LEGENDS_MECHNER

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Transcription
00:00 Le monde du jeu vidéo se divise en deux écoles.
00:02 Y'a les jeux au graphisme abstrait, qui reposent sur des visuels pas vraiment représentatifs
00:06 de la réalité, genre Journey ou Outer Wilds.
00:09 Et puis y'a les jeux qui veulent se rapprocher du réel, les jeux au graphisme réaliste.
00:14 Parce que si on a tous pris une claque d'immersion en jouant à Heavy Rain, Hellblade, Red Dead
00:20 Redemption 2, Elenoir ou encore The Last of Us, c'est aussi parce qu'un jour, quelqu'un
00:25 s'est dit la chose suivante "et si on faisait un jeu qui copie le monde réel ?"
00:28 Ce fameux "quelqu'un" qui a eu cette idée, c'est un grand monsieur du jeu vidéo,
00:32 c'est Jordan Mechner.
00:33 Et en créant les premiers jeux réalistes, il a "révolutionné" l'industrie.
00:38 L'inventeur du jeu réaliste, c'est notre sujet du jour, bienvenue dans JVLegends.
00:44 Allez, je commence par une devinette.
00:49 Quel est le point commun entre le film Blanche Neige et les productions révolutionnaires
00:53 de notre créatif du jour Jordan Mechner ?
00:55 Pour vous aider, je vous les présente.
00:57 Chronologiquement, parmi les plus marquantes, y'a d'abord Karateka, Prince of Persia
01:03 et The Last Express.
01:05 Alors alors, une idée ?
01:06 Bien vu pour les deux du fond, toutes ces oeuvres, y compris pas mal de Walt Disney,
01:12 utilisent la même technique d'animation, la rotoscopie.
01:15 Alors non, c'est pas quand on nous met une caméra là où je pense, la rotoscopie
01:19 c'est l'art de décalquer la réalité.
01:22 En gros, on filme le réel et on en extrait des dessins, image après image, pour créer
01:28 de l'animation réaliste.
01:30 Blanche Neige, c'était d'abord un amas de séquences filmées qui servent de modèles
01:34 aux artistes qui s'en inspirent.
01:36 De cette manière, il décalque la réalité pour en faire une fiction artistique.
01:40 Pour les jeux vidéo de Jordan Mechner, c'est un peu pareil.
01:44 Quand il a l'idée d'utiliser la rotoscopie pour ses jeux, il l'ignore encore mais il
01:48 va révolutionner le gaming.
01:50 Pour la première fois, les joueurs vont ressentir de l'empathie, de leur personnage, du stress,
01:55 de la peur, bref tout un tas d'émotions qui n'auraient pas forcément pu exister
01:59 sans cette immersion par le réalisme.
02:01 Et pour les studios, c'est aussi le début d'une grande aventure dont on voit les ramifications
02:06 encore aujourd'hui.
02:07 Mais pour bien comprendre tout ça, il faut revenir à la base, à l'étincelle de génie.
02:12 Jordan Mechner a une enfance à peu près normale dans les années 60-70 à New York.
02:22 En grandissant, c'est un ado passionné de dessin, il est même plutôt bon et réalise
02:26 des caricatures qu'il vend pour se faire un peu d'argent de poche.
02:29 Il aime bien le sport aussi et pratique le karaté, wink wink.
02:33 Et puis côté art, il adore le cinéma.
02:36 Il se voit même réaliser des films plus tard, ce qui va le poursuivre dans sa carrière,
02:40 vous allez vite comprendre pourquoi.
02:42 Et puis évidemment, comme tout ado de son époque, quand il s'ennuie, il dit jamais
02:46 non à une petite partie d'arcade à la pizzeria du coin.
02:49 Un jour en parcourant un magazine d'informatique, il tombe sur des interviews, notamment une
02:54 d'un gros créateur de jeu qui a bâti un véritable empire tout seul en slip dans sa
02:59 cave en fabriquant des jeux vidéo.
03:01 Forcément quand on est ado, lire ça, ça déclenche immédiatement une sorte de vocation
03:06 et donc Jordan se lance immédiatement dans une nouvelle quête, celle qui lui dit de
03:11 créer des jeux pour devenir riche et célèbre.
03:14 Mais il y a deux problèmes.
03:15 Déjà, il faut un ordinateur et il faut surtout savoir coder.
03:19 Et dans les années 70, y'a pas de tuto YouTube, y'a pas internet, y'a pas de
03:23 visual scripting sur Unity ou Unreal.
03:26 Non non, il faut se farcir des gros bouquins de langage informatique, des manuels d'ordinateur
03:31 imbuvables et quand on grade du code, il faut être hyper assidu, à la moindre erreur,
03:37 ça plante sans explication.
03:38 C'est donc un art complexe et Jordan et ses potes vont tous en faire leur objectif
03:43 de vie durant leur scolarité.
03:45 Le groupe expérimente et s'améliore vite et Jordan devient rapidement l'un des plus
03:50 doués de la bande.
03:51 Fun fact, d'ailleurs il travaillera clandestinement pour sa prof de maths en lui écrivant des
03:56 pages entières de code qu'elle va ensuite revendre.
03:59 En contrepartie, la prof laisse Jordan accéder pendant quelques heures au gros PC de l'école
04:05 et à tout un stock de jeux piratés.
04:07 Alors là franchement, bravo l'éducation nationale.
04:10 Enfin bref, au bout d'un moment Jordan maîtrise les bases de plusieurs langages et il arrive
04:14 à se payer un ordinateur rien qu'à lui, un Apple II.
04:18 Le voilà donc prêt à coder ses premiers jeux.
04:20 Pour ça il fait ce qu'on appelle du reverse engineering, donc il prend des jeux finis,
04:24 il les dissèque, il intègre ses idées et ses graphismes, il referme le tout, hop hop
04:30 hop, deux points de suture et on a un nouveau jeu fonctionnel créé en un week-end de boulot.
04:34 Il va créer de cette manière pas mal de clones, dérivés de très grands classiques
04:39 du jeu d'arcade genre Pong, le casse-briques ou encore Astéroïd.
04:43 Y'a notamment un des projets, un Death Bounce, dont il est si fier qu'il va l'envoyer
04:48 à des éditeurs.
04:49 Après tout ça coûte rien et si ça marche il va être riche et célèbre avant même
04:53 d'être majeur.
04:54 Bon en réalité il redescend vite sur terre, notamment face aux menaces de procès pour
04:58 plagiat.
04:59 Jordan capte alors que pour avoir du succès il faut innover et les clones, même améliorés,
05:05 ça reste de pâles copies.
05:07 Un peu dépité, un matin il reçoit un coup de fil d'un éditeur qui est intéressé
05:11 par son profil.
05:12 Au téléphone on lui fait comprendre qu'il a du talent mais qu'il fait des jeux has-been.
05:17 Cloner Astéroïd ou Pong c'est SO1981 et on est en 1982 là Jordan, wake up quoi !
05:24 Je vous jure c'est comme ça qu'il explique le coup de fil.
05:26 Pour qu'il comprenne mieux la réalité du marché, l'éditeur va lui envoyer chez
05:30 lui un jeu qui vient tout juste de sortir.
05:32 Ce jeu c'est Choplifter et vous avez pas vraiment besoin de savoir grand chose dessus
05:36 si ce n'est qu'on y dirige à un hélicoptère qui doit se poser à plein d'endroits pour
05:41 sauver des petits personnages.
05:42 Et en y jouant Jordan va prendre une claque.
05:44 Plus que le gameplay, ce qui le fascine ici c'est l'empathie qu'il commence à éprouver
05:49 pour les bonhommes au sol.
05:51 C'est bête mais l'animation qu'ils ont, les grands gestes qu'ils font, il a envie
05:55 de les aider, c'est plus fort que lui, ça le fascine.
05:57 Et une fois qu'il a réussi à sauver les 64 personnages, autre surprise, le jeu est
06:02 terminé.
06:03 C'est pas un game over, non non, c'est la fin du jeu quoi, il a gagné.
06:07 Jordan Mechner, du haut de ses 17 ans vient de comprendre que le jeu vidéo peut avoir
06:12 un début et une fin et qu'on peut même éventuellement rajouter un scénario, des
06:16 rebondissements et un happy ending.
06:18 En gros il réalise qu'on peut faire autre chose que le jeu d'arcade, un style pensé
06:23 avant tout pour faire remettre une pièce dans des boucles de gameplay infinies.
06:27 Avec Choplifter, il savoure donc sa première véritable expérience de salon.
06:33 Convaincu, il se met alors au travail sur un gros projet qui va l'occuper pendant
06:37 deux longues années, son premier jeu dit réaliste, et c'est Karateka.
06:42 Pour créer du neuf, Mechner va désormais prendre l'habitude de s'inspirer du cinéma,
06:50 l'un de ses hobbies favoris.
06:51 Pour son nouveau jeu il part donc sur le cinéma de Kurosawa.
06:54 Il va mêler à une de ses autres passions, dans la vie, le Karate, un art martial dont
06:59 la prononciation a toujours fasciné les américains et les fans de Friends.
07:06 Concrètement, Mechner veut un jeu simple, c'est une ligne de gauche à droite sur
07:12 laquelle on progresse en affrontant plusieurs ennemis emblématiques.
07:16 C'est un peu l'ancêtre du Boss Rush quoi.
07:18 Ayant appris sa leçon avec Death Bounce et Choplifter, le jeu a bel et bien un début
07:22 et une fin.
07:23 L'objectif ici c'est de sauver la princesse des griffes du grand méchant, c'est classique,
07:27 c'est efficace, mais le vrai mawashi geri dans la tronche des joueurs, ce sont les graphismes
07:31 et surtout les animations des combattants avec leurs sublimes 8 images par seconde pour
07:38 bien découper les mouvements.
07:39 Je vous jure qu'à l'époque, quand ça sort en 1984, c'était une folie.
07:43 Enfin je crois.
07:44 Attendez je regarde les tests.
07:46 Alors euh… Oui effectivement, les testeurs comparent à l'époque la fluidité des
07:52 mouvements de Karateka à celle d'un vrai film d'action d'art martial.
07:57 Bon soyons indulgents, c'était y a 40 ans et peut-être que je sais pas moi en 2064,
08:02 on regardera Starfield en trouvant ça immonde.
08:04 Enfin bref.
08:05 Très vite, les joueurs de l'époque se demanderont comment Mechner a réussi à faire
08:10 de si belles animations et la réponse est simple.
08:13 Jordan s'est appliqué comme personne auparavant n'avait voulu le faire.
08:16 Il a demandé à son prof de Karate de faire quelques moves bien décomposés, il a filmé
08:22 le tout à la caméra Super 8, une caméra empruntée, puis avec la pellicule, il a
08:27 calqué le mouvement.
08:28 Ensuite, et c'est là que ça diffère par rapport au film d'animation, Jordan s'est
08:33 pris la tête.
08:34 Y a pas d'autre mot.
08:35 En fait il a codé des dizaines et des dizaines de lignes de code pour que chaque pixel de
08:40 chaque animation des personnages soit parfaitement synchro avec les poses qu'il avait filmé
08:46 et décalqué.
08:47 Et c'est ça le vrai coup de génie parce que encore une fois, on est au début des
08:51 années 80, y a aucune interface graphique quand vous créez un jeu et là le monsieur
08:55 il code des postures issues du réel et il les anime d'une main de maître sur une
09:00 base de 8 images par seconde.
09:02 Et il fait tout ça sur un Apple II, un truc qui a littéralement moins de puissance de
09:06 calcul que votre frigo.
09:07 Sans la rotoscopie de Karateka, difficile d'imaginer un tel essor et un tel engouement
09:12 pour le réalisme vidéoludique.
09:14 On serait peut-être passé à côté de toute cette hype autour des techniques comme la
09:19 motion capture ou la performance capture.
09:21 Tout ça, à la base, d'une certaine manière, ça part de l'idée de Mechner il y a 40
09:26 ans.
09:27 L'impact du jeu à sa sortie est tel que Jordan Mechner, âgé de tout juste 20 ans,
09:31 vend plus de 100 000 copies de son premier jeu et les ventes atteindront même plus d'un
09:36 demi million avec les années, ce qui est énormissime pour l'époque.
09:41 Convaincu d'avoir misé sur le bon cheval, son éditeur va motiver Jordan pour qu'il
09:46 fasse un nouveau projet, quelque chose de plus fort, de plus grand et de plus ambitieux,
09:50 un nouveau parcours, cette fois-ci semé d'embûches mais qui restera dans les annales, Prince
09:56 of Persia.
09:57 Pour cette nouvelle oeuvre, comme d'habitude, on va partir d'une inspiration cinéma.
10:04 Ici Jordan veut une épopée à l'image de celle qu'on vit au début du premier
10:09 Indiana Jones.
10:10 Vous savez, le temple, les pièges, les blocs pressions, les portes, le sol qui s'effondre
10:15 sous nos pieds et la boule géante là.
10:17 Voilà l'ambiance qu'il veut, par contre, pour le cadre, il s'inspire encore une fois
10:21 d'un truc personnel, le recueil des mille et une nuits, des contes qu'il lisait étant
10:26 enfant.
10:27 Prince of Persia ce sera donc un jeu de plateforme, l'histoire d'un type bloqué dans un labyrinthe
10:32 en gros truffé de pièges, au bout duquel se trouve une princesse qu'il doit secourir.
10:36 Voilà son nouveau cocktail et comme on dit, y'a plus qu'à.
10:39 Dans une des nombreuses interviews que Jordan a donné après coup, y'a un passage qui
10:44 m'a marqué.
10:45 Jordan dit que dans son jeu, il voulait qu'on se sente comme Indiana Jones lorsqu'il fait
10:50 ce saut là.
10:51 C'est à dire qu'en pressé par les événements, il hésite, il saute et il se rattrape in
10:55 extremis pour finir par se hisser.
10:57 Il dit que d'habitude, dans un jeu vidéo, un saut, soit ça passe large, soit ça passe
11:02 pas du tout.
11:03 Lui il veut instaurer une sorte d'entre deux où on sait pas trop, on se rattrape de justesse
11:08 pour se hisser sans trop savoir si on va survivre.
11:10 Encore une fois, c'est les années 80 et si aujourd'hui ça paraît assez commun
11:14 de faire ce genre d'idée dans un saut et dans une anime de saut, c'était pas du
11:18 tout la norme à l'époque.
11:19 En proposant ça, Mechner c'est clairement un avant-gardiste, quelqu'un qui va donner
11:24 à son audience un peu de frisson.
11:26 Perso ça me fait penser un peu à ce qu'a voulu faire Spielberg dans Jurassic Park avec
11:30 ce fameux plan de fou lorsque le Vélociraptor manque de nous bouffer les pieds et que tous,
11:36 on a levé les jambes à ce moment là par réflexe.
11:39 Mechner veut nous faire vivre la même empathie dans Prince of Persia.
11:42 Dans son jeu c'est simple, tout ou presque veut vous buter et vous n'avez qu'une
11:47 toute petite heure pour retrouver la princesse.
11:49 Et le stress il est perpétuel parce que le temps restant il s'affiche régulièrement.
11:53 On aura donc vite l'habitude de voir le prince mourir, tomber, s'écraser, agoniser
11:59 et pour l'époque mine de rien ça devait être assez choquant.
12:02 Dans un sens c'est un peu comme ce qu'on a vécu avec le reboot de Tomb Raider en
12:06 2013 avec ses game over légèrement trop descriptifs.
12:10 Vous voyez ?
12:11 Bon bah c'est la même recette en fait, c'est l'empathie par la douleur.
12:15 Et cette empathie elle vient à l'époque du réalisme de la situation et du réalisme
12:19 des animations.
12:20 Encore une fois grâce à la rotoscopie, Mechner s'est surpassé.
12:24 Cette fois-ci Jordan a enrôlé son propre frère David Mechner pour qu'il serve de
12:28 cobaye dans une foultitude de prises de vue.
12:31 On le fait courir en ligne droite tout en le suivant à la même vitesse en voiture,
12:36 caméra braquée sur le sujet.
12:38 Ensuite on le filme réaliser toutes sortes de chutes, de demi-tours, d'escalade et
12:42 bah pour l'instant c'est tout.
12:45 Pas de combat prévu, à la base dans Prince of Persia.
12:48 Au bout d'un an et demi de taf, Jordan tient sa V1, il a amélioré les animes à travers
12:52 différents cycles d'optimisation du code et il pense tenir un truc concret.
12:56 Sauf que bah manque de bol, les gens trouvent ça super cool et très bien animé mais
13:01 un peu chiant quoi.
13:02 Pour les amis de Jordan, ça manque clairement de baston.
13:06 Mais Mechner il est bloqué, il a épuisé la totalité de la mémoire de l'Apple 2,
13:10 on peut juste rien rajouter par dessus.
13:13 Au fil des semaines, ne supportant pas vraiment l'idée que son prochain jeu puisse être
13:17 un échec, Jordan va tout casser.
13:20 Il va réécrire une grosse partie de son code, il va optimiser, il va libérer de l'espace,
13:25 il va réduire des portions du jeu et il va rajouter un système de combat qu'il va refondre
13:29 à de nombreuses reprises avant d'en être pleinement satisfait.
13:32 Côté animation, il refait quelques tournages mais finit par s'inspirer d'une boucle
13:37 vidéo de 6 secondes retrouvée dans un film Robin des bois des années 30.
13:41 Elle servira donc de chorégraphie au combat.
13:44 Rajouter un tout nouveau pan de gameplay aussi tard dans le développement, c'est clairement
13:49 pas idéal, ça va doubler le temps de prod, mais la vie est bien faite et Prince of Persia
13:54 tirera de ce remaniement d'excellents atouts.
13:56 L'un d'eux c'est le Shadow Man, une ombre maléfique, double du héros, comme ça on
14:02 économise la mémoire, et qui vient vous mener la vie dure au cours de l'aventure.
14:06 Elle nous piège, elle nous vole de précieuses potions de vie, elle finit même par nous
14:10 affronter en duel.
14:11 Mais contrairement aux nombreux ennemis du jeu, ici vous ne pouvez pas gagner.
14:16 En fait pour triompher, il faut ranger votre épée et sauter sur votre double pour l'enlacer
14:21 et ne faire plus qu'un avec lui.
14:23 Et là pardon mais c'est juste du génie.
14:25 Et même Hideo Kojima s'en est inspiré pour un moment clé dans un de ses jeux qu'on
14:30 citera pas pour pas spoiler.
14:31 Il n'empêche qu'avec tout ça, le développement de Prince of Persia n'a pas été de tout
14:35 repos.
14:36 Jordan a douté à de nombreuses reprises et il a même mis le projet en suspens pendant
14:39 plusieurs mois.
14:40 Sa sortie en 1989 c'est un petit miracle, mais les retours critiques ont beau être
14:45 très bons, la version de base, codée par Mechner sur Apple II, se vendra que très
14:50 timidement, l'Apple II étant devenue hyper vieillissant.
14:53 Il faudra attendre les nombreux portages qui commenceront seulement à faire le succès
14:58 de Prince of Persia et lequel aura une suite dirigée par Mechner dont on va pas forcément
15:03 parler.
15:04 Nous on va aller directement à son tout dernier projet, probablement le plus bluffant en terme
15:08 de réalisme et le plus acharné de tous, mais qui va malheureusement connaître un
15:12 échec retentissant et qui porte d'ailleurs très bien son nom, The Last Express.
15:20 Désormais riche et même millionnaire, auréolé de nombreux prix et vu comme un visionnaire
15:27 du gaming, Jordan Mechner, 25 ans, veut changer d'air.
15:30 Il entame un nouveau cycle de voyage et de taf d'écriture, la France, l'Espagne,
15:36 Cuba où il réalise d'ailleurs un documentaire vidéo et puis alors qu'il voyage dans un
15:41 train, il s'imagine un setup idéal pour une fiction.
15:44 Il imagine alors une sorte de huis clos façon enquête policière où l'on doit deviner
15:49 qui est le meurtrier, le tout se passerait justement à bord d'un train et l'ambiance
15:54 serait fixée au 19ème siècle.
15:56 L'air de rien, le pitch continue de le tarauder pendant des semaines et il va alors
16:01 décider de faire son grand comeback dans le jeu vidéo au début des années 90.
16:05 Il fonde alors un studio investi tout son argent, soit plus d'un million et demi de
16:10 dollars pour élaborer son nouveau projet baptisé The Last Express.
16:14 Entre l'idée initiale et le jeu final, la fiche produit a pas mal changé, le jeu se
16:19 déroule finalement à bord de l'Orient Express à l'aube de la première guerre
16:23 mondiale.
16:24 Encore une fois on retrouve chez Mechner cette volonté d'être rigoureusement pointilleux
16:28 sur le réalisme de son jeu.
16:30 Ses équipes vont retrouver les dernières rames du célèbre train encore en état et
16:35 elles vont ensuite les photographier, les mesurer, analyser les bois, le velours des
16:40 crépis, noter les teintes, l'architecture et reproduire tout ça en 3D à la perfection.
16:46 C'est ce qui fait que The Last Express vous propose ni plus ni moins que de parcourir
16:51 l'Orient Express tel qu'il était à l'époque où il roulait.
16:54 Mais tenez vous bien car l'exploit va plus loin.
16:57 The Last Express c'est donc une enquête à vivre en point and click dans des rames
17:01 en 3D reproduites finement et dans ces rames il y a aussi des personnages qui se baladent.
17:06 Il y a une soixantaine de comédiens qui ont été rotoscopés dans plein de séquences
17:11 différentes et ensuite redessinés.
17:13 Le style visuel unique est un mix entre les affiches époque art nouveau et le début
17:19 des comic books.
17:20 Il a fallu plus d'un an pour qu'un logiciel automatise ce rendu et sortent plus de 40
17:26 000 images animées.
17:27 Meckner le dira, malgré l'échec commercial du jeu qui est sorti en retard en 1997 et
17:33 a subi plein de problèmes de production, c'est l'expérience qui fut la plus enrichissante
17:39 dans sa jeune carrière.
17:40 Diriger un studio, diriger des équipes, trouver de nouveaux moyens d'innover, travailler
17:45 le réel et le fictionnel en même temps, tout ça l'a passionné.
17:48 Il y avait d'ailleurs une suite de prévues à The Last Express, suite qui n'existera
17:53 jamais malgré l'aura du titre chez beaucoup de fans.
17:56 Millionnaire à 20 ans, fauché à 30, Jordan Meckner va ensuite tenter sa chance à Hollywood
18:02 sans trop de succès lorsqu'il reçoit un matin un nouveau coup de téléphone providentiel.
18:07 Cette fois-ci c'est un autre éditeur, un éditeur que vous connaissez bien, c'est
18:11 Yves Guillemot, un patron d'Ubisoft qui est à l'appareil et propose à Meckner de redonner
18:16 vie à Prince of Persia.
18:18 La proposition est osée car le dernier Prince of Persia en date, Prince of Persia 3D sorti
18:24 en 1999, a totalement dégoûté Jordan Meckner de sa création.
18:28 Il racontera que ce qui l'a convaincu de faire partie du projet cette fois-ci, c'est
18:33 une démo d'animation qu'on lui a montrée dans les locaux d'Ubisoft.
18:36 Cette démo présente le prince réalisant une course sur le mur suivie d'un saut.
18:42 En choisissant de présenter ce mouvement très précis et rarement observé dans un
18:46 jeu d'aventure auparavant, les équipes lui disent en quelque sorte qu'elles ont
18:50 saisi la quintessence de sa quête de réalisme débutée 20 ans plus tôt avec la rotoscopie.
18:56 Et au passage, petite anecdote, c'est cette fameuse animation, la course et le saut sur
19:00 le mur, qui se retrouvera sur la jaquette de Prince of Persia The Sands of Time.
19:05 Meckner comme touché par cet hommage, accepte son héritage et travaillera quelques temps
19:10 sur les prods Prince of Persia pour Ubisoft avant de se retirer de l'industrie.
19:14 La suite, vous la connaissez probablement, Prince of Persia donnera vie à Assassin's
19:19 Creed dont le succès vient, et ça ne vous étonnera pas, du parcours et de la fluidité
19:23 de mouvements et d'animation.
19:25 En un sens, la saga multimilliardaire doit sa réussite au taf de Jordan Meckner.
19:30 Comme quoi, la boucle est bouclée.
19:32 Si le récit que vous venez d'entendre vous a intéressé, pensez à mettre un petit like,
19:38 un commentaire ou à partager l'épisode, on vous en remercie, ça ne vous coûte rien
19:42 et ça nous permet à nous de faire d'autres épisodes par la suite.
19:45 Merci infiniment pour vos commentaires et votre soutien, si JVLegends vous plaît, y'a
19:50 toute une playlist dispo sur Youtube avec 54 vidéos déjà.
19:54 Si le sujet du jour vous a intéressé, je vous invite à lire, écouter et regarder
19:58 les très très très nombreux articles, podcasts, interviews, livres et making of dispo sur
20:04 le web sur l'oeuvre entière de Jordan Meckner, c'est vraiment hyper intéressant et j'ai
20:08 dû faire un énorme tri, j'en suis désolé.
20:11 Quant à moi je vous souhaite une bonne semaine et je vous donne rendez-vous un dimanche sur
20:15 deux à midi pour un nouvel épisode de JVLegends, ciao !
20:19 *extrait de JVLegends*
20:26 *extrait de JVLegends*
20:28 *extrait de JVLegends*
20:30 *extrait de JVLegends*
20:32 *extrait de JVLegends*
20:34 *extrait de JVLegends*
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