que c'est des sacrifices importants par rapport à leur modèle,
07:16 et qu'en volume horaire, le coût de revient d'un entretien,
07:19 d'une conversation, évidemment, est plus rentable.
07:22 Mais elles le font, au pire, on investit chaque année,
07:25 cumuler plus de 5 millions d'euros dans la rémunération des auteurs,
07:28 autrices, compositeurs, compositrices, techniciens, etc.
07:31 C'est donc des gens qui travaillent pour faire des œuvres complexes,
07:34 et on est fiers de continuer à le faire.
07:37 - Et à Europe 1, on est partis par exemple au Cameroun,
07:41 au printemps, pour faire un podcast avec Yannick Noah.
07:43 Ça a été un vrai choix éditorial de ne pas rester ici,
07:46 de ne pas le faire en studio à Paris,
07:48 mais d'envoyer une équipe là-bas pour le rencontrer.
07:51 C'est des choix, voilà, on est alors des choix.
07:53 - Marie Drucker, vous avez déjà fait du podcast aussi ?
07:55 - Oui, avec ma camarade Sidonie Bonek,
07:59 sur une radio concurrente et rouge.
08:01 - C'était financé par la radio du coup ?
08:02 - C'était financé par la radio, c'était vraiment les débuts du podcast.
08:07 Moi je trouve ça extraordinaire,
08:09 tout lieu de liberté d'expression et de création.
08:14 Donc je pense que j'écoute beaucoup de podcasts,
08:17 il y a des choses absolument extraordinaires,
08:19 dont on sait bien, on sent bien qu'elles sont coûteuses,
08:21 mais la qualité est là et c'est formidable,
08:23 parce que c'est une autre époque maintenant où même la radio est filmée,
08:28 où la radio devient de la télévision presque.
08:31 Je trouve que le podcast est un lieu qui fait fonctionner l'imaginaire à merveille,
08:34 moi j'adore ça.
08:36 J'ai bien fait la promotion du podcast.
08:38 - Non mais en plus c'est un média qui est très compétitif
08:41 dans des moments et des endroits où les autres médias ne peuvent pas aller.
08:44 Toutes les tâches ménagères, quand on fait du sport,
08:46 c'est des moments importants qui se répètent plusieurs fois,
08:49 dans lesquels il y a des volumes d'écoute,
08:50 des gisements de temps pour écouter,
08:52 et les gens, les auditeurs-auditrices,
08:54 sont ravis de passer ce temps avec nous.
08:56 C'est pareil aussi le soir pour s'endormir.
08:58 - Moi je suis fascinée par ce chiffre du soir.
08:59 Il y a 16% des Français qui écoutent les podcasts au moment de s'endormir.
09:04 - C'est fascinant.
09:05 - C'est formidable pour s'endormir.
09:06 - Moi j'écoute très souvent de la teinte pour m'endormir.
09:08 - Mais oui, mais c'est vrai que ça marche.
09:09 - Mais oui, alors on va en parler.
09:11 - Cela dit, il y a une autre menace qui pèse aussi sur l'avenir des podcasts,
09:14 c'est l'intelligence artificielle qui nous permettra d'écouter des podcasts
09:17 du monde entier grâce à des traductions automatiques.
09:20 Ça aussi c'est une menace pour votre business, non ?
09:22 Parce que ça veut dire encore plus de monde sur ce marché en France.
09:25 - Non, je n'ai jamais considéré que quand l'offre s'élargissait,
09:28 ça constituait une menace.
09:29 Plus il y a d'offres dans les sociétés, dans les démocraties,
09:33 plus mieux on se porte.
09:34 Simplement, l'IA peut amener aussi des choses très intéressantes.
09:39 Par exemple, techniquement, ça nous permet de redresser des voix
09:41 quand on les fait au téléphone.
09:43 Ça nous permet aussi de traiter des tâches un peu subalternes,
09:47 un peu pénibles, comme par exemple faire des transcripts, etc.
09:51 C'est quand même plutôt un outil au service des créateurs
09:54 parce que l'IA ne va pas créer toute seule.
09:56 Elle va traiter des choses que vont lui demander des auteurs et des autrices.
09:59 Par contre, effectivement, si ça élargit l'offre
10:02 et que ça permet de traduire automatiquement,
10:04 de toute façon, le podcast ne sera pas isolé.
10:07 Ce sera la même chose pour les œuvres de fiction, de cinéma, etc.
10:10 Et d'une manière ou d'une autre, ce qu'il va falloir faire,
10:12 c'est protéger une des fiertés de ce pays,
10:14 qui est son industrie culturelle,
10:16 c'est-à-dire la capacité aux créateurs aujourd'hui
10:19 et aux éditeurs et aux producteurs de financer les œuvres
10:23 parce que c'est une question à la fois politique, économique
10:26 et c'est une question culturelle.
10:28 - Merci beaucoup.
10:29 On vous sent encore positif sur l'avenir du podcast,
10:32 en tout cas en France.
10:33 Merci à tous les deux d'être venus.
10:35 Fanny Rast, le directrice d'Europe 1 Studio,
10:38 Joël Ronesk, au fondateur de Binge Audio,
10:40 président de ce syndicat des studios de podcast indépendants.
10:43 Un grand merci également à Marie Drucker
10:45 d'avoir été notre invitée ce matin.
10:47 Et je rappelle le collège de M. Paty,
10:48 c'est ce soir à 21h10 sur France 2.
10:51 Et c'est à ne pas louper. Merci d'être venu.