Lundi 13 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque lundi soir c'est le quart d'heure américain
00:08 et nous retrouvons notre correspondant américain Pierre-Yves Dugas avec nous en visioconférence.
00:13 Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup d'être avec nous.
00:16 C'est reparti pour le compte à rebours avant la perspective du shutdown de l'administration
00:22 américaine puisque je le rappelle la stopgap bill court jusqu'au 17 novembre.
00:28 Le 17 novembre c'est à la fin de cette semaine Pierre-Yves.
00:31 Oui on ne devrait pas se poser cette question bien entendu et si on peut se la poser il
00:38 ne faudrait pas qu'on se la pose tous les deux mois.
00:40 C'est ce qui se produit et même l'agence Moody's qui était la dernière à ne pas
00:45 avoir dit de choses trop trop désagréables à l'égard de l'annotation de la dette
00:50 du gouvernement fédéral américain a fini par lâcher le morceau il y a quelques jours
00:53 et son argumentation est parfaitement justifiée.
00:56 Shutdown ou pas shutdown, le dysfonctionnement politique aux Etats-Unis, ces risques réguliers
01:04 qui pèsent sur le fonctionnement normal de l'activité du gouvernement fédéral d'une
01:09 part et moins fréquemment mais tout de même trop souvent ces incertitudes sur l'éventuel
01:17 défaut du trésor américain tout ça n'est pas sérieux.
01:21 Je dirais pour répondre directement à votre question, si on a un shutdown il interviendra
01:29 à minuit vendredi, juste la semaine avant Thanksgiving, ça fait tout de même un petit
01:36 peu désordre pour les républicains qui sont universellement accusés d'être responsables
01:42 de cette situation puisque c'est un déchirement interne au parti républicain qui est essentiellement
01:49 responsable de ce problème.
01:50 Le nouveau speaker de la chambre Mike Jensen va-t-il bénéficier d'une lune de miel,
01:56 cette lune de miel lui sera-t-elle accordée par ses propres troupes ? Les démocrates
02:02 eux on sait qu'on ne peut pas compter sur eux mais une vingtaine de républicains populistes,
02:08 une vingtaine de républicains trumpistes sur un total de sièges à la chambre des
02:12 représentants de 221, hésitent et on saura ce soir avec le vote en commission et demain
02:20 avec un vote qui est prévu sur le floor de la chambre si cette fusée à deux étages
02:26 que nous propose le speaker de la chambre va permettre d'éviter un shutdown vendredi
02:31 soir.
02:32 Une fusée à deux étages qui est d'ores et déjà qualifiée de truc complètement
02:36 délirant par exemple Patty Murray, sénatrice de l'état de Washington qui dit carrément
02:44 je n'ai jamais entendu quelque chose d'aussi stupide.
02:47 De quoi s'agit-il ? De financer de manière temporaire une fois de plus le gouvernement
02:54 américain.
02:55 Cette fois-ci juste pour compliquer les choses on va introduire deux dates.
03:00 La première date étant une date pour ne pas dire de bêtises je vérifie mes notes
03:07 du 19 janvier pour le budget des anciens combattants, le budget de l'énergie, le budget de l'agriculture
03:14 et des transports et du logement.
03:16 Et puis il y aura une deuxième date le 2 février couvrant en particulier le département
03:23 du travail et le département de justice qui politiquement est toujours quelque chose de
03:26 très sensible même si les sommes ne sont pas considérables.
03:29 Pourquoi ces deux dates ? Parce qu'il s'agit dans la logique du speaker de suivre la lettre
03:37 de la constitution américaine et que la chambre des représentants se présente, se prononce
03:43 sur les 12 lois de finances qui constituent le budget américain.
03:48 A ce jour la chambre n'a voté que sur 7 de ces lois donc pour celles qui restent il
03:54 propose ce système à deux étages.
03:56 Le sénat de son côté s'est prononcé sur 3 de ces lois.
03:59 Horrible détail, ces versions ne sont pas compatibles.
04:03 Donc même s'il y a vote à la chambre sur les 12 lois il va ensuite falloir renégocier
04:07 avec le sénat.
04:08 Tout ça est une complication extrême, on ne voit pas comment ça peut être fait certainement
04:13 avant le 17 novembre et probablement pas avant le 19 janvier et peut-être pas non plus avant
04:20 le 2 février.
04:21 Donc peut-être pas de shutdown dans les tous prochains jours mais si j'avais à parier
04:26 je parierais qu'il y aurait une lune de miel un petit peu accordée à monsieur Johnson.
04:30 On lui donnerait le bénéfice du doute sur sa fusée à deux étages mais on se dirigerait
04:35 à ce moment-là vers un shutdown au début de l'année prochaine.
04:37 Bon, et bien voilà la séquence n'est pas terminée, il risque donc de se prolonger
04:42 autour du risque de fermeture des administrations américaines.
04:47 L'autre course qui nous intéresse dès à présent, un an avant l'élection présidentielle
04:52 américaine évidemment, c'est donc la course électorale avec là aussi des jeux qui sont
04:57 peut-être en train de se mettre en place.
04:59 Pierre-Yves, puisqu'on reparle de Joe Manchin, alors moi je m'en souviens c'était le sénateur
05:03 Pivot, le démocrate conservateur que tout le monde s'arrachait, que les démocrates
05:08 voulaient absolument garder mais que les républicains aimaient bien avoir aussi avec eux de temps
05:13 en temps.
05:14 Il faisait pas mal de loi républicaine quand il était, il est toujours je crois sénateur.
05:19 Pourquoi est-ce qu'on évoque la possibilité de voir Joe Manchin s'inscrire dans la course
05:24 à l'élection présidentielle et quelle est l'idée derrière, pour qui pourrait-il
05:29 rouler et qui aurait le plus à perdre d'une candidature potentielle possible de Joe Manchin ?
05:36 Alors là aussi il y a une fusée à deux étages.
05:38 Le premier étage c'est que Joe Manchin vient d'annoncer qu'il ne se présentera pas pour
05:46 les sénatoriales de novembre et que donc son siège de sénateur de Virginie-Occidentale
05:52 va devenir vacant.
05:53 C'est une catastrophe pour les démocrates parce qu'il est très probable, vu la dominance
06:01 des républicains maintenant en Virginie-Occidentale, que ce sera un candidat républicain qui lui
06:06 succédera.
06:07 Or, ça ne vous a pas échappé, mais la majorité des démocrates au Sénat à ce jour est de
06:13 51 voix contre 49 et lors des sénatoriales de l'année prochaine, les démocrates doivent
06:20 défendre 23 sièges, les républicains 10 sièges seulement.
06:24 Donc voilà qui complique les choses, qui force les démocrates à défendre un siège
06:32 dans une zone qui est qualifiée de rouge, puisque quand on est rouge sur la carte électorale
06:37 américaine, on est républicain, quand on est bleu, on est démocrate.
06:41 Premier étage de la fusée, donc complications pour les sénatoriales qui risquent de contribuer
06:46 à faire basculer le Sénat.
06:47 Mais le deuxième étage est encore plus juteux.
06:49 Parce qu'on se demande ce que le sénateur Joe Manchin a derrière la tête.
06:56 Il a 76 ans, il nous a fait un discours très présidentiel pour nous annoncer qu'il ne
07:00 se représenterait pas et qu'il va maintenant passer son temps à circuler aux États-Unis
07:05 pour porter très haut son message de politique disons centriste où on arrête avec les extrêmes
07:14 qui sont flattés tant par le parti démocrate que par le parti républicain.
07:17 Et tout cela ressemble énormément à une pré-annonce de candidature sur un ticket
07:25 qui serait cette fois-ci indépendant.
07:27 Et si Joe Manchin provoque une triangulaire aux États-Unis, les choses vont se compliquer.
07:36 Se compliquer a priori surtout pour Joe Biden.
07:39 Pourquoi ? Parce que les trumpistes vont voter pour Trump.
07:44 Les républicains conservateurs vont en partie re-voter pour Trump.
07:50 Les républicains modérément conservateurs et les centristes voteront pour Joe Manchin.
07:56 Côté démocrate, les démocrates de l'aile gauche sont très fâchés contre leur président
08:03 en ce moment à cause de sa prise de position de soutien à Israël.
08:07 Et la participation de l'aile gauche démocrate risque d'être plus faible l'année prochaine
08:14 lors des présidentielles en partie pour cette raison-là.
08:17 Et les démocrates, je dirais classiques, les démocrates plutôt centristes, les sociodémocrates
08:24 pour parler à l'européenne vont être tentés de voter pour Joe Manchin parce que c'est un centriste.
08:30 Et à ce moment-là, il peut manquer des voix à Joe Biden, sachant qu'aujourd'hui,
08:36 si l'on regarde les sondages nationaux, nous en avions parlé la semaine dernière,
08:41 en dépit de positions incompréhensibles prises par le parti républicain
08:45 qui lui sont nocives à l'échelon local sur l'avortement,
08:49 à l'échelon national, les républicains pour le moment gagneraient si Donald Trump se présentait.
08:54 Donc pourquoi Joe Manchin ferait-il cela ?
08:58 Il prend un risque énorme parce que dans les triangulaires,
09:02 les candidats indépendants se font régulièrement massacrer.
09:05 On se souvient peut-être de M. Anderson, on se souvient aussi de Ross Perot.
09:14 Il est très difficile de casser le duopole.
09:18 Mais cette année, c'est possible parce qu'à peu près 60 à 70 % des Américains,
09:25 tant républicains que démocrates, ne veulent pas de leur candidat.
09:29 Les démocrates ne veulent pas de Joe Biden et les républicains se pensent le nier de plus en plus fort.
09:36 Ce duel Biden-Trump est quelque chose qu'une grande proportion d'électorats américains ne veut pas revoir.
09:45 C'est peut-être 2024 l'année pour une triangulaire qui pourrait faire triompher Joe Manchin ou un autre.
09:51 Mais Joe Manchin a énormément d'avantages.
09:54 On le connaît, il a la représentativité de son nom.
10:00 C'est quelqu'un qui finalement peut être assez sympathique
10:04 et qui paraît extrêmement modéré au regard de Donald Trump.
10:08 Il va être mesuré très vite j'imagine dans les sondages, non ?
10:13 Avec l'intention peut-être d'une candidature à la présidentielle ?
10:17 Vous savez que c'est assez compliqué de vouloir se présenter aux élections présidentielles comme candidat indépendant
10:24 parce qu'il faut des comités de représentation dans les 50 États américains.
10:28 Chaque État a ses propres procédures.
10:31 Il faut aussi lever des fonds.
10:33 Et en fait, pour parler simplement, ce que Joe Manchin nous a annoncé en filigrane il y a quelques jours,
10:42 c'est qu'il est en train de se promener dans tous les États-Unis sur le circuit
10:46 pour voir si parmi les gens qui ont des poches profondes,
10:50 il y en a qui vont lui donner les millions nécessaires pour financer sa campagne
10:55 et se présenter sur les 50 bulletins dans les 50 États,
11:00 sachant qu'il faut que les choses soient réglées à peu près fin janvier
11:04 pour que cela ait à peu près une chance de fonctionner.
11:09 On peut imaginer aussi qu'il ne puisse pas le faire dans certains États marginaux.
11:14 Mais si Joe Manchin veut faire bien les choses,
11:18 il va falloir qu'il soit explicite et qu'il ait déjà des engagements très clairs de la part de grands donateurs
11:25 d'ici, je dirais, le début du mois de janvier.
11:29 Il y a beaucoup d'animosité entre Joe Biden et Joe Manchin.
11:34 Joe Manchin considère qu'il a été manipulé par la Maison-Blanche au moment du vote de l'IRA.
11:40 Il a mené campagne contre ce qu'il considère comme une politique
11:46 beaucoup trop excessive de transition climatique,
11:51 qui a laissé passer au second plan l'urgence du contrôle de la chaîne de production et d'approvisionnement
11:58 au profit de mesures qui coûtent très cher fiscalement et qui visent à subventionner la friguere électrique
12:05 alors que lui vient d'un État charbonnier et que c'est la mie du carbone.
12:09 Voilà un axe de différenciation pour Joe Manchin, peut-être demain dans la course à la présidentielle
12:15 avec ce roadshow, on appelle ça comme ça, sur les marchés, entamé par le sénateur de Virginie Occidental,
12:22 dans l'ensemble des États américains. Merci beaucoup Pierre-Yves.
12:25 Pierre-Yves Dugas avec nous chaque lundi 17h45 dans le quart d'heure américain en direct
12:29 et à retrouver bien sûr en replay sur bsmart.fr.
12:32 [Musique]