Thomas Sotto reçoit Laurent Berger, ex-secrétaire général de la CFDT, sur le plateau des 4 vérités.
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00:00Bonjour et bienvenue dans les 4V, Laurent Berger.
00:05Ça fait bien longtemps qu'on ne vous a plus entendu publiquement
00:07puisqu'il y a un an, presque jour pour jour,
00:09vous cédiez votre siège de dirigeant de la CFDT à Marie-Lise Léon.
00:12Aujourd'hui, alors que nous sommes en pleine campagne électorale,
00:15à six jours du premier tour des législatives,
00:17vous êtes au cœur de nombreuses conversations à gauche.
00:20Pourquoi, pour commencer, avoir accepté de parler ce matin ?
00:23J'ai beaucoup hésité mais j'ai accepté de parler
00:26parce que je suis un citoyen inquiet
00:28et donc je m'exprime à titre personnel, évidemment,
00:30je n'ai plus aucune fonction collective,
00:32mais je suis inquiet, inquiet de la possible arrivée
00:35du Rassemblement National dans ce pays
00:37et des conséquences qui vont être très concrètes
00:39pour nombre de salariés, mais plus au-delà de ça,
00:41pour nombre de citoyens.
00:42Qu'est-ce qui se joue selon vous à l'occasion de ces législatives
00:45et du premier tour de dimanche prochain ?
00:46Je crois qu'il se joue plusieurs choses.
00:48Il se joue d'abord de rester un pays qui est accroché à ses valeurs,
00:51la liberté, l'égalité et la fraternité,
00:53qu'on a souvent malheureusement assez négligé ces dernières décennies.
00:57Il se joue la capacité à répondre à hauteur de femmes et d'hommes
01:01aux problèmes qui sont posés,
01:03qui sont des problèmes de pouvoir d'achat,
01:05qui sont des problèmes de logement,
01:06qui sont des problèmes de sécurité,
01:08qui sont des problèmes de capacité à pouvoir vivre correctement.
01:13Et puis il se joue la société dans laquelle nous voulons vivre,
01:17c'est-à-dire une société apaisée,
01:19société où on débat,
01:20où on est capable de passer des compromis, etc.
01:22Tout ce qui ne fonctionne plus avec tous les autres partis depuis des années ?
01:25Non, mais ce n'est pas que ça ne fonctionne plus
01:27et qu'on n'a pas forcément pris les bonnes manières de faire.
01:30Il y a une angoisse aujourd'hui dans la société.
01:33Cette angoisse, elle est l'angoisse de pouvoir vivre correctement,
01:36comme je viens de le dire,
01:37puis elle est aussi de faire face aux enjeux qui sont devant nous.
01:39Parmi ces enjeux, par exemple, il y a la transition environnementale.
01:41Tout le monde sait que ça arrive.
01:42Tout le monde sait qu'on a encore des phénomènes ce week-end
01:44qui montrent que le réchauffement climatique a des conséquences catastrophiques.
01:48Face à ces angoisses, il faut poser les enjeux
01:51et il faut co-construire, avoir une logique de co-construction
01:55qui répond à hauteur de femmes et d'hommes, encore une fois,
01:57aux enjeux qui sont posés.
01:59Et c'est ça, je crois, qui est finalement…
02:01Le Rassemblement national, c'est le parti de la peur qui joue sur les peurs.
02:05Face à ces peurs, il faut apporter des solutions concrètes
02:08et des perspectives un peu positives à la société
02:12et ce n'est malheureusement pas ce qui se passe.
02:14Donc, si je prends la parole ce matin,
02:16c'est simplement pour dire que le Rassemblement national n'est pas la solution.
02:20Il y a d'autres solutions possibles.
02:22Vous êtes, et vous n'en êtes jamais caché, Laurent Berger, un homme de gauche.
02:25Aujourd'hui, est-ce que vous soutenez le Nouveau Front populaire ?
02:27Non, mais ce n'est pas ma fonction aujourd'hui, en fait.
02:29Vous êtes là en citoyen avec des convictions ?
02:32Je suis là en citoyen avec des convictions.
02:34Je n'ai jamais affirmé de convictions politiques.
02:36J'ai toujours respecté l'indépendance de l'organisation que je conduisais
02:40et je crois que c'est de bonne facture de le faire.
02:43Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, il y a un choix.
02:48C'est, veut-on ou non, le Rassemblement national,
02:50avec une majorité absolue à l'Assemblée nationale,
02:53ça veut dire la capacité à gouverner.
02:55En ce qui me concerne, pour des questions de valeur et de résultats concrets
02:58face aux enjeux dont je viens de parler, la réponse est non.
03:01Face à cela, il appartient à chaque citoyen d'exprimer un vote.
03:04Il y a le camp Macroniste et il y a le camp du Nouveau Front populaire.
03:07Certes, mais ce avec quoi je ne suis pas d'accord aujourd'hui,
03:10c'est réduire le Nouveau Front populaire à une partie qui serait la France insoumise
03:14et est un abus grossier.
03:16Ce n'est absolument pas le cas.
03:19Par exemple, vous êtes à l'aise avec cette alliance dont Emmanuel Macron
03:22dit dans la lettre qu'il a envoyée aux Français hier soir
03:24et qui est publiée dans la presse région aujourd'hui,
03:26qu'elle refuse, cette alliance, la clarté sur la laïcité et l'antisémitisme ?
03:29Mais il faut de la clarté sur la laïcité, de la clarté sur l'antisémitisme.
03:33Et il en manque dans le Nouveau Front populaire aujourd'hui ?
03:35Alors là, pour le coup, sur l'antisémitisme, je vais être très très clair,
03:38il en manque dans certaines franges du Nouveau Front populaire, oui, évidemment.
03:42Et donc, ce poison de l'antisémitisme, il ne peut souffrir d'aucune ambiguïté,
03:46tout comme il faut être extrêmement clair sur la laïcité,
03:49il faut être extrêmement clair sur les règles de vie collective.
03:51Je n'ai pas d'ambiguïté là-dessus.
03:53Ce que je dis simplement, c'est que l'enjeu qui est posé le dimanche prochain
03:58et le 7 juillet, c'est l'arrivée possible du rassemblement national au pouvoir.
04:02Le rassemblement national au pouvoir, on l'a expérimenté dans certains pays en Europe.
04:06J'étais président de la Confédération européenne des syndicats.
04:08On a expérimenté l'extrême droite, malheureusement, dans certains pays en Europe.
04:11Ça n'a jamais été au profit des travailleurs, ça n'a jamais été au profit des salariés,
04:15ça n'a jamais été au profit des classes modestes et des classes moyennes.
04:18Jamais.
04:19Vous avez incarné aux côtés de Philippe Martinez pour la CGT
04:22le combat contre la réforme des retraites l'an dernier,
04:24le retour de la retraite à 60 ans qui est inscrit dans le programme de la gauche.
04:28Est-ce que c'est bien raisonnable ? Est-ce que c'est possible ? Est-ce que c'est souhaitable ?
04:32D'abord, vous avez remarqué que je n'appelle à rien du tout,
04:36si ce n'est à faire que le rassemblement national ne soit pas au pouvoir le 7 juillet au soir.
04:41J'entends que vous ne soutenez pas le Nouveau Front Populaire ce matin.
04:44Ce matin, il faut entendre que je pense qu'il faut que les citoyens votent en conviction
04:48contre le rassemblement national.
04:50Et je le dis, deuxième précision, que le Nouveau Front Populaire,
04:53contrairement à ce qui est véhiculé, ce n'est pas...
04:56Excusez-moi, j'ai entendu M. Jospin hier soutenir le Nouveau Front Populaire.
04:59Vous me direz si M. Jospin est un afro-gauchiste.
05:02Et donc j'en entends d'autres comme ça.
05:04Donc il faut arrêter cette caricature de deux extrêmes et d'une position centrale
05:08parce que c'est mortifère pour le vote in fine.
05:10Moi, ce qui m'intéresse, vous avez bien compris, c'est ce qui se passera le 7 au soir.
05:13Quant au programme, ce n'est pas à moi de le défendre.
05:16Vous n'allez pas au bout des choses.
05:18Vous dites qu'il faut lutter contre le rassemblement national,
05:20vous défendez un peu le Nouveau Front Populaire,
05:22mais vous dites que vous n'allez pas voter Macron.
05:24Non, mais je n'ai pas dit pour qui j'allais voter, je n'ai pas à vous le dire.
05:27Ça, vous ne le direz pas.
05:28Non, je n'ai pas à vous le dire.
05:29Je suis dans une circonscription et donc je n'ai pas à vous le dire.
05:32Ce qui est sûr, c'est qu'il y a aujourd'hui des enjeux de transition environnementale,
05:36des enjeux de justice sociale, etc.
05:38Le programme, je ne l'ai même pas étudié en profondeur.
05:41Il faut qu'on comprenne le moment dans lequel on est.
05:43Pourquoi je parle ?
05:44Je n'en ai pas tellement envie en fait.
05:46Je parle simplement parce que le risque, c'est le rassemblement national.
05:49Face à cela, il y a des gens qui se posent des questions,
05:51qui ont des votes à opérer, qu'ils les opèrent.
05:54Mais le choix de la peur et du rassemblement national, c'est une erreur.
05:58Le choix aujourd'hui de dire il y a deux extrêmes et il y a nous, c'est une erreur.
06:01Donc vous dites tout sauf le RN, c'est ça votre message ce matin ?
06:04Je dis qu'il faut que les gens votent en conviction,
06:06mais que la peur, l'angoisse, la difficulté à vivre correctement,
06:09ce n'est pas le rassemblement national qui l'opèrera.
06:12On est dans une situation critique.
06:14Malheureusement, elle est là.
06:15Face à cette situation critique, il faut arrêter les caricatures.
06:18Je le dis avec clarté, oui, il y a aujourd'hui nombre de candidats
06:22dans le Nouveau Front Populaire qui n'ont rien à voir avec les extrêmes dont certains parlent.
06:26La question des salaires préoccupe les trois blocs.
06:28Si l'on s'en remet au sondage, l'hypothèse d'une victoire du RN reste la plus forte ce matin.
06:32Dans sa gouvernance, Jordan Bardella veut associer les partenaires sociaux,
06:35notamment à l'occasion d'une conférence sociale sur les salaires qu'il prévoirait pour l'automne.
06:39Est-ce que les syndicats devront jouer le jeu ? Est-ce qu'ils devront participer ?
06:42Ce n'est pas à moi d'y répondre. Je ne suis pas responsable.
06:44Vous n'avez pas de conviction là-dessus ?
06:45Vous savez, quand on est un représentant des salariés,
06:48on va défendre les salariés et là, il faut aller les défendre.
06:51Partout, dans n'importe quelle circonscrance.
06:52Mais cette situation, on n'a jamais été confronté à ça.
06:54Dans ma responsabilité, il y a une nouvelle secrétaire générale de la CFDT et elle y répondra.
06:58Ce n'est pas à moi d'y répondre.
06:59Ce qui est sûr, c'est que c'est encore évitable.
07:02Le RN promet tout et n'importe quoi.
07:05Et puis il revient en arrière, etc.
07:07Tout simplement parce que le RN, ce qu'il veut, c'est imposer un modèle.
07:10Un modèle de société. Un modèle de société plus autoritaire.
07:13Un modèle de société plus rabougrie, plus replié sur elle-même.
07:16Et un modèle de société qui, quand même, dans le contexte géopolitique,
07:20est plutôt pro-Poutine qu'en défense de l'Ukraine.
07:23En défense de l'Ukraine et plutôt dans une logique contre la transition environnementale.
07:27Vous voyez bien ce qu'ils disent aujourd'hui sur la transition environnementale.
07:30C'est le sujet numéro un.
07:32C'est le sujet numéro un.
07:33Et là-dessus, sur la question environnementale, le Rassemblement national,
07:36il dit, fermez la porte, il n'y a rien à voir.
07:38Au lendemain de The European, ça ne vous a pas échappé, l'annonce de la dissolution.
07:41Raphaël Glucksmann était l'invité du 20h d'Anne-Sophie Lapix.
07:44Et voilà ce qu'il a dit en parlant de vous.
07:47Moi, je pense qu'il y a une figure de la société civile qui est capable d'apaiser,
07:50qui est l'antithèse du président actuel, qui ne jouera pas avec les institutions,
07:53qui réconciliera les Français, qui portera un projet de justice sociale et d'écologie.
07:57Moi, je pense à Laurent Berger.
07:59Laurent Berger à Matignon, est-ce que pour vous,
08:01Laurent Berger à Matignon, c'est une option qui est sur la table ?
08:03Non.
08:04Non.
08:05Je vais être très clair.
08:06J'ai fait le choix de me retirer de l'avis public.
08:08J'y reviens subrepticement parce qu'il y a cette situation.
08:13J'ai fait ce choix-là pour embrasser une carrière dans le privé
08:17et pour faire ce que j'avais à faire par ailleurs, un peu d'enseignement, etc.
08:21Ce qui est sûr, c'est que le sujet, ce n'est pas celui qui va être à Matignon.
08:25Est-ce qu'il y aura une majorité ?
08:28Si c'est Laurent Berger ou Jean-Luc Mélenchon, ce n'est pas la même histoire à gauche.
08:30Mais ça ne peut pas être Jean-Luc Mélenchon.
08:31Il faut arrêter cette histoire-là.
08:32Il est rejeté partout.
08:33Ce n'est pas ce qu'il a dit ce week-end.
08:34Mais il peut dire tout ce qu'il veut.
08:35Il essaie de tout dynamiter.
08:37Vous savez, il y aura des artisans du chaos partout.
08:41Ce qu'il faut, c'est de l'apaisement, de la réconciliation
08:44et la capacité à se parler et à passer des compromis.
08:46C'est comme ça qu'on reconstruira ce pays.
08:48En tout cas, vous, ce matin, vous fermez la porte définitivement à Matignon ?
08:51Mais ce n'est pas le sujet, en fait.
08:53Si, c'est le sujet.
08:54Non, ce n'est pas le sujet.
08:55C'est ça dont on crève.
08:56Excusez-moi de le dire comme ça.
08:57On crève de personnalisation.
08:58On essaie de trouver la course de petits chevaux
09:00et la personne qui arrivera à l'écurer le premier.
09:02Ce n'est pas le sujet.
09:03Le sujet, c'est comment on évite le rassemblement national.
09:06Et si je parle aujourd'hui, c'est simplement parce que,
09:08vu mon expérience, vu ce que j'ai porté avec d'autres les dernières années,
09:13tout simplement, j'avais envie de dire aux salariés,
09:16ne faites pas cette erreur.
09:17J'avais envie de dire aux citoyens,
09:18ne faites pas cette erreur d'aller dans un rassemblement national.
09:20Vous n'iriez pas forcément par envie,
09:22mais vous pourriez y aller par devoir, le moment venu.
09:24Aujourd'hui, mon devoir, c'est de parler.
09:27Et je peux vous assurer une chose,
09:28c'est que ma vie telle qu'elle est aujourd'hui, y compris professionnelle,
09:30c'est une vie qui me satisfait et je suis très bien là où je suis.
09:33Ce que je veux, c'est ne pas vivre dans un pays
09:35qui serait gouverné et présidé par le rassemblement national.
09:38Juste pour l'informe, Raphaël Guzman, il vous en avait parlé
09:40avant de lancer votre nom comme ça ou pas ?
09:42Il m'en avait parlé.
09:43Je ne lui avais pas forcément dit que j'étais d'accord, évidemment.
09:45Et après, il le présente en disant, j'ai une idée.
09:48C'est son idée.
09:49Ce n'est pas la vôtre, en tout cas.
09:51Ce n'est pas mon envie, vous l'avez compris.
09:53Merci beaucoup, Laurent Berger, d'être venu dans les 4V.
09:54Bonne journée à vous.
09:55Merci à tous les deux.
09:56Merci également à Annick Mottin pour la traduction en langue des signes.
09:59Les 4V qui, en cette semaine électorale, vont revenir à 8h15
10:03avec cette fois Marion Maréchal.
10:04A tout de suite avec d'abord notre imitateur maison, Marc-Antoine Lebray.