Moins on en parle, plus il y en a : la création d'entreprise [Christophe Schmitt]

  • l’année dernière
Xerfi Canal a reçu Christophe Schmitt, professeur des universités en sciences de gestion et du management à l’Université de Lorraine et Responsable du Réseau R2E – Recherche & Expertise en Entrepreneuriat, pour parler de la création d'entreprise.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Transcript
00:00 Bonjour Christophe Schmitt.
00:09 Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:10 Christophe Schmitt, professeur des universités, sciences de gestion et du management à l'Université
00:14 de Lorraine, IAE de Metz.
00:16 Christophe Schmitt, spécialiste d'entrepreneuriat.
00:19 Comment on accompagne autrement ? J'ai envie de dire pourquoi il faut accompagner
00:23 autrement l'entrepreneuriat et comment on peut le faire ?
00:26 Alors pourquoi il faut accompagner autrement ? Tout simplement parce qu'entreprendre
00:31 hier, entreprendre aujourd'hui et entreprendre demain, ça ne se fait pas de la même façon.
00:34 Ça c'est au moins la première raison.
00:35 La deuxième raison c'est qu'on s'aperçoit que dans l'entrepreneuriat il y a deux dimensions
00:40 importantes.
00:41 Avant lorsqu'on parlait d'entrepreneuriat c'était on va aider à la création d'entreprise.
00:45 C'est ce que j'appelle l'état de cristallisation.
00:47 À côté de ça, il y a ce que j'ai pu montrer, un état gazeux.
00:50 Un état gazeux c'est quoi ? C'est toute la partie conception.
00:53 Ça renvoie aux travaux de Simon sur les sciences de conception.
00:56 Cette partie de conception c'est ce moment important du début où les choses sont en
01:01 train de se faire, se créer et qui vont être tributaires par rapport à la suite.
01:06 Et ça va se cristalliser petit à petit.
01:10 Mais si en gros mon projet n'est pas clair, si l'orientation, le scénario que je veux
01:15 mettre en place n'est pas clair, j'aurai du mal après à convaincre les personnes
01:20 qui sont en face de moi.
01:21 Donc ça c'est au moins une des raisons sur lesquelles il faut travailler autrement
01:26 sur l'accompagnement.
01:27 Donc il y a un accompagnement sur l'état gazeux et un accompagnement sur l'état de
01:31 cristallisation.
01:32 On sent très bien que dans cet accompagnement dans l'état gazeux, il peut y avoir tout
01:35 un tas de traumatismes, tout un tas d'histoires, de sujets identitaires etc. qui viennent percuter,
01:41 expliquer peut-être même le projet ou le freiner.
01:44 Exactement.
01:45 Lorsqu'on a des porteurs de projets qui viennent dans cet état gazeux, ils viennent
01:50 avec leur idée, c'est la face visible.
01:52 Souvent on travaille là-dessus parce que c'est le plus simple, mais ils viennent avec
01:56 leur histoire, ils viennent avec leur parcours, ils viennent avec leur difficulté, ils viennent
02:01 avec l'envie de développer des choses pour X raisons des fois pour prendre une revanche
02:07 sur la vie.
02:08 Donc il y a cette dimension personnelle qui est à travers le projet qu'il faut arriver
02:13 à comprendre pour permettre aux porteurs de projets d'avancer, canaliser aussi parce
02:18 que quand on est sur un projet qui est purement personnel, des fois c'est difficile de le
02:21 partager avec les autres.
02:22 Donc il faut arriver à faire du lien, avoir une cohérence interne au niveau du projet
02:28 et du porteur du projet pour avoir une cohérence externe vis-à-vis des acteurs de l'écosystème.
02:32 Du coup on arrive à un paradoxe.
02:33 On arrive à un paradoxe et moins on parle de création d'entreprise, plus il y a de
02:37 création d'entreprise.
02:38 Et tout simplement parce que lorsqu'on est sur l'entreprenariat, on a toujours cette
02:44 idée de création d'entreprise.
02:45 Si on va voir un porteur de projet, on va voir des étudiants comme on parle beaucoup
02:49 sur l'intention des étudiants en termes d'entreprenariat et ainsi de suite.
02:54 Globalement, qu'est-ce qu'ils peuvent répondre par rapport à la création d'entreprise ?
02:56 Ça ne donne pas forcément envie.
02:58 J'ai comme une balance entre guillemets.
03:00 Création d'entreprise, je vois à peu près ce que c'est.
03:01 Je vois les aspects juridiques, financiers, je n'ai pas d'argent, je n'ai pas envie
03:06 de me retrouver…
03:07 Que des problèmes.
03:08 Que des problèmes, voilà.
03:09 Que des problèmes.
03:10 Donc on voit tout de suite la balance qui va être beaucoup plus importante du côté
03:12 on va dire de la création d'entreprise avec tous les problèmes que sur le désir
03:15 que je peux avoir.
03:16 Donc nous, on travaille différemment.
03:18 C'est-à-dire, on n'est pas là pour t'aider à créer une entreprise parce que peut-être
03:21 que ça n'ira jamais une entreprise.
03:23 Et ça renvoie aussi à l'idée que si tu ne crées pas d'entreprise, tu es dans l'échec.
03:27 Donc ça veut dire que comment engager quelqu'un en lui disant peut-être que tu peux échouer
03:31 ? Si on va sur une autre logique de se dire, l'objectif c'est avant tout l'expérience
03:37 entrepreneuriale que tu peux te faire.
03:38 Donc il n'y a pas en gros d'échec ou de réussite, il y a surtout des expériences.
03:43 Tout le monde se fait une expérience et comment on valorise l'expérience ?
03:45 Alors pourquoi on arrive à ce paradoxe-là ?
03:47 Tout simplement parce qu'au lieu d'être sur la création d'entreprise et d'être
03:52 dans cette idée-là, je vais créer une entreprise qui correspond à très peu de personnes
03:55 au final, c'est de se dire, est-ce qu'il y a des gens qui ont des idées, des projets ?
03:59 Et alors là, il y a du monde.
04:00 Il y a du monde.
04:01 Il y a chaque année des enquêtes qui sont faites sur le nombre de personnes qui ont des
04:05 idées et quand on arrive au nombre de créations d'entreprise, ça diminue énormément.
04:09 Par contre, les gens qui ont des idées, il y en a plein.
04:11 Donc nous, on s'est dit, on va aider les porteurs de projets, ceux qui ont des idées,
04:15 ceux qui ont envie de se battre pour leurs valeurs et de pouvoir, on va dire, les amener
04:18 à réfléchir sur leur projet, à créer de la robustesse, de la cohérence interne
04:22 et de la cohérence externe et de leur permettre d'avancer.
04:24 Du coup, la création d'entreprise, c'est la conséquence d'un parcours.
04:27 Ce n'est pas le point de départ.
04:29 Et en France, on s'est beaucoup trompé parce qu'on a beaucoup envisagé la création
04:33 d'entreprise comme le point d'entrée en se disant, les gens veulent créer des entreprises.
04:37 Oui, il y en a, mais pas tant que ça.
04:39 Par contre, des gens qui ont des idées et qui voudraient s'essayer, alors là, il y
04:43 en a beaucoup plus.
04:44 Et là, je pense qu'il y a un vrai travail à continuer à faire.
04:47 C'est ce qu'on fait au niveau de l'Université de Lorraine autour des études d'entrepreneurs
04:51 sur l'état gazeux et leur permettre de s'essayer l'entreprenariat.
04:54 Et on a des jeunes qui nous disent, jamais je ne pensais créer une entreprise.
04:58 Mais finalement, en étant dans le projet et en pouvant avancer et en arrivant à faire
05:05 adhérer les acteurs de l'écosystème, ils arrivent à créer des entreprises avec derrière
05:09 des belles réussites qui sont autour de projets qui voient le jour et avec du sens pour eux
05:16 et qui partagent ce sens au bon niveau de la société.
05:19 Recourir à des expertises complètement différentes qui peuvent paraître décalées, je pense
05:23 à la psychanalyse par exemple, mais en fait, c'est fondamental.
05:26 Voilà, c'est vraiment fondamental.
05:28 Merci Christophe.
05:29 Merci à vous.
05:30 [Musique]

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