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Transcription
00:00 Aujourd'hui, vous nous parlez d'une nouvelle manière d'écrire des poèmes.
00:03 Oui, un peu de poésie dans ce monde de brut.
00:07 Depuis le début du XXe siècle, certains poètes ont voulu en finir avec le mythe romantique
00:13 de l'inspiration ou pire, du génie poétique.
00:16 Il y eu les poèmes tirés d'un chapeau du dadaïste Tristan Tzara.
00:21 Il y eu l'écriture automatique des surréalistes, en prise directe avec l'inconscient.
00:25 Il y eu le fameux « cut-up » des écrivains de la Beat Generation, qui consiste à écrire
00:30 non pas avec une plume, mais avec de la colle et des ciseaux.
00:33 Et puis, il y a les poèmes express inventés par Lucien Suel.
00:38 Dites-nous qui est Lucien Suel ? C'est un poète français né en 1948, très
00:44 marqué par la Beat Generation.
00:46 Il a notamment traduit un de mes livres de chevet, le livre des esquisses de Jack Kerouac.
00:51 Mais vous savez combien j'aime Jack Kerouac.
00:53 Depuis le milieu des années 80, Lucien Suel compose donc ce qu'il appelle des poèmes
01:00 express.
01:01 La méthode est simple.
01:02 Il s'empare d'une page d'un roman sans qualité.
01:05 Ce n'est pas ce qui manque.
01:06 Dans le gros livre qu'il vient de faire paraître, réunissant plusieurs centaines
01:11 de ses poèmes express, Suel raconte qu'il a un jour trouvé son bonheur dans un dépôt
01:16 de la communauté Emmaüs de Bruet en Artois, où il était tombé sur un carton plein de
01:22 romans à l'eau de rose de la collection Arlequin.
01:24 Cela va lui servir de support.
01:27 Ensuite, armé d'un gros feutre noir, il s'attaque à la page, en barrant tout ce
01:33 qui lui semble inutile, ne laissant émerger que quelques mots qui, comme des nénuphars
01:38 à la surface d'un étang noir, forment le poème.
01:41 Pour commencer, c'est très beau visuellement, comme si Soulages, enfant, avait voulu devenir
01:46 écrivain.
01:47 Cela aussi est très beau intellectuellement, puisque la beauté surgit d'un geste qui
01:52 ressemble à un acte de censure, barré au feutre noir.
01:56 Mais cela rappelle aussi le geste des orpailleurs, vous savez ces chercheurs d'or, qui à l'aide
02:01 d'un tamis, par lavage successif, finissent par trouver des paillettes d'or dans tout
02:06 ce que charrie les alluvions.
02:07 Alors, je vous lis un poème express, j'ai choisi le numéro 2 dans le livre de Lucien
02:12 Suel.
02:13 Je l'ai choisi parce qu'il m'a fait penser à vous, à nous.
02:16 L'angue me prit la main, lui mordillait l'avant-bras.
02:20 Regards étaient directs, profonds.
02:22 Nous différons dans nos vies, je suis ici.
02:25 Envie de tout manger, j'arrêtais la radio.
02:28 Ses yeux se plissèrent.
02:29 Rappelez-nous Arnaud, encore une fois, la méthode.
02:32 Alors, simple, basique, je le fais devant vous.
02:34 Vous prenez donc un mauvais livre.
02:36 Perso, j'ai pris le dernier Goncourt parce que je trouve que je l'avais sous la main.
02:41 Vous l'ouvrez au hasard, moi c'était la page 209.
02:47 Vous biffez tous les mots en trop, c'est pas ce qui manque, avec rage, un peu comme
02:55 Mathilde quand elle biffe les questions qu'avait préhues Léa Salamé pour l'interview de
02:59 Pascal Obispo.
03:01 Et ainsi vous arrivez au poème que voici, signé Jean-Baptiste Andréa, mais par soustraction,
03:08 caviardage, censure.
03:10 Je vous le lis, c'est la page 209.
03:13 Instinctif, célèbre, peu avant la mort où il se cache, le diable ne parlera pas après
03:19 tout.
03:20 On pourrait faire tout un concours de tous les poèmes qu'on pourrait écrire à partir
03:25 de la page 209, de veiller sur elle, bien sûr, la poésie.
03:29 Merci Arnaud.
03:30 Le livre des poèmes express de Lucien Suel est publié aux éditions Dernier Télégramme.

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