Sébastien Lecornu, ministre des Armées, était l’invité de #LaGrandeInterview de Sonia Mabrouk dans #LaMatinale sur CNEWS, en partenariat avec Europe 1.
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00:00 Et place donc à la grande interview sur CNews et Europe 1. Bonjour à vous Sébastien Lecornu.
00:04 Bonjour Sany Marouk. Merci de votre invitation.
00:06 Vous êtes le ministre des armées, merci à vous et merci d'avoir accepté notre invitation dans ce moment particulièrement intense.
00:11 Ministre des armées, je le disais. Vous êtes également l'homme que le président a missionné pour les déplacements au Proche-Orient et donc au plus près de ces négociations.
00:19 Hier, la libération du quatrième groupe d'otages par le Hamas a suscité évidemment un énorme soulagement pour toutes les familles concernées,
00:26 y compris pour les familles des trois otages français libérés, trois mineurs, Eitan, 12 ans, Erez, 12 ans et sa soeur Sahar, 16 ans.
00:34 Tout d'abord, monsieur le ministre, la question évidemment qu'on se pose tous, comment vont-ils ?
00:38 Ils vont bien, ils ont retrouvé leur famille, ils vont faire l'objet d'un suivi médicalisé important.
00:43 Vous avez rappelé leur âge, plus de 50 jours de détention. Imaginez l'impact en matière de nutrition, de sommeil.
00:50 Le suivi psychologique évidemment sera important et donc évidemment ce suivi-là va se faire dans la durée et c'est bien naturel.
00:58 Alors c'est compliqué de parler de joie parce qu'en fait on parle de familles qui ont été parfois décimées, qui sont dans un deuil,
01:06 dont parfois d'autres membres de la famille sont toujours détenus otages.
01:10 Donc c'est sûr qu'il y a quelque chose de curieux. A la fois, on a sorti les plus jeunes de nos otages et donc ça ne peut être qu'une bonne nouvelle.
01:17 Après, il y a toujours de l'espérance et un travail diplomatique, politique, sécuritaire important qui va continuer pour les cinq autres otages français,
01:26 dont je rappelle une jeune fille majeure, mais une jeune fille et quatre hommes.
01:30 La précision des mots est essentielle. Vous dites cinq otages, monsieur le ministre, ou cinq otages et peut-être des disparus ?
01:38 Toujours la même chose, otage ou disparu et la précaution oratoire vient de quelque chose de terrible.
01:43 Elle remonte évidemment à la question, elle repose sur la question des preuves de vie.
01:48 Pour un certain nombre de ces personnes disparues, on a des preuves de vie, je ne donnerai évidemment pas le détail,
01:53 et donc on peut estimer qu'elles sont otages, même si parfois ces preuves de vie peuvent remonter à quelque temps.
01:58 Pour d'autres personnes, malheureusement, nous n'avons pas forcément de preuves de vie.
02:01 Donc ça, évidemment, ça se fait en transparence avec les familles.
02:03 C'est-à-dire que là, on a une preuve de vie, on la partage systématiquement avec les familles.
02:07 Donc à chaque fois, la diplomatie française et les autorités politiques ou de renseignement, d'ailleurs, dont j'assure la tutelle,
02:13 précisent toujours "disparu" ou "otage".
02:15 On va parler de la suite. Que sait-on avec la prudence qui se doit et la gravité qui s'y est quand même à ce moment ?
02:21 Des conditions de détention de ces trois mineurs, ont-ils vécu dans des tunnels sans voir le jour ?
02:26 Quel traitement physique et psychologique ? Est-ce que vous pouvez nous renseigner sur ces points-là ?
02:29 Alors, c'est un peu tôt parce que, pour le coup, les familles, évidemment, passent en priorité avant tous les débriefings
02:34 qui vont être réalisés par les différents services de renseignement, israéliens évidemment.
02:38 Mais il y a des protocoles qui sont prévus, y compris entre pays alliés, pour ce faire.
02:43 Ce qu'il faut bien comprendre aussi, c'est que les conditions de détention sont très variables, parfois, d'un otage à l'autre.
02:49 Ils sont parfois disséminés dans la bande de Gaza. Ce n'est pas toujours le Hamas qui les a en détention.
02:56 Ce qui explique aussi ce pourquoi il y a eu ces péripéties de jour en jour.
03:00 Pour être honnête avec vous, nous savions depuis plusieurs jours maintenant, d'où aussi les formules que nous avions employées,
03:07 en parlant d'espoir, d'espérance, nous savions qu'il y avait évidemment ces otages français qui étaient dans ces listes
03:13 qui étaient échangées entre Paris, entre Washington, entre le CAIR, Doha bien évidemment,
03:18 et j'enverrai un hommage peut-être au Qatar sur le rôle, et évidemment Tel Aviv.
03:23 Mais effectivement, ce que nous redoutions, c'était que la trêve ne tienne pas,
03:28 que n'importe quel prétexte soit utilisé par le Hamas pour venir mettre en cause justement cette trêve,
03:35 ce qui aurait pu mettre en cause la libération de ces otages.
03:38 Donc c'est pour ça aussi que la prudence a dominé, et elle va continuer de dominer.
03:42 Elle a dominé, si je vous entends bien, en sachant que vous aviez déjà des garanties sur ces trois mineurs, déjà depuis quelques jours.
03:48 En fait, les discussions, vous le voyez bien, au regard des profils qui sont libérés, sont essentiellement autour des enfants,
03:54 c'est bien naturel, ou des jeunes femmes, enfin essentiellement les enfants.
03:58 Et donc dans les différentes discussions que le président de la République a eues avec les différentes autorités de la région,
04:03 ce qu'a fait Catherine Colonna, ce que j'ai fait moi-même effectivement, en passant par des canaux plus défense, militaire, sécuritaire,
04:09 c'était évidemment de nous assurer que les enfants étaient correctement traités dans cette discussion-là.
04:15 Le vrai sujet, c'est la fragilité de la trêve, puisque c'est la trêve humanitaire qui permet évidemment,
04:20 non seulement d'obtenir la sortie des otages avec le Hamas, mais tout simplement de la mettre en œuvre, cette sortie de l'Hamas.
04:25 Encore un point, est-ce que la France a plus de difficultés que d'autres pays, comme les États-Unis ou l'Allemagne,
04:29 justement, à libérer les otages aux mains du Hamas ?
04:32 Non, je ne crois pas. Objectivement, je ne crois pas. D'ailleurs, les paramètres des discussions sont des paramètres très globaux.
04:37 Parfois, il y a eu des difficultés liées tout simplement aux réseaux de communication entre la bande de Gaza et Doha.
04:43 Donc en fait, il y a eu cet ascenseur émotionnel et ces incertitudes, mais j'ai vu que certains pseudo-experts se disant proches du dossier disaient
04:50 « oui, c'est de la politique, le Hamas, ces graines, les choses etc. »
04:53 Non, la réalité, c'est qu'il y a eu plus de difficultés logistiques, pardon de le dire comme ça, que de difficultés politiques.
04:58 Après, il faut rester mobilisé, puisque je vois bien, effectivement, il y a un moment d'espoir et de joie en ce moment,
05:05 mais moi, je pondère sur le volet joie.
05:07 Les familles que j'ai pu rencontrer, comme Catherine Colonna, comme le président de la République, sont des familles qui sont en deuil
05:13 et qui, même si elles viennent de récupérer leurs enfants, sont des familles qui ont encore des otages ou des disparus parmi leurs proches.
05:20 À l'heure actuelle, est-ce que c'est confirmé qu'il y a une nouvelle liste d'otages qui serait en cours de préparation par le Hamas ?
05:28 Alors, vous avez vu cette annonce, effectivement, et du Hamas et du Qatar d'une nouvelle trêve de 48 heures,
05:34 c'est ce que l'Israël doit confirmer.
05:36 Et évidemment, pourquoi d'ailleurs la France a parlé très tôt de trêve humanitaire, en disant "mais pourquoi le président de la République dit ça ?" etc.
05:43 C'était aussi parce que nous savions, évidemment, maintenant on peut le dire de manière plus lisible, plus claire,
05:47 nous savions que c'était un des paramètres clés dans la libération d'otages.
05:51 Donc oui, des listes continuent de circuler.
05:53 Après, une fois de plus, chaque jour suffit sa peine, chaque soir il y a des libérations d'otages depuis quelques jours.
05:58 Ça reste quelque chose de très fragile, mais l'engagement va continuer.
06:01 C'est pour ça qu'il faut que la trêve humanitaire puisse se poursuivre.
06:03 J'ai un autre question, parce que là, la trêve c'est jusqu'à jeudi.
06:07 Pour l'armée israélienne, ça semble très clair, ce n'est pas une trêve reconductible.
06:12 Est-ce que la France demande à ce que ce soit une trêve reconductible ?
06:15 Une fois de plus, je pense qu'il faut résumer les choses de la manière la plus simple qui soit.
06:19 Israël a le droit de se défendre et Israël doit mettre hors d'état de mur le Hamas.
06:24 Après, il y a des conditions à cela pour que l'opération militaire et l'opération de sécurité soient efficaces.
06:30 Pardon, je parle comme un ministre de la Défense, donc peu diplomatiquement.
06:33 Mais pour qu'elle soit efficace, il y a évidemment la prise en compte des otages.
06:37 Il n'y a pas de schéma dans lequel un pays comme Israël ou un pays comme la France abandonnent les siens.
06:42 D'ailleurs, c'est évidemment ce que nous avons travaillé avec les autorités israéliennes.
06:48 Et puis, il y a la question de la prise en compte des populations civiles dans la bande de Gaza, femmes, enfants.
06:53 Et donc ces trêves, en même temps que la question des otages est en train de progressivement se traiter,
06:59 il en reste beaucoup, il y a évidemment la question de l'aide humanitaire qui doit rentrer dans le pays.
07:03 Nous allons parler, mais soyons précis, trêve reconductible pour la France ?
07:07 Il faut que cette trêve dure plus longtemps que les...
07:10 Il reste 177 otages.
07:12 Mais donc votre réponse appelle à...
07:14 Le chiffre est déjà... Il fait réfléchir. 177 otages.
07:16 Il doit rester quelque chose comme 18 ou 20 enfants, je crois, parmi ces 177 otages.
07:21 Il est clair que depuis le début, nous sommes constants et nous affirmons que la libération des otages,
07:25 et que c'est sûrement des otages français, pardon de le dire comme ça,
07:28 comme ministre français, est une priorité absolue.
07:31 Donc oui, la question de la trêve humanitaire doit se poursuivre,
07:34 parce qu'elle permet de régler progressivement, la vue hier au soir, la question des otages.
07:39 Sébastien Lecornu, vous dites ce matin que la trêve doit se poursuivre,
07:42 eu égard évidemment à la présence encore nombreuse des otages.
07:47 Je vous pose la question différemment, parce que l'armée israélienne n'est pas, semble-t-il,
07:51 pour une grève, une trêve qui dure, parce qu'elle a cet objectif d'éradication du Hamas.
07:56 Donc est-ce que la reprise des combats est légitime pour la France ?
08:00 Non mais que l'Israël soit légitime et dans une action légitime à mettre hors d'intervenir le Hamas,
08:06 il n'y a pas de débat là-dessus, la réponse est oui.
08:09 Mais une fois de plus, on ne parle pas de trêve sans condition.
08:12 On ne parle pas de trêve sans condition.
08:13 D'ailleurs, le président républicain n'a jamais parlé de trêve sans condition.
08:15 On va parler de cette position.
08:17 Et dans les conditions, il y a de toutes les évidences la libération des otages.
08:20 Qui peut dire que c'est secondaire ? Ou alors il faut aller jusqu'au bout,
08:23 il faut que celles et ceux qui pensent cela disent "bah non, on abandonne les otages".
08:26 Ce n'est certainement pas la position de la France.
08:28 Qui a cette position ? Personne ? Quelqu'un peut l'avoir ?
08:31 Malheureusement, l'anonymat des réseaux sociaux…
08:33 Au sein du gouvernement israélien ?
08:34 Non mais l'anonymat des réseaux sociaux font parfois circuler des positions un peu curieuses.
08:37 Donc dès lors qu'on dit que la libération des otages est une priorité,
08:39 il est évident que la trêve doit se poursuivre.
08:41 Et j'insiste, je le dis comme ministre des armées,
08:43 il n'y a pas d'opération de sécurité contre un groupe terroriste armé,
08:47 pardon de venir aussi avec notre expérience de français,
08:50 puisque nous n'avons malheureusement pas découvert le terrorisme de cet octobre dernier,
08:54 que nous avons connu suffisamment d'attaques nous aussi,
08:57 mais aussi de luttes contre des groupes terroristes armés.
09:00 C'est vrai au Sahel, c'est vrai évidemment au Levant,
09:02 sur lequel on a été très engagés dans l'opération Shamal,
09:05 et c'est toujours le cas aujourd'hui.
09:06 On a quand même perdu trois soldats en Irak à la fin du mois d'août,
09:08 dans une forme d'indifférence globale.
09:10 La question de la prise en compte des populations civiles
09:13 et de la libération des otages sont des conditions à la soutenabilité
09:17 de l'opération de sécurité israélienne.
09:19 Monsieur Mich, je vous insiste sur ce point,
09:21 on dirait que vous craignez que certains perdent de vue aujourd'hui
09:24 qu'il reste encore des otages.
09:26 Est-ce qu'une reprise des combats à la fin de cette trêve,
09:30 je dis, pourrait mettre en danger la vie des otages, y compris des français ?
09:34 Vous voyez que la trêve se reconduit petit à petit,
09:36 ça dit quelque chose.
09:38 Il faut mesurer aussi l'état d'émotion qui règne en Israël.
09:42 Vous savez, avoir une famille en otage, c'est la poursuite de l'attaque du 7 octobre.
09:46 Vous pleurez vos morts, mais après vous vous êtes plongé dans l'incertitude
09:50 de savoir ce qui se passe pour vos proches.
09:52 On parle d'enfants. Ce que fait le Hamas, c'est abominable.
09:55 D'ailleurs, ce n'est pas parce que le Hamas libère des otages
09:57 que le Hamas a le beau rôle.
09:59 Le Hamas reste le responsable de ce qui se passe.
10:01 Sauf que, Monsieur le ministre, il y a des images qui circulent,
10:03 on voit ces otages libérés, on voit des prisonniers palestiniens
10:06 également qui retrouvent leur famille.
10:08 Certains pourraient être enclins à dire que c'est le maître du jeu,
10:13 il a gagné la bataille de la propagande.
10:15 Je ne pense pas que le Hamas va arriver à faire croire
10:18 à nos opinions publiques qu'ils ont le bon rôle.
10:20 Nos opinions peut-être, mais d'autres.
10:22 Non, mais c'est là où à nous, après, nous déployer
10:24 et d'aller dans un chemin politique et diplomatique aussi
10:27 pour dire que la cause palestinienne n'est pas le Hamas.
10:30 Je pense que c'est quelque chose de clé qu'il nous faut absolument répéter.
10:34 En tout cas, je crois que la sécurité des otages,
10:36 nous nous l'assumons, c'est une priorité importante.
10:39 Personne ne peut dire qu'on s'en moque.
10:41 Et j'insiste, pour l'efficacité de l'opération militaire israélienne,
10:45 la question des populations civiles, de l'impact humanitaire et sanitaire,
10:48 comme la libération des otages, sont des conditions de la soutenabilité.
10:51 Je vous le répète à l'envie, parce que je vois bien que,
10:53 parfois, dans nos systèmes médiatiques, on va d'un extrême à l'autre.
10:57 Et je pense que cette ligne d'équilibre, elle est tout simplement de bon sens.
11:00 Dans tout ce processus inédit et très complexe de libération des otages,
11:04 le Qatar est très présent.
11:05 Comment vous qualifiez son rôle ?
11:07 Est-ce une victoire diplomatique pour le Qatar aujourd'hui ?
11:10 Oui, en tout cas, le Qatar tient parole.
11:13 Moi, je suis ministre en charge de la sécurité extérieure des Français,
11:17 là, vous le misez à l'intérieur, de la sécurité intérieure du peuple français.
11:21 Et il y a des alliés, il y a des pays qui sont des partenaires stratégiques importants,
11:25 qui n'ont pas les mêmes modèles politiques que nous,
11:28 qui ne défendent peut-être pas les mêmes systèmes de valeur que nous,
11:31 mais qui sont des pays avec lesquels nous avons des intérêts qui sont convergents.
11:36 Et le Qatar, qui est un tout petit pays, riche par ses productions d'hydrocarbures,
11:40 mais coincé entre l'Arabie saoudite et l'Iran,
11:43 qui regarde de près ce qui se passe à Washington
11:45 en cette période de campagne présidentielle américaine,
11:48 évidemment, mène une diplomatie pour défendre son autonomie,
11:51 et donc, cherche à être utile à ses alliés.
11:54 Donc, c'est un partenaire fiable.
11:56 Donc, il faut saluer aujourd'hui la ténacité et le respect de la parole.
12:00 Parfois, il y a des jugements moraux, les phrases à l'emporte-pièce sur les plateaux, etc.
12:03 Moi, je constate que tout ce qui nous a été dit, la parole a été respectée.
12:07 Et donc, là, on ne peut pas se réjouir de voir ces enfants sortir des mains de leurs geôliers
12:13 et ne pas reconnaître le rôle qu'a pu jouer l'Égypte d'une part, je le citais aussi,
12:17 et le Qatar de l'autre part.
12:19 Et le Qatar, y a-t-il d'autres pays ? La Turquie est souvent citée, Sébastien Lecornu.
12:23 Doha et Le Caire.
12:25 Est-ce que vous avez des craintes sur le front avec le Liban ?
12:28 Ce serait alors un second front conséquent pour Israël avec le Hezbollah.
12:32 Nous avons des militaires sur place.
12:34 Quel est le rôle alors que les tensions restent vives et qu'on n'en parle pas assez ?
12:37 C'est une mission qui est trop méconnue des Français.
12:39 Pourtant, c'est la plus ancienne et c'est la dernière grande mission de casque bleu
12:42 qui revient à un contingent français.
12:44 On a 700 militaires français à la frontière entre le Liban et Israël
12:48 sur deux camps, Derkifa et Nakoura.
12:50 En fait, c'est une mission des Nations Unies dont la France, d'ailleurs, tient la plume
12:53 au Conseil de sécurité chaque année, qui est là pour faire de l'observation,
12:57 de la déconfliction entre la partie libanaise d'un côté.
13:00 C'est la désescalade.
13:01 Ce n'est pas une force d'interposition, c'est pour ça que je dis déconfliction.
13:04 Dans la grammaire onusienne, vous avez deux crans si vous voulez.
13:07 Et sur le terrain, qu'est-ce qu'ils font concrètement ?
13:09 De l'observation, du renseignement, de la dissuasion.
13:12 Tout voit-il alors, Monsieur le ministre ? Est-ce qu'il voit que les choses peuvent s'en venir ?
13:15 Oui, vous avez effectivement, depuis maintenant le début du conflit à Gaza,
13:20 vous avez une montée en pression, lente, progressive, mais malheureusement certaine,
13:24 même si on a eu une petite accalmie en fin de semaine dernière,
13:27 de tirs d'Huezbola vers Israël qui entraînent des ripostes en légitime défense d'Israël,
13:32 mais qui sont des ripostes particulièrement importantes,
13:34 et qui donc d'ailleurs peuvent parfois menacer la sécurité de nos emprises
13:38 et de nos soldats français.
13:40 Donc la question de ce second front éventuel, de la maîtrise de l'escalade
13:44 avec cette frontière avec le Liban, est un sujet clé.
13:47 On connaît notre histoire, on se rappelle de la guerre de 2006.
13:49 On se rappelle aussi évidemment du rôle que le Hezbollah
13:52 et que l'ensemble des proxys iraniens peuvent jouer dans la région.
13:55 Et donc la France a un attachement particulier pour le Liban, un lien particulier,
13:58 une diplomatie particulièrement efficace,
14:00 c'est encore une des plus grosses ambassades que nous pouvons avoir à Beyrouth.
14:03 Et donc il est vrai que nous nous déployons énormément.
14:05 Monsieur le ministre, on a du mal à comprendre. Je vous pose la question directement.
14:08 Demain matin, on peut se réveiller avec un nouveau front ?
14:10 Oui, et une escalade régionale qui serait absolument épouvantable.
14:14 Je crois qu'il faut dire aussi la vérité à nos concitoyens et concitoyennes.
14:17 Au proche, au Moyen-Orient, on danse sur un volcan.
14:20 Et donc les trêves humanitaires qui sont aussi demandées,
14:23 la manière dont aussi nous demandons à nos amis israéliens
14:26 de prendre en compte les populations civiles à Gaza, tout ça forme un tout.
14:29 On défend nos valeurs, mais on cherche aussi à maîtriser toute forme d'escalade
14:34 qui serait absolument épouvantable, y compris pour notre sécurité.
14:37 J'entends, vous venez de dire, nos amis israéliens,
14:40 de la manière dont ils prennent en compte les civils palestiniens à Gaza.
14:43 Comment prennent-ils en compte ?
14:45 Je regarde les termes de l'ONU. L'ONU a mis en garde contre un nettoyage ethnique.
14:49 Non, mais moi je regarde les choses sur le terrain purement militaire, de là où je suis.
14:53 Il est clair que les populations civiles doivent être épargnées.
14:56 Et pour cela, il y a des précautions à prendre.
14:59 Le sont-elles ?
15:00 Il y a des précautions à prendre.
15:01 Le sont-elles, monsieur le ministre ?
15:03 C'est important, vous avez toutes les informations.
15:05 Non, pas toutes, justement. Cette zone de Gaza, elle est très dense.
15:10 Vous n'avez par définition, vous n'avez pas de moyens militaires français
15:14 pour faire cette observation immédiate.
15:16 Vous avez donc du renseignement de deuxième niveau.
15:18 Enfin, je ne rentrerai pas dans tous les détails.
15:20 Tout ça pour dire que c'est absolument clé dans la maîtrise de l'escalade.
15:23 Il faut le redire, il en va aussi de nos valeurs, mais aussi de nos intérêts.
15:26 Le président de la République, je le disais en début de cet entretien,
15:28 Sébastien Lecornu, vous a envoyé, vous et pas quelqu'un d'autre,
15:30 en service commandé au Proche-Orient, du Caire, en passant par Abu Dhabi,
15:33 Riyad, Doha, Tel Aviv.
15:35 Vous êtes quasiment allé partout dans la région.
15:37 Vous êtes un habile négociateur.
15:39 Beaucoup louent cette qualité ô combien essentielle en ce moment.
15:42 La question c'est, quelles politiques défendez-vous ?
15:44 Celles du président, mais quelles lignes aujourd'hui ?
15:46 On a du mal à comprendre.
15:47 Je vais le résumer en deux mots.
15:49 On est passé de la coalition contre le Hamas,
15:51 au droit à Israël de se défendre,
15:53 et finalement, un cessez-le-feu sans condition.
15:55 Pourtant, c'est toujours la même position.
15:56 Elle est cohérente depuis le 12 octobre,
15:58 date à laquelle le président de la République a pris la parole.
16:01 La difficulté de la position française depuis le général de Gaulle,
16:04 c'est que par définition, elle est équilibrée.
16:05 C'est-à-dire qu'elle ne s'aligne pas complètement sur les uns des autres.
16:07 Est-ce que l'équilibre est la confusion ?
16:08 Non, où est la confusion ?
16:10 Israël a le droit de se défendre.
16:12 Et la question sécuritaire est prioritaire.
16:14 Elle englobe d'ailleurs la question des otages.
16:16 Elle englobe aussi la question de la lutte contre le terrorisme.
16:18 Là aussi, il faut dézoomer,
16:20 mais c'est l'avenir de la coalition contre le terrorisme,
16:21 y compris contre Daesh en Irak.
16:23 On voit bien qu'il y a des vents contraires
16:25 qui peuvent peser sur l'opération Chamal
16:27 ou sur l'opération Inherent Resolve.
16:29 Bref, il y a une diplomatie importante,
16:31 y compris sur la lutte contre les financements des groupes terroristes.
16:33 Il y a toute une action à faire.
16:34 La deuxième des choses, c'est le volet humanitaire.
16:36 Je le redis, et les armées françaises jouent un rôle important dans cette affaire.
16:39 Le Conair, le Dixmude ?
16:41 Alors, quatre vols à 400 m pour l'essentiel du fret humanitaire et sanitaire
16:45 que le Quai d'Orsay a porté a été amené en Égypte par l'armée de l'air et de l'espace.
16:49 Effectivement, vous avez ce bateau transformé en bateau hôpital, le Dixmude,
16:52 qui est arrivé hier.
16:54 Qui reçoit des patients ?
16:55 Ça va démarrer, j'espère, dans cette semaine.
16:57 Vous avez une première équipe de préfigurateurs de sept militaires français
17:00 qui sont en train de faire le lien entre la partie israélienne et la partie égyptienne.
17:04 On a commencé à affiner le besoin sanitaire.
17:07 On voit bien qu'il y a des sujets d'orthopédie et des sujets d'ophtalmologie
17:10 pour les enfants, notamment.
17:11 Donc, on est en train de faire monter l'expertise, justement, sur ce bateau
17:15 qui va permettre aussi de stabiliser des patients.
17:19 Et comme c'est un porte-hélicoptère, le cas échéant de faire des liaisons
17:22 avec d'autres hôpitaux.
17:23 Donc, c'est ce qu'on appelle être nation cadre en matière sanitaire.
17:26 Et puis, enfin, le troisième pilier quand même de notre action,
17:29 il est plus politique, soit la maîtrise de l'escalade.
17:31 Je vous ai parlé du Liban, mais aussi la question de la solution
17:33 à deux États qui doit rester sur la table.
17:35 - C'est une cohérence que vous défendez.
17:36 - Oui, après, la difficulté, c'est que dans le monde...
17:38 - C'est la rue, on indice la rue arabe en France.
17:40 - Non, c'est aussi le réseau...
17:41 - Emmanuel Macron n'a-t-il pas sa rue arabe ?
17:42 - Mais je pense que si le général De Gaulle avait eu les chaînes d'information,
17:45 si je puis me permettre, les réseaux sociaux et tous les outils que l'on connaît,
17:48 sans compter nos compétiteurs russes et autres,
17:51 qui n'hésitent pas aussi à manipuler l'information,
17:53 et tout ça est largement documenté, la position serait parfois plus facile
17:56 à tenir jadis qu'elle ne l'est aujourd'hui.
17:58 Mais moi, j'assume et je prends ce rendez-vous avec vous dans le temps long,
18:01 que la position que la France, par la voix du président de la République le 12 octobre dernier,
18:06 est une position qui s'inscrit dans notre histoire et qui vieillira bien un coup sûr,
18:09 et qui est sans surprise pour nos différents interlocuteurs.
18:12 - Merci Sébastien Lecorme, et merci d'être venu dans ce moment particulièrement intense,
18:16 avec aussi du soulagement pour ces familles françaises.
18:19 C'était votre grande interview ce matin.
18:22 (Générique)