Après Gaza, la guerre gagne-t-elle la Cisjordanie ?

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l’année dernière

Avec Myriam Benraad, Politologue spécialiste du Moyen-Orient, professeure en relations internationales à l’Université Internationale Schiller (Paris).

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00:00 Le croissant rouge qui annonce qu'une frappe israélienne a tué cinq personnes à Naplouse, dans un camp de réfugiés.

00:08 Celui de Balata, c'est en Cisjordanie et non dans la bande de Gaza.

00:12 Question, est-ce que la guerre est en train de se propager à la Cisjordanie ?

00:15 On va en parler avec notre invité Myriam Benraad. Bonjour.

00:19 - Bonjour. - Soyez la bienvenue sur Sud Radio.

00:22 Vous êtes politologue, vous êtes spécialiste du Moyen-Orient, professeur en relations internationales à l'Université internationale Schiller.

00:29 C'est à Paris. On va parler de la Cisjordanie dans un instant, mais avant ça, vous l'avez entendu, ça se passe en ce moment même.

00:34 Là, c'est à Gaza, l'hôpital Al-Shifa. Les forces israéliennes ont donné un ultimatum à tous ceux qui s'y trouvent.

00:41 Il y aurait plus de 2 400 civils. Vous avez moins d'une heure pour en partir, maintenant plus que quelques minutes.

00:47 Pour quelle raison la tension se cristallise à ce point sur cet hôpital, Myriam Benraad ?

00:54 On peut discuter de la légitimité de cette concentration des opérations sur ces hôpitals.

01:00 Si vous me le demandez, je ne pense pas que cet hôpital soit le seul QG du Hamas.

01:05 Ça, c'est une chose. Mais après, les Israéliens semblent être convaincus que l'hôpital Al-Shifa joue un rôle de premier plan

01:14 dans, d'une part, les stocks d'armement du Hamas, la préparation d'un certain nombre d'opérations qui visent Israël depuis de longues années,

01:21 pas seulement la préparation de l'attaque du 7 octobre 2023.

01:27 Il y a eu des découvertes selon l'armée israélienne qui semblent faire penser que cet endroit a joué un rôle de premier plan,

01:35 encore une fois, dans l'organisation de cette guérilla islamiste contre Israël.

01:39 On ne sait pas si dans cet hôpital, par ailleurs, se sont concentrées certaines fonctions plus politiques,

01:47 mais on sait évidemment que ce type de mouvements insurgés, et ce n'est pas propre au cas de Gaza,

01:54 se sert d'infrastructures telles que les hôpitaux pour également mettre en difficulté des opérations militaires de ce genre.

02:03 Aujourd'hui, on a une offensive israélienne qui vise toute la bande de Gaza, mais un accent médiatique mis sur le rôle de cet hôpital.

02:13 Je reviens tout de même au premier point. Je ne suis pas sûre néanmoins que les Israéliens vont trouver dans l'hôpital al-Shifa

02:22 ce qu'ils attendent, dans la mesure où ma conviction est plutôt que le mouvement Hamas, qui gouverne la bande de Gaza depuis de longues années,

02:29 et est présent dans l'ensemble de l'enclave, a sans doute d'autres cachettes qui sont plus stratégiques.

02:36 On le verra au fur et à mesure des opérations, mais il y a aussi peut-être un dernier point.

02:42 Cette volonté aujourd'hui de Tsaïd de légitimer cette offensive, de montrer que les Israéliens n'interviennent pas,

02:49 sans raison qu'il y a évidemment un risque réel envers Israël, mais aussi envers les civils palestiniens.

02:55 Raison pour laquelle d'ailleurs l'armée israélienne s'est empressée de montrer des vidéos qui montraient des armes stockées dans cet hôpital.

03:02 Quelques armes, saurait-on tenter de dire, et c'est la raison pour laquelle Israël a besoin d'en trouver beaucoup plus pour justifier son intervention dans les heures qui viennent.

03:10 Retournons en Cisjordanie, je le disais, Le Croissant Rouge a annoncé cette nuit qu'une frappe israélienne avait touché 5 personnes sur un camp de réfugiés, celui de Balata, à Naplouse, en Cisjordanie.

03:22 Pourquoi une frappe israélienne dans cette région-là ?

03:26 Je dirais qu'il y a concomitance des fronts, parce que c'est vrai qu'on est très fixé aujourd'hui sur la bande de Gaza,

03:35 dans la mesure où le plus gros des opérations militaires se concentre sur cette zone, qui est, comme je l'ai dit, gouvernée par le Hamas.

03:41 Et si la cible de cette guerre est le Hamas, il n'est pas étonnant que les Israéliens concentrent leurs opérations à Gaza.

03:49 Mais les échos depuis la bande de Gaza vers la Cisjordanie sont évidents.

03:53 On l'a très bien vu dès les premières heures de l'action militaire lancée par les Israéliens contre Gaza,

03:59 avec des échos fourrés, un certain nombre d'affrontements entre Palestiniens, colons juifs et aussi l'armée israélienne,

04:06 mais on peut étendre aussi à Jérusalem Est.

04:08 Donc on a deux fronts en réalité, qui ont toujours été d'ailleurs deux fronts très liés, la Cisjordanie, Gaza.

04:14 Et je crains pour ma part le risque d'une troisième intifada en Cisjordanie, parce que les problématiques n'y sont pas les mêmes.

04:22 Mais on a une convergence aujourd'hui d'un certain nombre de factions, islamistes comme nationalistes,

04:27 vers l'idée qu'il faut une résistance, comme ils l'appellent, historique, à l'occupant israélien, à cette action militaire violente.

04:36 Donc c'est très inquiétant, parce que ça pose aussi la question ensuite du niveau plus régional,

04:43 et on parle depuis un certain nombre de semaines d'une éventuelle contagion qui pourrait être bien plus grave,

04:47 sur fond d'inaction ou d'impuissance de la communauté internationale.

04:51 Et faire encore davantage de victimes.

04:54 Alors le camp qui a été visé par cette frappe, celui de Balata, il est administré manifestement par les Nations Unies.

04:58 L'administration du camp dit que la frappe aérienne a touché un immeuble abritant un quartier général,

05:04 non pas du Hamas, mais du Fata, le parti qui est au pouvoir dans la Cisjordanie, celui qui tient le pouvoir à l'autorité palestinienne.

05:14 Est-ce que ça signifie concrètement qu'il y a une convergence de tous les mouvements palestiniens contre Israël ?

05:22 Ça dépend du point de vue depuis lequel on se place.

05:28 Dans la perception israélienne, aujourd'hui, oui, tous les groupes palestiniens sont unis.

05:33 C'est aussi la conséquence des déclarations de l'autorité palestinienne,

05:37 qui je le rappelle, qui sert peut-être de gestionnaire en Cisjordanie, dans les territoires occupés par Israël,

05:43 mais qui n'est à aucun moment un allié d'Israël.

05:45 Et puis évidemment, les déclarations récentes, même avant l'attaque du 7 octobre 2023 du Fata,

05:52 ne vont pas dans le sens d'un rapprochement avec les Israéliens et d'un quelconque processus de paix.

05:57 On est plutôt sur une radicalisation, une convergence, comme je l'ai dit, entre mouvances islamistes et nationalistes,

06:04 même si ces dernières se livrent pour des guerres fratricides.

06:06 Et donc dans ce contexte, Israël pense, c'est la conviction en tout cas du gouvernement de Benjamin Netanyahou,

06:12 qu'il faut une action déterminante pour éviter que cette contagion, encore une fois,

06:20 prenne d'autres proportions pour préserver la sécurité d'Israël.

06:24 Après, la vraie question, c'est est-ce que cet objectif déclaré peut se réaliser à travers cette action militaire,

06:30 qui est omée, je le rappelle, tout volet politique.

06:32 On n'a aucune idée d'où on va sur le plan politique. C'est quand même très problématique.

06:37 Oui, en tout cas, on semble être enfermé dans une escalade.

06:40 Autre aspect qui est important et qui concerne cette fois-ci le front politique israélien,

06:45 le chef de l'opposition, M. Lapide, a demandé le départ immédiat de Benjamin Netanyahou.

06:50 C'est inédit en temps de guerre.

06:52 Oui, alors c'est inédit.

06:55 Maintenant, ça révèle tout de même les fractures très profondes au sein de la société israélienne elle-même,

07:00 au sein de la classe politique, parmi la population.

07:03 On a vu ça bien avant le 7 octobre 2023,

07:07 puisque le gouvernement de Benjamin Netanyahou incarne tout de même une tendance assez dure,

07:11 qui depuis des années rejette la relance du processus de paix,

07:14 qui est appelé de ses voeux par d'autres mouvances, d'autres forces israéliennes sur l'échiquier politique.

07:21 Donc aujourd'hui, c'est le temps de la guerre.

07:23 Cette guerre passe au second plan, ces fractures israéliennes,

07:27 mais je pense que dans l'après-guerre, où si cette offensive militaire s'enlise,

07:32 c'est vraiment très dur aujourd'hui de le savoir,

07:34 on va avoir des divisions, des clivages très très importants, très marqués en Israël.

07:39 C'est ce qui est déjà quand même le cas,

07:41 même si encore une fois c'est plutôt passé sous silence dans le temps

07:46 qui est celui de l'offensive sur Gaza,

07:48 et parce que la société israélienne est très traumatisée évidemment par ce qui s'est passé le 7 octobre.

07:53 Exactement, lors du pogrom déclenché par les terroristes du Hamas.

07:57 Merci beaucoup pour cet éclairage Myriam Benraad,

08:00 politologue spécialiste du Moyen-Orient, professeure en relations internationales

08:04 à l'Université internationale Schiller.

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