• l’année dernière
Avec Eric Sadin, écrivain, philosophe et auteur de "La vie spectrale : Penser l'ère du métavers et des IA génératives" publié aux éditions Grasset.

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##LE_FACE_A_FACE-2023-11-22##

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News
Transcription
00:00 Terre de France.fr, le premier site d'articles français et patriotes présente
00:03 Sud Radio Bercov dans tous ses états
00:07 Le face à face.
00:10 13h06 sur Sud Radio, l'heure pour nous de vous présenter le face à face d'André Bercov exceptionnel aujourd'hui avec
00:14 Eric Sadin, écrivain, philosophe et surtout auteur de ce nouveau livre "La vie spectrale" s'est publié aux éditions Grasset. Bonjour Eric Sadin.
00:21 Bonjour.
00:23 On l'avait déjà reçu et on le reçoit avec plaisir parce que Eric Sadin
00:29 je dirais que il est au numérique ce que Barbès et Tarot Chechouard, qui s'apiffre
00:33 ou Ergman Achatrian, c'est à dire qu'il a vraiment vraiment vraiment
00:38 et il en parle, il en parle pas seulement pour décrire les avancées du numérique, de l'intelligence artificielle, de tchat,
00:45 gpt ou du métavers, non non, il en parle pour montrer au fond
00:49 qu'est ce que nous, du point de vue de l'éthique, du point de vue de la morale, du point de vue de l'humanité
00:54 nous avons et quel rapport nous avons à avoir entre la siliconisation du monde, le libéralisme numérique, l'intelligence artificielle,
01:01 l'ange du siècle, vous le rappelez, vous avez écrit là dessus, l'individu tyran et puis là voilà la vie spectrale
01:08 pensée l'ère du métavers et des intelligences artificielles génératives. Et c'est vraiment intéressant
01:15 auditeurs résistants de Sud Radio parce que elle est là, l'intelligence artificielle est là, toutes les technologies sont là
01:22 donc est-ce qu'il faut les subir ou est-ce qu'il faut les, non seulement les contrôler mais surtout les gérer parce que c'est
01:29 intériorisé aujourd'hui. Alors je voudrais Eric Sadin qu'on commence peut-être par définir le métavers
01:34 parce que les gens, le métavers, il y a beaucoup de gens qui ne savent pas ce que c'est. Je voudrais que vous disiez, quand vous
01:39 parlez de l'ère du métavers, c'est quoi cette ère du métavers ? - Le métavers c'est
01:43 c'est l'autre nom de la pixelisation sans cesse croissante de nos existences individuelles et collectives.
01:50 - C'est-à-dire ? - C'est-à-dire que de plus en plus nous menons à les quoi ? Une dizaine, une douzaine
01:56 d'heures par jour chacun d'entre nous à l'échelle de la planète devant des écrans.
02:01 Et c'est pas seulement de passer du temps toujours plus devant les écrans, c'est aussi de faire un nombre de
02:08 d'actions de la vie humaine toujours plus diverses.
02:11 - C'est ce qu'on a vu à travers ces écrans ? - À travers ces écrans, à distance, en ligne, via des systèmes
02:17 qui nous offrent la possibilité de faire quantité d'actions sans nous déplacer, sous des modalités aisées,
02:23 confortables, commerce, enseignement,
02:25 télémédecine...
02:28 - Enseignement, oui vous avez dit, télétravail... - Télétravail, loisirs...
02:33 Donc c'est ça, c'est le fait que, vous savez, on dénonce beaucoup
02:37 depuis on va dire une dizaine d'années l'addiction avec toujours une dose de moralisme
02:42 et toujours en restant à la surface des choses. En réalité c'est pas,
02:46 il n'y aurait pas ceux qui ont une conduite hygiéniste et puis, ou en tous les cas, diététique,
02:50 et ceux qui seraient des drogués des écrans.
02:53 C'est pas ça l'équation, parce qu'il y a combien de littérature qui dit "oui on est trop devant les écrans", c'est pas ça, c'est que
02:59 de plus en plus nous vivons une condition humaine qui est adossée à des systèmes numériques,
03:04 à des écrans, à des pixels, ce qu'on a vu durant les confinements.
03:09 C'est-à-dire que d'un seul coup les flux numériques et les flux de la vie se sont presque confondus.
03:16 Et ce qu'on a découvert c'est que il était possible de mener des actions de la vie humaine
03:22 à distance, en ligne, via des écrans, mais aussi des actions dont supposément pas que c'était possible.
03:28 Consultations de psychanalyse,
03:31 apéros WhatsApp, sommet de chef d'état, foire commerciale,
03:35 réunion de syndic, enfin bref la liste est très longue. Et le métaverse c'est Zuckerberg qui à la sortie des confinements a dit
03:44 "Eh bien là il y a une nouvelle condition, on va mettre le paquet".
03:47 Mais il s'est trompé, il a fait trois erreurs, c'est-à-dire qu'il a voulu donner une dimension quasi
03:53 intégrale à la pixelisation de nos existences. - En disant, si je vous comprends bien, et vous le dites dans le livre
04:00 Eric Sadin, c'est-à-dire au fond c'est une nouvelle forme de vie qu'il faut accepter. - Absolument.
04:06 C'est-à-dire qu'il faut accepter qui serait plus aisé, qui serait plus confortable, qui nous
04:12 épargnerait nombre d'efforts. C'était l'annonce que Zuckerberg avait faite il y a deux ans,
04:17 et qui
04:19 à l'époque avait déclenché toute une foule d'investissements, une sorte
04:25 d'excitation hystérique. Dès qu'un gourou de la Silicon Valley commence à pointer un horizon du doigt, il y a des foules
04:30 comme des moutons qui vont dans la direction sans se poser aucune question, comme si c'était l'horizon incontournable de l'époque.
04:38 Or ce qui s'est passé, parce qu'on a du recul et j'ai analysé tout ça, avec aussi l'avènement un an plus tard
04:44 des IA Génératives, donc ce moment là très très troublant, qui a fait qu'il s'est dit,
04:50 et son entreprise en changement de nom, de Facebook à Meta, MetaVer, l'idée c'est qu'on est déjà tellement,
04:57 suite au confinement, tellement dans une vie pixelisée, on va aller plus loin, on va rentrer dedans.
05:03 On va presque,
05:06 quasiment
05:07 intégralement rentrer dedans par les casques et par les avatars, c'est-à-dire des figurines de synthèse supposées nous représenter dans la vie courante,
05:14 mais il a pêché par
05:16 peut-être un excès de confiance en lui, en quelque chose de par avance écrit. - Mais je voudrais, pardon Eric, c'est intéressant parce qu'on va
05:27 expliquer ça, c'est-à-dire qu'est-ce que ça voudrait dire
05:30 en dehors de Zuckerberg, mais c'est-à-dire que, en fait, l'idée d'un certain nôtre genre, d'ailleurs c'est Harari aussi qui le dit,
05:37 puis vous d'autres, qu'est-ce que ça veut dire "entrer dans le métaverse" et "entrer dans la vie pixelisée", c'est-à-dire qu'au fond,
05:43 c'est un prolongement de notre peau quelque part, c'est comme le nombril, on va, il faut
05:49 intégrer cette vie et devenir les avatars de nous-mêmes
05:54 existentiels, c'est quoi ? - On peut dire les choses comme ça, on peut dire aussi "exclure tout hors champs"
06:00 à une existence pixelisée, parce qu'une existence pixelisée, chaque seconde devant nos écrans, produit à divers titres
06:07 génère des profits, génère des chiffres d'affaires, que ça soit dans l'attention, que ça soit dans l'usage de systèmes,
06:13 que ça soit... - Ah oui, tout devient chiffre d'affaires. - Tout devient chiffre, donc l'idée c'est d'exclure tout hors champs à nos vies pixelisées
06:20 et au fait que on entre dans, voilà, on entre dans une sorte de
06:26 vie numérisée intégrale, mais je le répète, il s'est trompé,
06:30 parce que c'est intéressant de voir que des gens... - Il s'est trompé sur quoi ? - Qui sont supposés être visionnaires,
06:36 qui se sont en gros trompés, mais pas trompés, ils se sont trompés en même temps, ils ont senti quelque chose, je vais dire les choses très simplement.
06:42 Il a voulu, il a pêché par ce qu'on peut appeler très simplement déterminisme
06:47 technologique, c'est-à-dire il s'est passé ça, la prochaine étape sera comme mécaniquement... - Modélisation. - Voilà,
06:54 modélisation et le fait qu'on ait tellement entré dans une sorte de matrice qu'il suffit de l'accélérer, de l'intensifier en mettant un casque.
07:00 La deuxième chose, c'est que
07:03 il a voulu aller
07:05 plus vite que la musique, il aurait mieux fait de ne pas faire d'annonce
07:08 sensationnaliste et travailler à ce que j'appelle une économie de la fixité des corps, c'est-à-dire de plus en plus
07:14 la numérisation de nos existences fait que
07:17 il y a une tendance générale de moins avoir besoin de produire des efforts, de se déplacer, de voir
07:26 on peut dire tous les flux du monde venir à nous, par exemple Netflix, la musique, Spotify, le commerce,
07:33 jusqu'aux véhicules qui viennent nous chercher, jusqu'aux livraisons de repas, le monde vient à nous. - Le véhicule sans conducteur bien sûr.
07:39 - Bon ça c'est compliqué,
07:41 on a vu que le cas de figure était compliqué
07:43 depuis une semaine. - Mais vous voulez dire en fait la facilitation du monde, on n'a plus rien à faire,
07:48 et on travaille pour nous. - Voilà, et l'industrie du numérique
07:52 érige chaque consommateur en tant que roi soleil qui voit le monde venir à lui selon les moyens dont il dispose.
07:58 Et puis il n'a pas tenu compte, une troisième dimension,
08:02 c'est que de la dimension anxiogène, éminemment anxiogène,
08:05 générée par les masques, par les avatars, au sortir des périodes de confinement qui ont vu un besoin de socialité.
08:14 - Énorme. - Et donc cette équation il ne l'a pas vue. En revanche, ce serait une erreur,
08:19 la nôtre cette fois-ci, de croire que ce mouvement là, parce que les choses ne se sont pas exactement passées comme
08:25 c'était annoncé, que ce mouvement de pixelisation, du monde qui vient à nous, du fait de l'industrie du numérique qui
08:33 toujours et de plus en plus et de façon intensifiée
08:36 propose de nous accompagner au cours du quotidien, ce mouvement va s'interrompre, certainement. - On va en parler justement après cette petite pause, Eric Sadin,
08:44 quel est ce monde justement ? Il ne s'agit pas de rejeter le bébé numérique avec le monde humain,
08:48 comment on le traite, de où on en est-on, et dans quel univers sommes-nous ? Voilà.
08:54 Terre de France.fr, le premier site d'articles français et patriotes présente
09:00 Ici Sud Radio, les français parlent au français, je n'aime pas la blanquette de veau.
09:15 Sud Radio Bercov dans tous ses états.
09:18 Et toujours avec Eric Sadin, Eric Sadin qui a écrit de son plus récent livre, remarquable, "La vie spectrale,
09:24 pensée l'air du métaverse et des intelligences artificielles génératives",
09:29 "Séché, grassé",
09:31 Eric Sadin, donc on parlait un peu
09:33 justement de... alors vous dites, attention, effectivement,
09:37 Zuckerberg est parti très tôt dans cet univers indépassable,
09:43 c'est un peu, voilà, c'est plus prolétaire de tous les pays, unissez-vous, mais c'est numérique de tous les pays,
09:48 actez-vous et incarnez-vous. Mais vous dites, bon, alors on est dans cet univers-là,
09:54 alors vous dites, effectivement, il faut faire attention, mais ça ne veut pas dire qu'il faut refuser la chose et qu'il faut
10:00 effectivement comprendre la chose puisqu'on la vit. Alors dans quel univers vit-on aujourd'hui, dans lequel va-t-on vivre ?
10:07 Etons-nous déjà en train de vivre ? - On vit dans, pour ce qui est du monde technologique, mais qui regarde nos vies
10:13 quotidiennes, individuelles et collectives, on vit dans le monde, pour faire simplement un grand trait, de la pixelisation, c'est-à-dire de passer
10:22 toujours plus de temps devant des écrans, et dans l'âge de l'intelligence artificielle. Alors l'intelligence artificielle, ça fait des années que je la théorise,
10:31 hier je lisais une interview de Richard Feynman, qui est mort aujourd'hui, qui était un des grands physiciens de la mécanique quantique,
10:37 qui disait, je crois, au moment des années 70,
10:40 "Je crois que personne ne comprend ce qu'est la mécanique quantique". Moi je crois,
10:44 cher André, que très peu comprennent en réalité ce qu'est l'intelligence artificielle.
10:48 - Alors essayons quand même de comprendre ça. - Je l'ai théorisé dans un bouquin de 2018 qui s'appelait "Intelligence artificielle, l'enjeu du siècle",
10:56 or nous vivons un deuxième moment de l'intelligence artificielle,
10:58 c'est-à-dire que ça va tellement vite, maintenant nous vivons le moment des IA génératives sur lesquels j'ai beaucoup de choses à dire.
11:03 L'intelligence artificielle, beaucoup de gens en parlent sans avoir de définition très claire.
11:07 - Alors c'est quoi la définition ? - Je suis sûr que si on interrogeait nos éditrices et nos éditeurs d'aujourd'hui,
11:12 on demanderait qu'est-ce que c'est, on aurait autant de définitions presque que le nombre de personnes qui nous écoutent.
11:17 Parce que nous souffrons d'un manque de définition. L'intelligence artificielle, c'est avant tout un changement de statut
11:23 des technologies numériques qui est apparu en gros au mi-temps des années 2000, au milieu des années 2000,
11:29 qui ne sont plus destinées à la collecte,
11:33 au stockage, à l'indexation et la manipulation à diverses fins de l'information. C'est ça les technologies numériques, la collecte,
11:40 le stockage, l'indexation automatisée et la manipulation à diverses fins et des fins toujours plus nombreuses
11:46 de l'information de façon toujours plus aisée
11:50 et rapide et regardant des masses toujours plus volumineuses de données.
11:54 Depuis le milieu des années 2000, d'autres fonctions, j'ai presque envie de dire une autre mission a été affectée aux technologies numériques,
12:03 c'est ça qu'on ne saisit pas très bien, à mon sens,
12:06 c'est celle d'expertiser le réel, de diagnostiquer des situations. - Ça c'est la nouvelle fonction ? - C'est ça la nouvelle fonction, c'est-à-dire de diagnostiquer
12:14 des situations toujours plus diverses du quotidien,
12:19 mais pas seulement, mais d'orienter en retour. Je crois que j'avais donné cet exemple chez vous André il y a quelques années,
12:25 l'exemple le plus... mais tout est à l'avenant, l'exemple le plus... - Mais allez-y, c'est toujours bon de donner un exemple concret quoi.
12:31 - Tout est à l'avenant de cet exemple là, par exemple l'application Waze,
12:36 qui analyse, qui diagnostique, qui expertise l'état du trafic en temps réel,
12:42 selon des vitesses et traitant des volumes d'informations qu'aucun être humain ne pourrait gérer à une telle vitesse,
12:49 et selon de telles masses de données, et qui expertise au moment même où on l'interroge
12:54 l'itinéraire, l'état du trafic est l'itinéraire le plus optimisé, mais pas seulement, qui
13:01 conseille, suggère, encourage
13:05 d'emprunter tel itinéraire plutôt que tel autre, c'est ça. - Tout le monde a son GPS et Waze aujourd'hui.
13:11 - Voilà, mais ça, les exemples, c'est dans le commerce, c'est par exemple dans le management, où on voit des
13:18 manufacturiers recevoir des signaux audio, qui expertise, qui diagnostique
13:22 l'endroit où ils se trouvent, et qui les oriente, les enjoints, d'aller dans tel endroit chercher tel article,
13:28 pour les déposer à telle vitesse dans tel palais, donc c'est cette systématique
13:32 technologique qui interprète et qui oriente l'action humaine, c'est-à-dire que nous vivons ce que j'avais appelé dans un bouquin de 2018
13:40 le tournant injonctif de la technologie, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité,
13:45 des technologies, des systèmes nous suggèrent, nous conseillent, nous enjoignent
13:49 d'agir de telle manière plutôt que telle autre. - Et c'est la première fois, effectivement. - Et c'est la première fois, et ça c'est un tournant
13:54 politico-juridico-politique
13:57 majeur, qui n'est pas suffisamment interrogé, mais pour compliquer les choses, si ce mouvement-là
14:01 ne cesse de s'intensifier, de s'appliquer à quantité de gens, et c'est l'objet de mon nouveau livre, je m'intéresse maintenant à un nouvel embranchement
14:10 de l'intelligence artificielle,
14:13 qu'on pourrait appeler, parce que ce que j'ai ce que j'ai signalé là, c'est la dimension
14:17 cognitive et organisationnelle de l'intelligence artificielle.
14:22 - C'est très important. - Cognitive et organisationnelle.
14:24 - Et organisationnelle, oui. - C'est-à-dire qui interprète et qui organise.
14:28 - Et qui conseille, quand même, vous voulez dire. - Et qui conseille, et qui enjoint.
14:32 - Et qui enjoint, oui. - Et qui enjoint. Il y a quantité de gens, par exemple, le recrutement, il y a des...
14:36 Aujourd'hui, c'est des candidats
14:39 qui dialoguent avec des chatbots, qui interprètent
14:42 la qualité supposée, selon des critères dont on ne sait rien, mais on peut imaginer que c'est un peu grand...
14:47 - Mais vous voulez dire que les responsables et directeurs écoutent le chatbot, enfin...
14:50 - C'est pas qu'ils écoutent, c'est qu'ils se soumettent à la vérité de l'injonction sur 300 candidats.
14:56 Prenez le candidat 27, 42, 97 et 122,
15:00 et au vu d'algorithmes et d'analyses que les systèmes auront faites,
15:05 et qui conseille pour l'instant à des humains de chair et de sang, si j'ose dire, 4 candidats,
15:10 qui vont les recevoir en chair de visu, en 2023.
15:15 Mais en 2030, est-ce qu'il y aura encore des humains dans la boucle ? Certainement pas.
15:19 Donc ça, c'est la dimension, ce qu'on peut appeler, ce que j'ai appelé la dimension cognitive et organisationnale des intelligences artificielles,
15:27 de l'intelligence artificielle, qui a eu lieu au tournant des années 2010.
15:31 Ça, je l'ai analysé désormais, et ça continue, depuis un an, exactement un an, André, depuis le 30 novembre 2022,
15:41 avec ce tremblement de terre culturel et civilisationnel, social également,
15:46 qu'a représenté la mise en ligne dans sa première mouture au grand public de chat.gpt,
15:52 nous vivons un autre mouvement, qui ne se substitue pas, qui s'agrège au premier mouvement...
15:57 - Vous dites que chat.gpt c'est un tremblement de terre ?
15:59 - Ah c'est un tremblement de terre, parce que c'est le tournant intellectuel et créatif de l'intelligence artificielle.
16:07 C'est-à-dire que ces systèmes vont assurer des tâches, il faut entendre ce que je veux dire là,
16:13 la portée culturelle, civilisationnelle, anthropologique, utilisons des grands mots, parce qu'il faut utiliser des grands mots,
16:19 qui vont assurer des tâches, qui jusque-là, mobilisaient individuellement et collectivement nos facultés intellectuelles et créatives.
16:27 Et qu'est-ce qui s'est passé ? Parce que ce que j'analyse dans le livre, et ce que je voudrais préciser avec vous André, avec vos auditeurs,
16:34 qu'est-ce qui s'est passé il y a un an quand chat.gpt a été mis sur le marché ?
16:39 Quelle était la réaction ? La réaction était de dire "c'est bluffant, c'est incroyable", et ça l'était, c'est très bluffant.
16:46 Mais ça a été aussi de dire "il faudrait des développements, encore des développements technologiques, pour que ça apparente à un langage humain".
16:55 Or elle est là notre grande erreur, elle est là notre grande erreur sur laquelle, si vous me le permettez, je vais dire quelques mots.
17:00 - Alors on va le dire juste après ceci, Eric Sadin, c'est pas pour vous interrompre. - Je vous en prie.
17:06 - C'est très très très intéressant, parce que là on passe effectivement d'un monde à l'autre,
17:10 et je voudrais qu'on précise bien ça, et qu'on prenne le temps de le préciser, on va le faire après cette petite pause,
17:15 et puis nos auditeurs aussi interviendront un peu plus tard.
17:19 - Évidemment on prendra toutes vos interrogations, vous qui n'êtes pas des ordinateurs, appelez-nous au 0826 300 300.
17:25 - Et même si vous êtes des ordinateurs, appelez-nous aussi. - Ce sera intéressant d'entendre votre voix au 0826 300 300, tout de suite.
17:32 - C'est pas impossible, inquiétons.
17:33 - Le premier site d'articles français et patriotes présente...
17:37 - Ici Sud Radio.
17:41 - Les Français parlent au français.
17:45 - Les carottes sont cuites.
17:48 - Les carottes sont cuites.
17:50 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
17:53 - Eric Sadin, "La vie spectrale", un livre, il faut s'accrocher pour le lire, parce que c'est pas un livre simple,
18:00 mais justement comme les livres qui demandent et qui guigent la réflexion, il faut le faire et c'est passionnant.
18:06 Eric Sadin, on a parlé justement de la première révolution un peu avec le cognitif, avec Waze et compagnie qui nous enjoignaient tel ou tel,
18:18 effectivement vous avez pris la circulation, et puis vous dites "très grande révolution au tchat GPT"
18:25 qui effectivement, elle, presque vous remplace, au lieu de faire une lettre vous-même, vous demandez à tchat GPT,
18:31 faire un article tchat GPT, faire une étude tchat GPT, etc.
18:36 Et j'ai l'air de vous dire "oui très bien, mais au fond, si tchat GPT peut m'aider à telle ou telle chose,
18:43 au fond, est-ce que ça ne me laissera pas du temps pour réfléchir encore plus ?"
18:47 Et vous, vous avez l'air de dire "non, c'est pas ça du tout".
18:49 - Ce qu'il faut voir, ce sont les conséquences civilisationnelles et ce qui se joue.
18:53 C'est-à-dire que, malheureusement, mais il faut bien vivre, on a été interrompu par la publicité,
18:57 parce que je disais une chose qui va déterminer, je pense, André, toute notre conversation,
19:03 mais déterminer les 20 prochaines années.
19:06 En quelques mots, je vais expliquer comment ça fonctionne, et qu'on n'a pas suffisamment vu,
19:12 et donc les conséquences civilisationnelles du fait de "à quoi as-tu à faire ?"
19:18 Donc on a dit, les réactions, elles ont été de dire "c'est bluffant",
19:22 et qu'il faudrait plus de développement pour que ça s'apparente à un langage,
19:26 pour ce qui est du tchat GPT, un langage humain.
19:29 Or c'est là qu'est notre grande illusion, parce que comment fonctionnent ces systèmes ?
19:33 C'est ça qu'on n'est pas allé voir.
19:35 Ce sont des systèmes à qui on délègue la fonction d'ingurgiter tous les corpus textuels existants,
19:43 tous, tous, à l'intérieur d'une dimension totalisante,
19:46 quelque chose de gargantuesque, j'ai envie de dire,
19:49 depuis la nuit des temps, tous les corpus existants,
19:52 dans des bases de données, sur internet, l'année dernière c'était jusqu'à 2021,
19:57 mais maintenant c'est tous ceux existants.
19:59 - Vous voulez dire toute l'histoire de l'humanité, tous les textes de l'humanité ?
20:02 - Tous les corpus, les textes, les textes, tout ce qui est écrit, tout ce qui relève de l'écrit.
20:07 On a la grande bibliothèque universelle, mais aussi la bibliothèque universelle ordinaire,
20:13 de tous les textes qui existent, de la presse, de... bref.
20:15 - D'accord. - En vue de quoi ?
20:17 En vue de les soumettre à des formules statistiques,
20:25 à des analyses mathématiques, en vue de quoi ?
20:28 D'en tirer des lois du langage, des règles grammaticales, des lois sémantiques,
20:35 et qui fonctionnent, et c'est ça le cœur de l'affaire,
20:39 qui fonctionne, vous savez quand on écrit sur WhatsApp par exemple "je viens te voir ce..."
20:45 et le système, au nom de... au vu de toutes les occurrences possibles,
20:51 d'un point de vue probabiliste, va dire "ce soir", écrit à notre place "ce soir",
20:55 "je viens te voir ce soir".
20:56 Et quand on commande une phrase, il produit du langage à l'intérieur d'une dimension probabiliste.
21:03 C'est ça la dimension qui est capitale, probabiliste.
21:05 Pourquoi je dis ça ?
21:06 Parce que tout ce que je viens de décrire là, c'est un mode de fonctionnement qui est à l'opposé
21:11 de la façon dont nous nous entretenons un rapport individuel et collectif au langage.
21:15 C'est-à-dire que le langage, c'est le lieu de l'attention, c'est le lieu même de l'attention
21:19 entre le lait commun, la culture, les textes, les grandes oeuvres, les règles du langage,
21:25 et qui par l'effort, par la culture de chacun, par l'apprentissage, par l'école,
21:30 eh bien fait qu'on se réapproprie le langage. Mais pas à l'intérieur d'une dimension totalisante.
21:34 - C'est-à-dire c'est l'effort de l'apprentissage, l'effort d'apprendre.
21:37 - Et dans un rapport de singularisation, où chacun manifeste sa subjectivité et sa liberté.
21:43 - Et chacun a la réception qu'il a, subjective, de ce qu'il reçoit.
21:47 - Et qu'il entretient un rapport en première personne au langage.
21:51 Mais le mot que je vais dire, c'est ça le cœur de ce que je voulais dire sur ce point-là,
21:55 le mot que je vais dire là, à l'instant, je ne sais pas lequel c'est. Je ne le sais pas.
22:00 Et en cela, notre rapport au langage, il s'inscrit non pas dans une dimension probabiliste,
22:06 mais dans une dimension indéterministe.
22:10 Et qu'est-ce que c'est que cette dimension indéterministe ?
22:12 C'est le lieu même de la liberté, dans le langage, de la liberté humaine, individuelle et collective.
22:17 On appelle ça parler en première personne, on appelle ça parler librement,
22:21 de façon singulière et subjective et personnelle, et on appelle ça toutes les langues qui existent,
22:26 et qui composent la pluralité humaine.
22:29 Or, qu'est-ce qui s'est passé ?
22:31 Au nom de l'utilitarisme, c'est-à-dire l'utilitarisme a tellement quitté l'œuvre depuis un siècle dans notre société,
22:37 il a tellement infusé nos... il est tellement devenu la norme,
22:42 qu'il en est arrivé à infuser, je suis désolé de parler comme ça,
22:46 nos cervelles devenues très très malades quand même.
22:49 C'est-à-dire au nom de l'utilitarisme, on a vu des gens dire "c'est cool, ça nous aide, ça facilite nos tâches",
22:56 mais sans voir les conséquences civilisationnelles. Et c'est quoi les conséquences civilisationnelles ?
23:00 C'est ce langage machinique, standardisé, industriel, impersonnel, qui va voir quoi ?
23:07 C'est pas "bienvenue à Gataka", les corps clonés, c'est un langage cloné, un langage mort,
23:13 qui de plus en plus va devenir... occuper le champ symbolique dans deux ans,
23:18 c'est-à-dire tout le langage qu'on va avoir, ça va être un langage nécrosé, frappé par la mort, un pseudo-langage, un langage mort.
23:24 Et au nom de l'utilitarisme, on ne voit pas la déprise de l'usage du langage en première personne.
23:31 Et le vecteur de liberté fondamentale, ce que nous faisons là aujourd'hui, de parler en première personne.
23:37 Mais il y a aussi le fait qu'au nom de cet utilitarisme qui vraiment nous conduit à...
23:44 qui est le cheval de Troyes en réalité, du renoncement à nos facultés les plus fondamentales,
23:48 celle de parler en première personne et librement, est-ce qu'on voit dans deux, trois ans, nos enfants, nos petits-enfants,
23:55 nous dire "mais papa, maman, pourquoi je vais à l'école, moi ? Pourquoi je vais à l'école si un système..."
24:02 - Qu'est-ce que j'ai déjà trouvé de meilleur ?
24:03 - Sur un simple prompt, ce qu'on appelle un prompt, une instruction de notre part,
24:07 "va faire mes dissertations, va écrire mes messages, va me faire ma liste de ce qu'il me faut",
24:15 voilà, c'est ça qui vient.
24:18 - Va faire ma correspondance, va faire presque mes mots, enfin...
24:24 - Ma plaidoirie pour un avocat, va faire ma liste de courses,
24:29 car ce à quoi nous avons à faire là, c'est un poison, le ver est dans le fruit, un poison très pervers,
24:38 c'est-à-dire au nom de l'allègement de l'effort, un renoncement de nos facultés intellectuelles et créatives.
24:46 Mais c'est pas seulement ça.
24:47 - Non mais pardon, mais qui ont besoin de l'effort.
24:49 - Qui ont besoin.
24:50 - Les facultés créatrices et intellectuelles ont besoin de l'effort.
24:53 - Mais écrire une lettre de démission, écrire une lettre de candidature, écrire une plaidoirie, c'est du génie humain la plaidoirie.
24:59 On voit maintenant des avocats demander à chaque GPT "voit-on le renoncement de ce qui nous constitue le plus en propre ?"
25:07 C'est-à-dire en gros c'est la dernière frontière, c'est-à-dire des systèmes qui organisent les affaires humaines,
25:11 maintenant c'est des systèmes qui au nom, dans la volonté de générer uniquement des profits,
25:16 parce que là c'est pas un projet de société, est-ce qu'on a décidé ça en société ?
25:19 Est-ce que la société des évolutions c'est des gens qui décident, point de vue organique, dans la pluralité.
25:25 - Ce n'est pas le marxisme, le conservatisme ou télébiologie.
25:28 - Non, c'est l'industrie du numérique qui au nom de ses propres intérêts a mis le monde devant le fait accompli
25:34 et a offert un poison qui ont fait que les gens ont dit "c'est cool".
25:37 Mais il y a aussi une autre dimension, c'est que c'est un langage personnalisé qui va apparaître.
25:41 C'est-à-dire c'est déjà à l'oeuvre dans les robots conversationnels de Microsoft, de Google, Bard ou Bing,
25:47 qui va voir quoi ? Qui va voir un langage nous parler en vue de nos propres souhaits.
25:52 - Vous allez retrouver la première personne, mon cher Eric Sada !
25:56 - C'est-à-dire c'est la personnalisation.
25:58 C'est-à-dire des systèmes pour nous dire "vous êtes à San Francisco, fais-moi un programme personnalisé".
26:03 "Fais-moi ma recette de cuisine".
26:06 C'est-à-dire que de plus en plus, je crois que c'est la plus grande forme d'aliénation sournoise que nous vivons.
26:11 C'est-à-dire non plus sous une forme de servitude,
26:13 mais sous une forme, ce qu'on avait vécu avec l'économie de la donnée et des plateformes depuis une dizaine d'années,
26:18 où des systèmes allègent continuellement nos existences.
26:20 Maintenant des systèmes vont alléger l'effort de devoir aller vers les autres, d'aller vers le réel,
26:27 de travailler en vue d'écrire, de produire du langage, de travailler en vue de savoir
26:32 comment allons-nous agir dans notre quotidien.
26:34 - Mais on réalise le cauchemar de la Boétie, la servitude volontaire.
26:38 - Oui, mais avec l'idée qu'on adosse nos existences de plus en plus à des compagnies privées qui vont alléger nos existences.
26:46 Et c'est cela qui est à l'oeuvre.
26:47 Et avec le fait aussi...
26:49 - Et ça leur apporte quoi, pardon, à qui ?
26:51 - Aux compagnies privées ?
26:52 - Et bien ça génère du chiffre.
26:53 Par exemple OpenEI vend des abonnements.
26:56 Il y a tout un marché des IA génératives.
27:00 Et puis je voudrais moi demander à toutes les bonnes âmes qui disent
27:03 "Ah moi je ne prends plus l'avion aujourd'hui, je recycle mes...
27:06 Attention, je recycle mes ordres avec une minutie que vous n'imaginez pas."
27:11 J'aimerais bien savoir si ces mêmes personnes sont dans un refus d'utiliser ces IA génératives
27:17 qui vont entraîner un surcroît de consommation énergétique phénoménal.
27:21 Or je crois que la conscience ne se divise pas.
27:23 Si on décide de ne pas prendre l'avion, il s'agirait de ne pas utiliser ces IA génératives.
27:27 Mais c'est tellement cool, ça facilite tellement notre quotidien.
27:31 - La paresse, la paresse.
27:33 - La paresse, mais là sur quelque chose qui va aussi entraîner un ouragan
27:40 sur des métiers à haute compétence cognitive.
27:43 C'est-à-dire ça on ne le voit pas quand je vais parler de conséquences civilisationnelles.
27:46 - Par exemple, mettons un ou deux métiers à haute compétence cognitive.
27:49 - Alors, cher André, l'heure est très grave.
27:51 Parce que là il faut analyser ça de près.
27:53 En quelques mots, ce qu'on a vécu au tournant des années 80 avec l'automatisation
27:58 par exemple des usines automobiles,
28:00 et qu'on a vu un mouvement de substitution de nombreux métiers
28:03 ou d'éradication de nombreux métiers,
28:05 c'était pour des métiers à haute pénibilité, n'est-ce pas ?
28:07 - Bien sûr.
28:08 - Or là... - Et tout le monde s'en est réjoui.
28:10 - On peut dire qu'on peut... - Le travail à la chaîne quand même, c'était pas l'idéal.
28:13 - Des travaux, des métiers qui broyaient les corps,
28:15 qui créaient des troubles musculosquelettiques,
28:17 qui broyaient les psychés
28:19 et qui voyaient des personnes à la retraite totalement lessivées.
28:23 Là, c'est à quoi nous avons affaire.
28:25 C'est un ouragan sur des métiers à haute compétence cognitive
28:29 qui mobilisent nos facultés intellectuelles et créatives,
28:33 qui aussi ont nécessité de longues années d'études,
28:37 qui apportent de l'estime de soi, de la reconnaissance des formes de socialité.
28:40 Alors, la liste est longue.
28:42 - Non mais donnez-moi deux ou trois exemples.
28:44 - Alors par exemple, est-ce que vous avez vu, cher André Bercoff,
28:46 au mois de mai, BILD, le groupe allemand BILD,
28:49 qui est un des premiers groupes, je crois, de presse en Allemagne,
28:52 qui, dès le mois de mai, c'est-à-dire même pas six mois après le chat de GPT,
28:55 a dit avec la novlangue managériale,
28:58 "On va réorganiser nos effectifs en licenciant un tiers du personnel."
29:02 Donc, c'est les journalistes, c'est à terme les professeurs,
29:06 les correcteurs, les traducteurs,
29:10 des enseignants, parce qu'il faut voir au-delà de 2023.
29:14 Et je voudrais signaler sur ce point-là, les scénaristes.
29:17 Qu'est-ce qui s'est passé avec les scénaristes à Hollywood ?
29:19 - Hollywood.
29:20 - Qu'est-ce qui s'est passé ?
29:21 C'est-à-dire que les scénaristes à Hollywood, ils ont vu le vent venir.
29:24 Ils ont eu dîner, si j'ose dire.
29:26 Et ils ont vu que, pour l'instant, ces systèmes d'IA génératifs
29:30 ne sont pas appelés à se substituer à eux.
29:32 En revanche, de plus en plus, par l'analyse des pratiques de consommation sur Netflix...
29:37 - Non mais si, demain, ils vont se substituer à eux, ils feront des scénarios.
29:40 - Alors, dans un ou deux ans, André,
29:43 alors qu'est-ce qu'ils ont fait ?
29:44 Et là, ils ont été grands.
29:45 Ça devrait nous inspirer.
29:47 Ils ont dit "on ne va pas attendre des actions des régulateurs
29:50 qui ne pensent que par le primat économique
29:52 et qui ont une fascination à l'endroit de l'industrie du numérique.
29:56 On va se laisser lever, par corporation,
29:59 et on va dire "vos objections",
30:00 parce que moi j'appelle "chat" à cesser,
30:02 "vos objections culturelles et civilisationnelles
30:04 qui vont nous amener à un désert de l'humanité,
30:07 c'est-à-dire à l'abandon de nos facultés intellectuelles et créatives,
30:11 on n'en veut pas."
30:12 Ils se sont mobilisés, et qu'est-ce qui s'est passé ?
30:14 Ils ont eu gain de cause.
30:16 C'est-à-dire que contre la régulation qui ne cherche qu'à accompagner ce mouvement
30:19 dans une soumission coupable...
30:21 - On peut réagir, on peut se révolter.
30:22 - C'est une dimension jurisprudentielle qui a eu lieu.
30:24 C'est-à-dire qu'ils ont fait acte de droit en disant
30:27 "ça n'aura pas lieu comme ça, est-ce que je crois ?"
30:30 Je vais terminer sur ce point-là, parce que je vois qu'on me presse là.
30:33 J'étais au Chili la semaine dernière,
30:36 invité par l'Université catholique du Chili à Santiago,
30:39 et le recteur de l'université,
30:41 ils m'ont dit "mais nous, dans les universités, comment on va faire ?"
30:43 Parce qu'on voit bien que c'est un ouragan, l'usage des GA génératives.
30:46 Eh bien, je lui ai dit "regardons ce qui s'est passé avec les scénaristes."
30:50 Ce que je crois, c'est que si des personnes se mobilisent
30:53 à l'échelle de leur petite société, ça n'a pas beaucoup d'effet.
30:57 En revanche, si des corporations, à l'échelle de la planète,
31:00 à l'échelle du monde, se lèvent, et ils disent
31:02 "nous, la corporation des journalistes, comme les scénaristes,
31:05 on ne veut pas être remplacés par des systèmes."
31:07 Parce qu'au nom de l'utilitarisme généralisé,
31:10 ce sont des métiers qui apportent de l'estime de soi,
31:12 des métiers à haute compétence,
31:14 des métiers qui créent du plaisir à la tâche.
31:16 - Oui, parce qu'ils sont au coeur des journaux, des radios, des télévisions, avec personne.
31:19 - Mais c'est pareil pour plein d'autres métiers.
31:20 Vous savez, l'avenir du professeur, elle est en danger.
31:23 On peut imaginer que dans quelques années,
31:25 il y ait des super assistants médecins généralistes
31:28 qui vont être en première consultation,
31:31 par analyse du visage, et par l'analyse des capteurs.
31:35 Donc ce que je crois, c'est que les corporations,
31:38 à l'échelle de la planète, devraient se mobiliser.
31:40 Pourquoi je dis ça ?
31:42 Parce que, à force de nous soumettre,
31:45 à force de nous adapter,
31:48 la soumission...
31:50 On va vers des logiques de soumission.
31:52 - Une soumission totalitaire.
31:54 - Et puis il y a toujours cette idée de complémentarité homme-machine.
31:57 Celui qui a inventé cette notion mériterait aujourd'hui
32:00 le prix Nobel de la novlangue.
32:02 Ce n'est pas une complémentarité homme-machine qui est à l'oeuvre.
32:05 C'est une éradication à grande vitesse
32:07 des métiers qui, en réalité, mobilisent le génie humain.
32:12 - Des métiers humains et du génie humain.
32:14 - Et comment peut-on accepter cela ?
32:16 - Mais la preuve...
32:18 La preuve, c'est que votre passion montre,
32:20 et vous n'êtes pas le seul, Eric Sada,
32:22 que beaucoup de gens ne l'acceptent pas.
32:24 Et c'est toujours le problème de la soumission à la résistance.
32:26 3 milliards d'histoires, même si on assiste à une mutation globale.
32:29 - On va se retrouver dans quelques instants,
32:32 et après, en direction Lyon,
32:34 on sera avec Alain, qui nous appelle tout de suite sur Sud Radio.
32:36 - Le premier site d'articles français et patriotes présente...
32:39 - Ici Sud Radio.
32:43 Les Français parlent au français.
32:48 Je n'aime pas la blanquette de veau.
32:51 Je n'aime pas la blanquette de veau.
32:54 - Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
32:57 - 13h49 sur Sud Radio, nous sommes toujours avec Eric Sada,
33:00 jusqu'à 14h, qui est notre invité aujourd'hui.
33:02 Et on a Alain, au 0826-300-300, qui nous appelle de Lyon.
33:05 - Bonjour Alain, on vous écoute.
33:07 - Bonjour.
33:09 - On vous écoute Alain.
33:10 - Je voulais juste réagir à une interpellation
33:12 que vous avez faite tout à l'heure sur les gens
33:14 qui ne prenaient pas l'avion et ainsi de suite,
33:16 mais qui en même temps devaient se servir de chaque GPT.
33:19 Je suis en plein dans ce créneau-là.
33:21 J'ai 65 ans.
33:23 J'ai arrêté de skier à 22 ans, en 1980,
33:26 parce que déjà à cette époque-là, on se rendait compte
33:28 que les montagnes étaient en train de trop souffrir.
33:30 La dernière fois que j'ai pris l'avion, c'était en 93.
33:34 Depuis, quand je me déplace en Europe, c'est en train.
33:37 Je n'ai jamais payé quoi que ce soit par Internet,
33:41 je ne me suis jamais servi d'un GPS,
33:43 je n'ai jamais envoyé un mail de ma vie.
33:45 Ni reçu, ni ouvert un mail.
33:48 Ça va, j'en ai dit assez ou pas ?
33:50 Alors vous voyez, on peut être écologiste
33:53 ou avoir une conscience en même temps,
33:55 ne pas se servir de chaque GPT.
33:57 Et je ne me servirai jamais d'une intelligence artificielle
33:59 quoi que ça me coûte dans ma vie.
34:00 - Voilà un vrai résistant, Eric Sada.
34:02 Qu'est-ce que vous en pensez ? Lui, il va loin.
34:04 - C'est rare, mais bravo à vous, monsieur.
34:06 Il y a une sorte de rigueur.
34:08 - Ben si, c'est une rigueur.
34:10 - Excusez-moi de vous couper, mais je vais finir par ça.
34:16 Des gens comme moi, j'en connais plein,
34:18 parce que justement, je fais partie d'un monde
34:20 où on a rejeté ce genre de choses.
34:21 Mais il y a plein de gens qui l'ont rejetée.
34:23 Je ne suis pas une exception, je suis loin d'être une exception.
34:25 - Oui, vous n'êtes pas non plus.
34:27 - Il y en a qui vont beaucoup...
34:28 - C'est quoi votre métier ?
34:31 Je ne sais pas si vous êtes à la retraite.
34:33 - Moi, j'étais chef d'entreprise.
34:35 - Et vous n'avez jamais utilisé un mail dans votre entreprise ?
34:40 - Jamais.
34:41 - Ah bon.
34:42 Écoutez, très sincèrement, je...
34:44 - On est obligé de...
34:45 - Non, mais j'estime beaucoup, je crois.
34:46 Mais très sincèrement, je ne vais pas dire
34:49 le théorème de Michel Audillard,
34:50 il y a des poissons violents, volants,
34:52 mais ce n'est pas la majorité de l'espèce.
34:54 Mais écoutez, aujourd'hui, si vous êtes en France,
34:56 vous savez, en France et en Europe et partout,
34:58 malheureusement peut-être, je ne dis pas que c'est bien,
35:00 mais vous savez que vous n'êtes pas majoritaire.
35:04 C'est le moins qu'on puisse dire.
35:06 - Une radicalité diététique.
35:07 - Je ne revendique pas d'être majoritaire, mais je...
35:09 - Non, non, mais...
35:10 - Je ne revendique pas d'être majoritaire,
35:12 mais je ne suis pas solitaire, en tout cas.
35:13 - Oui, c'est très bien.
35:14 - Il y a des gens qui vont beaucoup plus loin,
35:16 il y a des gens qui n'ont même pas de portable, etc.
35:18 - Bien sûr, bien sûr.
35:19 - Ils sont rares, ils existent, c'est très bien.
35:21 - Mais bien sûr, et heureusement.
35:22 - Je veux savoir qu'il y a des personnes qui tiennent à cela,
35:25 qui l'affirment, qui l'inscrivent dans leurs usages.
35:28 Mais là, on peut parler aussi de mesure,
35:32 c'est-à-dire là, vous êtes dans une attitude, j'ai envie de dire...
35:34 - Une attitude de résistance.
35:35 - Diététique radicale, et c'est à votre honneur,
35:38 à votre grand honneur.
35:39 Moi, ce que je vois, c'est que ça ne cesse de prendre plus de mesures.
35:45 Vous disiez, vous n'utilisez pas d'intelligence artificielle,
35:49 de systèmes d'intelligence artificielle,
35:50 et notamment les IA génératives.
35:52 Nous avons parlé là, de chat GPT...
35:54 - Mais parlons de l'image.
35:55 - Ben voilà, parce qu'il s'agit de langage,
35:57 de texte, de production, c'est-à-dire,
35:59 c'est quand même très troublant, dans l'histoire de l'humanité,
36:01 voir des systèmes produire du langage,
36:04 et ça entre dans l'ordre banal des choses.
36:06 Ça dit quand même quelque chose de nos psychés,
36:08 c'est-à-dire d'être prêts à accepter des choses
36:10 qui sont totalement incroyables,
36:11 sans nous poser de questions, et sans voir ce qui se joue.
36:14 Mais nous vivons exactement la même chose avec les images,
36:18 c'est-à-dire les IA génératives,
36:19 c'est pas seulement sur simple prompte,
36:22 parce que nous allons vers...
36:23 Je ne suis pas prophète,
36:24 mais je peux vous dire que les 20 prochaines années,
36:26 c'est ce que j'appelle le promptisme généralisé.
36:29 C'est-à-dire, on va tous,
36:31 pas comme monsieur, pas comme moi,
36:33 et pas comme un nombre important d'entre nous, je l'espère,
36:36 mais un très grand nombre va continuellement faire des promptes,
36:38 c'est-à-dire des instructions.
36:39 C'est ça l'IA générative.
36:41 C'est être ravachis sur notre canapé,
36:43 et pour quantifier d'action de la vie humaine,
36:45 faire des promptes, des instructions,
36:47 "Fais-moi un mouton, fais-moi un texte,
36:49 fais-moi mon programme de la journée."
36:51 Mais ces promptes, c'est aussi...
36:53 C'est aussi générer des images.
36:56 Et là, je voudrais souligner quelque chose d'extrêmement grave.
36:59 C'est-à-dire, on a tous vu au printemps dernier
37:03 des images du pape avec une doudoune,
37:05 ou Macron dans une manifestation, être pris à partie.
37:08 C'est-à-dire que sur un simple prompte,
37:11 des systèmes aujourd'hui, sur une simple instruction de notre part,
37:14 vont pouvoir produire en temps réel
37:18 et offrir dans les mains de quiconque.
37:21 Eh bien, par exemple, je vais demander
37:24 à Mide Journée ou à Ali,
37:26 qui sont le nom de deux systèmes parmi d'autres,
37:28 "Produis-moi en une seconde l'image de mon voisin
37:32 avec lequel j'aurais un différent,
37:34 qui frappe ma voisine, et je le balance sur Internet."
37:37 Ou "Produis-moi l'image d'un soldat dans un contexte déterminé
37:41 qui abat de sang-froid une petite fille ou un petit garçon."
37:44 C'est-à-dire que la société n'est pas suffisamment
37:48 frappée par la psychiatrisation, n'est-ce pas ?
37:50 Marquée par l'expression des rancœurs, des ressentiments,
37:53 une défiance continuelle.
37:55 Il faudrait que l'industrie numérique en rajoute,
37:58 et nous allons vers quoi ?
38:00 Nous allons vers ce que j'appelle
38:01 le régime de l'indistinction généralisée.
38:03 C'est extrêmement grave.
38:04 C'est-à-dire que d'ici, allez, deux ans,
38:07 peut-être que 50% du régime symbolique qu'on va avoir sur Internet
38:10 est dans notre horizon symbolique,
38:12 dans notre horizon de l'image.
38:13 C'est pareil avec les textes et probablement avec le son.
38:16 Nous ne saurons pas quelle est la nature et l'origine d'une image.
38:19 Or, ça c'est d'une extrême gravité. Pourquoi ?
38:22 Parce que la société, c'est pas seulement des principes communs.
38:26 Pour faire société, moi qui ai écrit "L'ère de l'individu tirant",
38:29 le livre pour lequel vous m'aviez invité André,
38:31 "La fin d'un monde commun",
38:33 une société c'est pas seulement des principes communs
38:35 qui font qu'on est capable d'agir en liberté,
38:38 et dans la pluralité, dans la contradiction.
38:40 Ce sont aussi des référents communs.
38:42 C'est-à-dire des points d'intelligibilité communs,
38:45 faute de quoi on ne se comprend plus.
38:47 - La détection totale du mot et de l'image, on fera n'importe quoi.
38:50 - Ah bah c'est la brutalisation des rapports interpersonnels du sens sans.
38:54 - Juste, mais est-ce que vous êtes pas,
38:56 est-ce que vous ne croyez pas quand même,
38:58 à ce que la nature humaine,
38:59 quand je dis la nature humaine, vous comprenez,
39:01 ce n'est pas en tant que...
39:02 - Oui.
39:03 - Est-ce qu'elle n'est pas capable,
39:05 est-ce que vous n'êtes pas un peu trop pessimiste,
39:07 est-ce que vous ne croyez pas que nous avons
39:09 et que nous pouvons sécréter des anticorps
39:11 face à, effectivement, cette idée générative
39:14 et à cette tentative de totalisation,
39:17 je ne dirais pas au sens totalitaire, mais c'est un peu ça,
39:19 que ce soit de l'image et du mot.
39:21 Parce que ce, c'est du faux, la fausse personnalisation
39:24 au nom de la marchandise.
39:25 - Bien sûr, bien sûr.
39:26 - Mais donc, est-ce que vous n'êtes pas un peu trop pessimiste ?
39:28 - Alors, les anticorps sont mis en péril
39:30 par un poison qui est le fait de profiter
39:34 d'instruments de facilitation de nos existences
39:37 et de vecteurs de paresse.
39:40 C'est ça.
39:41 C'est-à-dire, Esteban vous met très sympathique,
39:43 on a plaisanté hors antenne tout à l'heure,
39:45 vous disiez, pour un pot de départ, je crois, à CNews,
39:47 vous avez demandé à Chad Gpt de l'écrire.
39:51 Moi, je vous ai dit, en plaisantant,
39:53 c'était en toute cordialité,
39:55 mais est-ce que c'est si difficile d'écrire un pot de départ ?
39:57 Il y a le fait que pour qu'il y ait des anticorps,
40:00 il faut quand même qu'il y ait des principes auxquels on tient.
40:02 Il y a quand même les principes auxquels on tient
40:05 et je crois que ces principes, nous avons tendance à les oublier.
40:08 C'est-à-dire que le monde économique, la société,
40:10 le régulateur les a oubliés.
40:12 C'est quoi les principes fondamentaux qui nous animent ?
40:14 Qu'on peut tenir dans les doigts d'une main.
40:16 Moi, c'est mes critères de jugement.
40:18 Ces principes, c'est quoi ?
40:20 C'est la défense et la célébration de la dignité,
40:24 de l'intégrité humaine, de la liberté,
40:27 de l'intelligence et de la créativité qui nous caractérisent.
40:34 Or, au moment où nous renonçons à cela,
40:38 il y a le fait que ce sont nos pires penchants qui prévalent.
40:45 - Je crois que c'est un grand défi qui est là
40:48 et vous avez raison de le poser dans votre livre.
40:51 C'est effectivement le défi qui nous attend.
40:53 Étant d'un turéte optimiste, je pense, et vous aussi je crois,
40:57 que nous allons sécréter les anticorps nécessaires
41:00 et vivre la résistance.
41:02 Votre livre est un livre de résistance, c'est pour ça qu'on aime bien.
41:04 - On le rappelle ce livre.
41:06 "Vie spectrale" s'est publié aux éditions.
41:08 Merci Eric Sadeur d'avoir été avec nous.
41:10 André Berconvaux, on se retrouve demain à partir de midi.
41:12 On sera en direct du Salon des mers à la Porte de Versailles de Paris.
41:15 Tout de suite, c'est Brigitte Lahaye sur Sud Radio.
41:16 A demain.
41:17 le premier site d'articles français et patriotes.

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