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00:00 Bienvenue Vincent Jambrain.
00:03 Bonjour.
00:04 Vous avez été le symbole de ces élus, de ces maires pris pour sils pendant les émeutes, début juillet.
00:09 Votre domicile, votre famille ont été ciblés par une attaque à la voiture-bélier.
00:13 Merci donc d'avoir réservé à France 2 ce matin votre première réaction aux annonces hier du gouvernement pour répondre, a dit Elisabeth Borne, à ces émeutes.
00:21 On va rentrer bien sûr dans le détail de plusieurs de ces mesures, mais d'une façon globale, est-ce que vous jugez déjà que ce plan est à la hauteur justement des enjeux de ces émeutes ?
00:31 D'abord sur la méthode, ces annonces viennent après une concertation.
00:36 Et ça il faut saluer ce travail d'échange avec les élus.
00:39 J'ai eu l'occasion de participer au Conseil National de la Fondation Amatignon il y a quelques semaines, où on a pu dire nos attentes et on sent qu'un certain nombre de ces attentes ont été prises en compte.
00:48 Donc il faut dire quand ça va dans le bon sens.
00:50 Après, pour être tout à fait honnête, avec beaucoup de collègues, en sortant de ces annonces, il y avait quand même une frustration.
00:55 D'abord parce que nous on a un sentiment d'urgence, on avait envie que ça aille très très vite, qu'on rentre très vite dans le concret.
01:00 Or on voit bien qu'entre ces annonces et tout le travail législatif qui va s'annoncer, ça va prendre beaucoup de temps.
01:06 Et puis vous savez, j'ai des collègues, ils voulaient des choses très très simples.
01:10 Est-ce que oui ou non, on va avoir le droit de doubler nos stocks de munitions parce qu'on est tous tombés à sec en munitions pendant les émeutes ?
01:16 Est-ce que oui ou non, quand une famille est convoquée par le maire pour un rappel à la loi, si elle ne se présente pas, elle va être sanctionnée ?
01:22 Est-ce que oui ou non, nos policiers municipaux pourront faire voler des drones quand il y a des émeutes pour savoir où sont les émeutes ?
01:27 Il y a des choses simples.
01:28 Et là, on a eu le sentiment qu'on était encore dans l'annonce et pas encore dans le faire.
01:33 Alors justement, on va prendre plusieurs de ces mesures, on va voir ce que vous en pensez.
01:36 Premier point, une volonté de responsabiliser les parents.
01:39 A dit la Première Ministre, Elisabeth Borne souhaite que les parents de mineurs payent les dégâts de leurs enfants pendant les émeutes,
01:44 qu'il y ait des stages de responsabilisation et même des travaux d'intérêt général pour les parents s'ils n'assument pas leurs responsabilités.
01:51 Bonne idée ou outil de communication d'après vous ?
01:54 Il faut dire bonne idée. Encore une fois, on ne peut pas demander des mesures fortes et critiquer quand elles sont annoncées.
02:01 Mais c'est toujours le même sujet.
02:03 Quand vous rajoutez des nouvelles lois et que les anciennes ne sont pas appliquées, ça met le doute.
02:07 Par exemple ?
02:08 Et donc, sur les travaux d'intérêt général pour les parents des missionnaires, je pense que c'est important.
02:12 La maman qui élève seule ses enfants et qui galère, on est là pour l'aider.
02:16 On n'est pas là pour lui mettre encore la tête sous l'eau.
02:19 Mais vous avez des parents qui sont quasiment les complices des délinquants.
02:22 Et cela, imaginez leur faire faire des travaux d'intérêt général.
02:26 Oui, sauf que moi, je suis maire.
02:29 On s'est porté volontaire pour organiser des travaux d'intérêt général sur la commune.
02:34 Et qu'est-ce qui se passe ?
02:35 Vous avez des condamnés qui ne se présentent pas, aucune suite, rien.
02:39 Vous avez des condamnés qui viennent le premier jour en disant "c'est trop dur, j'ai pas envie".
02:43 Ils s'en vont, ils claquent la porte. Il ne se passe rien derrière.
02:46 Donc oui, l'intention est bonne.
02:48 Mais tant qu'on n'aura pas répondu à comment concrètement c'est appliqué, ça ne marchera pas.
02:52 Le gouvernement envisage également, je cite, que des militaires puissent encadrer de jeunes délinquants
02:57 pour leur transmettre, dit la Première Ministre, des valeurs de discipline et de dépassement de soi.
03:01 Je suis totalement favorable à cela parce que déjà, ça existe déjà.
03:05 Et ce qu'elle a dit, c'est qu'elle allait l'étendre.
03:07 Et ça, c'est une bonne chose.
03:09 Il faudra donner les moyens à l'armée parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas simple.
03:12 Mais on a pu constater à chaque fois que ça a été soutenu, ce type de dispositif.
03:15 La région Île-de-France, où je suis également élu, soutient des structures
03:19 qui apportent ce type d'accompagnement et d'encadrement.
03:22 Ça donne de très bons résultats.
03:23 C'est le travail de militaires de faire ça ?
03:25 Parler de discipline et transmettre l'amour de la patrie, c'est aussi leur travail.
03:30 Mais encore une fois, il faut leur donner les moyens.
03:31 Multiplié par 5, l'amende pour non-respect du couvre-feu, elle passera à 750 euros.
03:36 Vous soutenez ou pas ?
03:37 Alors oui, mais c'est pareil.
03:40 Avant, elle n'était pas à 750, elle est un peu moindre.
03:42 Combien de ce type d'amende ont été mises pendant les émeutes ?
03:45 Je pense que personne n'a la réponse parce que ça doit être absolument anecdotique.
03:49 En fait, c'est toujours la même chose.
03:50 C'est très bien comme ça, il y a une gradation supplémentaire.
03:53 Ce que je veux retenir de ce point-là, c'est que le gouvernement hésitait à passer
03:57 cette sanction pour non-respect du couvre-feu à du délictuel, pour dire simplement.
04:02 C'est-à-dire qu'en fait, on va passer devant le juge.
04:04 Et ils ont dit "soyez content, on l'a maintenu en contraventionnel".
04:08 Moi, je suis content, mais je pense qu'il faut que ce soit encore plus fort.
04:11 Il faut que ce soit des choses qui aujourd'hui sont dans le délictuel,
04:13 qui donc viennent encombrer les tribunaux, qui doivent passer en contraventionnel.
04:18 Ça veut dire quoi ?
04:19 Ça veut dire que le policier sur le terrain, il peut sanctionner immédiatement.
04:22 Aujourd'hui, on a des policiers qui ont des caméras piétons,
04:24 qui peuvent filmer la scène.
04:25 Il faut faire confiance à nos policiers, qu'ils soient nationaux ou municipaux,
04:29 et contraventionnaliser un certain nombre de choses.
04:31 Par exemple, un délit de fuite aujourd'hui, ça vient encombrer les tribunaux.
04:34 C'est très compliqué, trois, quatre mois plus tard, de savoir ce qui s'est passé.
04:37 Si la voiture est passée devant une caméra de vidéoprotection,
04:41 ou filmée par la caméra piéton du policier, qui lui-même est assez remontée,
04:44 il faut lui faire confiance, il sanctionne tout de suite.
04:46 Vous demandiez plus de pouvoirs pour les polices municipales.
04:48 La première ministre a dit "d'accord, il y aura des pouvoirs de police judiciaire".
04:50 J'imagine que vous êtes satisfait sur ce point-là ?
04:52 Alors écoutez, c'était le moment le plus enthousiasmant,
04:55 parce qu'effectivement, ça a été remonté au Conseil national de la refondation.
04:58 J'avais eu l'occasion de le dire au ministre.
05:01 On avait senti de l'enthousiasme chez Gérald Darmanin, qui était totalement pour.
05:04 La première ministre l'annonce en début de réunion hier.
05:07 Et donc, on a senti dans la salle que ça faisait plaisir aux collègues maires,
05:10 parce que oui, c'est pas normal qu'en France, un policier municipal puisse être armé dans la rue,
05:15 mais il ne puisse pas ouvrir un coffre, il ne puisse pas faire une palpation,
05:17 un contrôle d'identité et avoir accès aux fichiers des immatriculations.
05:20 C'est un non-sens.
05:21 Donc, madame la première ministre annonce, monsieur le ministre de l'Intérieur confirme,
05:26 et passe la balle au ministre de la Justice, qui est monté sur scène en disant
05:31 "Alors oui, bien sûr, on est favorable, mais nous ne sommes pas prêts,
05:36 donc on va réfléchir, on va travailler, on va voir comment, etc."
05:40 Et là, je peux vous assurer que l'enthousiasme dans la salle est redescendue,
05:43 parce que les annonces vont dans le bon sens,
05:46 mais on a bien compris que ce ne serait vraiment pas pour tout de suite,
05:49 voire même, et c'était le doute qu'a laissé planer le ministre de la Justice,
05:52 et donc ça nous a rendu, en tout cas moi personnellement, je suis très inquiet,
05:55 de la capacité à ce que ça se mette vraiment en place.
05:58 Donc un peu de frustration sur ce point de vue-là,
06:01 mais je dois saluer l'écoute du gouvernement.
06:03 Est-ce qu'il y a une chose majeure qui manque dans ce plan ?
06:05 Écoutez, il y a plusieurs choses.
06:07 On a beaucoup d'attentes évidemment sur ce qui va être dit aujourd'hui.
06:10 Sur l'aspect logement, social, effectivement.
06:13 Parce que c'est des piliers, on doit dans les quartiers rétablir l'ordre, d'une part,
06:19 c'est évident, ce qui a été dit hier y participe,
06:21 mais de l'autre, il faut redonner de l'espoir,
06:23 et donc l'école, pour moi le grand absent pour l'instant de ces discussions,
06:27 c'est ce qu'est-ce qu'on fait à l'école.
06:29 Peut-être qu'on aura des annonces en ce sens tout à l'heure.
06:31 On va voir effectivement tout à l'heure à Chantoulé-Vigne
06:33 où la première ministre doit faire un nouveau discours.
06:35 Ça fait quatre mois qu'ont eu lieu quasiment ces émeutes dans toute la France
06:39 et également dans votre ville.
06:41 Est-ce que les choses ont changé ou pas ?
06:43 Non. On est au cas de vérité.
06:46 Pour vous dire les cas de vérité, non, rien n'a changé.
06:49 Rien n'a changé ?
06:50 C'est même petit pire aujourd'hui,
06:51 parce que vous avez des délinquants qui ont testé l'autorité de l'État
06:57 et qui ont vu que rien ne s'était passé, pas de sanctions,
07:00 pas une interpellation dans ma commune par exemple.
07:03 Finalement, quand vous avez goûté à la rébellion
07:06 et que derrière il n'y a pas de sanctions, ça peut être encore pire.
07:10 Le feu, l'incendie s'est éteint pour quelques mois,
07:13 mais les braises sont là, elles sont très chaudes.
07:15 Et je vais vous dire, depuis la rentrée,
07:17 on a connu des rixes devant le collège dans ma commune.
07:20 On a dans les halls d'immeubles, exactement comme avant,
07:23 des visages de policiers qui sont mis dans les halls avec marqué
07:27 "poulet de la BAC", le numéro et l'étage, la porte de l'appartement,
07:31 la plaque d'immatriculation de sa voiture.
07:32 C'est le climat qui règne encore dans ces quartiers.
07:34 Tous les ingrédients sont là pour que ça reparte au moindre prétexte.
07:37 Donc ce qui s'est passé peut se reproduire demain ?
07:39 Ça peut se reproduire demain.
07:41 Et ce qui a été dit assez clairement et avec beaucoup de courage
07:43 par le ministre de l'Intérieur, je vais être honnête là-dessus,
07:46 il a dit "on n'était pas prêts,
07:48 on est en train de travailler à l'aide de main,
07:50 mais ça signifie bien que pour le moment,
07:52 à l'heure où on se parle, rien n'a changé."
07:54 Alors début juillet, je le rappelle,
07:56 votre domicile dans lequel étaient votre épouse et vos enfants
07:58 a été pris pour cible, attaqué à la voiture bélier.
08:01 Votre femme s'était blessée en prenant l'enfuite sous les tirs de mortier.
08:04 Comment est-ce qu'elle va aujourd'hui ?
08:06 D'abord merci de poser la question.
08:09 Plus dur est passé, donc maintenant reste le plus long.
08:12 Jour après jour, ça va un petit peu mieux.
08:14 Il y a tellement pire dans le monde aujourd'hui que...
08:17 Voilà, en positif et en avance.
08:19 Vos enfants étaient présents également.
08:21 Qu'est-ce qu'on leur explique ?
08:23 Comment on repart après cela, surtout avec un papa qui restait mère
08:26 dans ces fonctions-là ? Comment vous avez fait ?
08:29 Ce que je peux vous dire, c'est que mon grand garçon qui a 8 ans aujourd'hui,
08:34 il disait souvent qu'il rêvait d'être mère.
08:36 Et quelques semaines après les émeutes, pendant l'été,
08:39 il a dit "moi plus tard, je ne serai plus mère,
08:41 parce que quand on est mère, on est attaqué."
08:43 Et ça m'a beaucoup touché cette phrase,
08:45 parce que ça montrait à quel point il avait compris
08:48 qu'aujourd'hui, être au service de ses concitoyens
08:52 et être élu de la République, c'était se mettre une grande cible dans le dos.
08:55 Au même titre que des enseignants aujourd'hui, que des policiers.
08:58 Mais il y a eu une sorte d'inversion de la peur.
09:02 Et cette peur-là, il faudra qu'elle revienne vers ceux qui ne respectent pas la loi
09:06 et que ceux qui la respectent se sentent protégés par la loi.
09:08 On a un défi de société à relever.
09:10 Qu'est-ce que vous lui avez répondu à votre fils ?
09:12 Qu'est-ce que vous répondriez à des gens, des jeunes,
09:14 qui ont envie de s'engager, mais disent "je ne suis pas là pour risquer ma vie" ?
09:17 D'abord, la vie, on la risque tous les jours, en prenant sa voiture.
09:22 Il ne faut pas avoir peur du risque dans notre pays.
09:26 Ce n'est pas le sujet. La question, c'est plutôt le sens.
09:28 Est-ce que ça fait encore sens ?
09:30 Et j'ai eu l'occasion de le dire, mais c'est sûr que ce soir-là,
09:33 quand je rejoins ma femme à l'hôpital, le doute peut être permis.
09:37 Est-ce qu'il faut continuer ou pas ?
09:39 Je lui dis d'ailleurs, on arrête tous, ici, tout ça.
09:41 Elle me dit "mais c'est justement quand il y a des attaques de cette violence,
09:44 avec cette force, qu'il faut rester, en fait".
09:48 Vous savez, j'avais une grand-mère en Normandie,
09:52 qui avait souvent cette phrase, elle disait "si tous les dégoûtés s'en vont,
09:54 il ne reste plus que les dégoûtants.
09:56 Eh bien, on ne laissera pas les dégoûtants gagner".
09:58 Qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce que ça a changé dans votre façon d'être mère,
10:00 si ça a changé quelque chose ?
10:02 Alors, ça a tout changé, rien n'a changé en même temps.
10:07 Ça a tout changé parce que je ne suis plus la même personne,
10:10 je ne suis pas quelque chose de cette nature.
10:12 Et en même temps, je dis que ça ne change rien,
10:14 parce que j'ai eu peur, justement, d'avoir moins le goût d'aller au contact,
10:18 moins l'envie de faire, mais semaine après semaine, cet été, tout est revenu.
10:22 C'est-à-dire, pourquoi je me suis engagé.
10:24 Pourquoi vous n'avez pas arrêté, justement ?
10:26 Qu'est-ce qui fait que vous êtes encore là, que vous êtes là ce matin ?
10:29 Vous savez, c'est peut-être très naïf, mais je n'ai pas envie de laisser gagner les méchants.
10:32 J'ai envie d'aider celles et ceux qui ont envie de vivre en paix.
10:36 Moi, je suis un enfant des barrages HLM de ma ville.
10:38 J'ai grandi avec un sentiment un peu d'injustice.
10:41 Il y avait plein de dysfonctionnements, plein de choses à corriger.
10:43 Et l'étincelle de la politique, elle est née là, chez moi.
10:46 Cette envie de refuser la fatalité et d'essayer, à ma modeste place,
10:50 de corriger les inégalités.
10:52 Et j'aime la République française, elle m'a tellement apporté.
10:55 Elle a apporté à mes grands-parents italiens qui ont immigré en France.
10:57 Elle a apporté à l'enfant des barrages HLM que j'étais.
10:59 Elle m'a donné la possibilité de devenir maire de la ville où j'ai grandi.
11:02 Elle était plus forte à l'époque qu'aujourd'hui.
11:06 Et j'ai envie de participer à la réparer.
11:08 C'est notamment pour ça qu'on continue à se battre.
11:10 Merci beaucoup, Vincent Gembra d'avoir été ce matin avec nous dans Télé Matins.
11:13 C'est à vous, Mona.