Anne Fulda reçoit Mohammed Aïssaoui pour son livre «Dictionnaire amoureux d'Albert Camus» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Mohamed Aissaoui.
00:02 Alors vous êtes un critique littéraire bien connu,
00:05 vous avez écrit déjà de nombreux livres,
00:07 et là vous venez de publier un très joli livre
00:09 qui est un dictionnaire amoureux d'Albert Camus,
00:11 un livre qui est paru chez Plon,
00:13 un hommage à l'auteur de l'étranger.
00:15 Un très joli livre qui est intime, sincère, émouvant,
00:19 et qui mérite bien d'être dans cette collection
00:22 justement de dictionnaires amoureux,
00:23 car on sent qu'il y a de l'amour, de l'admiration,
00:25 voire des ressemblances entre vous.
00:28 Et c'est un livre que vous avez écrit avec la complicité
00:30 de Catherine Camus, qui est la fille d'Albert Camus,
00:33 à laquelle d'ailleurs vous dédiez ce livre.
00:35 Vous écrivez "J'ai longtemps pensé que j'étais le seul au monde
00:38 à connaître Albert Camus, à le comprendre,
00:40 et qu'il n'écrivait que pour moi.
00:41 Camus, c'est mon père, mon frère, mon professeur, mon ami.
00:44 Il me console des chagrins de l'existence.
00:46 Avec lui, je ne me sens jamais seul."
00:48 Alors ces mots sont issus de la belle préface
00:50 que vous avez écrite.
00:51 Qu'est-ce qui vous rapproche le plus de lui, en fait ?
00:54 - Ah, c'est la question, elle est difficile.
00:56 En tout cas, effectivement, ça rentre en plein
01:01 dans la collection du dictionnaire amoureux.
01:03 C'est-à-dire que c'est un dictionnaire subjectif.
01:05 C'est-à-dire que je choisis mes entrées.
01:07 Peut-être que la chose qui m'a, disons, guidée,
01:11 c'est une sorte de reconnaissance de dette.
01:13 C'est-à-dire que j'étais gamin, j'avais 12 ans,
01:15 je ne comprenais rien, par exemple,
01:18 à la lecture de l'étranger, mais j'étais subjugué.
01:21 Et il m'a toujours accompagné tout au long de ma vie.
01:24 Et je suis revenu aussi sur ses textes.
01:26 Et peut-être que la chose la plus importante,
01:28 c'est que c'est un compagnon de vie.
01:31 Voilà, c'est ça.
01:32 Et c'est en ça que j'ai voulu vraiment rendre hommage
01:34 à Albert Camus et en plus, avec la rencontre de sa fille,
01:37 qui a été un moment décisif.
01:39 - Oui.
01:40 - Un moment décisif.
01:41 - Que vous racontez.
01:42 - Oui, ça a ajouté au bonheur et à la joie d'écrire sur Camus.
01:47 - Oui, parce qu'il y a des points communs entre vous,
01:50 ce qui probablement explique.
01:51 Bon, vous êtes les deux nés en Algérie,
01:53 vous parlez de...
01:54 Vous venez tous les deux d'un milieu modeste.
01:57 Vous parlez d'une mère analfabète qui ne pouvait pas lire les livres,
02:00 ce qui est un point qui est important de ce fossé social
02:07 entre d'où il venait et où il est arrivé.
02:12 C'est des choses aussi qui ont construit ce lien particulier avec lui.
02:16 - Tout à fait.
02:17 Et c'est pour ça que j'ai eu l'impression que j'étais le seul à le connaître.
02:21 - Oui, ce que vous dites.
02:22 - Et le seul à le comprendre.
02:24 Peut-être que la chose la plus émouvante que lui a vraiment décrite
02:30 de manière magistrale, c'est effectivement...
02:36 On ne peut pas comprendre que votre maman,
02:39 la personne qui vous est la plus chère, ne puisse pas vous lire.
02:43 Je veux dire, le premier homme est dédié...
02:45 - C'est le premier homme.
02:46 - Voilà, qui est dédié à ma mère, qui ne pourra jamais lire ce livre.
02:50 Et quelqu'un qui décrit ça, qui me dit "tu vois, tu n'es pas tout seul".
02:56 Ça m'a beaucoup ému.
02:58 Et vraiment, j'ai peut-être presque chaque semaine été en la compagnie de ses textes,
03:05 aussi bien de ses pièces de théâtre que de ses romans, que de ses nouvelles
03:10 auxquelles je consacre une entrée, parce qu'on ne parle pas aussi,
03:14 pas assez en tout cas à mon goût, du nouveliste,
03:16 qu'il est un nouveliste formidable.
03:19 - Alors un nouveliste, un intellectuel aussi, à part.
03:22 Et donc il y a une entrée aussi sur cette fameuse opposition
03:26 en conflit toujours avec Sartre.
03:28 - Polémique.
03:29 D'abord, une amitié, on l'oublie.
03:30 - Il y a une amitié aussi.
03:31 - Il y a une grande amitié.
03:32 Je veux dire, le plus beau texte sur l'étranger,
03:34 c'est quand même Jean-Paul Sartre qui l'a écrit.
03:37 Une amitié forte avec aussi Simone de Beauvoir.
03:41 Sur le plan du théâtre, ces deux dramatures, il ne faut pas l'oublier,
03:45 avec presque une œuvre jumelle entre les mains sales et les justes,
03:51 c'est vraiment la même problématique.
03:53 Et puis, une grosse déception à partir de L'Homme révolté.
03:56 Là, j'ai rarement lu qu'il y a eu aussi combatif,
04:03 aussi presque violent à l'égard des intellectuels,
04:08 et notamment une partie des intellectuels de gauche,
04:10 qui sont pour certains fourvoyés dans le communisme.
04:14 Et là, c'est la grande polémique avec,
04:17 et c'est aussi ça que j'essaie de décrire, avec un mépris social.
04:21 Et là, on revient au Camus, né dans un quartier pauvre,
04:26 à qui on dit même comment il habillait,
04:28 je veux dire, ce que j'appelle les porte-flingues de Sartre.
04:31 Mais je n'oublie pas que Sartre est aussi un grand écrivain,
04:35 qui lui a beaucoup apporté, qui m'a aussi marqué.
04:37 Et bien sûr, il y a eu la polémique,
04:39 mais je dis aussi tout le bien que je pense de Sartre.
04:43 - Alors, il y a plusieurs entrées.
04:44 Il y a les mots, vous revenez sur les mots préférés d'Amir Camus.
04:48 "Le désert, la douleur, l'été, les hommes, l'honneur, la mer."
04:51 La mer et la mer, la misère.
04:54 Et d'autres, il y a une phrase qu'on ressort tout le temps,
04:57 c'est "mal nommer les choses".
05:00 Justement, est-ce que le fait que Camus soit aujourd'hui
05:02 si contemporain et toujours si apprécié,
05:05 est-ce que ce n'est pas justement cette langue pure
05:09 et qui ne s'écoute pas écrire, en fait ?
05:11 - Mais c'est absolument cela.
05:13 J'ai essayé de comprendre pourquoi Camus a passé le défi du temps
05:17 de manière assez extraordinaire.
05:18 Je veux dire, ses livres sont parmi les meilleurs ventes encore aujourd'hui.
05:22 - La peste au moment du confinement.
05:24 - Effectivement, je ne vous parle même pas de la peste
05:25 qui a répondu à une problématique en 2020.
05:30 Et en fait, j'ai essayé de comprendre.
05:32 Et effectivement, je pense qu'on oublie que Camus est un grand styliste,
05:38 un styliste qui peut être décrit par la fluidité de son style,
05:43 la simplicité, on le sait, ça dure à quel point d'être simple.
05:48 Et effectivement, dans ses nouvelles, il est juste remarquable.
05:52 - En tout cas, vraiment, je vous conseille de lire
05:54 ce dictionnaire amoureux d'Albert Camus.
05:56 Il mérite vraiment son nom.
05:57 C'est un dictionnaire amoureux et on y apprend beaucoup de choses.
06:00 C'est passionnant, c'est bien écrit et c'est paru chez Plon.
06:03 Merci beaucoup, Mohamed Aïssaoui.
06:04 - Merci Anne Fulda.
06:05 (Générique)
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