Les Editos Philosophiques de Pascal Dolhagaray, Semaine 50/2023

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Les Editos Philosophiques de Pascal Dolhagaray, Semaine 50/2023

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Transcript
00:00 *Musique*
00:17 *Son de clavier*
00:20 Bonjour, bienvenue sur 300 secondes maxi.
00:23 Je vous propose 12 détours d'une même durée, autant de parenthèses éphémères,
00:27 pour que tu aies l'espace inclus entre les deux grandes qui nous contiennent.
00:30 Juste des clins d'oeil sonores, une autre façon de vous décrire un détail dans ce paysage qui défile
00:36 à cette même vitesse que notre vie passe. Bonne émission à vous.
00:40 *Musique*
00:45 L'intention de l'uniforme, soyons sincères à ce propos,
00:50 est de faire que nous ne nous abandonnions pas à cette possibilité.
00:56 Possibilité exploitée pour tenter de nous préciser à nous-mêmes,
01:02 de nous imposer à nous-mêmes une identité.
01:06 Une identité arrêtée. Arrêtée comme peut l'être une conclusion.
01:11 Conclusion définitive et pour de bon.
01:16 Évidemment, ce challenge est irréalisable.
01:21 Nous ne pouvons être pour de bon l'unité.
01:25 Cette différence qui nous distingue les uns des autres ne serait-il suffire ?
01:32 Être nous pour de bon de façon définitive,
01:37 voire même pour être nous de façon arrêtée, nous pour de bon,
01:42 il nous faudrait nous refuser à cette quête.
01:46 Nous refuser à devenir nous.
01:50 Nous refuser à prendre cette route chargée, soit disant, de nous conduire vers nous,
01:57 alors que cette route ne nous conduit que vers elle-même.
02:02 Cette route nous prend, s'il nous prend de la prendre,
02:06 et plus nous la prenons, plus elle s'empare de nous.
02:11 D'où l'idée de l'uniforme.
02:15 Uniforme une fois revêtu,
02:18 nous apprend que revêtu par lui,
02:21 nous ne serons plus que ce que cet uniforme indique,
02:26 mais surtout, l'uniforme est l'expression d'un tiers, ou de plusieurs,
02:32 qui ambitionnent en usant de l'uniforme de nous imposer une identité à leur convenance.
02:39 Formuler autrement,
02:41 ils se doivent d'accoler à votre identité de sérieuses limites,
02:47 limites sans lesquelles ils ne sauraient vous apprécier,
02:52 ou plus précisément, vous supporter.
02:55 Et puis, sur le plan de l'identité,
02:59 à l'égard de tous et toutes,
03:02 l'uniforme est une sorte de page blanche.
03:06 Grâce à cette page blanche,
03:09 on peut apposer sur l'autre ce qui nous convient.
03:13 Non, pour parvenir à l'aimer,
03:15 l'amour entre nous autres humains
03:18 n'est qu'une boursouflure métaphysique de plus.
03:22 Mais pour parvenir à faire que ces autres,
03:26 par ce qu'ils sont,
03:28 ce qu'ils sont vraiment,
03:31 ne nous indisposent pas.
03:35 [Musique]
03:38 Toujours au sujet de ces uniformes
03:59 que certains d'entre nous se plairaient à voir revenir,
04:04 aimeraient que ces uniformes,
04:07 uniformes tous confondus,
04:09 revêtent les petits et les grands,
04:12 afin sans doute que nous passions toutes et tous inaperçus,
04:16 et c'est même,
04:18 ces aficionados de l'uniforme,
04:21 plus aperçus que nous,
04:23 pour revêtir de ces uniformes qui n'en sont pas
04:27 Uniformes paradoxaux,
04:29 qui vous précisent et vous détaillent,
04:32 seraient en retour plus vus que nous,
04:35 plus vus que la moyenne,
04:37 plus vus que ce que leur offre ce qu'ils sont.
04:41 Dans l'édito bizarre,
04:44 je citais le cas de ce chanteur
04:46 qui suivit une scolarité avec uniforme,
04:49 au sens vestimentaire du terme,
04:52 et qui prétendit que ses amis
04:55 ne seraient jamais devenus ses amis,
04:58 si comme premier contact,
05:00 il avait dû les appréhender en composant
05:03 avec leur allure du moment,
05:06 allure qui faisait d'eux explicitement
05:10 ce qu'ils étaient à ce moment-là.
05:13 C'est à se demander
05:15 à quels individus ce même chanteur
05:18 a communiqué son amitié,
05:21 si cette amitié fut communiquée très précisément
05:25 à ces deux individus-là,
05:28 dans le respect de leur identité très précisément,
05:32 ou si cette amitié nécessita un uniforme,
05:36 un effacement de ces mêmes deux identités,
05:41 afin que ce même chanteur
05:44 aime soi-disant ces deux individus
05:47 d'après ses goûts à lui,
05:49 ses propres goûts,
05:51 sans s'attarder pour se faire sur l'identité,
05:55 sur les particularités de ceux
05:58 qu'il prétendit aimer.
06:01 Après tout,
06:05 nous sommes peut-être, nous autres humains,
06:08 trop identités par défaut,
06:10 trop particularités,
06:12 trop dans le détail à l'égard de nous-mêmes,
06:15 pour que des communions entre nous
06:18 d'abord s'établissent,
06:20 s'établissent d'abord et se poursuivent ensuite.
06:23 Voilà pourquoi
06:25 les uniformes nous sont nécessaires
06:28 pour aimer les autres.
06:30 Nous réclamons de ces autres-là
06:32 qu'ils ne soient pas autant qu'ils peuvent l'être,
06:35 autant jusqu'à leur totalité.
06:39 [Musique]
06:59 Un chanteur relativement connu
07:03 précisa qu'au niveau scolaire,
07:06 il s'avérait pour le port de l'uniforme.
07:10 Afin de complémenter son adhésion à l'uniforme,
07:13 il usa de sa propre histoire,
07:16 de son propre ressenti à ce sujet.
07:19 Ainsi, il rejoignit à son jeune âge
07:23 une structure, structure scolaire,
07:26 où on le contraignit à porter un uniforme.
07:30 À cela, ce même chanteur prétendit
07:33 devoir partager une chambre commune
07:36 d'entrée de jeu avec deux individus de son âge
07:41 dont il ne savait rien
07:43 et qui deviendraient, l'un comme l'autre,
07:46 des amis a priori précieux.
07:50 Mais surtout,
07:53 à propos de ces mêmes individus,
07:57 ce même chanteur expliqua
08:01 qu'il découvrit le look de ces deux individus-là
08:05 à la fin de leur première semaine en commun.
08:09 L'un avait épousé le genre gothique,
08:12 l'autre, selon les dires de ce chanteur,
08:16 une fois vêtu à sa guise,
08:19 épousait un style genre coincé,
08:22 habillé, soit-disant, comme un petit garçon de 6 ans à peine.
08:25 Mais surtout, et c'est à mon avis le plus grave,
08:29 comme le plus intéressant,
08:32 ce chanteur assura que sans connaître ces deux individus,
08:37 sans le concours de cet uniforme passé par eux trois,
08:42 s'ils avaient dû composer avec leur look respectif,
08:47 look du moment,
08:49 jamais ils ne seraient tournés vers ces deux-là.
08:54 L'uniformisation et
08:58 l'uniformisation se veut comme effacement de l'individu.
09:03 L'uniformisation combat la personnalisation.
09:08 Rien de ce qui fait l'individu
09:12 à partir de l'individu ne doit se remarquer.
09:16 L'uniforme se veut supérieur
09:19 en termes d'identité à l'individu.
09:23 L'uniforme veut de l'individu qu'il soit comme tout le monde,
09:27 alors que sur un plan humain, justement,
09:31 l'individu est comme personne pour n'être pas.
09:36 Que ce chanteur s'interroge à l'égard
09:39 de ce qui deviendra ses amis,
09:42 ses amis soi-disant,
09:44 sur la contribution de leur uniforme,
09:48 de cet effacement qui effaça la personnalité du moment,
09:53 de ses futurs amis,
09:55 l'effaça assez,
09:57 suffisamment pour qu'il les remarque.
10:01 Bizarre, non ?
10:05 Le chanteur
10:08 Oui, le hasard nous a-t-il abandonné sur le bord du chemin ?
10:31 Ce filet qu'il incarne parmi toutes ces mailles qui le constituent
10:37 possédait une maille défaillante,
10:40 une sale maille.
10:42 Et cette maille-là a suffi
10:45 pour que nous passions, nous,
10:47 nous autres humains,
10:49 humains, soi-disant,
10:51 à travers ce filet incarné par le hasard.
10:56 Cette éventualité pourrait faire
10:59 que nous sommes dorénavant inadaptés à ce monde,
11:04 pourrait faire aussi que nous sommes inadaptés à nous-mêmes,
11:10 que nous ne saurions faire de nous-mêmes
11:13 quoi que ce soit qui tienne debout,
11:16 qui tienne la route.
11:19 Et si vous observez nos alentours,
11:21 vous vous rendrez compte sans difficulté
11:24 que cette inadaptation chronique
11:27 qui nous caractérise se distingue partout,
11:31 qu'elle fait même parler la poudre entre nous,
11:35 en usant pour se faire du fait
11:38 que nous nous jugeons les uns les autres plus coupables qu'inadaptés,
11:44 sans admettre, sans comprendre,
11:48 sans même remarquer cette évidence,
11:51 si elle nous apprenons que cette recherche mutuelle,
11:55 recherche incessante et perpétuelle de culpabilité entre nous
12:01 est déjà l'expression de cette même inadaptation,
12:07 nous démontrons par cette même quête de culpabilité
12:13 que nous sommes inadaptés à ce point,
12:16 que nous sommes même inadaptés pour nous-mêmes,
12:21 à notre propre égard.
12:24 Déjà, pour considérer notre inadaptation chronique viscérale,
12:31 il nous faudrait écarter de nos interprétations
12:34 ces recours à toute culpabilité,
12:38 arrêter de nous dire coupables
12:42 pour parvenir à nous dire inadaptés,
12:46 et parvenir pour nous dire inadaptés,
12:50 inadaptés depuis toujours aux origines mêmes,
12:54 de nos origines les plus éloignées,
12:56 à nous reconnaître innocents.
12:59 Non, nous ne sommes pas coupables d'être ce que nous sommes,
13:04 nous ne nous sommes pas choisis,
13:08 comme nous ne choisissons pas,
13:11 malgré tant de convictions contraires,
13:15 ces choix qui nous paraissent par nous tant choisis.
13:41 Les êtres humains que nous sommes
13:45 n'incarnons-nous pas un genre d'expectative,
13:50 d'expectative sans autre espoir que de rester expectative.
13:57 Nous concernant, une question se pose,
14:00 une question qui n'est pas posée à ce point
14:04 qu'avant même qu'elle soit posée,
14:07 nous ne nous rendrons pas compte des réponses du gris, la politesse.
14:14 Nous autres humains,
14:16 quel genre d'êtres vivants sommes-nous ?
14:20 Plus encore, cette idée que nous nous faisons de nous,
14:25 pour ne pas pouvoir nous empêcher, nous retenir d'avoir en nous une idée,
14:31 une idée nous ayant inspiré ce titre,
14:35 ce mot-là, ce titre-là,
14:38 dans nos esprits,
14:40 pour incarner un genre de résumé, de définition, d'interprétation,
14:46 d'interprétation reconnue et arrêtée, ce titre-là,
14:51 ce mot-là, celui d'« humain », est-il exact ?
14:56 Ou traduit-t-il un autre insu à force d'habitude,
15:01 avant tout et en toute priorité,
15:04 avec même expectative ineffable ?
15:09 Si nous autres humains ignorons quel genre d'êtres vivants nous sommes,
15:15 comment, à partir de cette ignorance,
15:19 pouvons-nous, à partir de nous, nous risquer à la moindre initiative ?
15:25 Sans trop se risquer à autant d'infabulation,
15:29 nous pouvons prétendre de nous que nous sommes inadaptés à ce monde.
15:34 L'état de notre environnement naturel en témoigne,
15:38 mais jusqu'où se poursuit, se prolonge cette inadaptation ?
15:45 Cette inadaptation est-elle accaparante à ce point,
15:50 irréversible à ce point,
15:53 que cette inadaptation nous fait inadapter à nous-mêmes,
15:59 à notre propre égard ?
16:02 Que cette inadaptation nous refuse même tout rapport entre nous et nous ?
16:09 À ce propos, nos guerres ne sont-elles pas révélatrices,
16:15 plus encore au-delà de ces guerres qui nous opposent à nous-mêmes ?
16:20 Cette autodestruction, en l'occurrence à caractère nucléaire,
16:24 n'est-elle pas plus révélatrice encore ?
16:28 Cette inadaptation en nous, à travers nous, et nos agissements,
16:35 ne travaille-t-elle pas pour son compte,
16:39 pour son compte seulement ?
16:43 [Musique]
17:04 Les êtres humains que nous sommes à l'égard de ce monde sont inadaptés.
17:10 Il est visible que nos agissements causent pas mal de dégâts.
17:16 Bien sûr, certains, toujours trop nombreux,
17:20 plus désespérés que la moyenne,
17:23 prétendent de nous, en prétendant d'eux-mêmes,
17:26 que nous sommes des êtres mauvais.
17:30 L'être mauvais, réellement mauvais,
17:34 veille à faire plus de mal à ceux qui partagent sa proximité,
17:40 plus de mal qu'à lui-même.
17:43 Nous autres humains, par nos tourments,
17:47 par nos incompatibilités diverses et variées,
17:52 faisons autant de mal à ceux qui partagent notre proximité
17:58 que nous en faisons à nous-mêmes.
18:02 Tellement que l'éventuelle destruction de ce monde qui nous supporte,
18:07 autant que nous le supportons,
18:10 n'est pas plus destructrice que cette destruction
18:15 que nous nous promettons à nous-mêmes,
18:18 que cette autodestruction quasi programmée,
18:21 comme un rendez-vous pris avec nous-mêmes,
18:25 comme un suicide entendu, organisé,
18:29 à l'échéance encore incertaine.
18:33 Maintenant, une question se pose.
18:38 Comment parvenir à une stabilité structurelle,
18:43 générable et durable, lorsque l'on est humain ?
18:47 À savoir, si nous réussissons à admettre cette inadaptation à ce monde,
18:54 si cette inadaptation à ce monde qui nous caractérise
18:59 était entre nous actée,
19:02 que ferions-nous de nous-mêmes ?
19:05 Plus encore, si cette inadaptation, au-delà d'être actée,
19:10 était considérée d'une façon la plus précise possible,
19:15 en écartant de cette considération tout recours à l'émotion,
19:20 pour amoindrir ce choc causé justement par cette considération.
19:25 À nouveau, que ferions-nous de nous-mêmes
19:29 pour conjurer cette inadaptation qui nous caractérise ?
19:34 La reconnaissance de cette inadaptation est-elle suffisante ?
19:40 Suffisante pour que nous générerions, à partir de cette reconnaissance,
19:47 des initiatives adaptées ?
19:50 Ou cette reconnaissance, celle de notre inadaptation à ce monde,
19:57 serait-elle à son tour une reconnaissance, par définition, inadaptée ?
20:04 Comment savoir ?
20:06 Comme je le précisais il y a peu, nous n'avons de cesse d'être juste,
20:13 de tomber juste.
20:15 Mais cette justesse-là est-elle suffisante ?
20:20 [Musique]
20:23 [Musique]
20:26 [Musique]
20:55 Dans le prolongement de l'édito intitulé "Questions",
21:00 je sous-entendais que le hasard a pu d'exploiter,
21:04 dans notre dimension, tous les possibles possibles,
21:08 exploiter en parallèle cet élan originel,
21:13 faisant que les évolutions adviennent,
21:17 pour ne pas rester figées, victimes d'un immobilisme mortifère.
21:24 Il est visible que la vie épouse pour se faire vivante,
21:30 comme pour se dire vivante,
21:33 autant ce qui n'a de cesse de se déplacer en nous,
21:39 de se déplacer parfois de façon contradictoire.
21:44 Notre cœur, à ce propos, incarne cette contradiction,
21:49 puisque notre cœur se déplace sans cesse,
21:53 se déplace par lui-même,
21:56 en affichant une totale immobilité.
21:59 Ainsi est-il visible que la vie, pour se faire vivante,
22:03 épouse donc tous ces mouvements en nous,
22:07 tous ces élans en nous,
22:09 comme elle exploite tous ces mouvements extérieurs.
22:14 Imaginez seulement, sans trembler, si vous le pouvez,
22:18 que notre planète s'immobilise,
22:21 que notre planète se fige,
22:24 et vous en conclurez sans difficulté
22:28 que la vie dans notre monde ne serait pas à la fête.
22:34 Maintenant, même si la mort n'existe pas,
22:39 il faut bien admettre qu'à un moment donné, notre vie s'arrête,
22:44 s'arrête même, selon cette formule que j'apprécie tant,
22:49 toute seule, comme une grande,
22:52 cet arrêt consommé.
22:55 Si on compare cet arrêt à ce même élan décrit plus haut,
23:01 à cet élan qui permet l'évolution,
23:04 peu importe les finalités exprimées par cette évolution,
23:09 on peut concevoir, voire redouter pour beaucoup,
23:14 que cet arrêt à l'heure d'actualité
23:18 pourrait être en contradiction avec cet élan qui permet toute évolution.
23:23 On peut concevoir que cet arrêt à l'heure constatée,
23:28 l'élément concerné par cet arrêt-là,
23:32 par répercussion, s'arrête tout autant et pour de bon,
23:37 autant qu'est arrêté l'arrêt en question.
23:43 [Musique]
24:05 Un philosophe présocratique a prétendu,
24:09 il y a déjà fort longtemps,
24:12 que les dieux d'aujourd'hui,
24:15 les dieux correspondants à l'époque de ce philosophe-là,
24:20 comme les dieux correspondants à notre époque,
24:24 n'incarnaient en vérité qu'une projection
24:28 pour être les êtres humains de demain.
24:33 Nous autres humains sommes les champions de la matérialisation.
24:39 Formulé autrement, nous autres humains sommes de peu de foi.
24:44 Croire nous enchante comme croire ne nous suffit pas.
24:49 Il nous faut donner un corps à ce que nous imaginons,
24:54 afin que ce corps donné rivalise en termes d'existence,
25:00 en termes d'existence pour de bon, avec notre propre corps.
25:07 Le doute ne fut pas que cartésien.
25:10 Si Descartes considéra en usant de sa faculté à pouvoir penser
25:15 qu'il était pour de bon,
25:18 pour être pour de bon à notre propre estime,
25:21 le corps, notre corps, a aussi son mot à dire.
25:26 Il suffit alors que nous posions une main sur notre corps,
25:31 pour que ce corps, en se rappelant à lui-même,
25:36 par notre intermédiaire, se rappelle tout autant à nous.
25:42 Nietzsche fut de ceux qui considéraient que ce corps qui nous donne vie
25:49 incarne en termes de vie, en termes d'existence, à sa façon un monopole.
25:58 Pour Nietzsche et ses quelques autres, la pensée est aux ordres du corps.
26:05 Pour les croyants, le corps est aux ordres de la pensée.
26:11 Pour les croyants même, la pensée est aux ordres de l'âme.
26:16 A ce propos, on peut considérer que le progrès, progrès général,
26:24 progrès pouvant être habillé d'un P majuscule, aspire à faire mieux.
26:31 Le hasard, à ce sujet, aime aller de l'avant,
26:35 avec tous les possibles possibles à sa disposition.
26:39 Ce mieux possible à faire, alors, est tributaire de cet élan que le hasard exploite.
26:46 Ce mieux possible retombe donc, autant que cet élan,
26:51 lorsque cet élan retombe, lorsqu'il s'interrompt.
26:56 Peut-être alors, le hasard abandonne aux êtres humains que nous sommes
27:01 l'exploitation de l'élan qui les concerne et qui les fait vivants.
27:07 Ainsi, si nous ne terminons pas dans le fossé avant,
27:12 les dieux d'aujourd'hui seront peut-être, seront, qui sait, les hommes de demain.
27:20 [Musique]
27:49 J'habite une région possédant une langue à elle,
27:55 langue en déperdition malgré les efforts de quelques-uns,
28:00 pour être une langue qui ne parvient plus à se suffire à elle-même.
28:07 Cette langue, pour perdurer encore un peu,
28:11 doit être accompagnée d'une langue en meilleure santé qu'elle.
28:16 Pour ces quelques-uns qui parlent encore en usant d'elle,
28:21 qui s'expriment encore à travers elle,
28:24 s'ils souhaitent être compris par un nombre plus conséquent d'êtres humains.
28:31 Mais surtout, on constate, chez ces quelques-uns qui défendent cette langue-là,
28:38 que ces mêmes ne peuvent pas ignorer que cette langue est en déperdition,
28:44 qu'elle ne se suffit plus à elle-même,
28:48 qu'elle nécessite le concours d'autres langues,
28:51 pour que ceux qui la parlent encore puissent encore se faire comprendre.
28:57 Au-delà de ce petit cercle croupuscule synonyme de peau de chagrin,
29:05 croupuscule au sein duquel ces mêmes se retrouvent et se rassemblent,
29:10 et cette insistance désespérée,
29:14 les conduites à considérer que cette langue tant défendue s'avère plus importante
29:23 que ce qu'on dit en usant d'elle,
29:27 ainsi cette langue, étrange inversion,
29:31 à travers cela, parle davantage à travers cela,
29:37 que ces quelques-uns qui l'emploient pour s'exprimer.
29:43 Dans ce cas précis, cette invraisemblance est aisément constatable.
29:50 Ceux qui parlent cette langue usent d'elle pour prétendre
29:54 qu'on peut encore, en usant de cette langue, parler.
30:00 Mais ce processus est peut-être plus insidieux qu'on ne le pense.
30:06 Si vous parlez le français,
30:09 le français, cette langue-là, ne s'approprie-t-elle pas
30:15 ce que vous vous risquez à dire en usant d'elle ?
30:20 Dire certaines choses en usant du français,
30:24 c'est peut-être ne pas dire des choses dont on parle tout,
30:30 ce qu'on s'imagine dire d'elle en usant du français.
30:35 Le français s'approprie peut-être votre parole lorsque vous en usez.
30:40 Le français parle peut-être en usant de vous,
30:44 s'exprime à votre place en usant de vous,
30:48 plus que vous vous exprimez vous en usant du français.
30:54 [Musique]
31:14 Nietzsche fut de ceux qui s'interrogèrent
31:20 sur nos facultés à nous exprimer nous,
31:25 nous à l'égard de nous-mêmes en toute priorité,
31:29 nous exprimer nous en ne considérant pas qu'il puisse se tenir
31:36 au-delà de nous nombre d'influences, disons sous-jacentes, disons souterraines.
31:44 Nietzsche, à propos de ses influences sous-jacentes et souterraines,
31:50 distingua une sorte de chaos intérieur.
31:54 Finalement, nous ressemblons à une sorte de local
31:59 dont le rangement, l'ordonnancement nous incombe.
32:05 Cette responsabilité-là transite d'abord par une intention,
32:11 ce local bien rangé où nous devrions l'être tout autant.
32:17 Mais notre drame est que cette volonté de mise en ordre,
32:23 cette quête de rangement est contrariée par un arrivage de tout,
32:30 de tout en tout genre ininterrompu,
32:34 et que nous ne réussissons pas en simultané
32:38 à établir un ordre minimum,
32:42 tout en parvenant à considérer ces éléments nous atteignons sans cesse.
32:48 Cette incompatibilité possède même ses prolongements politiques.
32:54 La droite, dite ici comme ailleurs républicaine,
32:58 préférant les choses en place, les choses déjà instituées.
33:03 La gauche, dite ici comme ailleurs démocrate,
33:07 préférant le changement,
33:09 ayant plus d'affinité pour les choses nouvelles.
33:15 Nous ne pouvons pas nous ordonner d'abord,
33:18 nous ordonner pour de bon,
33:21 et traiter en simultané ces données, ces éléments,
33:25 n'ayant de cesse d'entrer en jeu, en jeu et en nous,
33:30 comme on entre sans frapper.
33:34 Si Nietzsche a parlé de chaos, je parlerais plutôt d'inadaptation,
33:39 ce qui n'est pas tout à fait semblable.
33:42 Le chaos me paraît sans trop indistinct,
33:45 trop généralisé chez Nietzsche.
33:48 L'inadaptation est une affaire qui nous concerne.
33:53 Autour de nous se constate une harmonie.
33:57 Ce monde sur notre planète
34:00 paraît mieux fonctionner lorsque nous nous trouvons à distance de lui.
34:05 Notre inadaptation est contagieuse.
34:10 Le chaos, lui, ne fait pas dans le détail,
34:14 et nous sommes en ce monde à un détail synonyme de chaos.
34:21 Dans l'édito, plus éloigné encore,
34:25 je prétendais que le chaos ne fait pas dans le détail,
34:30 et que nous sommes, nous autres humains, un détail.
34:34 Un détail au sein d'un monde reposé sur un plan.
34:39 Le chaos, lui, ne fait pas dans le détail,
34:43 et nous sommes en ce monde à un détail synonyme de chaos.
34:48 Un détail au sein d'un monde reposant sur une planète,
34:52 un monde présentant une harmonie,
34:56 synonyme d'évolution en phase d'achèvement, de conclusion.
35:03 De nous, de ce détail que nous incarnons,
35:07 un chaos potentiel semble pourvoir surgir.
35:11 Notre environnement naturel en témoigne.
35:14 Nos dispositions à l'autodestruction associées à notre arsenal nucléaire en témoignent aussi.
35:24 Le chaos détient avec l'harmonie un point commun.
35:29 Les deux peuvent atteindre une espèce de point zéro,
35:34 où à partir de ce qu'ils sont alors, rien ne semble plus se poursuivre.
35:42 Nietzsche a, à mon avis, conféré au chaos une puissance dont il ne dispose pas.
35:50 A savoir déjà que le chaos peut devenir chaos,
35:55 ne peut naître et s'étendre à partir de ce qu'il est, à partir de lui seul.
36:02 Le chaos nécessite une harmonie, harmonie comme départ pour se constituer.
36:10 Il est vrai aussi que si le chaos, à notre image, peut surgir d'un détail,
36:17 synonyme de grain de sable, une fois entrain, une fois lancé,
36:23 le chaos ne fait pas dans le détail.
36:26 Pas plus d'ailleurs que le hasard choisit parmi tous les possibles à sa portée,
36:31 certains possibles plutôt que d'autres.
36:35 Le chaos, par ses manières, donnerait même à penser que le hasard se retire de ces manières-là,
36:42 en quelque sorte qu'il refuse d'être mêlé à cette affaire.
36:48 Le chaos semblant évoluer en roue libre, semblant évoluer sans élan,
36:55 comme on dévale une pente,
36:58 comme si cet élan originel qui permet toute chose dans cette dimension
37:03 et que le hasard exploite ne se remarquait plus,
37:08 laissant le chaos sur cette pente descendante prendre cette vitesse lui correspondant
37:15 jusqu'à ce qu'il s'immobilise et s'évapore.
37:22 Pour poursuivre, afin de tenter de décrire ce drôle de processus,
37:29 voulons que d'abord un élan, élan originel, conduise à une sorte d'harmonie,
37:35 synonyme de finalité, déterminée,
37:40 d'évolution parvenue à son terminus, puis que de cet état atteint,
37:52 un élément, peut-être plusieurs, si le premier de ces éléments-là
37:57 ne se dépêche pas à dévorer tous les autres,
38:01 démontre un genre d'inadaptation,
38:05 inadaptation faisant que cette harmonie,
38:08 cette finalité, ne soit pas finalisée autant qu'entendue,
38:15 et qu'une sorte de processus inverse, de processus contraire,
38:19 se signifie et dégrade cette harmonie,
38:23 sans exploiter pour ce faire cet élan, élan de départ,
38:28 et au-delà de ce départ, de départ,
38:31 sans exploiter pour ce faire cet élan, élan de départ et originel,
38:36 qui permet cette harmonie-là.
38:39 Mais en exploitant cette harmonie, la finalité qu'elle exprime comme élan,
38:45 en exploitant paradoxalement cet immobilisme qui le caractérise comme élan,
38:51 le chaos tire l'élan qui est le sien de l'immobilisme,
38:55 qui l'envisage de dégrader d'abord et d'anéantir ensuite.
39:02 Cette particularité nous décrit.
39:05 Si le monde tout autour de nous bénéficie d'un élan de départ
39:09 qui le permet, élan originel,
39:13 nous autres humains, pour être chaos,
39:16 pour être ce détail duquel un chaos surgit et s'étend,
39:20 nous autres humains, ne laissons pas entrevoir dans nos façons un élan
39:26 qui nous porterait sur notre concours.
39:29 Nos façons nécessitent un élan que nous nous devons d'abord de constituer,
39:34 puis d'alimenter.
39:36 Ces voitures, par exemple, qui contribuent à nos déplacements,
39:41 ne se déplacent pas d'elles-mêmes.
39:43 Il nous faut constituer ce carburant qui y contribuera.
39:47 Et ce carburant, en plus d'être constitué par nous,
39:51 une fois utilisé, ne disparaît pas.
39:54 Le réchauffement climatique en témoigne.
39:57 Le chaos, pour se faire chaos,
40:00 se doit, sur chacun de ces passages,
40:04 de ces passages qui s'inscrivent et effacent à la fois,
40:08 qui effacent même pour mieux s'inscrire,
40:11 de laisser des traces qui le signifient et l'accélèrent.
40:38 Si l'on doit constater entre le chaos et l'harmonie une différence,
40:44 cette différence peut se constater
40:48 par la nature de l'énergie qui permet l'harmonie
40:52 et la nature de l'énergie qui permet le chaos.
40:56 L'harmonie paraît, pour se constituer,
41:00 tirer son énergie d'une énergie non constituée,
41:05 d'une énergie qui ne semble qu'énergie,
41:08 alors que le chaos paraît, pour se constituer,
41:12 tirer son énergie d'une harmonie plus ou moins parvenue à son terme,
41:18 parvenue à sa plénitude,
41:21 tellement que l'énergie nécessaire au chaos
41:25 semble être tributaire du seuil de plénitude,
41:29 du seuil d'aboutissement atteint par l'harmonie de laquelle il émane.
41:34 Ainsi, d'abord, une énergie,
41:41 une énergie pouvant être dite à elle seule,
41:45 alimente une certaine coordination
41:49 parvenant à aboutir à un genre d'harmonie plus ou moins finalisée,
41:54 une harmonie, pour se dire harmonieuse,
41:58 étant tributaire de son seuil de finalisation,
42:03 de l'autre, un phénomène se déclare,
42:07 sans user pour se faire de ce genre d'énergie,
42:11 pouvant être dite énergie à elle seule,
42:15 usant seulement pour se déclarer et se répandre
42:19 de cette harmonie en place du seuil
42:24 de la finalisation de cette harmonie-là.
42:29 Finalement, le chaos semble surgir
42:35 lorsque cette énergie qui alimente cette harmonie
42:39 qui la permet s'estompe,
42:42 en usant pour se révéler de ce qui se trouve ainsi finalisé,
42:48 en désorganisant cette même coordination
42:53 plus ou moins arrivée, plus ou moins aboutie.
42:57 Finalement, le chaos, pour donner l'impression d'eux,
43:03 prend cette énergie originelle qui permet l'harmonie à rebours.
43:09 Paradoxalement, il en exploite l'absence.
43:14 Il exploite cette absence d'énergie
43:18 en accentuant la déliquescence de ses finalités,
43:23 de ses aboutissements.
43:26 L'énergie qui semble permettre le chaos n'en est pas une.
43:33 Elle est une énergie par défaut,
43:36 qui use pour se révéler de ce qui ne peut plus être,
43:41 de sa disparition, pour mieux apparaître lui.
43:48 L'établissement de ce monde sur cette planète
43:53 est la traduction d'un élan.
43:57 Le hasard exploite cet élan-là
44:01 comme il exploite tous les possibles possibles en lisse.
44:06 Le chaos, c'est un élan.
44:10 Il exploite le chaos.
44:13 Il exploite tous les possibles possibles en lisse.
44:17 Puis, cette évolution atteint une sorte de plénitude.
44:23 Cet élan, ayant permis, semble perdre de son souffle.
44:28 Même si le monde paraît, par l'équilibre qu'il laisse entrevoir,
44:33 installé à jamais,
44:35 ce monde-là exprime tout autant un équilibre qu'une forme d'arrêt.
44:42 Cette installation, a priori pérenne qui émane de lui,
44:47 n'a plus au sens propre le vent en poupe.
44:51 Cette brise salvatrice, générée par cet élan,
44:56 ayant permis, s'éteinte,
44:59 comme cet élan s'est interrompu.
45:02 Alors, à la seconde même où il s'est interrompu,
45:07 un phénomène inverse à ce qui permis cette évolution se déclenche.
45:13 Mais ce phénomène inverse, non comme on pourrait l'imaginer,
45:19 ne bénéficie pas, à son tour, d'un élan lui offrant de désagréger,
45:25 toujours plus rapidement, cette évolution en place, ce monde en place.
45:31 Ce phénomène inverse, en guise d'élan pour advenir
45:35 et gagner en force,
45:38 utilise l'immobilisme de cette évolution qui le dégrade,
45:42 de ce monde qui le dégrade.
45:45 Aussi, l'élan de l'un et l'immobilisme de l'autre,
45:50 la puissance de l'un et l'impuissance de l'autre.
45:55 Et pour tirer sa puissance d'une impuissance,
45:59 cette puissance en question est une puissance par défaut.
46:05 Par défaut à ce point qu'elle conduit à sa perte
46:10 ceux qui par elle adviennent,
46:13 qui gagnent par elle un temps durant en force,
46:17 un temps durant en prépondérance.
46:21 Nous autres humains usons et abusons d'une puissance de ce genre.
46:27 Notre mobilité, cet élan qui nous caractérise,
46:33 doit sa prépondérance à cette évolution générale
46:37 incarnée par le monde, sans doute parvenu à terme.
46:42 Comme si le meilleur, le plus productif, le plus équilibré,
46:49 consentait à sa manière un temps de gestation
46:54 pour que le pire advienne et le détruise.
47:19 Cette description, celle de cette structure bénéficiant d'un élan
47:27 offrant de gravir une pente sans fin,
47:31 une pente au même pourcentage,
47:34 cette description insinue notre monde sur cette planète.
47:40 Peu importe le genre du monde concerné,
47:44 il faut à ce monde pour qu'il se constitue,
47:47 qu'il soit confronté à une opposition.
47:50 Cette opposition, à l'image de cette pente, doit être régulière.
47:56 Cette pente présente une opposition irrégulière,
48:00 ou plus encore, de ces déclinaisons qui inversent son genre,
48:06 la transformant en descente provisoire.
48:11 Ces modifications-là dérègleront la constitution de ce monde
48:18 et cette même constitution, par ces modifications, tournera court.
48:26 Notre monde, à son tour, a gravi une pente,
48:30 une pente régulière qui lui inspira, inconsciemment bien sûr.
48:36 Il ne se tient pas de réflexion proprement dite
48:40 au fil de ce processus-là.
48:43 Le hasard, pour ce vouloir productif,
48:47 se garde bien de réfléchir à ce qu'il fait.
48:50 Le hasard se laisse entraîner par le hasard
48:54 jusqu'à ce qu'il tombe en panne sèche.
48:57 Notre monde, donc, à son tour, a gravi une certaine pente
49:02 à qui il doit sa constitution,
49:06 à qui il doit son genre.
49:08 Chaque monde doit sa teneur, comme sa force,
49:13 à la virulence de la pente qui lui fut opposée.
49:19 Mais lorsqu'il se fige dans cette même pente,
49:23 la dégradolade, la déliquescence,
49:27 promise en sens inverse,
49:30 est bien évidemment proportionnelle
49:33 au seuil de constitution obtenu par ce même monde
49:38 au fil de cette pente-là.
49:40 Ainsi, de façon contradictoire,
49:43 plus un monde, pour avoir dû composer avec une pente rude,
49:50 s'avérera à son arrêt puissant,
49:53 plus sa dégringolade, sa déliquescence,
49:58 présentera une puissance équivalente.
50:01 Plus ce monde aura gravi de pente,
50:04 moins il sera pront à contenir sa dégringolade.
50:10 Imaginez une pente, une pente régulière,
50:30 mais une pente ininterrompue.
50:33 Imaginez une structure ayant assez d'élan
50:36 pour se constituer de quoi gravir cette pente.
50:40 Une structure affichant même dans ce mouvement ascendant
50:45 une aisance telle, à un moment donné,
50:48 qu'on imagine mal que cette pente ininterrompue
50:53 parvienne à faire ralentir cette même structure.
50:58 Alors, cette même structure, en perdant de l'élan,
51:04 continue, malgré cette pente-là, à gravir cette même pente.
51:11 Mais elle la gravit avec moins d'ardeur,
51:15 avec moins de décision.
51:18 En l'apercevant même, on s'imagine
51:21 que cette structure a atteint un seuil de perfection,
51:25 lui offrant de quoi pouvoir s'installer
51:28 pour de bon sur cette pente-là,
51:31 sans ne plus avoir à la gravir pour s'y maintenir.
51:36 Mais à force de ralentir,
51:38 à force de ne plus être propulsée par cet élan auquel elle doit tout,
51:43 dans cette même pente, un jour, cette structure se fige.
51:48 Un jour, cette structure s'arrête, s'immobilise.
51:53 Ce jour-là, elle semble arriver.
51:57 Mais cet arrêt qui est le sien n'est pas une destination,
52:01 il n'est qu'un arrêt,
52:03 qu'un terminus particulier duquel personne ne descend.
52:09 Alors, à la seconde où cette structure cesse de gravir cette pente,
52:16 elle part en sens inverse.
52:19 Mais tout ce qu'elle est, tout ce qui la compose et la constitue
52:24 n'a pas été conçu pour gérer cette pente en sens inverse.
52:29 Et à ce moment, ce qui paraît en elle prendre l'ascendant,
52:34 ce qui en elle paraît ordonné,
52:37 ne peut avoir entre les mains des commandes qui n'existent pas.
52:43 Cette structure qui se vit, coordonnée pour gravir cette pente,
52:50 ne présente plus de coordination cette pente dévalée.
52:55 Et même, sous fil de cette descente destructrice,
52:59 la pente semble avoir son mot à dire,
53:02 elle aussi garde le silence.
53:05 Plus personne ne commande rien.
53:08 Cette déliquescence alors exprime un paradoxe
53:11 pour être indépendante et dépendante à la fois.
53:17 Pour poursuivre l'édito à bout de souffle,
53:35 j'aimerais tenter d'établir une certaine corrélation.
53:39 Ainsi, si nos structures,
53:42 un monde doit sa puissance à l'opposition qui lui fut opposée,
53:48 si un monde doit sa force au relief de la pente qu'on lui opposa,
53:54 comme à cet élan prodigué,
53:56 c'est désolément conjugué,
53:59 générant cette force qui la caractérise
54:02 comme cette puissance qu'elle laisse apparaître.
54:06 Si en sens inverse, pour ne plus bénéficier de cet élan,
54:10 nous offrons de gravir cette pente encore,
54:13 ce monde part en l'autre sens
54:17 et présente alors un seuil potentiel de dévastation
54:22 proportionnel à cette puissance par lui acquise.
54:27 Ceux qui en ce monde,
54:30 ceux qui en cette structure,
54:33 exploiteront cette dégringolade,
54:36 présenteront à leur tour une pseudo-puissance
54:40 proportionnelle à leur impuissance.
54:44 Ces mêmes auront l'impression, par cette puissance-là,
54:48 d'être aux commandes, sans bénéficier,
54:51 sans qu'ils s'en rendent compte,
54:54 sans qu'ils s'en rendent compte, ou trop tard,
54:57 d'une moindre maîtrise.
55:00 Cette expectative décrit pleinement
55:05 notre épopée en ce monde, l'épopée humaine.
55:10 Formule autrement, ce monde qui est le nôtre
55:13 dévale cette même pente qui constitue à sa force.
55:18 Nous incornons, nous, dans ce processus,
55:21 dans cette dégringolade,
55:24 un genre de faux facteur déclenchant,
55:28 ressemblant davantage, surtout,
55:31 à un facteur déclenché.
55:34 Cette puissance qui est la nôtre
55:37 est tirée de cette facilité générée
55:40 par cette dégringolade.
55:43 Toute descente, par définition,
55:46 provoque chez celui qui en bénéficie
55:49 une impression de puissance équivalente.
55:52 Puissance traitresse, révélant sa nature,
55:55 son genre exact, à l'instant
55:58 où la toute extrémité de cette descente,
56:02 ce pseudo tout-puissant,
56:04 s'imaginant comme telle, s'écrase.
56:08 [Musique]
56:25 [Son de cloche]
56:28 Merci pour votre attention.
56:30 Le temps nous a imposé sa loi,
56:32 nous entraînant dans nos vies respectives
56:34 une heure plus loin.
56:35 J'ignore où vous vous trouverez
56:37 dans la prochaine, mais si le cœur vous en dit.
56:39 Je vous donne rendez-vous pour renouveler l'expérience
56:41 en vous souhaitant d'ici là
56:43 plein de hasards heureux.
56:44 Bien à vous.
56:46 [Musique]
57:04 [SILENCE]

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