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Une mauvaise blague qui se répète, un geste déplacé qui se banalise, une incompatibilité d’humeur qui tourne au cauchemar… Les situations de harcèlement au travail sont d’autant plus difficiles à gérer qu’elles s’installent insidieusement. Les bourreaux, très souvent, s’ignorent. On en parle avec Marie Donzel, co-auteure du livre “Harcèlements au travail” aux éditions Mardaga.

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Transcription
00:00 ...
00:11 -Bien dans son job pour parler du harcèlement au travail.
00:15 C'est un sujet qui vous concerne,
00:17 les DRH, les managers et les collaborateurs.
00:19 Marie Donzel, bonjour. -Bonjour.
00:21 -Ravie de vous accueillir. Consultante en innovation sociale
00:25 chez Alternego et auteur de ce livre édité chez Mardaga,
00:28 qui est d'ailleurs présenté comme un guide de questions-réponses,
00:32 c'est-à-dire la partie pratique, ce n'est pas uniquement de la théorie,
00:36 au-delà des clichés, analyser, agir et prévenir
00:38 les harcèlements en entreprise.
00:40 Il vient de sortir chez Mardaga.
00:43 D'abord, un mot sur l'enjeu juridique,
00:45 parce qu'on a beaucoup d'avocats sur ce plateau,
00:48 et qui nous disent, assez fréquemment,
00:50 des avocats qui défendent les entreprises,
00:53 on est confronté à des avocats en face
00:55 qui glissent le mot "harcèlement"
00:58 afin peut-être d'augmenter les indemnités du collaborateur.
01:02 On l'utilise parfois, à mauvaise escient, ce mot ?
01:05 -On l'utilise beaucoup.
01:08 On l'utilise beaucoup.
01:09 Souvent, à mauvaise escient,
01:12 quand il n'y a pas de harcèlement,
01:14 et pas suffisamment quand il y en a.
01:16 Il y a un enjeu juridique,
01:18 parce que vous avez raison, c'est une qualification juridique
01:21 qui, en plus, se double, je dirais, d'une ampleur réputationnelle.
01:25 Vous appuyez tout de suite sur le bouton nucléaire.
01:28 Vous êtes en position de force
01:30 quand vous prononcez le mot "harcèlement"
01:32 dans une discussion, par exemple,
01:35 de contractualisation pour un départ
01:37 ou pour des indemnités, etc.
01:39 -Quand on dit "j'ai le sentiment qu'on m'a harcelé,
01:42 "que mon manager m'a harcelé",
01:44 vous dites "ça crée quoi ?"
01:45 Une forme de tremblement, d'inquiétude
01:48 pour le manager, le DRH.
01:49 Ca crée quoi ? De l'incertitude pour l'entreprise ?
01:52 -Ce mot fait tout de suite
01:54 tirer une sonnette d'alarme qui s'appelle "risque".
01:57 Risque juridique, mais on sait que le risque juridique,
02:00 souvent, il est maîtrisé dans les entreprises.
02:03 Il est budgété, il est maîtrisé aussi avec pas mal d'avocats.
02:06 On sait comment le traiter.
02:08 Ce qui inquiète les entreprises, c'est le risque réputationnel
02:11 et le risque psychosocial en interne.
02:14 Ce qu'on sait d'une affaire de harcèlement,
02:16 c'est que souvent, on va mettre plusieurs mois,
02:19 plusieurs années à s'en remettre.
02:21 Donc oui, on tremble quand on entend parler
02:25 de harcèlement dans l'entreprise.
02:29 C'est un peu dommage, parce que le fait qu'on tremble
02:32 et que ce soit un peu cet effet bouton nucléaire
02:34 fait qu'on en parle pas comme on devrait,
02:37 alors qu'il y a des vraies nécessités.
02:39 -C'est le sujet de votre livre.
02:41 Vous écrivez le mot "harcèlement".
02:43 On l'a vu sur la couverture qu'on a dévoilée,
02:45 avec un "s". Vous ouvrez le spectre très large du harcèlement.
02:49 C'est quoi, ce harcèlement ? C'est quoi la palette de harcèlement ?
02:53 -D'abord, le pluriel correspond à une vraie volonté
02:56 que Charlotte Ringrave, co-autrice de ce livre, et moi-même, avions,
03:00 qui était de casser le distinguo
03:02 entre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel.
03:05 Quand on intervient en tant que gestionnaire de crise,
03:08 on nous dit "du harcèlement sexuel, je pense pas,
03:11 "mais peut-être du harcèlement moral
03:13 "avec des petits propos un peu sexistes et sexuels."
03:16 Oui, c'est QLD, du harcèlement sexuel.
03:19 Mais bon, en fait, c'est la même dynamique.
03:21 C'est la même dynamique, c'est une dynamique de domination,
03:24 de pression, d'intimidation.
03:26 C'est une dynamique qui rend l'environnement de travail
03:29 offensant, humiliant, intimidant,
03:32 qui peut nuire à la progression professionnelle des individus.
03:35 -Et à désengager. -Qui désengagent,
03:37 et qui désengagent pas que les personnes
03:39 qui sont impliquées, mais des témoins.
03:42 On a vu dans certains collectifs de travail
03:44 que le désengagement pouvait se prolonger
03:47 si on était impliqué, mais quitter l'organisation.
03:50 Donc c'est profondément délétère.
03:52 Donc le pluriel, c'est celui-là,
03:54 parce qu'il nous paraît important, d'une part,
03:57 d'arrêter avec ce distinguo comme si il fallait avoir des échelles,
04:01 et puis il nous paraît important aussi
04:03 qu'on puisse adresser, justement,
04:05 l'ensemble des situations de souffrance au travail
04:09 liées à des comportements inappropriés et dysfonctionnels.
04:12 -Vous le prenez dans l'autre sens.
04:14 On reçoit de la souffrance, un RH les reçoit,
04:16 et il faut qu'il creuse un peu plus,
04:19 parce que vous évoquez les signaux faibles,
04:21 il faut qu'il aille au-delà pour savoir si cette souffrance
04:24 ne viendrait pas de sujets liés au harcèlement.
04:27 -Oui, ou l'inverse.
04:28 C'est-à-dire qu'on a beaucoup de clients qui nous demandent
04:31 "Est-ce que c'est du harcèlement ou ça n'en est pas ?"
04:34 Comme si qualifier était la clé de tout le problème.
04:37 Bien sûr, ça va être important de qualifier le problème,
04:41 et notamment, ça va être important
04:43 pour la fameuse maîtrise du risque juridique.
04:45 Mais ne considérez pas que si une enquête conclut
04:48 au fait qu'il n'y a pas de harcèlement,
04:50 vous n'avez pas de problème,
04:52 car vous avez un individu en souffrance,
04:54 un ou plusieurs, et d'autre part,
04:56 vous avez l'exercice de comportements dysfonctionnels
04:59 et inappropriés, dont vous avez un problème à régler,
05:02 qu'il s'appelle harcèlement ou pas.
05:04 -Il y a un sujet sur le harceleur,
05:06 car c'est toujours difficile de brosser le portrait robot
05:10 du harceleur. -Parce qu'il n'y en a pas.
05:12 Pourquoi c'est si compliqué et pourquoi vous dites qu'il n'y en a pas ?
05:16 -Il n'y en a pas.
05:17 On est un petit peu biaisés,
05:19 parce que Marie-France Irigoyen,
05:21 qui a sorti il y a une vingtaine d'années
05:23 un livre majeur et indispensable sur le harcèlement moral,
05:27 avait posé le profil du harceleur comme celui du pervers narcissique.
05:30 Donc, on est restés un peu sur cette idée-là.
05:33 Le pervers narcissique, bien sûr,
05:35 c'est un des profils de harceleur,
05:37 sachant qu'on peut aussi être pervers narcissique
05:41 sans être harceleur, par ailleurs.
05:43 Mais le harcèlement n'est pas une affaire seulement d'individus
05:47 qui dysfonctionnent. -C'est un système.
05:49 -C'est un système. -Qui l'entretient.
05:52 -D'abord, qui l'autorise, qui le tolère.
05:54 Et puis, qui peut le provoquer.
05:56 Maintenant, on peut qualifier du harcèlement institutionnel,
06:00 par exemple, quand on estime qu'une entreprise,
06:03 la façon même de manager, d'organiser le travail,
06:06 va conduire à des pratiques de harcèlement.
06:09 Et puis, après, vous avez notamment
06:11 tout ce qui est régulation informelle des relations,
06:14 gestion des conflictualités,
06:16 gestion des rapports de force non-dits, implicites.
06:19 Donc, tout ça, en fait, si c'est pas traité,
06:22 si c'est mal traité, ça peut faire de vous ou de moi
06:26 un harcèleur. Ca n'a rien à voir avec votre bonne volonté,
06:29 votre personnalité, ni même vos qualités managériales.
06:33 -Parce que l'organisation tolère et organise
06:35 un mode de management... -Elle peut l'organiser.
06:38 -Elle peut l'organiser, mais elle le tolère.
06:41 Chaque fois qu'il y a des quarts de harcèlement,
06:43 il y a eu une tolérance sur les comportements.
06:46 -On a laissé passer. Ca commence par les mots.
06:49 On laisse passer des mots. -On laisse passer des mots,
06:52 des attitudes, par exemple, qui consistent à ignorer
06:55 les autres, à faire comme s'ils étaient pas là,
06:58 à pas les inviter dans les réunions,
07:00 à pas les considérer. On laisse passer ça.
07:02 Et puis, on sait que ça dérive et qu'on a derrière
07:06 des vraies problématiques de souffrance aiguë
07:08 pour les individus et les collectifs de travail.
07:11 -La souffrance, il faut la décrypter.
07:13 Il y a les signaux faibles. Et faire de la prévention,
07:16 c'est un élément clé de votre livre.
07:18 Marie Donzel et votre coautrice Charlotte Heringrave,
07:21 harcèlement au travail avec un S,
07:23 chez Mardaga, avec une préface de la fondatrice
07:26 de My Happy Job, faut-il le préciser ?
07:28 C'est un plaisir de vous accueillir sur le plateau de Smart Job.
07:32 On tourne une page, le cercle est rache,
07:34 il y a l'emploi, et de tous les sujets liés à l'emploi,
07:37 vous l'avez vu, ce texte, "Votez, parlez de chambre",
07:40 c'est France Travail, mais c'est aussi le RSA
07:43 et toutes les polémiques qui en ont découlé
07:45 et qui vont continuer à faire couler beaucoup d'encre.

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