• il y a 2 ans

Chaque jour dans Culture Médias, deux invités débattent autour d'un sujet médiatique.
Retrouvez "La Question du jour" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-question-du-jour

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00:00 9h, 11h.
00:01 -Europe 5 Culture Média.
00:03 -C'est l'heure de la question média du jour.
00:07 -Que ce soit à la télé, dans les journaux ou sur les réseaux,
00:10 les plus jeunes sont confrontés quotidiennement
00:13 à des images qui peuvent être angoissantes.
00:15 Comment parler d'actualité aux enfants ?
00:18 Comment la rendre accessible ?
00:19 Faut-il des formats spécifiques pour eux ?
00:22 On en parle avec Delphine Solière.
00:24 Vous êtes directrice des magazines chez Bayard Jeunesse,
00:27 site de très nombreuses publications pour enfants,
00:30 comme Astrapi, Okapi ou Imagedoc.
00:33 Célia Mériguet est avec nous.
00:35 Bonjour. En charge de l'information numérique
00:37 chez France Télévisions, vous lancez un JT
00:40 pour les 12-18 ans.
00:41 On va en parler. Théo Curin est resté avec nous.
00:45 D'abord, Delphine Solière, vous qui gérez Bayard Jeunesse,
00:48 l'empire de la presse jeunesse,
00:50 est-ce que les jeunes sont en demande d'actualité ?
00:53 Est-ce que ça les intéresse ?
00:55 -Pas forcément.
00:56 En revanche, ils vivent dans un monde d'information.
00:58 Ils sont dedans, ils subissent tout ce qui se passe à l'extérieur.
01:02 Ils ont besoin de comprendre. Ce n'est pas la même chose.
01:05 Ce n'est pas la même chose quand on a 7 ans, 9 ans, 12 ans ou 15 ans.
01:11 On n'a pas le même rapport au monde.
01:13 Plus on grandit, plus notre monde s'agrandit
01:15 et plus on s'intéresse à ce qui se passe à l'extérieur.
01:18 Le fracas de l'actualité ne va pas tamponner de la même manière
01:22 un enfant qui est au CP,
01:23 un enfant qui termine l'école primaire ou au collège.
01:26 Il va le vivre différemment, il va en parler différemment,
01:29 il va avoir des sources différentes.
01:31 -A partir de quel âge commencez-vous à introduire de l'actualité ?
01:35 -En fait, depuis les magazines pour les tout-petits,
01:38 déjà dans "Pomme d'Api", on essaie plutôt par le but de la réflexion.
01:42 C'est-à-dire que, par exemple,
01:43 ce qui se passe depuis l'année dernière,
01:46 les différentes guerres qui se succèdent
01:48 et qui forcément inquiètent les enfants,
01:51 on a fait un travail pour expliquer pourquoi il y a des gens méchants,
01:54 par exemple pour des petits.
01:56 Déjà, comprendre ce qui peut se passer,
01:58 les interactions entre les personnes,
02:00 on peut déjà le faire comprendre quand ils sont petits.
02:03 L'actu en tant que tel, on va commencer à partir de l'école primaire.
02:07 -Vous, Célia Mériguet, depuis le 18 septembre
02:10 sur France Info et les réseaux sociaux,
02:12 vous avez lancé un JT pour les 12-18 ans intitulé "C'est quoi l'info ?"
02:16 J'ai le souvenir qu'à cet âge,
02:18 j'ai fait un JT classique avec mes parents.
02:20 Ça ne vous semble pas adapté pour eux, un JT classique ?
02:23 -Moi aussi, je vous avoue que je regarde régulièrement le JT avec mon fils,
02:27 qui a 11 ans, mais en fait,
02:29 si on y réfléchit, qu'est-ce qu'il comprend vraiment ?
02:32 Et il y a plein de fois, je ne sais pas si ça vous arrive aussi,
02:35 c'est que vous êtes obligés de changer de chaîne très vite
02:39 parce qu'il y a un lancement, tout à coup,
02:41 on se dit qu'il n'y a pas de filtre, c'est trop violent.
02:44 Donc, des contenus spécifiques pour les enfants,
02:47 c'est très compliqué de produire
02:49 parce que nos jeunes aussi ne se tournent plus du tout vers la télé.
02:52 Donc, même si nous, on les met devant la télé,
02:55 ce n'est pas naturellement le média vers lequel ils se tournent.
02:58 -Même si les enfants s'intéressent à tout,
03:00 des choses comme le conflit israélo-palestinien,
03:03 c'est très compliqué à comprendre, à expliquer.
03:06 Comment vous faites-vous pour trouver le bon ton ?
03:08 -Je pense que ce qui est important,
03:10 c'est d'avoir un journaliste, une incarnation,
03:13 qui va être un passeur,
03:15 être un interlocuteur de confiance
03:17 pour accompagner l'enfant dans sa compréhension.
03:19 C'est lui qui va trouver le bon ton.
03:21 Et le bon ton, souvent, c'est celui de l'explication,
03:24 comme le disait Delphine.
03:25 Ça veut dire que, par exemple, sur le conflit israélo-palestinien,
03:29 l'attaque du Hamas contre Israël a lieu le samedi.
03:33 Et dès le lundi,
03:34 on produit un contenu d'explication
03:36 qui revient sur les origines du conflit.
03:39 Ça dure seulement trois minutes.
03:41 Mais on essaye de raconter cette histoire
03:44 et les origines de cette histoire.
03:46 -Petit exemple, avec le jour de l'attaque au couteau,
03:49 c'était dans le lycée à Arras.
03:51 Voilà ce qui s'est dit dans "C'est quoi l'info ?"
03:53 -Salut à tous, on est le vendredi 13 octobre,
03:55 et bienvenue dans "C'est quoi l'info ?"
03:57 C'était ce matin, une attaque au couteau à Arras,
04:02 dans le Pas-de-Calais.
04:03 Un homme de 20 ans a tué un enseignant
04:05 et fait deux blessés graves.
04:06 Ça s'est passé ce vendredi matin dans la cité scolaire Gambetta-Carnot
04:10 d'Arras, qui comprend un collège et un lycée.
04:13 L'assassin a poignardé deux professeurs et un agent technique.
04:15 L'une des victimes, un prof de français, a été tuée.
04:18 -Donc il y a un présentateur jeune qui nous parle de façon un peu youtuber.
04:22 Il y a la musique dynamique,
04:24 mais l'info, elle est la même que dans un JT classique.
04:27 Peut-être que les images sont différentes.
04:29 -Alors, l'info, elle est la même parce qu'établir les faits,
04:32 dire "voilà ce qu'il s'est passé", c'est important.
04:36 Les enfants, ils vont capter des choses
04:39 parce qu'il y a une radio qui est allumée quelque part,
04:41 parce qu'à l'école, ils vont en parler.
04:44 Et pour nous, c'est important de dire "voilà ce qui s'est passé".
04:46 En revanche, on ne va jamais rentrer dans des détails
04:50 qui seraient trop sordides,
04:53 qui pourraient trop les heurter.
04:56 Mais c'est important de dire et de ne pas édulcorer cette info,
05:00 c'est-à-dire "voilà ce qui s'est passé".
05:02 Notre premier job, c'est de donner les faits.
05:04 Ensuite, c'est de les expliquer et aussi d'accompagner cette émotion.
05:08 C'est-à-dire, à la différence peut-être d'un présentateur d'un JT classique à la télé,
05:13 on va pouvoir dire "cette information peut vous choquer"
05:16 ou "elle peut vous rendre triste".
05:18 Et de montrer aussi, parce qu'une semaine après l'attentat de Hara,
05:21 s'il y a les obsèques du professeur,
05:24 et là, on a repris des images avec des collégiens
05:29 qui ont assisté aux obsèques et qui étaient tristes
05:32 et qui exprimaient leur tristesse.
05:33 Et ça, c'était important d'accompagner cette émotion.
05:37 Donc c'est ne pas édulcorer, mais ne pas choquer non plus.
05:40 Alors, est-ce que ça veut dire qu'il faut aussi parler comme les jeunes ?
05:43 Je vous pose la question dans une minute.
05:45 Europe 1.
05:47 Vous écoutez Culture Média sur Europe 1
05:48 avec la suite de la question Média du jour.
05:50 Comment rendre l'actu accessible aux enfants ?
05:53 On en parle avec vos invités, Thomas-Yves Denfils-Solière,
05:56 directrice des magazines chez Bayard Jeunesse,
05:58 qui édite notamment le quotidien "Un jour, un actu".
06:01 Et puis, c'est Léa Mériguet,
06:02 en charge de l'information numérique chez France Télé.
06:04 Vous venez de lancer le JT pour les 12-18.
06:06 Et Théo Curin, présentateur de Théotop sur France 4.
06:10 Alors Delphine Solière,
06:12 vous avez des publications comme Astrapi, Okapi, Imagedoc.
06:16 Est-ce que vous adaptez votre langage aux enfants ?
06:19 Est-ce que vous leur parlez d'une manière spécifique ?
06:21 Est-ce que vous utilisez leurs mots, par exemple ?
06:22 Alors, assez rarement, en réalité.
06:24 Par contre, on les écoute beaucoup
06:25 pour comprendre ce qu'ils savent ou ce qu'ils ne savent pas.
06:28 En fait, vraiment, notre sujet, c'est d'aller chercher
06:30 les trous de connaissances sur des sujets qu'ont les enfants.
06:33 Et ça m'a beaucoup frappé ce week-end
06:35 parce que j'ai visité un château et il y avait beaucoup d'enfants.
06:38 Et la personne montrait un puits et elle expliquait
06:40 que c'était un puits d'évasion.
06:41 Et ce puits d'évasion, les gens sortaient
06:43 pour partir se cacher dans les bois.
06:45 Et elle dit "comme à Gaza".
06:46 Et là, 15 mômes qui regardent la nana, ils disent "ben..."
06:50 Et en fait, il n'y a pas un enfant.
06:52 Et ils étaient d'un niveau socioculturel suffisant
06:54 pour que les parents les emmènent visiter un château.
06:56 Ils ne savaient ce qui s'était passé,
06:58 ils ne connaissaient les souterrains de Gaza.
07:00 Et tous les adultes sont tombés quasiment de leur chaise
07:02 en disant "mais ils ne savent pas ce que c'est".
07:04 Donc, des enfants extrêmement informés aujourd'hui,
07:07 il y a des tas de choses qu'ils ne savent pas.
07:08 Donc nous, quand on réfléchit à une information,
07:10 comment on va la médiatiser,
07:11 il faut qu'on redonne tout le contexte.
07:13 Donc on va choisir notre information.
07:14 On les écoute beaucoup pour comprendre ce qu'ils ne savent pas
07:17 et aussi quels sont les mots qu'ils utilisent
07:19 pour leur donner le bon synonyme.
07:21 Parce que parfois aussi, ils vont utiliser dans leur langage,
07:23 surtout les ados, des mots qui sont un peu décalés.
07:26 - Et puis vous n'allez pas utiliser certaines facilités de journaliste
07:29 du type "parlez de la place Beauvau pour le ministère de l'Intérieur".
07:32 - Voilà. Nous, on sera obligés de dire "ministère de l'Intérieur",
07:34 le nom du ministre et où ça se passe, à Paris, à quel endroit.
07:38 - Mais ça, c'est une difficulté, c'est vrai aussi
07:40 dans votre métier, Delphine Saulière,
07:42 c'est de trouver les bons mots et sortir peut-être,
07:45 toutes les deux d'ailleurs, de cette facilité
07:48 qui est de dire "mis en examen".
07:51 Qu'est-ce que ça veut dire "mis en examen" Célia Mériguet ?
07:53 Vous faites attention à ça aussi ?
07:55 - On est très, très, très conscient
07:57 du fait que les journalistes jargonnent sans arrêt.
08:01 Et donc, il faut retirer tous ces mots.
08:03 On s'est même fait un champ de mots
08:07 qu'on ne devra pas utiliser dans "Séquoia l'info"
08:09 parce qu'ils sont en fait incompréhensibles.
08:11 Incompréhensibles pour un enfant, mais peut-être même pour un adulte.
08:15 Donc, il y a des mots type "place Beauvau", non, on ne les utilise pas.
08:19 Ou alors, vous savez que par métonymie, pour désigner un pays,
08:22 on parle de Pékin pour parler de la Chine.
08:26 Ça, il n'y a que nous qui le comprenons.
08:28 Les enfants ne le comprennent pas.
08:30 Donc, il y a ce vocabulaire qu'on choisit,
08:32 mais aussi, on s'est posé la question de savoir
08:35 est-ce qu'on devait un peu parler comme eux ?
08:37 - Comme les jeunes ? - Comme les jeunes.
08:39 Et en fait, on s'est dit "bah non".
08:41 - Non. - Non.
08:43 On est des adultes, on ne singe pas les jeunes.
08:46 Alors, il y a des choses qu'on a des présentateurs qui sont jeunes,
08:49 donc il y a des choses qu'ils vont dire naturellement,
08:51 ils disent "du coup", heureusement pas tous les trois mots,
08:54 mais voilà, c'est des choses qu'ils font.
08:56 Mais en revanche, il y a des expressions qu'on ne va jamais utiliser
09:01 parce que c'est carré ou c'est claqué au sol,
09:04 ça, on ne le dira pas.
09:05 Théo Curin, est-ce que vous vous autorisez ce genre de choses ou pas
09:08 pour vous adresser à ces jeunes ?
09:09 J'ai vu que vous les tutoyez déjà.
09:11 Oui, je pense que c'est encore un peu différent
09:13 parce que moi, ils sont très jeunes,
09:15 ils ont entre 7 et 12 ans,
09:17 et c'est une vraie discussion, c'est du live.
09:20 Donc, je ne me voyais pas, les "vous voyez" et puis eux non plus,
09:25 comme on l'a dit tout à l'heure, j'ai le rôle du grand frère,
09:27 donc si direct, je le "vous vois",
09:30 ça va le refroidir, il va se sentir sûrement mal à l'aise.
09:33 Donc non, nous, c'est vraiment une discussion,
09:35 je me mets à la hauteur de l'enfant,
09:36 comme si je discutais à un cousin, à ma petite cousine,
09:39 voilà, en repas de famille.
09:41 Mais vous ne cherchez pas pour autant à parler vraiment comme eux,
09:43 vous ne cherchez pas à jouer le jeune.
09:45 Non, non, non, après, j'en suis quand même encore un,
09:47 j'ai 23 ans, ça va.
09:49 C'est vrai que vous êtes aidé là-dessus.
09:51 Non, mais voilà, ça reste une discussion très simple
09:54 et je ne me pose même pas ces questions-là, pour être honnête.
09:57 Mais tous, vous êtes un peu aussi au croisement
09:59 entre le journalisme et la psychologie pour enfants,
10:02 c'est-à-dire que vous êtes obligés tous de vous adapter à ces enfants-là.
10:07 Tout à fait, et d'ailleurs, nous, on a la chance,
10:09 comme on n'est pas un quotidien,
10:11 mais on fait une émission de radio et on fait aussi bimensuel et mensuel,
10:15 on a le temps pour expliquer, on a le temps pour réfléchir,
10:18 et donc, nous, on arrive souvent après l'actu.
10:20 Donc, ça nous permet de faire une pédagogie de l'actu
10:22 et de comprendre ce qu'il y a derrière et qu'est-ce qui peut faire peur.
10:25 On reçoit aussi énormément de courriers des enfants.
10:27 On a une chance folle avec tous nos dizaines de milliers de lecteurs,
10:31 ils nous écrivent et c'est aussi à travers leurs questions
10:33 qu'on va comprendre ce qui est le plus terrorisant pour eux.
10:35 En tout cas, quand c'est une actualité violente comme celle qu'on vit en ce moment.
10:38 Et puis, une chose qui est marquante également, c'est la durée.
10:40 Votre JT, c'est cinq minutes,
10:41 ça peut être découpé ensuite en pastilles d'une minute.
10:44 Et c'est vrai que les enfants, c'est aussi une des clés pour aller les toucher,
10:47 c'est non seulement d'aller sur leur réseau,
10:49 mais aussi de faire des formats suffisamment courts
10:51 pour qu'ils accrochent très rapidement.
10:53 Merci à tous les trois d'avoir été là ce matin.
10:56 Delphine Solier, je rappelle, vous êtes directrice des magazines chez Bayard Jeunesse,
10:59 qui édite de très nombreuses publications pour les enfants.
11:03 Il y a J'aime lire, J'aime lire Max, il y a Strapi, O'Cappy,
11:07 il y en a énormément.
11:09 Et puis, Célia Meriguet,
11:10 donc en charge de l'information numérique chez France Télé,
11:12 je renvoie donc vers votre JT.
11:14 C'est quoi l'info qu'on peut retrouver sur tous les réseaux
11:17 et sur France Info.
11:18 Un grand merci également à Théo Curin d'avoir été avec nous ce matin.
11:21 Je rappelle les dix premières émissions de Théo Top,
11:23 elles sont déjà disponibles sur la plateforme O'Koo
11:26 avant leur diffusion en linéaire, comme on dit chez les vieux,
11:29 sur France 4.
11:31 Merci à tous les trois.

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