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Les Editos Philosophiques de Pascal Dolhagaray, Semaine 43/2023
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Les Editos Philosophiques de Pascal Dolhagaray, Semaine 43/2023
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AmusantTranscription
00:00 *Musique*
00:17 *Son de clavier*
00:20 Bonjour, bienvenue sur 300 secondes maxi.
00:23 Je vous propose 12 détours d'une même durée, autant de parenthèses éphémères,
00:27 pour que tu aies l'espace inclus entre les deux grandes qui nous contiennent.
00:30 Juste des clins d'oeil sonores, une autre façon de vous décrire un détail dans ce paysage qui défile
00:36 à cette même vitesse que notre vie passe.
00:38 Bonne émission à vous.
00:40 *Son de clavier*
00:42 *Musique*
00:56 La philosophie est interrogation.
01:00 La philosophie n'est d'ailleurs qu'interrogation.
01:04 A sa façon, elle nous invite et nous incite à nous interroger.
01:11 A nous interroger seulement, comme à nous abstenir de répondre, nous abstenir d'affirmer.
01:21 Il y a quelque temps, j'ai usé un exemple voulant qu'un individu demande à un autre individu
01:32 d'additionner deux chiffres pour obtenir le chiffre 5.
01:38 L'individu sollicité en ce sens alors additionne 2 à 2 et obtient 4.
01:47 Ce même individu est satisfait du résultat obtenu, même si en l'occurrence il n'est pas le résultat recherché.
01:58 Car sans être celui recherché, ce résultat là s'avère juste.
02:06 Juste, mais insuffisant.
02:10 La philosophie en nous laisse causer notre inconscient.
02:18 Car en nous, nous sentons, même s'il nous arrive, comme l'individu plus haut, d'exprimer de ses résultats,
02:27 dont on peut dire de ces résultats là qu'ils sont justes,
02:32 au fond de nous, au regard des limites qu'il laisse entrevoir d'eux,
02:38 nous sentons, à leur tour, que ces résultats là ne sont pas suffisants.
02:45 Plus encore, nous sentons en nous que nous ne sommes pas suffisants,
02:52 suffisants au point de pouvoir répondre pour de bon.
02:58 Certains, à cette allusion, me font remarquer que nos réponses,
03:06 sous couvert de réponses dites scientifiques,
03:10 expriment des finalités pouvant être considérées comme exactes.
03:17 À leur tour, ces finalités savent se montrer justes,
03:22 sans réussir à se montrer suffisantes.
03:27 Nos progrès en témoignent.
03:30 Nos inventions, dans leur immense majorité, fonctionnent,
03:35 tout en témoignant des limites,
03:38 de ces limites qui sont synonymes en ce monde,
03:42 sur cette planète d'incohérence,
03:45 nos progrès, à nouveau, comme les finalités qui les ont permis,
03:51 sont justes et insuffisants.
03:55 Les êtres humains ignorent comment rester à leur place.
04:01 Cette place leur ordonnant de s'interroger,
04:06 de s'interroger sans ne jamais répondre,
04:10 pour la raison simple,
04:13 et que cette place n'est pas des plus aisées à occuper,
04:17 car se loge en nous une opposition,
04:22 une opposition incarnée par une curiosité considérable,
04:26 se devant de rester curiosité,
04:29 curiosité et curiosité seulement.
04:33 Cette curiosité infinie est confrontée à une autre infinie
04:39 à découvrir et à découvrir sans fin.
04:43 Répondre, c'est imposer une réalité subalterne de pacotille,
04:50 à cette réalité absolue et sans fond,
04:54 qui balayera cette même liberté subalterne d'un simple revers de main,
05:00 notre actualité sans cesse,
05:04 et à chaque jour davantage, en témoigne.
05:08 [Musique]
05:32 Les êtres humains que nous sommes
05:36 ne disposons pas de quoi être convaincus.
05:41 Nous ne disposons pas de quoi être sûrs.
05:46 Nos quelques succès scientifiques
05:50 peuvent en parallèle nous assurer
05:53 que nous disposons de quoi en nous être persuadés.
05:59 Mais nos succès scientifiques,
06:03 malgré les réalités qu'ils affirment,
06:06 n'expriment que des réalités parcellaires.
06:11 À nouveau, comme je l'ai décrit dans un édito précédent,
06:16 nous parvenons à nous montrer justes
06:21 sans parvenir à nous montrer suffisants.
06:28 À partir de cette insuffisance,
06:32 certains d'entre nous n'hésitent pas à prendre quelques libertés,
06:37 quelques raccourcis.
06:40 L'art, la politique, la religion
06:45 permettent à des affirmations sans assise, véritables,
06:50 d'être considérées comme vraies,
06:54 pour avoir été exprimées avec force.
06:58 Les nazis, entre autres, mais ils ne sont pas les seuls,
07:03 ont abusé de ce principe en hurlant leurs idées,
07:08 donnant à penser aux esprits fragiles,
07:12 aux esprits influençables,
07:16 que les décibels mobilisés
07:19 témoignaient à l'égard des propos exprimés
07:24 d'une espèce de justesse équivalente.
07:29 Les convictions de ce genre sont piégeuses,
07:35 car elles ne peuvent protéger ceux qui les font
07:40 l'heure des doutes qui les accompagnent.
07:44 Ceux qui désirent convaincre en usant de ce genre de convictions
07:52 doivent sans cesse se convaincre à leur tour,
07:57 et plus ils usent de cette nécessité,
08:01 plus en eux, de façon opposée,
08:06 ces mêmes doutes combattus grandissent.
08:11 Voilà pourquoi ces mêmes ne sont pas prongs à débattre,
08:17 pas prongs à dialoguer,
08:20 pas prongs, moins encore, à se remettre en cause.
08:25 Voilà pourquoi un homme comme Hitler s'empressa une fois élu
08:32 de s'accaparer de tous les pouvoirs
08:36 afin de ne plus être contestable,
08:40 afin et surtout de ne pas se sentir en lui-même,
08:46 par lui-même contesté.
08:50 Ces convictions-là nécessitent pour se maintenir
08:55 une sorte de surenchère sans fin,
08:58 puisque ces convictions-là ne reposent sur rien.
09:03 Plus vous insistez pour vous convaincre
09:07 qu'elles sont réellement convaincantes,
09:10 plus les doutes qui les accompagnent s'accroissent.
09:16 Les religions, à ce niveau, souffrent plus encore de ce processus.
09:24 Plus vous décidez à croire,
09:28 moins vous êtes disposés à réfléchir.
09:33 Ces convictions sont voulues
09:38 parce que nous nécessitons pour exister autant de certitudes.
09:44 Elles sont comme nos églises dans nos villes et villages.
09:50 Il faut les entretenir sans cesse et sans fin
09:55 pour qu'elles se maintiennent,
09:58 laissant à leur tour planer ce doute en ceux qui croient.
10:04 Les églises dépendent-elles de Dieu ou le contraire ?
10:11 Les convictions dépendent-elles pour convaincre encore
10:16 de ceux qui les défendent, à nouveau sans cesse et sans fin,
10:23 ou savent-elles se suffire à elles-mêmes ?
10:29 [Musique]
10:56 Et si nos pourquois étaient autant d'impasses,
11:00 d'impasses à ce point,
11:03 dépourvues de réponses à ce point,
11:07 que nous y répondions de force,
11:10 que nous inventions des réponses à ces pourquois-là,
11:14 ne nécessitant pour être validés que d'être crus.
11:19 Ces pourquois-là nous sont peut-être interdits,
11:23 au minimum déconseillés,
11:26 car les réponses qui s'en suivent,
11:29 ces réponses-là nous obligent.
11:33 En aucun cas ces mêmes réponses peuvent presque banalement
11:38 nous satisfaire à partir de ce qu'elles prétendent,
11:42 pour perdurer.
11:44 Elles nécessitent un décor,
11:47 un décor sous forme d'insistance en dur,
11:52 d'insistance en vrai.
11:55 Les églises occupent nos villes et nos villages,
12:00 pour nous rappeler la possibilité d'un Dieu.
12:04 Nos monuments, dits laïcs,
12:07 sont également présents dans ces mêmes villes
12:11 et ces mêmes villages,
12:14 pour nous rappeler que la nation est à son tour
12:17 une possibilité de ce genre,
12:21 que la patrie existe,
12:24 voire même que ces deux réponses instituées,
12:29 à savoir religion et patrie,
12:32 n'existent plus que nous existons nous à l'unité.
12:39 Évidemment, ces insistances ne sont pas sans conséquence.
12:47 Ces insistances nous obligent,
12:51 et par répercussion, nous nous devons d'exister
12:56 sous les influences de ce qui ne saurait exister sans contribution.
13:03 Nous existons sans doute sous le joug de ce qui n'existe pas.
13:10 À partir de ce constat,
13:13 toutes nos constructions ne reposent pas sur des sables mouvants,
13:19 mais sur un sol qui n'en est pas un.
13:23 Nos fondamentaux reposent sur le vide,
13:28 et ces fondamentaux, pour se poursuivre, nous épuisent,
13:34 car les rapports auxquels ils nous obligent
13:39 nous font à la fois maître et élève.
13:46 Une surenchère négative s'ajoute à ce processus,
13:51 celui qui nous pousse à prétendre
13:55 que cet existant n'est pas seulement faux, mais mensonger.
14:01 Ce qui n'existe pas ne saurait être faux,
14:06 ce qui n'existe pas ne saurait être mensonger.
14:11 Ce qui n'existe pas n'existe pas,
14:15 et rien ne saurait exister à travers lui,
14:20 ni fausseté, ni mensonge.
14:24 Car ce qui n'existe pas parvient à se diffuser
14:29 en usant pour se faire des traitements qu'on lui propose,
14:35 l'exemple à ce propos le plus probant
14:40 concernant l'existence de Dieu
14:44 se distingue dans son absence de preuves contraires.
14:49 Ces mêmes réponses, pour ne pas être vivantes pour de bon,
14:56 ne savent pas plus mourir pour de bon.
15:01 Le néant a cette faculté, et ses réponses sont néants,
15:07 d'absorber ce qui est,
15:10 sans être pour autant, sans advenir pour autant.
15:16 Pour autant.
15:44 La chéprise nous parle,
15:47 nous indique que nous nous épuisons parfois en pure perte,
15:53 en usant pour se faire de résistance,
15:57 en usant pour se faire d'insistance.
16:01 La vie est un courant,
16:04 la vie est mobilité,
16:07 et parfois nous envisageons de lui faire barrage,
16:13 certains même envisagent de la remonter,
16:18 de remonter ce courant-là,
16:22 en commençant par lui tenir tête,
16:26 en tentant pour y réussir de tenir tête à tous les autres.
16:32 Cela en devienne certitude, affirmation, conclusion.
16:39 Alors, ce même courant que la vie incarne devient un obstacle,
16:47 alors que ce courant-là est dans cette vie
16:52 qui nous fait vivants notre seul moyen de locomotion.
16:59 Mais, ce lâcher-prise,
17:05 s'il doit être considéré comme réponse,
17:10 ne peut à nouveau être une réponse qui se satisfait d'elle-même,
17:17 en étant une sorte de réponse insidieuse
17:23 de celle qui paraît ne rien arrêter,
17:27 tout en nous arrêtant à ce qu'elle signifie.
17:31 Par elle, s'il est entendu que nous ne nous risquerons plus à répondre,
17:40 par elle, nous ne nous risquerons plus non plus à nous interroger.
17:48 Ce lâcher-prise doit générer en nous une sorte de vitalité orientée
17:57 vers une curiosité proportionnelle et exponentielle à la fois.
18:04 La curiosité nous amenant à plus de curiosité encore.
18:11 La curiosité nous amenant à nous rendre à cette humanité sans danger,
18:19 gourmande à son tour de plus d'humanité encore,
18:25 alimentée en guise de carburant par cette confiance,
18:32 confiance indéfinie,
18:35 confiance au nombre de visages infinis,
18:40 ce même infini faisant de cette même confiance une confiance sans fin.
18:52 La chéprise, c'est ne plus se vouloir convaincu, persuadé, certain.
19:01 À ce moment-là, le monde nous parle.
19:05 Le monde nous assiège de façon amicale, généreuse,
19:12 nous envahit en usant pour se faire de ces curiosités qui le composent,
19:19 nous invite à nous nourrir de ces mêmes curiosités.
19:25 Et cette illimité, par son poids, parvient à faire concurrence à notre finitude.
19:35 Cette illimité nous relativise de la tête aux pieds
19:42 jusqu'à ce que nous sachions rire de nos angoisses,
19:47 nos angoisses se nourrissant de nos réponses, non de nos questions,
19:54 nos angoisses se nourrissant de façon paradoxale,
19:59 de façon contradictoire, de façon assassine de nos certitudes,
20:07 certitudes par définition incertaines
20:11 et exigeant pour se maintenir en nous plus de convictions encore à leur propre égard,
20:20 spirale maladive, spirale tournant sur elle-même,
20:26 sur elle-même tout en accélérant jusqu'à nous faire en nous-mêmes aveugles et sourds.
20:37 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
20:40 Les médias ne sont pas des institutions, mais des moyens de communication.
20:45 Leur existence est une expérience.
20:49 Leur existence est une expérience.
20:52 Leur existence est une expérience.
20:55 Leur existence est une expérience.
20:58 Leur existence est une expérience.
21:01 Leur existence est une expérience.
21:04 Leur existence est une expérience.
21:07 Par l'exister, ceux qui se veulent réponse,
21:12 ceux qui se veulent affirmation,
21:16 expriment un genre de tragique comédie.
21:20 Par leur volonté, on pourrait prétendre d'eux
21:24 qu'ils ambitionnent d'arrêter la réalité à leur seule personne,
21:30 que leur personne envisage même de dépasser la réalité,
21:36 que leur personne est une réponse absolue, définitive.
21:42 Leur volonté consistant à passer à la postérité en témoigne.
21:49 Un Napoléon se veut réalité.
21:52 Un Hitler se veut réalité.
21:55 Ceux-là ont l'ambition même d'être une réalité synonyme de référence.
22:03 Jésus-Christ, à ce propos, exprime un absolu,
22:09 puisque le temps lui-même fut, par toute une partie de l'humanité,
22:16 remise à zéro à son avènement.
22:20 Manœuvre semblable, par leur insistance forcenée,
22:25 à ces églises construites partout.
22:29 Manœuvre témoignant d'une volonté d'inversion,
22:35 en usant pour se faire d'autant de paravents chargés en masquant la réalité,
22:44 de se dire plus vrai, plus réel que la réalité elle-même.
22:51 Nietzsche, par son inversion des valeurs, cibla aussi ces inversions-là.
23:01 L'être humain, résolument curieux,
23:06 ressent par le biais de cette curiosité qui l'habite,
23:11 curiosité qui le constitue,
23:15 cette contradiction délicieuse,
23:20 contradiction savoureuse,
23:24 le faisant à la fois immense et minuscule.
23:28 Immense pour détenir en lui de quoi s'interroger,
23:34 minuscule pour détenir en lui de quoi s'interroger.
23:40 Bien sûr, ces mêmes s'autoriseront à répondre,
23:45 mais avant tout pour considérer par avance à cette réponse-là,
23:53 là où l'est question à suivre.
23:59 Ceux qui se veulent réponse, se veulent aussi, voire surtout vérité.
24:08 Soit ils les conçoivent, soit ils les incarnent.
24:14 À nouveau, comme expliqué dans l'édito intitulé "Philosophie",
24:21 ils useront pour assurer que leurs vérités sont des vérités vraies,
24:27 de la justesse de ces vérités-là,
24:32 justesse par définition limitée,
24:37 en veillant à faire l'impasse sur l'insuffisance de ces mêmes vérités.
24:45 Nos vérités sont par définition exactes.
24:51 Si l'on n'outrepasse pas leurs limites,
24:55 elles deviennent aussitôt obsolètes
24:59 si on les confronte à la réalité et à ses illimités.
25:04 Nos vérités ont une portée égale à l'envergure de ceux qui les promulguent
25:12 et les défendent, aussi illustres soient-ils.
25:17 Ces vérités-là cloisonnent notre monde, l'étouffent.
25:23 Leurs limites sont des murs.
25:26 Ces vérités-là nous enferment.
25:29 Elles sont à leur manière des théâtres.
25:33 La réalité et son infini est maintenue au dehors
25:39 des théâtres aménagés et entretenus par ceux désireux d'y jouer un rôle,
25:45 un rôle vedette,
25:48 rôle vedette qui fera pour qu'il perdure,
25:52 le monde tout autour, sans cesse plus hermétique.
25:57 Cet hermétisme lui-valant, sa prépondérance.
26:04 Les animaux sont autant de réponses
26:33 réponses définitives
26:36 et si l'on peut les dire réponses, c'est avant tout
26:41 parce qu'ils ne disposent pas, ne disposent plus de quoi s'interroger.
26:48 Les êtres humains que nous sommes, sommes avant tout curiosités
26:55 et si nous sommes à ce point curiosités,
26:59 c'est parce que nous ne disposons pas ou ne disposons plus de quoi répondre.
27:09 La curiosité est un savoir paradoxal
27:14 parce qu'il est un savoir qui veille à ne pas s'arrêter à ce qu'il sait,
27:21 voire même qui redoute ce qu'il sait
27:26 pour lui inspirer en usant pour se faire de nos tourments humains trop humains,
27:33 de ses désirs lui assurant qu'il peut constituer à partir de lui,
27:40 de ce savoir, une réalité subalterne,
27:45 l'une de ces réalités lui assurant qu'il dispose de quoi prendre un ascendant sur la réalité générale.
27:55 Cette réalité illimitée et insaisissable.
28:01 Il y a là désir d'appropriation, d'appropriation et de propriété,
28:09 car la propriété est une réponse,
28:13 la réponse par définition et désir de possession.
28:19 Par son recours l'on veut s'approprier la réalité
28:25 comme l'on délimite une parcelle,
28:29 qu'on lui impose des clôtures et des murs
28:33 pour se garantir à soi, se garantir aux autres,
28:38 que cet espace vous appartient
28:42 comme si l'espace à l'image de la réalité pouvait être appartenu.
28:50 Les frontières d'un pays contiennent cette réalité particulière que ce même pays incarne.
29:01 Si vous le débarrasser de ces frontières, cette même réalité s'effrite.
29:08 Les nationalistes, justement, combattent cette éventualité.
29:14 Ils sont de ceux qui croient parce que nous parlons là de vérité.
29:21 De réalité devant être contenue pour être un temps durant constatée.
29:28 Et les vérités qui s'en suivent pour être maintenues doivent être crues.
29:35 Les vérités ne sauraient survivre à une curiosité digne de ce nom,
29:42 une curiosité qui les installerait en dehors de ce cloisonnement qui justement les permet.
29:52 Mais si la curiosité, celle qui habite les êtres humains que nous sommes,
30:00 nous appelle à toujours plus de curiosité si nous lui cédons,
30:06 nos réponses à leur tour nous appellent, elles, à toujours moins de curiosité pour se maintenir,
30:15 à toujours plus de réponses dans le sens des réponses qui leur offrent de se maintenir,
30:23 à toujours plus de murs et de frontières, de limites plus hautes, de limites plus imperméables,
30:32 à toujours plus de réponses qui ne nous font plus humains,
30:38 qui ne nous font pas animaux comme les animaux peuvent l'être,
30:44 des réponses qui nous fixent et nous égarent à la fois,
30:49 nos turpitudes trop souvent incohérentes et par définition sans avenir,
30:57 par définition sans lendemain, en témoignent.
31:03 [Musique]
31:08 [Musique]
31:37 Notre moralité, qu'elle soit officielle ou officieuse,
31:43 qu'elle nous concerne nous ou nous concerne toutes et tous,
31:48 n'incarne-t-elle pas nos convictions ?
31:52 Le hasard, avec cette multiplicité qui le caractérise,
31:59 ne semble pas être sensible à ce mode de certitude.
32:05 Notre moralité nous dit, entre autres, « tu ne tueras point ».
32:10 Au tout départ, de cette conviction, semble se dégager presque une logique,
32:19 une logique plus proche de cette logique rattachée au comment des choses qu'alors pourquoi.
32:28 Se dégage de cette conviction comme une évidence,
32:35 par cette conviction-là, un et un paraissent, après avoir été ajoutés, faire un nouveau deux.
32:45 Dire qu'il ne faut pas tuer correspond, au tout départ de cette conviction-là,
32:54 à ce qu'on dit à celui qui a soif lorsqu'on lui ordonne de boire pour qu'il se porte mieux.
33:03 Mais pour que celui-ci se porte mieux, on lui ordonnera, au regard de sa soif,
33:12 de l'importance de cette soif-là de boire de l'eau.
33:18 Sans qu'on puisse empêcher celui qui a soif de ressentir à l'égard de sa soif,
33:27 une envie, voire un besoin d'interprétation,
33:32 qui le motivera à boire autre chose que de l'eau,
33:37 à boire justement autre chose pour rendre grâce en l'exploitant à cette soif qui l'occupe.
33:48 Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre de ces actes qui portent préjudice à autrui,
33:58 détiennent alors tout départ cette évidence de celle que l'on retrouve dans le commun de chaque chose,
34:09 évidence semblable à celle qui vous motive à boire lorsque vous avez soif,
34:16 à boire d'autant plus que vous avez soif.
34:21 Mais notre soif, nous autres humains, ne nous conditionne pas à boire de l'eau,
34:28 voire, plus elle s'avère grande, plus l'eau nous semble de plus disposer de quoi rendre grâce à cette soif-là.
34:39 Alors, nous cédons à des modalités qui, pour être convaincantes,
34:47 doivent en nous-mêmes, en priorité, nous paraître comme telles.
34:54 Le « tu ne tueras point » exprime une évidence semblable à cette soif qui parfois nous occupe.
35:04 Le « tu ne tueras point » nous accapare à sa façon,
35:10 mais, comme pour notre soif lorsqu'elle s'empare de nous,
35:16 des interprétations se font ressentir en nous.
35:21 Cette évidence seule ne paraît plus nous suffire.
35:26 Elle incarne un genre de commun presque vindicatif.
35:31 Nous lui opposons alors des pourquoi à notre convenance,
35:38 des pourquoi sans fin et sans fond,
35:42 qui de façon très contradictoire font assassin un « tu ne tueras point » par définition innocent.
35:54 Le « tu ne tueras point » est un mot qui, dans le sens le plus simple,
36:00 peut être utilisé pour décrire un sentiment de désaccord ou de désaccordance.
36:07 Le « tu ne tueras point » est un mot qui, dans le sens le plus simple,
36:14 peut être utilisé pour décrire un sentiment de désaccordance ou de désaccordance.
36:21 Si Dieu doit être une incarnation,
36:29 il doit incarner la curiosité par excellence.
36:34 Cette même curiosité qui nous déconseille de répondre,
36:39 cette curiosité qui nous invite à seulement nous interroger,
36:46 cette curiosité qui nous invite même à user de nos réponses,
36:54 de nos réponses comme tremplin pour nous interroger encore,
37:00 ces réponses-là, pour ne pas être voulues définitives,
37:07 nous protègent en nous aiguillant vers ces questions
37:12 qui ne sont pas de fausses questions,
37:17 de ces questions sans issue,
37:20 pour être réponse à la fois,
37:23 pour être réponse avant tout.
37:27 Oui, Dieu incarne une sorte de curiosité absolue,
37:34 Dieu incarne une sorte de question première,
37:39 et non une réponse première, synonyme de cause première.
37:46 Dieu doit nous inviter à nous interroger,
37:51 à nous considérer même comme ceux
37:56 qui ne parviendront jamais à un savoir absolu,
38:00 un savoir total.
38:03 Dieu nous déconseille d'ailleurs fortement
38:08 de croire à cette possibilité,
38:11 celle d'un savoir absolu détenu par nous.
38:17 Dieu, pour ce faire, nous déconseille aussi,
38:21 dans un même élan, de croire,
38:24 voire même de croire en lui,
38:28 de croire en Dieu.
38:31 Dieu ne se reconnaît pas en ce Dieu instauré par nous,
38:36 ce Dieu-là répond,
38:39 alors que Dieu est un Dieu qui s'interroge.
38:45 Croire exprime une contradiction dangereuse,
38:51 ceux qui croient sont en quête de certitude.
38:57 Confrontés à cette mobilité générale
39:01 qui les entraîne et qui les fait déjà morts,
39:06 cela réclame que cette mobilité soit figée.
39:12 Les certitudes les rassurent
39:15 et à défaut de pouvoir en détenir,
39:18 ils en inventent, ils en rafistolent.
39:23 Ils fuient toute question, tout doute,
39:27 toute remise en cause, parce qu'il leur semble
39:31 que toutes ces questions accélèrent
39:35 cette même mobilité générale redoutée par eux.
39:40 Cela voit cette mobilité générale
39:44 plus mobile qu'elle n'est,
39:47 pour la vouloir figée, stoppée,
39:51 arrêtée par ces mêmes réponses,
39:54 ces mêmes certitudes qu'ils inventent.
40:00 Dieu nous invite à nous interroger.
40:05 L'interrogation est une remise en jeu,
40:09 une remise en cause.
40:12 L'interrogation suscite l'humilité.
40:16 L'humilité permet l'amour,
40:20 savoir qu'on ne sait pas,
40:23 savoir plus encore qu'on ne saura jamais tout,
40:27 nous fait plus humbles.
40:30 Certains d'entre nous ont voulu Dieu dans le ciel,
40:35 pour qu'à ces altitudes-là, il nous prenne de haut,
40:40 pour qu'en le représentant, ces mêmes,
40:44 nous prennent de haut à leur tour.
40:47 D'où cette nécessité de réponse,
40:51 d'une certitude et d'affirmation
40:54 qui éloignent ceux qui prient Dieu
40:57 de ce Dieu qu'ils prient,
41:00 celui-ci accordant plus d'intérêt et d'affection à la fois
41:05 à ceux qui le prient en le priant autrement,
41:10 pour commencer leur prière par "je ne sais pas".
41:17 "Je ne sais pas"
41:43 Il ne faut pas confondre savoir et conviction.
41:47 Vous pouvez être savant,
41:50 vous pouvez posséder en vous de ces données
41:53 à l'égard desquelles vous disposez de quoi être sûr,
41:58 de quoi être convaincu.
42:01 Pour exemple, vous pouvez être sûr qu'un plus un font deux.
42:07 Votre savoir peut être exact,
42:10 juste à ce point que vous ne souffrez pas de doute à son sujet.
42:16 Les convictions, elles, ne sont pas tout à fait d'une même nature.
42:22 Socrate visiblement prit plaisir
42:26 à contrarier ces quelques-uns se prétendant savants.
42:32 Pour ce faire, Socrate usa des limites de leur savoir,
42:38 parce que ces mêmes prétendaient savoir peut-être avec trop de confiance.
42:45 Ils furent pour Socrate autant de proies faciles.
42:49 Socrate se prétendit plus savant qu'eux,
42:54 soi-disant pour savoir qu'il ne savait soi-disant rien,
42:59 le rien étant déjà faux au nom de ce rien justement su.
43:06 Nos convictions, elles, sont plus aléatoires.
43:11 Elles traduisent souvent, voire toujours, un besoin de certitude.
43:18 Ce monde, en termes d'explication, ne repose sur rien.
43:24 Nos convictions veulent être à l'égard de ce monde autant d'assises,
43:31 qui à leur tour ne reposent sur rien.
43:36 Formulé autrement, nous savons comment un et un font deux, sans savoir pourquoi.
43:44 Et le simple fait de pouvoir nous interroger, d'être en quête de ce pourquoi-là,
43:52 nous incite à répondre.
43:55 Cette expectative nous paraissons totalement insupportables,
44:02 insupportables à ce point que nous ne pouvons concevoir que cette question,
44:10 celle correspondante à ce pourquoi recherché,
44:15 pourrait être pour de bon une question sans réponse, une question mornée.
44:24 Nos convictions sont des réponses vivantes au-dessus de leurs moyens.
44:32 Si notre science est juste,
44:35 nos convictions témoignent d'une insuffisance de fonds synonyme de déliquescence immédiate.
44:44 Ces questions les permettant juste de poser,
44:48 cette constatation est un appel à nous satisfaire du comment de chaque chose,
44:55 en veillant à ne pas nous frotter au pourquoi des choses en question.
45:02 Nos convictions, de façon contradictoire, sèment le doute en nous.
45:09 Par elles, nous voulons avoir raison,
45:13 parce qu'il nous est insupportable, ces convictions épousées,
45:19 de reconnaître que ces convictions ne reposent sur rien,
45:24 à ce point qu'elles ne disposent même pas de quoi nous donner tort pour de bon.
45:32 Mais, beaucoup de nos sociétés, de nos institutions,
45:38 de nos manières personnelles ou plus collectives,
45:43 reposent sur ces mêmes convictions, convictions qui ne reposent sur rien.
45:51 [Musique]
46:20 Être de ceux qui répondent,
46:24 c'est être de ceux qui paraîtront exister de façon plus appuyée.
46:31 C'est même, par leur réponse,
46:35 paraissent incarner une conclusion,
46:38 paraissent incarner une réalité dans la réalité,
46:43 réalité plus affirmée, justement, pour avoir répondu.
46:48 Ou pour représenter une réponse instituée.
46:54 Autour de nous s'entendent des réponses à caractère religieux,
47:02 à caractère politique, à caractère scientifique.
47:08 Toutes ces réponses se savent sur la scellette,
47:13 même nos réponses scientifiques, malgré leur justesse du moment,
47:20 savent qu'elles s'avéreront insuffisantes sur le long terme.
47:26 Nos réponses scientifiques expriment un genre de rutilance,
47:33 non seulement provisoire, mais d'autant plus provisoire qu'il s'avère rutilant.
47:41 Quant à nos réponses religieuses et politiques,
47:46 elles ne sont, les concernant, ni justes, ni suffisantes.
47:52 Ces réponses-là, pour être considérées comme telles,
47:57 exigent de ces décors susceptibles de les entretenir,
48:03 de les entretenir seulement, à défaut de les valider.
48:09 Souvent ai-je mis en avant cette dichotomie qui nous occupe.
48:18 D'abord, nous sommes porteurs d'un entendement synonyme de curiosité,
48:26 curiosité quasi absolue, et ne devant être que curiosité de l'autre.
48:34 Nous souffrons d'être assujettis à une espérance de vie
48:41 en comparaison à l'étendue de notre entendement,
48:46 à l'étendue de cet autre infini inextricablement ridicule.
48:55 Alors, beaucoup d'entre nous veulent compenser cette différence-là,
49:05 cette différence entre la portée de notre entendement,
49:12 de nos aptitudes à la curiosité et notre espérance de vie,
49:20 en s'affirmant plus que leur semblable, en s'affirmant plus que la moyenne,
49:28 et l'on s'affirme en en concluant,
49:32 peu importe les conclusions empruntées pour se faire,
49:37 on s'affirme en répondant à l'opposé.
49:42 Les curieux qui se veulent curieux,
49:45 juste curieux, par cette curiosité qu'ils expriment,
49:51 entretiennent un doute proportionnel
49:55 sur lequel rien ne saurait s'appuyer pour de bon.
50:01 Nos affirmations sont autant d'habits,
50:05 nos affirmations sont autant de costumes,
50:10 que certains s'empressent de revêtir pour être plus aperçus que les autres,
50:16 même si ces habits, même si ces costumes,
50:22 les habillent en les déshabillant,
50:26 leur infligeant une nudité qui les déshumanise.
50:32 Car ceux qui s'abandonnent à ces réponses si nombreuses,
50:38 qui s'accrochent à ces réponses-là,
50:41 perdent cette curiosité qui définit notre genre,
50:47 genre humain, en l'occurrence.
50:53 [Musique]
50:57 [Musique]
51:22 Un être humain ne peut vivre sans exister
51:27 comme un être humain ne peut exister sans être vivant.
51:33 Ces deux allusions sont des réponses,
51:37 mais non pas des réponses qui nous arrêtent
51:40 à ce qu'elles affirment, à leurs affirmations.
51:45 Ces réponses nous offrent de quoi nous interroger pour le meilleur,
51:51 c'est-à-dire de nous interroger pour nous interroger
51:56 et non nous interroger pour taire en nous
52:01 cette curiosité intrinsèque qui nous caractérise en tant qu'être humain.
52:10 Ainsi, un être humain ne peut vivre sans exister.
52:17 Il sera d'ailleurs préférable pour lui qu'il compte sur sa curiosité pour exister
52:25 plus qu'il compte sur ces réponses que certaines habitudes collectives
52:32 trop instituées nous imposent,
52:35 plus qu'elles nous proposent pour exister, soit disant.
52:42 Notre curiosité nous habille de façon contradictoire, de façon paradoxale.
52:51 Notre curiosité nous habille en nous laissant nus,
52:56 nous habille sans être habillés pour de bon, habillés de façon définitive.
53:06 Notre curiosité nous invite à épouser autant d'allures
53:12 que se tient en ce monde de possibilités.
53:18 Pour notre curiosité, toute certitude trop définitive,
53:26 toute conclusion, toute affirmation nous assassine.
53:32 Ce vouloir ceci ou ce vouloir cela nous habille de façon définitive
53:39 à ce point qu'il nous tue avant l'heure.
53:46 On ne peut aussi exister, continuer à exister en étant plus en vie,
53:55 en étant plus vivant.
53:58 Ces quelques-uns qui parviennent à exister au-delà de leur dernier souffle
54:05 se voient pour continuer à être signifiés,
54:10 être représentés sous forme de statues,
54:14 se voient figés en usant pour ce faire
54:19 de matériaux par lesquels la vie ne se reconnaît pas.
54:26 Ce que ces quelques-uns paraissent ignorer
54:30 est qu'ils sont déjà des statues de leur vivant.
54:36 Ces certitudes qui les habillent, ces certitudes qui les figent
54:44 sont à leur tour de ces matériaux par lesquels la vie,
54:50 la vie humaine ne se reconnaît pas.
54:54 Ces mêmes désireux, désireux jusqu'à en devenir malades,
55:01 en devenir fous, d'exister au-delà de leur mort
55:08 s'avèrent déjà morts par cette volonté avant que leur vie ne s'achève.
55:16 Leur statue qui les représente ou avertisse
55:22 se distingue dans leur rigidité autant de convictions établies à jamais,
55:31 se distingue dans cette rigidité une curiosité étouffée
55:39 jusqu'à ce que mort s'en suive.
55:42 Cela existe autant à titre posthume
55:47 qu'ils se sont avérés morts de leur vivant
55:51 leur statue incarne par cette obstination maladive
55:58 qui les figent à jamais, ce genre de dernier souffle
56:04 qui vous maintient en vie pour de faux.
56:09 [Musique]
56:30 [Son de cloche]
56:33 Merci pour votre attention.
56:35 Le temps nous a imposé sa loi
56:37 nous tenant dans nos vies respectives une heure plus loin.
56:39 J'ignore où vous vous trouverez la semaine prochaine
56:42 mais si le cœur vous en dit,
56:44 je vous donne rendez-vous pour renouveler l'expérience
56:46 en vous souhaitant d'ici là plein de hasards heureux.
56:49 Bien à vous.
56:51 [Musique]
57:08 [Musique]
57:10 [SILENCE]