Van Gogh au naturel

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Chaque semaine, le tour de l'actualité cinéphile avec des sujets inédits, des entretiens, des analyses de séquences, des archives, des montages et des nouvelles rubriques pour combler les amoureux du cinéma.
Transcription
00:00 ...
00:20 -Oh là, il y a un petit Serag.
00:21 C'est quoi, ce petit croqueton, là, comment vous avez fait ?
00:25 Ça repart de son atelier, ces trucs-là.
00:28 -C'est une réplique que j'ai faite.
00:30 C'est un secret.
00:31 J'en suis assez fier.
00:32 Du secret ou de la toile ?
00:33 -Des deux.
00:34 -Pas de doute, vous êtes bien sûr classique,
00:36 et c'est parti pour votre vivace cinéma,
00:38 consacré aujourd'hui à "Van Gogh" de Maurice Pialat.
00:41 Au sommaire également, le "Rosebud" de Valerio Zurlini,
00:45 la mélodie du bonheur de Antoine Bataille
00:48 et une brève rencontre avec Pierre Salvadori.
00:50 C'est parti.
00:51 Musique douce
00:53 -Haha !
00:54 ...
00:57 -En 1991, Maurice Pialat raconte les dernières années
01:00 de Vincent Van Gogh à Auvers-sur-Oise.
01:02 Pour revenir sur ce portrait intimiste
01:04 des dernières années du peintre,
01:06 votre vivat a rencontré la productrice
01:08 et compagne de Maurice Pialat, Sylvie Pialat,
01:11 ainsi que le comédien Bernard Lecoq,
01:13 qui jouait Théo, le frère de Vincent Van Gogh.
01:16 Retour à Auvers, en compagnie du peintre à l'oreille coupée.
01:19 ...
01:28 -Le film commence par son arrivée à Auvers-sur-Oise,
01:30 jusqu'à sa mort.
01:31 On retrouve là, pour le coup, les films de Maurice,
01:35 c'est-à-dire les êtres humains autour de lui,
01:37 sa relation avec les autres.
01:39 Maurice, tout doucement, au fur et à mesure où il écrivait,
01:42 a fini par écrire un film très personnel,
01:45 non pas qu'il se prenne pour Van Gogh,
01:48 mais quelque chose qui peut dépasser même ce personnage de Van Gogh.
01:52 -Théo va devenir peintre, je le vois absolument.
01:55 Nous sommes tous doués.
01:56 -Pourquoi croyez-vous que j'ai épousé Théo ?
01:58 -Il va devenir peintre.
02:00 Nous sommes tous doués dans la famille, non seulement de notre mère.
02:03 On a eu peur de commencer marchant de tableau.
02:06 -Non, mais c'est vrai, t'as raison.
02:08 T'as raison pour toi, mais pour un homard d'hunna comme moi,
02:10 ça gâte pas grand-chose.
02:11 -Il m'a téléphoné, j'y croyais pas, au départ.
02:15 J'avais un peu l'estomac, je pensais pas trop que ça soit un peu brutal,
02:20 les rapports et tout ça.
02:21 Je me disais, il avait une réputation.
02:23 Mais enfin, il m'appelle extrêmement gentiment,
02:24 il m'avait vu dans une série à la télévision.
02:26 -Dans une série improbable qui se passait en Martinique.
02:29 Oui, mais Maurice faisait souvent ça,
02:30 des gens qui faisaient des pubs aussi, des choses comme ça.
02:33 -Bon, j'étais flatté, évidemment.
02:34 Je me dis, il fallait, quand c'était un peu le bol, vas-y.
02:37 -Voilà Rathorne, d'étaler son savoir-faire de marchands.
02:42 Un vrai malin doit se laisser prendre pour un saut.
02:44 -Erreur, mon cher Théo.
02:45 Pour faire de bonnes affaires, on s'en reste toujours au plus rusé.
02:48 -Vous venez un peu ici ?
02:50 -Vous voulez voir une autre merveille ?
02:52 -Oui.
02:53 -Un gelé.
02:54 -Théo était un marchand de tableaux, déjà.
02:58 Il était, lui, dans le monde des arts,
03:00 dans la reconnaissance aussi des artistes, etc.
03:03 Et en ayant la difficulté de proposer même son propre frère.
03:09 Et donc, ça créait évidemment à la fois des conflits,
03:14 des aigreurs sous-jacentes,
03:15 qui étaient en même temps un amour absolu
03:19 entre ces deux êtres-là.
03:21 Alors, c'était très beau à interpréter,
03:24 sous le regard d'un homme qui pose une humanité dans tout ça.
03:28 -Ce soleil, là, franchement, regardez ce ciel vert.
03:32 -C'est que c'est de la porte.
03:34 -C'est ceux qui te feront vendre. -Ils n'ont pas l'air d'accord.
03:37 Tu vas m'enlever mes toiles de chez Torrier.
03:39 C'est horrible. Un puissier et une pourriture.
03:40 Tu laisses mes toiles pourries. -Tu veux que je les mette ?
03:42 -C'est vrai, il n'y a même plus de place sous ton lit.
03:44 Et quand la femme déménage, je passe le balai.
03:45 -C'est Joe qui fait le ménage. -C'est Joe.
03:47 Alors là, c'est un Joe.
03:49 -Alors, Maurice, il avait un génie, c'était de laisser les choses se faire.
03:54 Alors, il arrivait, quelquefois, il avait mal dormi,
03:58 on commençait à tourner un peu plus tard,
04:00 alors on attend, tout ça.
04:01 Donc, tout le monde prenait forcément des positions naturelles,
04:04 si je puis dire, parce qu'il était là, on t'en attendait,
04:06 on discutait, ça marche.
04:09 L'harmonie de la vie se recréait toute seule.
04:12 Et à un moment, ils disaient "Allons-y".
04:13 Et alors, ils faisaient pas comme on fait souvent.
04:16 "Bon, attention, moteur, allons-y, allez, on se concentre, moteur."
04:20 Non, pas du tout.
04:22 Vas-y, tac, et hop, on est rentrés dans le truc.
04:25 -Voilà, après, ça rentrait au Malastère.
04:28 (Rires)
04:31 Le roi des gueux, à la Cour des Miracles.
04:33 C'est pas vraiment Quasimodo, mais c'est quasi du même.
04:37 -Papa, fais-nous le chameau.
04:40 -Gérard Séti, c'est quand même un personnage tout à fait extraordinaire.
04:45 Maurice l'aimait beaucoup, beaucoup.
04:47 Il le chatouillait un peu sous les pieds, quelquefois,
04:49 mais il l'aimait vraiment beaucoup, il l'admirait beaucoup.
04:52 Et Gérard faisait un spectacle, vous savez, qui était très célèbre
04:55 dans tous les casinos et tout ça.
04:59 Il a fait une tournée mondiale où il se déguisait avec ses affaires.
05:03 Alors, il se déguisait en curé avec un sac ou avec des gants,
05:09 il faisait je sais pas quoi.
05:10 D'ailleurs, il y a une petite scène comme ça ou deux dans le film
05:13 où Maurice a utilisé ça.
05:16 C'était très intéressant, parce qu'il attrapait tout ce qui pouvait passer,
05:20 il pouvait le choper.
05:22 Et peu d'improvisation, c'était pas la peine.
05:27 Mais en revanche, droit à l'erreur.
05:30 -Mon petit-fils voudrait te parler.
05:38 -Je voudrais que vous fassiez mon portrait.
05:41 -Quoi ? -Je voudrais que vous fassiez ma peinture.
05:43 -Et d'ailleurs, quand il fait jouer des gens qui sont pas des acteurs professionnels,
05:49 parce qu'il avait le pif pour tomber des gens,
05:52 quand il disait "tout le monde peut faire ce métier, mais pas n'importe qui",
05:55 et il était capable de voir quand quelqu'un avait cette capacité,
05:59 au moins, de livrer quelque chose de soi.
06:03 Et puis, je crois qu'au fond, Maurice, il aimait les gens, quoi.
06:08 Curieusement.
06:09 Et les gens simples.
06:10 Et c'est pas un problème de niveau social.
06:14 Les gens simples, il aime bien qu'on triche pas trop avec ce qu'on est.
06:18 -Quand on est en province, c'est toujours cette facilité,
06:21 est-ce que les gens, pour être dans un film d'époque,
06:24 sortent de terre comme ça, avec une mémoire et des gestes ?
06:29 C'est des choses qui sont très importantes pour Maurice.
06:33 Par exemple, quand ma cuisinière de gâchets prépare les asperges,
06:36 j'ai aimé de l'huile du persil pour qu'elles brillent,
06:39 ce genre de choses, qui sont pas écrites,
06:42 mais qui donnent quelque chose de très vivant et juste.
06:48 -J'ai eu un garçon à ton âge.
06:51 -C'est pas vrai.
06:52 Pourquoi vous me l'avez toujours caché ?
06:55 -Il s'est engagé à la commune en 70.
06:58 On l'a pas revu.
07:00 -Il y a cette scène extraordinaire avec cette dame qui s'occupait
07:05 du ménage, je crois, là-bas, là où on tournait,
07:10 et qui faisait la cuisine et tout ça.
07:13 Et alors, elle était extraordinairement douée.
07:15 Il y a cette scène où elle parle de son fiancé
07:18 qui est mort à la guerre, c'est éblouissant.
07:21 -Quand on m'appelait,
07:22 je l'ai vu là, étendu, avec d'autres.
07:26 Il avait 15 ans.
07:29 -Elle a pu décaler sa souffrance réelle de cet instant
07:34 dans cette histoire avec une confiance.
07:38 -Elle a décidé de passer.
07:42 Non, c'est jamais dû passer.
07:43 C'est passé.
07:46 Monsieur Van Gogh est peut-être pas un homme à prendre ses responsabilités.
07:51 -Pour Maurice, qui, donc, lui, était peintre avant de devenir cinéaste,
07:56 c'était un vrai problème d'être dans une forme d'imitation du geste.
08:02 Et donc, assez vite, il a décidé qu'on le verrait pas peindre,
08:07 pour lui, être dans quelque chose de peu crédible.
08:13 Et d'ailleurs, la seule main qu'on voit peindre dans le générique,
08:17 c'est la sienne, en fait.
08:19 Enfin, je veux dire, la sienne, c'est la de Maurice.
08:21 ...
08:34 Il fait pas de pathos du tout, comme on dit maintenant.
08:37 C'est...
08:38 Il y a de la douleur et des souffrances, justement,
08:41 mais qui sont toujours cachées,
08:44 enfin, en tout cas retenues.
08:46 Il y a de la pudeur.
08:48 L'oreille, c'est pareil.
08:50 Au début, il se disait qu'il fallait faire un trucage,
08:52 et alors, il y a une scène, fait...
08:55 "Alors, dis donc, ton oreille, ça va mieux ?"
08:57 Il fait...
08:58 Il s'en fout, de ces trucs-là.
09:00 -Qu'est-ce que t'avais ? T'avais avalé quelque chose ?
09:03 -Là, ça, c'est fini, maintenant.
09:05 -Eh dis donc, on voit plus rien ?
09:06 -Oui, j'en fais...
09:08 ...
09:10 -Sauf que il vous aspire, dans sa vision,
09:13 dans son imaginaire,
09:17 sur la basse...
09:18 C'est comme...
09:19 On peut dire qu'il y a une connivence
09:23 entre ce personnage et Maurice, forcément.
09:25 Il y a quelque chose-là
09:27 dans lequel il a pu, à un fois, se projeter.
09:30 -Vous me demandez pas ce que j'en pense ?
09:32 -Je m'en fous.
09:33 -C'est comme ça, les peintres, je les adore.
09:42 -C'est la grande magie du film, je pense, de Maurice,
09:47 c'est qu'on voit là un personnage, effectivement,
09:50 qui a souvent été traité sous ces aspects-là,
09:53 d'énergie destructrice.
09:56 Et là, on voit un homme, à la fois d'une douceur,
09:59 d'une simplicité,
10:01 et évidemment, un homme qui n'imagine même pas
10:07 le destin qui va s'accomplir après.
10:09 C'est un beau personnage, certes,
10:11 mais qui est traité d'une manière tout à fait magnifique.
10:15 Maurice a saisi quelque chose, là,
10:17 sur l'énergie de la création, qui est remarquable.
10:22 -Souris.
10:23 Les hommes ont bien fait la vie.
10:30 Dans un village, il y a de la place pour tout le monde.
10:33 -On est touché.
10:35 On ne sait même pas comment l'analyser, quand un film est comme ça.
10:39 C'est pas... C'est cette histoire, ce peintre,
10:42 on connaît aussi, c'est l'autre cinglé qui peignait des trucs,
10:45 qui n'avait pas une thune,
10:46 et puis après, il a gagné des milliards, c'est un peu...
10:49 En réalité, voilà, c'est quelque chose de tellement...
10:54 qui peut vous toucher,
10:55 parce que c'est la grâce même de quelqu'un
10:58 qui ne sait même pas qu'il est gracieux.
11:00 C'est pas mal.
11:01 -Retrouvez "Van Gogh" de Maurice Pialat
11:07 actuellement sur Ciné+ Classique et à tout moment sur MyCanal.
11:10 ...
11:24 "Défis pour l'armée", le soldatesse 1965,
11:27 est une oeuvre méconnue du grand Valério Zurlini
11:30 dans une filmographie qui ne compte que huit films.
11:33 Si "Défis pour l'armée" est més estimé,
11:35 c'est sans doute qu'il est un des rares films de son époque
11:39 qui a donné une vérité sur le comportement des Italiens
11:42 pendant la guerre.
11:43 1942.
11:44 Dans une Grèce en proie à la désolation
11:46 et occupée par les troupes italiennes,
11:48 le lieutenant Martino, Thomas Milan,
11:51 accepte la mission d'escorter des prostituées
11:53 destinées à rejoindre des bordels militaires.
11:56 Durant un voyage semé d'embûches,
11:58 il va éprouver de la solidarité et de l'affection pour ses filles.
12:01 Le film montre combien Zurlini est resté proche du néoréalisme.
12:05 Comme Rossellini,
12:06 il filme les conséquences destructrices de la guerre
12:09 sur la population civile,
12:10 mais ici, ce sont des soldats italiens qui sont les occupants
12:13 et commettent des crimes.
12:15 Écoutons le Zurlini interrogé par Jean Gilly.
12:17 ...
12:44 ...
13:05 L'autre aspect rare du film tient dans sa dimension féministe
13:08 quasi inédite pour l'époque.
13:10 Les prostituées grecques,
13:12 qui ont une réouverture aux désirs des soldats italiens,
13:14 renvoient à une critique du virilisme mussolinien
13:17 et à son système phallocratique.
13:19 Le corps de ces femmes devient une marchandise livrée par camion
13:22 et parquée dans des baraquements.
13:24 ...
13:39 -Gourougne !
13:41 ...
13:42 -Bonne soirée !
13:43 -C'est bon, il y a des femmes ! -Mille ans de femmes !
13:47 -Accommodatez-vous, officiels.
13:49 Pour nous, ce soir ou demain, c'est la même chose.
13:53 Une de nous a la syphilis.
13:57 Allez, maintenant, si vous voulez.
14:00 -Mais non, non, l'état est rétard. -Que dis-tu, tenant-docteur ?
14:05 -Mais, je ne le sais pas. Je l'ai déjà visité.
14:08 -Devrais faire la vassalmane avant. -Et puis, qu'est-ce que tu fous ?
14:11 -Si, et en tant que d'entre, ils nous frappent le lieu.
14:14 -Laisse-les perdre, allez.
14:15 -Mais si, non.
14:17 -Mais si, allons-y.
14:18 -Fais passer la meilleure. -Moi aussi, elle est passée.
14:21 -Je n'y suis pas.
14:22 Laisse-les perdre.
14:24 ...
14:32 -Va mourir ammazzata.
14:34 -Grazie.
14:35 -Mais ces femmes restent dignes et fortes,
14:38 incarnées par Anna Karina, Marie Laforêt et Léa Massari.
14:42 Elles sont magnifiquement mises en lumière
14:44 par le chef opérateur Tony Nodeli-Coli.
14:46 Alors, foncez sur le rare et bouleversant défi pour l'armée 1965
14:51 dans le cadre de la nuit du cycle Zurlini,
14:54 composé de six films du maestro
14:56 et du documentaire Valerio Zurlini, peintre des sentiments,
14:59 sur Ciné+ Classique et à tout moment sur MyCanal.
15:03 ...
15:08 Habitué à la composition pour le théâtre et le cinéma,
15:12 le pianiste de formation Antoine Bataille nous déclare son amour
15:15 pour une bande originale un peu particulière,
15:17 celle de "Buffet froid" de Bertrand Bliez,
15:19 dans laquelle les bruitages précis forment une symphonie percussive
15:23 qu'il décrypte pour "Votre vie va".
15:25 ...
15:33 "Buffet froid" contient très peu de musique,
15:36 mais énormément de sons percussifs
15:38 et qui colorent énormément le film
15:42 et qui insèrent toute la tension du film.
15:46 ...
15:49 Tout le générique se déroule avec ce bruit permanent d'escalator.
15:52 ...
15:54 Et qui, dans un espace vide comme ça, est source de tension.
15:58 ...
16:01 Et tout d'un coup, on voit Depardieu descendre de l'escalator.
16:05 ...
16:07 On entend ses pas.
16:08 Avec toujours l'escalator,
16:10 mais le mixage baisse légèrement l'escalator
16:13 et on n'entend plus ses pas.
16:15 ...
16:17 Et le rythme des pas baisse.
16:18 Il crée vraiment la scène de crime idéale.
16:21 ...
16:22 Après, il y a tout un long silence
16:25 qui est très chargé d'une espèce de matière de souffle.
16:30 ...
16:32 Depardieu s'assoit à tout près de Serot et regarde Serot.
16:34 Qu'est-ce qu'il a se passer ? L'espace est totalement vide.
16:37 -Qu'est-ce que vous regardez ? -Qui ? Moi ?
16:41 -Oui, vous, qu'est-ce que vous regardez ? -Rien.
16:44 -Si, je m'excuse, mais vous regardez quelque chose.
16:46 -Je regardais votre oreille.
16:48 -Qu'est-ce qu'elle a, mon oreille ? Vous êtes autorhino ?
16:52 ...
16:58 -Tu ne fermes pas la porte, aujourd'hui ?
17:00 ...
17:02 -Je vais assister à un meurtre dans le métro.
17:04 -Tu pourras donner un coup d'éponge à la toile serrée.
17:07 -Ca, c'est génial. Il y a 3 rythmiques différentes.
17:10 Il va juste de la cuisine à la table.
17:13 Il prend l'éponge et...
17:15 ...
17:17 C'est génial.
17:19 Normalement, on ne les entend pas ensemble, mais il y a vraiment les pas.
17:23 C'est fabuleux.
17:26 Sa femme fait de la purée. Elle fait ce purée qui fait...
17:29 ...
17:33 Et évidemment, tout ça, normalement, est séparé.
17:37 Mais...
17:40 ...
17:49 On pourrait, littéralement, faire une petite symphonie bricolée
17:53 avec tous ces sons.
17:55 On a quelque chose qui est plus de l'ordre de la percussion
17:58 que de l'ordre du simple son, quoi,
18:02 du simple son d'illustration de film.
18:05 ...
18:07 -Très heureux.
18:08 -Ca crée une tension, du nerf, quelque chose qui s'étire,
18:12 qui va exploser, qui tend vers quelque chose
18:16 et qui ne lâche jamais, sauf...
18:19 ...
18:20 C'est vraiment le 3e âge.
18:22 -Il y a la séquence de fin à la campagne,
18:25 où ils sont emmerdés par les oiseaux.
18:27 Sauf que tout d'un coup, il y a le silence total,
18:31 ça devrait faire plaisir à Blié.
18:33 Depardieu dit ça, ça devrait se faire plaisir.
18:36 ...
18:38 -Alphonse.
18:39 ...
18:42 -Quoi ?
18:43 -Tu remarques rien ?
18:46 ...
18:50 -Cette chose du travail de la matière,
18:52 comme un sculpteur sculpte une matière,
18:55 est aussi importante que le choix d'une note.
18:58 Et donc, dans un film comme ça, oui,
19:01 tous ces sons et l'orchestration de tous ces sons
19:04 font autant sens que si un compositeur
19:10 avait fabriqué spécialement une musique pour...
19:13 ...
19:14 -Ecoutez "Forêt", 8e album d'Antoine Bataille,
19:17 qui sera en concert le 21 novembre au Café de la Danse à Paris.
19:20 ...
19:29 En 1958, Mario Monicelli signe "Le pigeon".
19:32 Le film raconte l'histoire d'un cambriolage
19:35 par une bande de bras cassés,
19:36 devenu l'un des films emblématiques de la comédie italienne.
19:40 Sommet de drôleries, plein d'humanité,
19:43 "Le pigeon" est l'un des films fondateurs de la cinéphilie de Pierre Salvadori,
19:46 réalisateur, entre autres, de "Dans la cour" et "En liberté".
19:49 ...
19:57 -Pas de bras !
19:58 ...
19:59 Prontes-vous ?
20:00 ...
20:02 -C'est intéressant, cette idée que le casting rassemble plein de générations,
20:05 parce qu'il y a Toto, qui est presque l'incarnation d'une autre époque,
20:09 peut-être d'un style de jeu un peu plus accentué,
20:11 même si, dans les comédies italiennes,
20:13 les acteurs surjouent leur pathétique, leur misère,
20:16 leur bêtise, même, parfois, ou leurs émotions.
20:20 Mais Toto, il vient d'un autre cinéma,
20:24 et il est intégré et absorbé dans "Le pigeon".
20:27 Il y a Claudia Cardinal, on sent bien que c'est la génération qui arrive,
20:30 et puis il y a des stars établis, Gassman...
20:32 C'est vraiment un film de stars, Gassman, Mastroianni, tout ça,
20:35 mais qui jouent tous avec beaucoup d'humilité, à égalité.
20:38 C'est un film de bande.
20:39 Un instant !
20:41 Calme-toi, vous ne vous en faites pas confiance ?
20:45 Que cherchez-vous ?
20:47 Je suis le propriétaire.
20:51 Cosimo m'a dit.
20:52 - Que fais-tu avec cette bouteille ? - Comment ça, "Cosimo" ?
20:56 Bien sûr, on fait le travail ensemble, tous les deux.
20:59 "Le pigeon" a un sous-texte social fort,
21:02 c'est un changement d'époque, c'est l'arrivée du capitalisme,
21:08 la construction, et partout, les immeubles qui montent,
21:10 les gens qui sont chopés dans la rue pour aller travailler,
21:13 la peur du travail dur, comme ça, c'est l'histoire de voleurs,
21:17 et de gens qui ne veulent pas travailler,
21:18 mais c'est aussi l'histoire de gens qui tout doucement renoncent à un idéal de vie,
21:23 un peu languoureux, et qui ont très peur de l'avenir.
21:28 C'est des histoires d'échecs, "Le pigeon".
21:31 Ça commence par un échec, avec des mecs qui essaient de braquer une voiture,
21:35 ça finit par un échec, c'est parcouru constamment par l'échec.
21:38 Chaque scène est le récit d'un mini-échec, c'est la chronique de l'échec permanent.
21:42 - Visite la casse-forte, fais attention, ouvre l'œil.
21:45 Ouvre l'œil, regarde comment tu fais.
21:47 Tu verras que la prise...
21:49 - Tourne-toi. - Ah, bon.
21:51 - Mais c'est quoi, ça ? - C'est la prise de pression !
21:55 - C'est pas la même étape que la dernière ! - Je sais.
21:57 - Viens, maintenant, restez calmes ! Restez calmes !
22:00 - Mais non, tu vas à la porte ! - Mais qui est-ce qui fait ça ?
22:04 - Il y a plein de petites images comme ça, très réalistes, très justes et très intéressantes.
22:08 Par exemple, je pense aux scènes de prison, parce que la prison est omniprésente dans le film.
22:12 C'est vraiment un... C'est comme un deuxième habitat possible.
22:15 Il y a une scène de prison que je trouve très émouvante, c'est qu'à un moment, il y a des mecs qui fument.
22:19 Et pour économiser la fumée de la cigarette, ils remplissent une bouteille
22:25 pour pouvoir fumer une deuxième fois ou passer la fumée à des gens qui n'ont pas de...
22:28 qui n'ont pas de clope. Et ça, c'est vraiment...
22:31 On sent que c'est une scène vécue, réaliste et juste.
22:34 Donc ça, ça donne au film sa dimension vraiment très particulière.
22:38 J'avais rencontré Monicelli et il m'avait raconté cette anecdote
23:02 qui ressemble à quelque chose d'un petit peu... d'un paradis du cinéma,
23:05 et un peu utopique et beau, où tous les cinéastes et les scénaristes
23:09 se retrouvaient toujours au même café, au même endroit,
23:11 et ils échangeaient leurs scénarios, ils échangeaient leurs idées.
23:14 Alors, on fait tous ça. On a un ou deux copains qui ont fait lire son prochain film, etc.
23:18 Mais là, on avait l'impression qu'il y avait une espèce de microcosme un peu utopique et délicieux,
23:22 où ils se retrouvaient au café, on imagine plein de choses assez romantiques et belles,
23:26 où ils se passaient leurs scénarios.
23:28 Les apprentisses avaient été aspirées de près par le pigeon, mais pas par le film,
23:31 plus par le souvenir du pigeon.
23:33 Quand vous êtes enfant, vous voyez ces films. Vous voyez les films italiens.
23:36 Vous voyez les félines, vous voyez les Monicelli, vous voyez tout ça.
23:39 Et mon père m'avait emmené voir les pigeons et je le voyais rire à côté de moi,
23:43 et ça m'avait vachement impressionné.
23:47 Et quand j'ai fait Les apprentis, je me suis dit "Ah, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça".
23:51 Et je me suis dit "Ah, c'est ça, c'est ça, c'est ça, c'est ça".
23:53 Et ça m'avait vachement impressionné.
23:56 Et quand j'ai fait Les apprentis, il y a toute une atmosphère,
23:59 certainement très imprégnée, très inspirée par le pigeon.
24:02 Et puis il y a une scène de braquage, comme ça, totalement foireuse,
24:05 qui est très inspirée par le braquage du monde piété dans le pigeon,
24:08 avec des gens qui ont peur, qui ne savent pas faire,
24:11 et qui sont maladroits et drôles.
24:14 - Et battez bien, que tu l'as tout éteint. - Mais je dois bien le taper.
24:18 - Je vais essayer ici. - Tout est en ordre.
24:23 - Oui, on fait un travail scientifique.
24:25 - En avant.
24:31 - C'est tendre comme un poisson.
24:37 C'est une comédie qui ne vieillit pas parce qu'elle est extrêmement bien mise en scène.
24:41 Il y a un jeu très moderne, comme chez Lou Beach,
24:43 comme dans les grandes comédies qui ne vieillissent pas.
24:45 Il y a une écriture et des dialogues qui ne vieillissent pas
24:49 parce qu'ils sont précis et extrêmement inspirés.
24:52 Ils sont très inspirés. On ne les sent pas venir et ils sont très drôles.
24:56 Et puis il y a un scénario, je ne sais pas si...
24:58 Quand on le revoit, il y a quelque chose d'assez infaillible.
25:01 Il y a une construction extrêmement rigoureuse.
25:03 Donc ça ne vieillit pas parce que c'est un film rigoureux, inventif.
25:07 Donc ça n'appartient à aucune époque, ça appartient à toutes les époques.
25:11 - Retrouvez "Le pigeon" de Mario Monicelli sur Ciné+ Classique
25:14 et le dernier film de Pierre Salvadori, "La petite bande", en VOD sur MyCanal.
25:18 Et n'oubliez pas, votre Viva vous attend toujours sur les réseaux sociaux de Ciné+,
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