Adrien Montagut est chimiste lorsqu’il découvre le documentaire qui va changer sa vie ! Après avoir vu et revu “Demain”, le film réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, il souhaite plus que jamais proposer ses propres solutions pour adopter un mode de consommation plus respectueux de l’environnement. Il rejoint ainsi en 2016 l’association de trois amis nommée “Commown”, dont l’objectif est de fournir des appareils électroniques plus éthiques et durables. Pour y parvenir, Commown assure la location de smartphones, ordinateurs ou casques audio qu’ils fournissent à leurs clients, grâce à un principe d’abonnement. En échange, ces clients bénéficient de services, de réparation notamment.
Aujourd’hui, la coopérative située à Strasbourg, compte 31 salariés mais les débuts n’ont pas toujours été faciles. Comment trouver des partenaires financiers lorsque l’on ne choisit pas un modèle marchand classique ? Pour Adrien Montagut, un changement radical de paradigme est indispensable dans ce secteur. C’est pour cela que Commown a rejoint le groupe des “Licoornes”, un groupe où le modèle économique est entièrement coopératif. Dans cet épisode du podcast “Impacts Solidaires” présenté par la journaliste Elisabeth Assayag, Adrien Montagut décrypte la mise en place, le fonctionnement et les valeurs de son projet. Ce podcast est une production Europe 1 Studio en partenariat avec France Active et avec le soutien de Mirova Foundation.
Retrouvez "Impacts Solidaires, le podcast des entrepreneurs engagés" sur : http://www.europe1.fr/emissions/impacts-solidaires-le-podcast-des-entrepreneurs-engages
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00:00 J'étais un peu défaitiste, je me disais "ça sert pas forcément à grand chose d'entreprendre quoi que ce soit,
00:05 on va dans le mur, donc autant m'épanouir dans mon travail".
00:09 À l'époque, j'étais chimiste organicien.
00:11 Le déclic, c'est en 2015, mon travail c'est valoriser le pétrole.
00:15 Et donc ma sœur me tanne pour absolument que j'aille voir le documentaire "Demain",
00:19 réalisé par Cyril Dion et Melanie Laurent.
00:21 Et je suis persuadé à ce moment-là que je vais voir un film déprimant et moralisateur.
00:25 Et je vois l'inverse de ce à quoi je m'attendais, à savoir un film qui expose des gens
00:30 qui s'engagent pour des valeurs fortes et qui s'épanouissent dans cette action,
00:33 indépendamment du résultat de celle-ci.
00:35 Et c'est très profondément communicatif en fait.
00:38 La vie d'Adrien Montagu bascule en 2015.
00:46 Alors qu'il termine son post-doctorat à Orléans,
00:49 le jeune trentenaire se dirige tranquillement vers une carrière de chimiste dans les cosmétiques.
00:55 Le documentaire de Cyril Dion et Melanie Laurent va donc radicalement changer son destin.
01:02 Je m'appelle Elisabeth Assayag et vous écoutez Impact Solidaires,
01:06 le podcast des entrepreneurs engagés.
01:09 Vous êtes un acteur de l'économie sociale et solidaire ?
01:13 Vous avez envie d'entreprendre mais vous hésitez encore à vous lancer dans l'aventure ?
01:17 Bienvenue dans ce podcast produit par Europe 1 Studio en partenariat avec France Active.
01:23 Après avoir vu et revu le documentaire Demain,
01:28 Adrien Montagu lance en 2016 un festival consacré à la semaine de la transition sur le campus d'Orléans.
01:36 L'année suivante, il oublie sa future carrière de chimiste
01:40 et rejoint une petite association avec trois amis, son nom, Comaun.
01:45 C'est un fournisseur militant d'appareils électroniques
01:48 qui lutte contre l'obsolescence programmée par une proposition de service.
01:52 On va proposer aux clients de souscrire un abonnement
01:55 qui va leur permettre d'obtenir un smartphone, un ordinateur ou un casque audio
02:00 avec du service, la prise en charge des pannes, des casses, l'assistance à l'usage
02:04 qui auront pour objectif de faire durer le plus longtemps possible l'appareil.
02:07 C'est à chaque fois des appareils qui sont soit particulièrement réparables,
02:11 soit conçus pour durer ou qui sont plus éthiques.
02:15 L'avantage, c'est que le Fairphone concentre ces trois caractéristiques.
02:18 Fairphone, c'est à la base une association qui milite contre le fait
02:23 que des enfants travaillent en République démocratique du Congo.
02:26 Pour ça, ils ont lancé une entreprise pour développer un téléphone plus éthique.
02:29 Comaun, c'est Elias Heman, un de mes amis d'enfance qui a eu l'idée au départ,
02:34 qui arrive au cours de 2016. Son constat était le suivant.
02:40 Fairphone développe un téléphone qui est fait pour durer et le vend.
02:43 Il voulait aller un peu plus loin en proposant un modèle déconnu de la fonctionnalité
02:47 où on passe à la location et où le client n'est plus propriétaire d'un produit
02:51 mais bénéficiaire d'un service. C'est à partir de 2016 qu'Elias a eu l'idée de Comaun
02:56 et on a lancé la coopérative de manière effective en janvier 2018.
03:07 Le statut de SIC, de Société Coopérative d'Intérêt Collectif,
03:10 permet de rassembler autour d'une même structure tout un ensemble de partenaires
03:15 dans une perspective d'intérêt collectif.
03:17 Cette ouverture-là a plusieurs avantages. Le premier, c'est la transparence et l'accès à l'information.
03:22 N'importe qui peut avoir accès au bilan comptable, au rapport d'activité.
03:25 On est sur une personne égale une voix.
03:27 Indépendamment de l'apport qu'on va mettre dans la coopérative, on aura un vote.
03:31 Les parts ne peuvent pas être vendues par les sociétaires à l'extérieur de la coopérative.
03:35 C'est uniquement la coopérative qui peut racheter les parts.
03:37 Donc il n'y a pas de plus-value de cession.
03:39 Au moment de transformer l'association en Société Coopérative d'Intérêt Collectif,
03:43 à ce moment-là, on avait déjà une centaine de sociétaires présents autour de la table.
03:49 Et normalement, quand on crée une structure de ce type,
03:52 il faut faire une assemblée générale constitutive
03:54 dans laquelle on rassemble tous les sociétaires pour valider les statuts, etc.
03:58 Et nous, à ce moment-là, on avait déjà 100 personnes réparties sur l'ensemble du territoire français.
04:03 On avait même des gens en Outre-mer qui devaient signer un papier.
04:07 Et donc, on a bataillé pour faire reconnaître la signature électronique.
04:11 Autrement, on aurait dû envoyer nos statuts et les papiers de l'Assemblée Générale en moins d'une semaine.
04:17 Donc c'était juste impossible, puisqu'en plus on devait faire signer tous ces papiers entre Noël et Jour de l'An.
04:21 Donc on a réussi la gageure de réussir à faire signer tout le monde par voie numérique
04:27 et faire reconnaître cette signature qui, à l'époque, ça commençait tout juste.
04:30 Il y avait encore des réticences.
04:31 Parce qu'en fait, tout est lié.
04:33 C'est-à-dire que si on ne peut pas déposer les statuts, on ne peut pas ouvrir un compte en banque,
04:37 on ne peut pas obtenir des papiers du tribunal administratif.
04:41 C'est tout un processus administratif où on a l'impression que tout est intrinsèquement lié.
04:46 Et si on n'a pas le compte en banque, on ne peut pas avoir les prêts financiers
04:49 qui nous permettent d'acheter les appareils et qui nous permettent de les livrer.
04:52 Et on était dans des délais très courts.
04:55 Donc c'était un peu stressant, mais bon, en même temps, c'est amusant.
05:00 Le modèle économique de ce type de structure, c'est qu'on achète les appareils auprès de producteurs.
05:05 Donc on a de la trésorerie à sortir.
05:07 Et on amortit ces appareils dans le temps long par l'intermédiaire de mensualité.
05:11 Donc c'est un petit peu à l'inverse des modèles marchands habituels.
05:15 Et donc c'est vrai que ce n'est pas un modèle classique.
05:18 Donc les prêts financiers sur ce type de montage-là sont particulièrement capitaux tractés.
05:25 Et il faut vraiment les observer de près.
05:29 Ça prend énormément de temps d'analyse, etc.
05:32 Et donc tous les partenaires financiers n'étaient pas prêts à nous suivre comme ça en claquant des doigts.
05:37 Donc au tout début, il y avait France Active et l'ANEF, une banque éthique,
05:41 qui nous ont soutenus au tout départ alors qu'on était une association,
05:44 à hauteur de 60 000 euros pour lancer la première commande.
05:50 Donc c'est vraiment ces deux acteurs-là qui nous ont fait confiance
05:53 et qui nous ont permis de nous lancer alors même qu'on n'avait encore rien prouvé.
05:57 Si ce n'est qu'on avait une base de 100 clients potentiels qui nous disaient
06:01 "On croit en cette solution, allez-y".
06:04 Il faut imaginer les amis d'Adrien, Florent et Fred,
06:08 assemblant et réparant des téléphones dans leur petit salon de Strasbourg.
06:13 Puis l'équipe de Come On s'installe dans une ancienne menuiserie.
06:18 Arrive ensuite le premier alternant, puis la première stagiaire,
06:23 qui deviendra la première salariée.
06:26 Et après avoir accompagné le Fairphone 2,
06:29 arrivent les Fairphone 3, 4 et 5 et le temps de la diversification.
06:35 Notre modèle, il nécessite de continuellement rechercher de l'argent.
06:39 Donc une fois qu'on avait livré le premier lot,
06:42 c'était un peu notre première preuve de concept,
06:46 on a pu retourner voir nos partenaires financiers
06:49 pour solliciter d'autres montants un peu plus importants pour développer l'activité.
06:53 On ne va pas convaincre des investisseurs
06:55 qui cherchent à avoir de la rentabilité sur leur investissement.
06:58 En général, quand on leur dit "une personne = une voix",
07:01 "pas de plus-value de session" et "très peu de distribution de dividende",
07:04 il n'y a plus personne autour de la table.
07:06 On va voir des partenaires de l'économie sociale et solidaire
07:09 qui ont l'habitude de financer ce type de projet un peu plus vertueux,
07:12 sans forcément avoir pour seul objectif la rentabilité de leur argent.
07:15 Donc le France Active, la Nef, le Crédit Coopératif, la Socoden,
07:20 ce sont tous des partenaires financiers
07:23 qui ont l'habitude de supporter ce genre d'initiatives.
07:26 Et on va voir aussi les citoyens et citoyennes.
07:28 C'est-à-dire que sur notre site web, les gens peuvent nous financer.
07:31 À partir de 100 euros, ils doivent prendre 5 parts pour être sociétaires,
07:35 pour être actionnaires de la coopérative.
07:38 À partir de 5 parts à 20 euros, ils ont accès au bilan comptable.
07:41 Et donc de cette sorte-là, juste par l'existence de notre coopérative,
07:45 on a levé près de 400 000 euros chez les citoyens et citoyennes.
07:49 Aujourd'hui, Commaun est installé dans des locaux de 500 m² à Strasbourg
08:00 avec plus de 30 salariés.
08:02 L'objectif est de s'adresser aussi bien aux entreprises qu'aux particuliers.
08:07 L'autre idée pour cet acteur de l'économie sociale et solidaire, le SS,
08:12 est aussi de faire travailler ensemble différentes coopératives,
08:15 comme avec le projet des Licornes.
08:18 Donc les Licornes avec deux O, c'est en fait un pied-nez aux Licornes avec un seul
08:23 qui mette comme objectif uniquement la rémunération du capital,
08:26 puisque ce sont ces start-up valorisées à plusieurs milliards
08:29 qui, indépendamment de leurs impacts sociaux ou environnementaux...
08:32 Et donc on s'est rassemblés à 9 coopératives au départ.
08:35 Dans Commaun, on avait Télécop, on avait MobiCop, Enercop, Lanef, Copcircuit,
08:42 Rycop, Label Emmaüs et on avait également Cities qui propose de l'auto-partage de voitures.
08:49 Et puis là, en septembre 2023, 4 autres structures nous ont rejoints,
08:54 à savoir WinCop pour du fret à la voile, Tank, une alternative à Netflix
08:59 qui produit des documentaires de qualité, Etikado, alternative aux cartes-cadeaux
09:04 qui habituellement orientent vers Amazon, là on est plutôt vers les acteurs de l'USS,
09:08 et Biocop que tout le monde connaît.
09:10 Pour les personnes qui hésitent aujourd'hui à entreprendre,
09:19 je les invite à se faire confiance, à savoir saisir des opportunités
09:22 et à mettre en accord leur action avec leurs valeurs.
09:26 Donc si on regarde dans le rétroviseur, à l'époque où j'étais à Orléans en post-doc,
09:31 dans mon labo de chimie, d'une part je n'aurais pas pensé que je sois encore chez Coma One aujourd'hui,
09:36 parce qu'au départ j'avais dit à mes associés que je n'allais rester que trois ans,
09:39 mais il s'avère que je m'amuse bien et que je n'ai pas trouvé quelque chose de mieux à faire,
09:42 donc je continue. Et d'autre part, c'est vrai que le temps est passé vite,
09:45 aujourd'hui on est 31 salariés, et je n'aurais jamais imaginé un jour faire passer des entretiens d'embauche
09:50 et me retrouver dans la posture d'un dirigeant un peu malgré moi,
09:54 même si on a une approche du travail et de la hiérarchie qui est différente de chez nous,
09:57 c'est vrai que c'est quelque chose que je n'aurais jamais imaginé en fait.
10:00 De devenir patron, oui.
10:02 Vous venez d'écouter Impact Solidaires, un podcast Europe 1 Studio,
10:13 en partenariat avec France Active et avec le soutien de Mirova Fondation.
10:18 Production Sébastien Guyot, réalisation Christophe Daviau.
10:23 A très vite pour un prochain épisode sur le site et l'appli Europe 1 et toutes vos plateformes d'écoute.
10:29 [Musique]
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