"Black Friday", "Vendredi Noir" : qui es-tu ? Isabelle Sorente s'est demandé quel Dieu aux milles visages nous invoquons sans le savoir sous le nom de "Black Friday". Une figure divine qui favorise l'échange, le commerce, l'arnaque parfois, dont notre chroniqueuse nous dresse le portrait...
Retrouvez toutes les chroniques d'Isabelle Sorente dans « C'est encore nous ! » sur France Inter et sur https://www.franceinter.fr/emissions/la-chronique-d-isabelle-sorente
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00:00 La culture, à 18h45 nous sommes en direct. La culture avant le masque et la plume après 20h, il y a Isabelle Sorante.
00:07 Bonjour les amis. Alors Black Friday, vendredi noir, qui es-tu ?
00:11 Je me suis demandé quel dieu au mille visages nous invoquons sans le savoir sous le nom de Black Friday.
00:17 Un dieu qui favorise l'échange, le commerce, l'arnaque parfois.
00:21 Cela pourrait ressembler à Hermès, le dieu de la communication, des voyageurs et des voleurs.
00:26 Sauf que Black Friday serait plutôt un avatar récent, un American God, comme dirait le grand Neil Gaiman.
00:33 Le Black Friday, le vendredi soir, le vendredi noir, c'est le dernier vendredi de novembre aux Etats-Unis, le lendemain de Thanksgiving.
00:41 Ce vendredi ouvre traditionnellement le début du shopping de Noël.
00:45 Alors imaginez, c'est l'après-guerre, l'effervescence des années 50.
00:49 Imaginez la foule se pressant gaiement dans les boutiques, illusion de toute puissance, ivresse de la consommation,
00:55 adoration de la bagnole, embouteillage monstre.
00:59 Ce seraient les policiers de Philadelphie rendus dingues par la circulation dans les rues,
01:04 les engueulades dans les magasins qui auraient baptisé ce jour de consommation frénétique vendredi noir
01:08 parce que ce n'était pas la fête pour eux en fait, c'était pas de tout repos.
01:12 Black Friday serais-tu donc un avatar de la déesse Lakshmi, déesse hindoue de la fortune et de la liesse ?
01:19 Eh bien, disons que ça dépend pour qui, répond le dieu.
01:23 L'expression Black Friday remonte en réalité à 1869, quatre ans après la guerre de sécession.
01:31 À l'origine tuer Black Friday, une panique financière, un scandale boursier, la ruine de milliers de personnes.
01:38 L'histoire de ta naissance, la voici.
01:41 Le président des États-Unis, Ulysses Grant, a décidé de vendre chaque mois une certaine quantité d'or public
01:47 pour renforcer l'économie du pays après la guerre civile.
01:50 Un financier, Jay Gould, surnommé le Mephistopheles de Wall Street, je n'invente pas,
01:56 décide d'acheter tout l'or possible pour que les prix s'envolent.
02:00 Il se rapproche d'un autre millionnaire, James Fisk.
02:03 À eux deux, ils parviennent à entrer dans le cercle d'intimes du président Grant.
02:06 Leur idée est de persuader le président de ne plus mettre d'or sur le marché,
02:10 soi-disant pour le bien des pauvres et des fermiers,
02:13 en réalité pour s'accaparer les réserves d'or et faire flamber les prix.
02:17 Ils ont presque réussi leur plan quand Grant se rend compte de leur stratégie.
02:22 Pour contre-attaquer, il décide de réintroduire une grande quantité d'or public sur le marché,
02:28 ce qui fait chuter les prix et ça met fin à ce qui est un véritable putsch financier.
02:33 Ça y met fin, sauf que le cours de l'or s'écroule, pour de bon.
02:38 Le 24 septembre 1869, c'est le Black Friday.
02:42 L'indépendance financière du pays est sauvée, c'est vrai,
02:46 mais il y a des milliers de gens qui sont ruinés.
02:48 C'est une très grande panique financière et ils évitent de justesse,
02:51 ce qui sera plus tard la crise de 1929.
02:54 Alors, Gould n'est pas ruiné, rassurez-vous, il prend un avocat très très doué
02:58 et ne passera même pas une nuit en prison.
03:00 Le Mephistophélès de Wall Street mourra vieux et immensément riche.
03:05 Black Friday est donc apparu précisément ce jour-là.
03:08 C'est le dieu du calcul hors-sol, le dieu de l'avidité, de l'immédiateté,
03:12 dieu possessif qui nous envoie des dizaines de SMS, nous invitons à le célébrer,
03:16 dieu du deal, de la fête et de la rapacité,
03:19 dieu de l'excès dansant sous l'algorithme,
03:21 dieu qui a le pouvoir de dilater le temps puisque son vendredi dure 7 jours entiers,
03:25 notre dieu du chaos peut-être.
03:27 Isabelle Sorente, merci.
03:30 A chaque fois qu'on vous entend, avancez en moins de temps.
03:34 Merci chère Isabelle.
03:36 Et on peut vous podcaster bien sûr, tout cela est disponible en tablette et en spray,
03:39 podcast, en diffuseur, en replay.