Les 4 vérités - Jean-Michel Blanquer

  • il y a 4 mois
Thomas Sotto reçoit Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Éducation nationale, sur le plateau des 4 vérités.

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Transcript
00:00 Bonjour et bienvenue dans les 4V, Jean-Michel Blanquer.
00:05 Bonjour Thomas Soto.
00:06 Vous avez passé 5 ans au ministère de l'Education, longévité record, c'était pendant tout
00:09 le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, et puis l'aventure politique s'est arrêtée,
00:13 depuis vous n'aviez quasiment pas parlé.
00:15 Aujourd'hui vous venez de créer avec Veolia Terra Academia qui est une école de la transformation
00:19 écologique présente à Paris, aussi à Arras, bientôt dans le Calvados également, pas
00:23 loin de Deauville.
00:24 En quelques mots, elle va servir à quoi ? C'est quoi l'ambition de cette école ?
00:27 Le but c'est de former au métier dont on a besoin pour la transformation écologique.
00:31 Chacun sait qu'il y a des centaines de milliers d'emplois qui sont liés à ça.
00:34 En réalité il y a 8 millions d'emplois, de ceux qui nous écoutent en particulier,
00:38 qui vont évoluer pour tenir compte de la transformation écologique.
00:41 Et puis il va y avoir des créations d'emplois, 400 000 emplois créés autour de la transformation
00:44 écologique.
00:45 C'est adapter l'offre à la demande en fait ?
00:46 Absolument, c'est le fait d'être très concret, très pragmatique.
00:49 Par exemple dans le cas d'Arras où nous avons commencé, il s'agit de regarder les
00:54 besoins locaux et de voir quelles formations sont nécessaires et de le faire avec les
00:58 acteurs locaux.
00:59 Vous avez donc choisi de passer par un acteur privé, Veolia.
01:01 Est-ce qu'en creux, ça veut dire que pour être bien formé aujourd'hui, il faut passer
01:04 par le privé en France ?
01:05 Non, il faut l'alliance complète du public et du privé.
01:08 C'est-à-dire que là en l'occurrence, il y a Veolia bien sûr qui est moteur, mais
01:12 il y a d'autres entreprises comme EDF ou d'autres qui sont d'intérêt général de toutes
01:16 les façons.
01:17 Et puis on a besoin de s'appuyer sur les collectivités locales, la région, la commune en particulier.
01:21 Et puis on a besoin d'avoir tout le monde.
01:24 C'est tous les Français qui sont concernés, que vous soyez dans le public ou dans le privé.
01:27 Donc c'est une sorte de grande alliance générale pour l'accélération de la transformation
01:31 écologique qui est porteuse d'emplois, qui est porteuse de qualité de vie, qui est porteuse
01:36 tout simplement de meilleure vie pour notre société.
01:38 Jean-Michel Blanquer, vous connaissez les problèmes de l'école Parker, d'incidents
01:41 en fait divers, de drames atteints à la laïcité.
01:43 On a le sentiment que l'école de la République va de plus en plus mal.
01:46 Pourquoi ?
01:47 Souvent, elle est le reflet de ce qui se passe dans la société.
01:50 Si vous prenez les faits dont vous venez de parler, souvent ils sont le reflet de problèmes
01:54 qui existent dans la société, qui sont importés dans l'école.
01:56 Ce n'est pas l'école elle-même.
01:58 Pendant longtemps, ils sont restés à la grille des écoles, les problèmes de la société.
02:00 Il y a toujours eu un petit peu de ça.
02:02 Je suis bien placé pour le savoir.
02:04 Simplement, il faut toujours une grande fermeté par rapport notamment aux problèmes de violence
02:07 ou d'atteinte à la laïcité.
02:09 C'est la ligne que j'ai poussée à partir de 2017.
02:12 Il ne faut jamais montrer le moindre infléchissement, le moindre zigzag par rapport à ça.
02:16 C'est pour ça que je suis toujours celui qui est derrière la ligne de fermeté.
02:21 C'est la seule et c'est d'ailleurs celle dont les adolescents ont besoin.
02:23 Il y a des grandes formules, il y a des grandes phrases, mais est-ce qu'au fond, le pas de
02:25 vague n'a pas gagné ?
02:26 Non, et c'est une lutte permanente.
02:29 Vous savez, quand je suis arrivé en 2017, j'ai dit le pas de vague, c'est fini.
02:31 Ça ne voulait pas dire que ça allait se finir du jour au lendemain.
02:34 Parce que c'est quelque chose qui est parfois dans les esprits.
02:36 On a augmenté la culture du signalement.
02:38 On a créé des équipes pour venir en appui des établissements.
02:40 On a dit à tous les professeurs de France, s'il y a un problème, signalez-le.
02:46 Et bien entendu, tout ceci ne résout pas tout du jour au lendemain.
02:49 En revanche, c'est un état d'esprit.
02:51 C'est important pour le pouvoir exécutif, pour le ministère, de dire que c'est ça
02:55 la doctrine, c'est le cas.
02:57 Et donc, il faut désormais que chacun se prenne en main sur cette question.
03:00 Vous êtes très attaché à la laïcité.
03:03 Je parlais du pas de vague parce que je voulais prendre le cas du proviseur de la cité scolaire
03:06 Maurice Ravel à Paris, qui est parti en retraite anticipée après avoir été menacé de mort
03:09 par trois élèves qui refusaient d'enlever leur voile.
03:12 Dans un premier temps, on a quand même voulu nous faire avaler que c'était un départ
03:15 pour convenance personnelle.
03:16 C'est quand même un peu gros, ça, non ?
03:18 Oui, alors je ne veux pas rentrer dans le détail de cette affaire.
03:20 Non, mais c'est la symbolique.
03:21 C'est la symbolique.
03:22 Oui, oui, je pense que, bien sûr, enfin, il me semble qu'à la fin, l'institution n'a pas cédé,
03:27 que les sanctions, il y a des poursuites, me semble-t-il, contre les personnes concernées.
03:31 Le proviseur est parti en retraite, ce n'était pas prévu.
03:32 Oui, j'ai pas de grands commentaires à faire sur cette affaire en particulier.
03:35 Non, mais il y a 20 ans.
03:36 Ce qui est certain, c'est que de façon générale, il y a nécessité d'afficher une ligne de fermeté
03:41 et que c'est l'institution, évidemment, qui doit avoir le dernier mot.
03:44 Vous connaissez évidemment le livre "Les territoires perdus de la République"
03:47 qui a débuté il y a plus de 20 ans sur les atteintes à la laïcité dans les quartiers.
03:51 Aujourd'hui, on se demande s'il n'y a pas les élèves perdus de la République.
03:53 On en est là ou c'est une vision trop pessimiste des choses ?
03:56 Alors, il y a deux choses.
03:57 D'abord, le sujet est très grave, je ne le minimise pas.
04:00 De l'autre, il faut faire attention aussi à ne pas dépeindre l'ensemble de la situation
04:04 comme étant caractérisé par ces problèmes.
04:06 Heureusement, vous savez, j'ai visité des centaines d'écoles, de collèges et de lycées dans ma vie.
04:09 Heureusement, il y a des choses qui fonctionnent en France.
04:12 Il faut savoir le dire et rester…
04:15 Il faut dézoomer un peu, c'est ça ?
04:16 Il faut, oui.
04:16 C'est normal, l'actualité sans arrêt insiste sur les faits de violences.
04:19 Ils sont réels, je ne les minimise pas.
04:21 Il ne faut pas non plus faire un tableau catastrophique de tout.
04:24 Maintenant, sur les faits réels, ils sont souvent scandaleux, honteux.
04:28 Ça nécessite donc de les prendre à bras-le-corps.
04:30 C'est pour ma part ce que j'ai fait quand j'étais au ministère.
04:34 Regardez tous les coups que j'ai reçus lorsque j'ai pointé du doigt ces problèmes,
04:38 lorsqu'on a commencé à les résoudre, lorsqu'on a pris des mesures.
04:41 J'ai fait des radiations de personnel, par exemple.
04:43 J'ai eu à affronter beaucoup d'orage par rapport à ça.
04:46 Mais il ne faut jamais dévier de cette ligne.
04:48 Et c'est évidemment mon conseil au gouvernement.
04:50 Alors, vous avez aussi pris des mesures pour la refonte des enseignants
04:53 quand vous étiez en responsabilité,
04:56 avec la mise en place du concours des professeurs à Bac +5.
04:58 Mais on sait depuis le mois dernier que le concours pourra désormais être passé à Bac +3.
05:02 Il y a aussi tous les contractuels qui sont recrutés à la va-vite,
05:04 souvent à la fin du mois d'août parce qu'il manque des places, il manque des postes.
05:07 On dit aussi, c'est ce matin, que le niveau du CAPES de maths
05:10 qui permet d'enseigner au collège et au lycée est consternant.
05:13 Est-ce qu'on brade la formation des enseignants aujourd'hui, Jean-Michel Blanquer ?
05:16 Non, ce qui est très important, c'est surtout de susciter de l'attraction et de la vocation.
05:22 C'est pourquoi...
05:23 Ça ne vous chiffonne pas quand vous dites
05:24 « on va mettre le recrutement à Bac +5 et que deux ans après, on y va.
05:27 Non, finalement, on va passer à Bac +3 ? »
05:28 Non, écoutez, honnêtement, ce point-là n'est pas le point le plus important
05:31 puisque même si c'est à Bac +3, ce qui est important,
05:34 c'est qu'ils continuent à être formés par la suite.
05:35 Donc, ce n'est pas un sujet sur lequel je trouve qu'il y a un grand débat à avoir.
05:39 Le grand débat, c'est est-ce que dès le début, ils sont bien formés ?
05:42 Et donc, c'est pour ça qu'on a créé, et que ça existe maintenant fortement,
05:45 des classes préparatoires aux professeurs à des écoles,
05:47 c'est-à-dire l'idée qui reprend un peu la bonne tradition des écoles normales,
05:50 où après le baccalauréat, des jeunes qui ont une vocation sont amenés tout de suite
05:55 à être formés, notamment en français et en mathématiques,
05:58 et donc à avoir les savoirs fondamentaux,
06:00 une capacité à transmettre les savoirs fondamentaux,
06:03 plutôt que finalement avoir des formations très hétérogènes
06:05 et ensuite seulement après bac +3 de se spécialiser.
06:08 Donc ça, je crois que c'est la perspective qui est dressée.
06:10 En réalité, c'est cela le sujet principal, avec des bons salaires pour les professeurs, bien sûr,
06:14 et là aussi, on a amorcé quelque chose quand même,
06:17 même s'il y a encore du chemin à accomplir.
06:19 Il faut sanctuariser le budget de l'éducation nationale.
06:21 C'est un peu dans l'actualité, vous savez, il y a des coups budgétaires en ce moment,
06:25 il y a des économies à faire sur bien des sujets,
06:26 mais surtout pas sur l'éducation nationale.
06:28 Et pas sur les heures supplémentaires, parce qu'il a été question de supprimer
06:30 les heures supplémentaires des profs, finalement, le gouvernement a rétro-pédalé.
06:33 C'était une erreur et je pense que, vous savez, le Premier ministre a dit
06:36 qu'il portait le sujet de l'éducation nationale avec lui.
06:39 Je pense qu'il faut faire attention en portant le sujet de l'éducation nationale,
06:41 elle ne sait pas de faire des annonces tous les jours,
06:43 de recevoir le proviseur, etc.
06:44 Il y a un ministre de l'éducation nationale pour faire ça.
06:47 En revanche, c'est de garantir que le budget est sauvegardé.
06:50 Et ça, donc, il faut éviter les zigzags.
06:53 Il y a trop de com' aujourd'hui autour de l'éducation nationale ?
06:55 Je pense qu'il faut en effet, du long terme, le sens d'une ligne droite qui...
07:00 Il faut que la ministre soit bien en charge de cela.
07:03 Vous dites qu'il faut une ligne droite.
07:05 Vous avez été très critiqué après votre départ du ministère,
07:07 après avoir été pendant longtemps encensé.
07:09 Et vous avez d'abord été remplacé par un ministre Papendiai
07:11 qui a fait à peu près exactement le contraire de ce que vous vouliez mettre en place.
07:14 Comment vous l'avez vécu ?
07:15 Est-ce que ça vous a blessé ? Est-ce que ça vous a fait douter ?
07:18 Non, je vous sais, j'écrirai un livre à la fin du mois d'août
07:22 pour parler de ces choses-là.
07:23 Donc, je raconterai à ce moment-là.
07:25 Mais il est tout à fait loisible au chef de l'État de changer de cap.
07:30 Simplement, je pense qu'il est, indépendamment de la personne de Papendiai,
07:34 ce qui est très important, c'est de ne pas avoir de zigzag.
07:36 Il y a eu clairement sur les signaux envoyés, en tout cas,
07:40 il y a eu le sentiment qu'on passait d'une ligne directrice
07:44 qui était tout de même une ligne, disons, très attachée aux valeurs de la République
07:48 et au respect de la laïcité, à une ligne qui était plus molle sur cette question.
07:52 C'est évident.
07:52 Et donc, après, on a eu l'impression de...
07:54 Donc ça, ce n'est pas cela qu'il faut.
07:56 Ce que nous avions vu avec le président, c'est qu'il fallait sur dix années
07:59 la grande réforme de l'éducation nationale.
08:01 C'est ce qui s'est passé en grande partie.
08:02 Vous savez, l'école primaire a été vraiment refondée sur les savoirs fondamentaux.
08:05 On commence à voir les premiers progrès dans certaines évaluations internationales.
08:08 Ça commence à se voir.
08:10 Simplement, il faut du temps pour cela.
08:12 Il faut du calme aussi.
08:13 Et il faut une route droite, c'est ce que vous avez dit depuis le début.
08:17 D'un mot pour finir, vous êtes aussi le président du laboratoire de la République
08:19 qui a sorti le 29 avril un ouvrage collectif, gratuit sur Internet,
08:22 qui s'appelle "Europe, maîtriser notre avenir, les voies du renouveau".
08:26 Quelle est l'ambition de ce livre ?
08:28 L'ambition est de se poser une question fondamentale
08:31 qu'on doit se poser au moment des élections européennes,
08:33 qui est est-ce que l'Europe nous aide ou pas à maîtriser notre avenir ?
08:37 Et c'est à l'aune de cette question que l'on peut juger l'Union européenne.
08:41 Or, il y a des réponses positives et des réponses négatives
08:44 à apporter à cette question selon les sujets que l'on regarde.
08:46 Si vous regardez par exemple les questions de défense,
08:50 aujourd'hui, on a besoin d'avoir une beaucoup plus grande coordination européenne,
08:54 d'être capable d'être un vrai pilier européen de défense
08:57 vu les menaces considérables qu'il y a aujourd'hui.
09:00 Et c'est très important qu'à l'avenir, par exemple sur les industries liées à la défense,
09:05 nous soyons capables d'être plus européens avec nos voisins.
09:09 Ce n'est pas fini pour vous la politique ?
09:11 De toute façon, j'espère que ça n'est fini pour personne.
09:13 Si vous voulez dire que la politique, ce n'est pas un sujet...
09:15 Je n'ai jamais vu la politique comme un métier.
09:16 Pour moi, nous sommes tous ceux qui nous écoutent,
09:19 moi-même, des citoyens, il faut s'intéresser à cela.
09:22 Et puis, il faut avoir un métier.
09:23 Et ce métier, un métier qui est autre que la politique.
09:26 De temps en temps, on fait de la politique et on revient.
09:29 C'est pour ça que je suis aujourd'hui encore dans la formation.
09:31 Vous allez voter pour qui aux européennes ? Pour Renouveau ?
09:33 Justement, je ne fais pas de la politique dans ce sens-là.
09:36 Ah, vous ne dites pas que vous voterez pour la liste de la majorité ?
09:39 Non, je n'appelle pas à voter.
09:40 Je pense que je ne suis pas en ce moment en train d'être dans des fonctions politiques.
09:43 Mais j'ai évidemment mes convictions et elles sont connues.
09:46 Europe maîtrise notre avenir.
09:48 Les Voix du Renouveau, c'est cet ouvrage disponible gratuitement sur Internet.
09:50 Merci d'avoir vu nous voir ce matin, Jean-Michel Blanquer.
09:52 Et bonne journée à vous.
09:52 Merci à vous.
09:53 Merci à tous les deux.
09:54 Merci également à Nathalie Baton pour la traduction en langue des signes.
09:57 Dans quelques instants, c'est Kamel le magicien qui va venir nous émerveiller.
10:00 Avant cela, toute petite pause et on revient.