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Art et designTranscription
00:00 * Extrait de « Le garçon et le héron » de Miyazaki *
00:05 Et on commence par « Le garçon et le héron » de Miyazaki.
00:08 * Extrait de « Le garçon et le héron » de Miyazaki *
00:26 10 ans après son dernier film et le coup de l'artiste qui part à la retraite,
00:30 Miyazaki est donc de retour avec ce nouveau conte intitulé « Le garçon et le héron ».
00:34 Un long métrage qui se veut comme une combinaison de toutes ses œuvres,
00:38 explique la production du film.
00:40 On va en parler avec nos critiques.
00:41 Miyazaki a donc incorporé dans ce film son parcours de vie.
00:44 L'histoire débute donc pendant la Seconde Guerre mondiale, l'époque de sa naissance.
00:48 Un incendie dévaste l'hôpital où la mère du jeune héros est soignée.
00:52 Elle y succombera.
00:53 Maïto, le garçon, quitte alors Tokyo pour la campagne avec son père qui dirige une usine d'armement.
00:59 Là encore, l'histoire de Maïto se rapproche de celle du réalisateur japonais.
01:03 Le film bascule ensuite dans un autre univers, comme le maître japonais sait les inventer.
01:09 Le jeune garçon, par chance, rencontre ce drôle de héron bavard qui va lui servir de guide, Antoine Léris.
01:16 Vous êtes vous laissé guider par ce garçon et par ce héron.
01:20 - Alors il y a plusieurs temps dans ce film. Il y a d'abord sur fond bleu le personnage de Totoro qui apparaît sur l'écran au tout début.
01:27 Et on se dit, ça y est, on va partir dans l'émerveillement d'un film du studio Ghibli et d'un film de Miyazaki.
01:33 Et au départ, c'est vraiment très puissant ce bombardement de Tokyo avec cet incendie.
01:39 L'image est striée. Il y a quelque chose de très dynamique, de très fort.
01:43 On voit ce garçon qui court et puis d'un coup, tout s'arrête.
01:47 Et il se retrouve à déménager dans une maison à la campagne avec son père,
01:51 qui a trouvé une nouvelle compagne, qui est la soeur cadette de la mère de cet enfant qui est décédée.
01:55 Et là, le rythme du film s'arrête presque immédiatement.
01:59 Et on suit les pas de ce garçon qui va essayer de s'intégrer dans cet univers familial,
02:06 qui va quelque part un peu le pousser au dehors et dont il va finir par s'extraire lui-même
02:12 en découvrant une porte sur un monde merveilleux qui va nous emmener à l'intérieur de l'imaginaire même de Miyazaki.
02:19 Et je crois que si le film a quelque chose de merveilleux, c'est de pouvoir entrer comme ça en contact direct avec le cerveau du créateur.
02:26 On a l'impression vraiment de dialoguer avec lui.
02:29 Il y a quelque chose qui s'instaure, puisqu'en fait, il va nous rappeler tous les thèmes de ses films passés.
02:35 C'est-à-dire que... - Alors pour ceux qui ne connaîtraient pas, c'est quoi ces thèmes des films passés ?
02:38 - En fait, c'est pas compliqué. Vous avez le lieu abandonné, comme dans Totoro.
02:42 Vous avez le tunnel végétal, comme dans Shihiro.
02:44 Vous avez les petits animaux étranges, comme dans Mononoke.
02:47 Vous avez la mer qui s'agite, comme dans Ponyo.
02:49 Les avions et la guerre, comme dans Le Vent se Lève.
02:51 Vous avez une sorcière, comme dans Kiki.
02:54 Et en fait, il va comme ça nous rejouer à chaque fois les mêmes thèmes pour nous dire
02:57 "c'est bien dans mon oeuvre que vous êtes en train de voyager".
03:00 Ensuite, la question, c'est "est-ce que ce voyage dans cette oeuvre globale de Miyazaki fait une oeuvre en elle-même ?"
03:06 C'est la question qu'on peut se poser, et notamment par rapport à la date de sortie de ce film
03:10 qui sort au beau milieu des vacances de la Toussaint, là où on va au cinéma avec les enfants.
03:14 Très honnêtement, je me pose la question de "est-ce qu'on a vraiment envie d'emmener ses enfants voir ce film-là ?"
03:19 - Film plus dur, plus confus, Lucille Como, qui ne vous a pas vraiment séduit ?
03:24 - Alors, je ne sais pas s'il est plus dur qu'il soit plus confus.
03:27 C'est aussi assez compliqué à dire, parce qu'en fait, ce qu'on aime souvent dans les films de Miyazaki,
03:31 c'est ne pas reconnaître, c'est-à-dire ne pas comprendre ce qu'on est en train de voir.
03:35 La rupture de rythme, on l'accepte dans les films que vous citez,
03:38 précisément parce qu'elle nous heurte à l'endroit de la réception de quelque chose d'absolument étrange.
03:44 Là, le problème, c'est ce que vous venez de décrire,
03:47 c'est-à-dire qu'en tant que spectateur, et qu'en tant que spectateur qui connaît Miyazaki,
03:51 ce qui est le cas de beaucoup de gens, je pense, qui vont aller voir ce film,
03:54 on est engagé dans un jeu de reconnaissance permanente,
03:57 c'est-à-dire qu'on est tout le temps en train de regarder... - C'est le jeu de glisse.
04:01 - Parce que ce n'est pas seulement des motifs,
04:03 c'est aussi vraiment parfois des petits bouts de mise en scène, des formes très très reconnaissables.
04:07 Il y a par exemple ce moment où le petit garçon doit monter à une échelle,
04:10 l'échelle se décroche exactement comme l'échelle de la falaise,
04:14 enfin c'est les tuyaux de Chihiro, et c'est au plan près exactement la même image.
04:18 Donc on se retrouve dans une manière de reconnaissance en permanente,
04:22 alors que ce qu'on aimait précisément, c'était l'étrangeté.
04:25 Donc il y a ça d'une part, et puis il y a le côté extrêmement filandreux de la narration,
04:31 dont vous avez un peu parlé Antoine, c'est-à-dire qu'en effet une fois qu'on passe dans ce monde
04:38 un peu merveilleux qui est, dont le passage c'est quelque chose qu'on voit tout le temps chez Miyazaki,
04:43 encore une fois on sait qu'on va arriver dans un endroit complètement inconnu et que ça va être bizarre,
04:47 mais là on y passe d'une manière assez linéaire, c'est-à-dire qu'au lieu de ce fonctionnement poétique
04:52 qui était très propre au cinéma de Miyazaki, qui était de mettre en rapport
04:56 des mondes qui étaient un peu les uns au-dessus des autres et pas les uns à côté des autres,
05:00 où il y avait des choses qui se répondaient, des couleurs, c'est le fonctionnement de la poésie,
05:04 ça marche par le signifiant.
05:06 Là, on a plutôt affaire à une accumulation de signes dans un truc un peu picaresque,
05:09 où on passe d'un monde à l'autre de manière assez successive,
05:12 et en fait au bout de 3-4 mondes qui sont tous très beaux, on n'en peut plus en fait.
05:16 On n'arrive plus en tant que spectateur à assimiler l'image qu'on nous montre.
05:22 Donc il y a un effet de trop-plein énorme.
05:24 - Et d'une accumulation trop importante.
05:25 - En fait, on est dans l'accumulation et non plus dans le système déco qui était
05:29 la forme magnifique des films de Miyazaki.
05:32 - J'ai envie de dire, quand on va voir un Miyazaki, puisque c'est comme ça qu'on les appelle,
05:35 ces films d'animation, on les appelle par le nom du réalisateur,
05:39 on a envie d'être rassuré, et retrouver des choses qu'on connaît déjà,
05:43 est-ce que c'est plutôt rassurant ?
05:45 Mais ce n'est pas ce que vous attendiez, si j'ai bien compris.
05:47 Antoine Léris ?
05:48 - En fait, ce qui se passe, c'est qu'il nous entraîne par...
05:52 C'est-à-dire qu'il a créé sa propre mythologie, donc on sait exactement qu'on va découvrir
05:56 des choses extraordinaires, mais on ne sait jamais lesquelles.
05:59 Et c'est ça qui est absolument fascinant dans les films de Miyazaki,
06:03 et même en général dans les films du studio Ghibli, puisqu'on confond d'ailleurs souvent les deux.
06:07 On lui attribue des films qui ne sont pas de lui, du moment que ça sort du studio Ghibli.
06:11 Là, ce qui est très différent, justement, c'est qu'il nous emmène dans un terrain
06:14 qui est effectivement à chaque fois connu.
06:16 Il y a une forme de répétition.
06:18 On a effectivement l'impression de passer d'une pièce à une autre,
06:21 et que chaque fois, un motif déjà connu va être reproduit.
06:24 En revanche, je trouve que là où ça prend du sens, c'est sur la toute dernière partie du film,
06:30 que je vais essayer évidemment de ne pas raconter, mais qui là, moi, m'a complètement emporté.
06:34 C'est-à-dire, m'a réellement profondément bouleversé, comme rarement un film de Miyazaki m'a bouleversé.
06:40 Quand je commence à comprendre qu'en fait, c'est un réalisateur,
06:44 qui voit la mort arriver, qui voit la fin arriver,
06:47 et qui essaye de trouver un héritier, et qui n'en trouve pas.
06:52 Puisqu'il dit, il y a un personnage, un vieux monsieur barbu,
06:56 qui donc a créé ce monde dans lequel le petit garçon va aller.
06:59 - C'est le grand-oncle, c'est ça ? - Une espèce d'être suprême.
07:02 Qui a passé sa vie dans les livres, et qui a créé ce monde imaginaire,
07:05 qu'il a même fabriqué, à proprement parler, qu'il a fabriqué avec 13 blocs,
07:10 et qui propose à ce petit garçon de continuer cette œuvre-là.
07:14 - 13 blocs, on en est au 12ème long-métrage de Miyazaki, et ça fera 13 avec le prochain.
07:19 Et donc évidemment, il y a quelque chose de, je trouve, de très beau,
07:23 de voir quelqu'un qui voit son héritage, qui va probablement s'effondrer,
07:28 ses personnages être libérés, sans que l'œuvre soit continuée.
07:31 - Il y a deux éléments qui sont intéressants, c'est la première partie un peu autobiographique,
07:34 c'est-à-dire qu'il incorpore effectivement son parcours de vie dans ce nouveau long-métrage,
07:40 avec des personnages qui sont inspirés de personnes réelles,
07:44 j'ai parlé du père, de l'histoire de la mère aussi, qui meurt dans l'hôpital au début,
07:49 et les fondateurs aussi du studio.
07:51 Il y a comme ça des hommages aux personnes avec qui il a travaillé, Lucille Como,
07:57 ce qui en fait véritablement un film testamentaire.
08:00 - C'est tout le problème, en fait, c'est que de toute façon c'est une fiction,
08:03 puisque Miyazaki avait dit qu'il ne ferait plus de films, il en fait une.
08:07 Il y a un jeu avec la réception du spectateur qui me déplait, moi,
08:09 parce que je trouve qu'il y a une volonté de contrôle de la part du créateur
08:12 qui inhibe nos réflexes de réception.
08:15 Et moi, ça ne m'intéresse pas beaucoup, par exemple,
08:17 ce que vous décrivez de la substance autobiographique,
08:19 je ne la connaissais pas nécessairement d'ailleurs quand je suis allée voir le film,
08:22 et je vois rétrospectivement à quel point elle peut plomber la matière.
08:25 Par exemple, vous parliez de cet élément de la mère à l'hôpital,
08:28 c'est aussi un élément dans Totoro, c'est-à-dire que les petites filles,
08:32 c'est l'histoire de deux petites filles qui sont à la recherche d'un animal mystérieux,
08:36 aussi à la campagne, alors qu'en hors champ permanent,
08:39 on sait que la mère est à l'hôpital et c'est très important pour l'attention du film.
08:43 Et c'est beaucoup plus émouvant dans Totoro que là, dans ce film,
08:47 où la question de la maternité, qui a l'air d'être la grosse affaire quand même de Miyazaki,
08:53 dans ce film-là en particulier, parce que vous avez parlé de l'être suprême,
08:56 c'est-à-dire ce père, entre guillemets, de substitution
08:59 que le petit garçon va réussir à trouver dans le monde imaginaire.
09:02 Mais en fait, la fin du film rabat toutes les interprétations qu'on peut avoir de Miyazaki
09:08 sur quelque chose d'assez simpliste, d'assez oedipien, en plus d'assez occidentalocentré.
09:13 Je trouve qu'il y a beaucoup de choses, enfin je ne sais pas si vous êtes d'accord Antoine,
09:16 mais moi qui m'ont fait beaucoup penser à des références, pour le coup, de fiction européenne.
09:21 Alice au Péridique des Merveilles, Blanche Neige.
09:23 - Là c'est Miyazaki qui, depuis le début de sa carrière, a des références très européennes.
09:26 Le tunnel végétal, il est dans Chihiro, il est dans Alice au Péridique des Merveilles,
09:31 il y a des références comme ça permanent de Miyazaki.
09:33 - Ça m'a davantage frappée en tant que cliché, entre guillemets, d'image,
09:37 qui aurait été, encore une fois, accumulée dans une forme.
09:40 - D'ailleurs j'ai noté, le héron n'est-il pas le lapin d'Alice au Péridique des Merveilles ?
09:42 - Oui, oui, c'est ça.
09:43 - Clairement, ce personnage du héron ?
09:45 - Alors il est beaucoup moins séduisant que le lapin d'Alice au Péridique des Merveilles.
09:48 Il invite beaucoup moins à l'aventure.
09:50 Et il y a en fait, vous découvrirez mais assez vite dans le film finalement,
09:55 que ce héron, cet animal magnifique, est en fait un costume dans lequel quelqu'un est caché.
10:00 Ce qui change tout à fait la dimension de séduction, d'amusement, du côté ludique
10:06 que pouvait avoir le lapin et que n'a pas du tout le héron.
10:10 Mais moi ce que je trouve très beau, et on parlait de cette dernière partie du film,
10:14 c'est que, en fait, là, Miyazaki et les deux personnages à la fois,
10:18 c'est-à-dire, je crois qu'il est à la fois l'enfant et qu'il est à la fois le créateur,
10:21 et qu'il s'interroge lui-même finalement sur, je trouve, quelque chose d'assez beau,
10:26 du côté, est-ce que moi-même, si j'avais été jeune à nouveau,
10:31 j'aurais voulu reprendre un monde qui a déjà été bâti,
10:34 ou est-ce que j'aurais voulu vivre et bâtir mon propre monde ?
10:36 Et ça, je trouve ça vraiment très beau, très touchant et très positif.
10:41 Alors même que le film est un peu hermétique,
10:44 un peu ennuyeux dans toute sa première partie, on peut le dire.
10:46 Mais je trouve que terminer sur cette note positive, moi, me le rend très tendre.
10:52 - Lucille, il cherche un successeur dans son studio, le fameux studio Ghibli,
10:59 même si là, il y a beaucoup d'entourage qui s'exprime, qui raconte comment le film est arrivé,
11:05 comment est-ce qu'il travaille, ce côté un peu "je veux tout maîtriser,
11:09 je me mêle de tout sur la réalisation de ce film".
11:11 Est-ce que c'est trop ? Est-ce qu'il y a trop de Miyazaki dans ce film ?
11:15 Est-ce que c'est le film de trop, si on va jusque là ?
11:17 - Non.
11:19 Je ne saurais pas dire, c'est difficile de répondre à ce genre de questions-là
11:23 parce que j'aurais du mal à juger rétrospectivement moi-même.
11:27 Ce serait me mettre dans cette même position que justement, j'essaye de dénoncer,
11:31 mais en tout cas de pointer comme étant un peu envahissante dans le film.
11:36 Non, mais je voulais juste revenir sur le héron.
11:37 Parce qu'il y a un truc qui est très beau et qui demeure, mais c'est à l'échelle du détail.
11:42 Et ça, je trouve que ça résiste très fort dans ce film-là aussi de Miyazaki.
11:46 C'est une espèce d'articulation entre quelque chose qui est drôle,
11:49 qui est burlesque, vraiment, genre grotesque avec ce héron.
11:52 C'est une capuche, en fait, un peu une capuche de héron et l'inquiétude.
11:56 Et ça, c'est quelque chose qu'on voit très peu, qui, à mon avis, est très propre à Miyazaki,
12:00 qui est très étrange pour le coup, pour nous, je pense, spectateurs occidentaux.
12:03 Ce truc où il n'y a aucun hiatus entre le sublime et le burlesque, jamais,
12:07 et que tout ça fonctionne en même temps.
12:10 Bon, ça, on le retrouve, moi, je ne le trouve pas à l'échelle du film,
12:13 mais à l'échelle de petits détails, et ça me fait toujours plaisir.
12:17 - J'ai dit tout à l'heure que c'était un film moins facile.
12:19 Je ne sais pas si c'est la bonne expression.
12:20 L'aventure est plus dure, plus rude, peut-être, pour ce petit garçon ?
12:26 - Je vous rappellerai que dans Shihiro, ses parents se transforment en cochons.
12:29 Alors, en termes de dureté, il me semble que les films de Miyazaki ont toujours été très durs.
12:35 Dans Princesse Mononoke, il y a une sorte de mâle qui prend les animaux fantastiques,
12:40 qui va les détruire.
12:41 C'est toujours des histoires très difficiles.
12:44 Je pense que ce qui est compliqué, c'est que là, c'est un film pour cinéphiles.
12:48 C'est-à-dire, c'est vraiment...
12:49 En gros, vous disiez, qu'est-ce qui le différencie ?
12:52 En fait, l'utilité de ce film, c'est dans 20 ans,
12:54 quand on fera une rétrospective intégrale de Miyazaki,
12:57 on sera heureux d'avoir ce film-là pour avoir quelques petites clés de compréhension.
13:01 Je le crois.
13:02 En revanche, est-ce que c'est un magnifique film de vacances pour emmener ses enfants ?
13:06 Non, non, évidemment non.
13:07 Non, parce qu'en plus, il n'y a pas l'espèce de valeur cathartique des films que vous venez de citer.
13:11 Et je pense que c'est aussi un défaut du film.
13:13 On a très peu d'empathie.
13:14 On n'en a pas beaucoup parlé de ce garçon.
13:16 On a parlé du héros.
13:17 On a assez peu d'empathie pour lui.
13:18 On n'a pas le temps de le connaître.
13:20 Il n'est pas du tout construit.
13:21 Shihiro, c'est un personnage qui est profondément construit et qu'on aime tout de suite.
13:24 Parce que toute la première partie l'installe dans son rapport à ses parents,
13:28 dans son rapport à la nature, puis dans son rapport au travail.
13:31 Elle a quelque chose de maladroit.
13:33 Elle est plus petite aussi.
13:34 Peut-être que c'est différent.
13:35 Et là, paradoxalement, c'est peut-être en effet un autoportrait de l'auteur.
13:38 Mais alors vraiment, il y a très peu de choses qui circulent du personnage vers le spectateur.
13:44 Et là, à mon avis, c'est aussi un défaut du film.
13:46 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:05 C'est en salle, ce jour en version originale ou en version française.
14:08 Le garçon est le héron d'Ayao Miyazaki.
14:11 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:17 Et nous parlons d'un autre petit garçon, à présent avec l'enlèvement de Marco Bellocchio.
14:20 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:26 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:30 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:33 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:38 * Extrait de « Mahito » de Hideo Kojima *
14:45 Ce n'est pas la première fois qu'une histoire vraie inspire le réalisateur italien Marco Bellocchio.
14:49 L'histoire de ce jeune garçon né au 19ème siècle dans une famille du quartier juif de Bologne.
14:54 En 1858, précisément, les soldats du pape font irruption pour enlever Edgardo Mortara, âgé de 7 ans.
15:02 Mais pourquoi donc ?
15:03 Eh bien parce qu'il a été baptisé en douce par une servante qui était inquiète pour le salut de son âme.
15:08 Et il devient ainsi à l'insu des siens chrétiens pour l'éternité, comme on vient de l'entendre.
15:13 Et doit à ce titre recevoir une éducation catholique d'après les hautes, les plus hautes autorités du Vatican.
15:18 En racontant l'histoire de cet enlèvement, Marco Bellocchio veut mettre en scène, dit-il, un crime commis au nom d'un principe absolu.
15:26 Lucille, comment avez-vous été séduite par cette démarche et par ce film ?
15:31 Oui, c'est un film qui est impressionnant de toute façon, parce que c'est un film assez grandiloquent,
15:35 avec, comme on l'entendait dans la bande-annonce, beaucoup d'effets.
15:38 On va en reparler. Grandiloquent ? Non mais je ne l'entends pas du tout négativement.
15:41 Vous réjouissez ?
15:42 Oui, grandiose !
15:44 Antoine Leiris fait des petits jeux grandiloques.
15:46 Oui, je vais voir, surprendre un bel éditeur.
15:48 Allez, de toute façon, c'est sa grande affaire à Bellocchio, maintenant qu'il a plus de 80 ans,
15:53 de traquer dans l'histoire italienne tout le temps la question du pouvoir et la question des abus de pouvoir.
15:59 C'est vraiment son truc à lui.
16:00 Donc là, il prend un cas, c'est-à-dire le cas de ce petit garçon, en effet,
16:05 qui est enlevé par la papauté, tout ce qu'elle représente,
16:08 à un moment où la papauté vacille en Italie,
16:11 parce qu'on est à la veille d'un grand, grand changement historique,
16:13 donc dans les années 1850.
16:15 Et il en fait, de cette histoire-là, de ce drame qui est familial,
16:19 qui est circonscrit à une petite ville, à une famille, à une communauté,
16:22 donc la communauté juive de Bologne,
16:23 il en fait un lieu pour réfléchir à son pays.
16:26 C'était toujours été son truc.
16:28 D'ailleurs, c'est drôle parce qu'en fait, ce film, il a été un peu pensé par Spielberg.
16:33 Spielberg a voulu parler de cette histoire, cette histoire précisément, de ce petit garçon-là.
16:38 Et puis, il a abandonné l'idée parce qu'il ne trouvait pas l'acteur.
16:40 On en parlera peut-être de ça, de l'acteur qui joue l'enfant.
16:43 Et Bellocchio attendait en fait que Spielberg lâche l'affaire pour faire son film.
16:48 Et il en fait un film hyper italien avec la langue italienne, la langue diverse italienne,
16:54 puisqu'on est à une époque "pré-nationaliste"
16:56 où on parle encore des dialectes.
16:59 Et donc, quand les personnages se retrouvent en procès,
17:01 parce qu'il y a beaucoup de lieux institutionnels et de scènes institutionnelles,
17:05 on leur demande sans cesse de parler en vrai italien.
17:08 Voilà, moi, je trouve que c'est un très beau film.
17:10 Je le trouve un peu écrasant.
17:12 Il se trouve aussi peut-être que j'ai trop vu, entre guillemets, de Bellocchio en trop peu de temps,
17:17 puisque j'ai vu la série sur Aldo Moro qui est sortie sur Arte il y a peu de temps.
17:22 Et puis, j'avais revu "Le traître" qui est un très grand film sur la mafia.
17:26 Et peut-être que dans ce film-là, j'ai vu beaucoup de trucs,
17:30 c'est-à-dire que je vois beaucoup.
17:31 Ce ne sont pas forcément des tics, ça, ce serait le côté grandiloquent du grandiose.
17:35 Non, ce ne sont pas des tics, c'est plus une manière de faire des obsessions,
17:39 des obsessions formelles qui sont un peu tout le temps...
17:42 Il y a une recette.
17:44 Donc, quand on s'attache à ça, on est un petit peu en dehors du drame.
17:51 J'y reviendrai.
17:52 Il y a aussi un truc hyper théâtral qui peut-être nous met beaucoup à distance,
17:55 mais je sens que vous n'êtes pas du tout d'accord avec moi,
17:57 donc je ne le regarde pas parce qu'il est trop beau.
17:59 Antoine Léris, qu'avez-vous pensé ?
18:01 C'est drôle parce que j'ai fait exactement le même parcours que Lucille,
18:04 Esther Nonoté, j'ai revu "Le traître".
18:07 Et donc, en très peu de temps, beaucoup de bellocchio.
18:10 Et moi, ça m'a fait l'effet exactement inverse,
18:12 c'est-à-dire que j'ai eu un vrai bonheur à retrouver ce type de film classique.
18:16 Il faut savoir ce qu'on va aller voir, c'est-à-dire que c'est un grand film classique.
18:20 Donc, on a une grande histoire dans un contexte historique important.
18:24 Ça fait partie de ce plaisir de la cinéma.
18:27 On a des émotions universelles, il y a des larmes, il y a des violons, de la musique,
18:30 il y a des figurants, il y a des costumes, il y a des décors, c'est une époque.
18:35 Ça, c'est le film classique !
18:36 Une dramaturgie qui est soulignée, effectivement, elle est peut-être parfois sursoulignée,
18:40 mais ça fait partie du plaisir du grand film classique.
18:43 En fait, et Lucille en parlait, Bellocchio fait des films comme Hollywood n'en fait plus.
18:48 Et c'est vraiment cette histoire de la production avec Steven Spielberg,
18:51 qui pour moi m'intéresse beaucoup parce qu'on a l'impression qu'Hollywood n'ose plus faire autre chose
18:56 que des films de super-héros ou des franchises ou des choses comme ça.
18:59 Et bien, Bellocchio, lui, le fait en apportant justement cette touche européenne,
19:04 mais en gardant le côté, effectivement, oui, grandiose.
19:07 Un film, un grand film classique hollywoodien, ça vient un peu avec des gros sabots, évidemment.
19:13 Et c'est aussi ce qu'on cherche.
19:14 On cherche ces moments d'émotion un peu intenses, ces moments de drame où,
19:19 comme ça, les deux mains ne peuvent pas se rejoindre, mais l'enfant et la mère sont séparés.
19:23 Évidemment, c'est ce genre de choses qu'on va chercher et qu'on va trouver dans ce film-là,
19:27 mais avec une véritable intelligence parce qu'effectivement,
19:30 c'est une époque de l'Italie qui est hyper importante.
19:33 C'est vraiment le moment de la naissance de l'Italie, de la réunification de l'Italie.
19:38 Et je trouve que pour un républicain 68ards comme Bellocchio,
19:43 de traiter comme il le fait, en n'imposant pas des caractères de méchant ou de gentil d'un côté ou de l'autre,
19:50 moi, je trouve ça hyper intéressant de nous raconter cette naissance de l'Italie
19:55 depuis la forteresse assiégée du Vatican,
19:58 avec ce lien très particulier qui s'est créé entre ce pape et cet enfant.
20:01 La grande histoire avec la petite histoire de ce petit garçon.
20:05 Vous vouliez en dire un mot tout à l'heure, Lucille Como, Marco Bellocchio,
20:09 d'y vouloir montrer le désarroi de ce petit garçon Edgardo,
20:13 qui évidemment est arraché à sa famille.
20:17 Et est-ce qu'il faut en dire un peu plus ? Va se trouver une nouvelle famille ?
20:21 Oui, son parcours en fait, est une forme prétexte.
20:24 Et c'est là aussi où je trouve qu'il y a un petit problème dans la réception qu'on peut avoir du film.
20:29 C'est à dire que ça tient peut-être aussi au choix de l'acteur que je trouve assez statique,
20:33 alors qu'il joue dans un personnel d'acteur qui par ailleurs est ultra expressif.
20:39 Marco Bellocchio, c'est quelqu'un qui fait beaucoup jouer ses acteurs.
20:41 Je sais aussi peut-être ce que vous décrivez quand vous parlez d'Hollywood et de la manière classique,
20:45 parce qu'il y a quelque chose de profondément surexpressif dans la manière dont les acteurs jouent.
20:52 En fait, moi, ça ne me fait pas tant penser à un film hollywoodien qu'à un opéra.
20:55 Donc pour le coup, une forme vraiment italienne.
20:57 Il y a la musique dont on a un tout petit peu parlé, qui n'est pas du tout d'ailleurs la musique de la bande annonce,
21:02 qui est signée par un certain Fabio Massimo Capogrosso, donc vraiment de la musique italienne,
21:06 et qui est magnifique. La musique est splendide, c'est peut-être ce qu'il y a de plus beau dans le film.
21:11 Et ce qui est assez étonnant, c'est qu'elle est très lyrique. Cette musique est très premier degré.
21:15 Elle vient appuyer pile à des moments les plus dramatiques et les plus pathétiques,
21:19 notamment de l'histoire familiale, parce qu'en effet, l'histoire familiale importe.
21:22 Et en même temps, il y a des effets de burlesque en permanence et de théâtralité exacerbée
21:27 qui mettent tout le temps le spectateur un petit peu en retrait.
21:30 C'est-à-dire qu'en fait, on est tout le temps dans une adhésion contrariée à la pure émotion
21:35 que par ailleurs, on voudrait encourager par des tas d'effets qui sont les effets de réalisme et de surexpressionnisme.
21:42 - Mais du coup, il y a quoi ? Il y a un trop-plein là aussi ? Il y a trop d'émotions ?
21:45 - Non, il y a une contradiction. Je ne sais pas. Moi, ça ne m'a pas fait grand-chose.
21:49 Alors peut-être Antoine est particulièrement ému aujourd'hui, donc profitons-en.
21:54 - Alors, balancez ! - Il va compenser mon cœur de pierre.
21:56 Mais moi, je m'en fichais un petit peu de ce petit garçon. Je voyais beaucoup d'effets.
22:01 Je regardais les costumes. Je riais au burlesque de ces personnages de grandes institutions qui choix littéralement.
22:08 Mais l'histoire familiale ne m'a pas procuré grand-chose.
22:12 - Je ne suis pas certain qu'Antoine Leiris jette comme ça le destin de ce petit garçon à la poubelle.
22:17 - Non, mais je n'ai pas dit ça.
22:18 - Non, et d'autant que ce que je trouve très beau, c'est qu'il est pris dans une double culpabilité, ce petit garçon.
22:23 Donc, de devoir trahir sa famille juive en se convertissant au catholicisme
22:29 et d'être celui, puisqu'une nonne à un moment lui dit, d'être issu du peuple qui a tué le Christ.
22:35 Et il y a aussi cette figure du Christ qui est hyper importante, qu'on voit dans plusieurs plans.
22:39 Il y a même une scène qui est très belloquesque, puisqu'elle va dans le fantastique, dans le rêve.
22:45 Il y a souvent du rêve chez Bellocchio.
22:47 On voit le Christ qui descend de sa croix, comme si ce petit enfant arrivait à le libérer.
22:52 Et je trouve que justement, il est statique parce qu'il est au milieu de ces deux culpabilités,
22:57 qu'il est pris entre le marteau et l'enclume.
22:59 Et ça, au contraire, je trouve ça assez beau et je trouve que le petit garçon l'incarne parfaitement.
23:04 Et puis en plus, je ne vais pas demander à un petit garçon d'être Robert de Niro à l'écran.
23:07 - Ah bah si !
23:08 - Je trouve qu'il incarne très bien cette dimension-là.
23:10 - Spielberg est de bon sens aux petits garçons.
23:11 - Et il y a un autre personnage, moi, qui m'intéresse parce que Bologne, ce n'est pas innocent non plus.
23:15 C'est quand même la ville de la création de l'université.
23:18 On a ce personnage du père qui, moi, m'intéresse beaucoup,
23:20 qui est lui, quelque part, en tant que spectateur, qui est avec nous et qui est toujours du côté de la raison.
23:26 C'est-à-dire qu'il y a de la sensibilité, de l'émotion partout, de la violence, des enjeux de pouvoir.
23:30 Et lui est toujours du côté de la raison.
23:32 C'est-à-dire qu'il se dit toujours que les choses vont se dérouler comme elles devraient le faire,
23:36 si on était à peu près raisonnable.
23:38 Et ce regard de ce père sur cette histoire qui est totalement déraisonnable, moi, m'a beaucoup intéressé aussi.
23:43 - Vous n'avez pas dit un mot sur la musique qui plaisait à Lucide Comodre.
23:47 Est-ce que ça vous a permis de rentrer dans ce film ?
23:51 Ça vous a tenu à distance ? Ça vous a emporté ?
23:53 - Moi, la musique m'a emporté, mais exactement comme dans un opéra.
23:57 La musique avec les décors, avec les costumes et avec, justement, la théâtralité de l'opéra.
24:02 En fait, c'est vraiment un tout qui fait qu'on se laisse emporter dans ce film-là.
24:05 - Mais c'est là où il est le meilleur, Bellocchio, c'est dans la vraie théâtralité.
24:08 Et quand il l'assume, et d'ailleurs, les plus belles scènes, à mon avis,
24:11 et ça rappelle "Le traître" et ça rappelle la série sur Aldo Moro,
24:15 c'est vraiment les scènes qui reproduisent le théâtre à l'intérieur du théâtre.
24:19 C'est les scènes de procès.
24:20 Il y a ce procès au cœur du film, avec en effet le père qui est probablement un des personnages les plus passionnants,
24:25 qui s'effondre finalement, quand même, il finit par s'effondrer à la fin,
24:28 mais qui est quand même une scène d'une clarté cinématographique et d'une beauté absolue.
24:34 - Pour terminer, ce film était en lice pour la Palme d'Or à Cannes en mai dernier.
24:39 Et j'ai l'impression, vous allez peut-être me contredire, qu'il est un peu passé entre les gouttes, entre les mailles du filet.
24:45 Est-ce que c'est mérité ? Est-ce qu'on a raté ce film à Cannes, Lucille Como ?
24:48 - Non, je ne pense pas qu'on a raté, non, mais on n'a pas raté ce film à Cannes.
24:52 En fait, en effet, l'académisme de la forme le met à l'écart, parce qu'il n'a pas de problème.
24:58 - Il a plus sa place à l'Oscar du meilleur film étranger, par exemple, plus qu'au Festival de Cannes.
25:04 - Donc on n'a pas raté à Cannes, ça c'est une bonne nouvelle et on ne le rattrape pas non plus.
25:07 Ce mercredi dans les salles, merci à tous les deux.
25:10 L'enlèvement de Marco Bellocchio sort donc en salle aujourd'hui.
25:13 Et je remercie les critiques de ce mercredi 1er novembre.
25:16 Lucille Como, productrice à France Culture, on vous retrouve tous les matins à 8h55 pour votre regard culturel.
25:23 Antoine Liris, on vous lit dans le magazine trimestriel Respect.
25:28 Et on vous retrouvera aussi bientôt sur France Culture.
25:30 Je n'en dis pas plus. Voilà, je n'en dis pas plus. Merci à tous.