PROTECTION DES MINEURS - Gabrielle Hazan est l'invitée de Amandine Bégot

  • l’année dernière
Un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes en Franc Pour la toute première fois, la patronne de L'Ofmin, l'Office des mineurs, prend la parole et c'est sur RTL. La commissaire Gabrielle Hazan est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 01 décembre 2023 avec Amandine Bégot.
Transcript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL il est 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bécaud vous recevez donc ce matin la chef de l'Office des mineurs
00:13 la commissaire Gabrielle Hazan.
00:15 Bonjour Gabrielle Hazan.
00:17 Bonjour.
00:17 Et merci beaucoup d'être avec nous ce matin sur RTL. Vous êtes commissaire et c'est la toute première fois que vous prenez la parole depuis
00:22 la création de l'OFMIN, l'Office des mineurs que vous dirigez donc.
00:26 Office qui a été créé à la fin de l'été,
00:28 inauguré la semaine dernière par la première ministre. Concrètement, quel est son rôle ?
00:32 L'Office mineur c'est un service de police judiciaire avec la particularité c'est qu'il a une compétence nationale.
00:38 C'est la première fois qu'on a créé un service de police judiciaire avec une compétence nationale
00:43 qui est défini non pas en fonction de la qualité de l'auteur mais en fonction de la qualité de la victime. Et ça c'est très
00:49 important puisque on vient dire ainsi que les violences qui sont faites aux enfants
00:53 sont des violences qui sont spécifiques et qu'elles appellent donc un traitement
00:56 particulier de la part des forces de l'ordre. Pour qu'on comprenne bien, ça va des violences
01:00 intrafamiliales, les coups, les incestes, à la lutte contre la pédocriminalité sur internet, en passant par le harcèlement, c'est extrêmement vaste. Il y a un travail,
01:08 vous nous le disiez, d'enquête, d'anticipation, de formation aussi.
01:12 À terme cet office, il regroupera 80 policiers et gendarmes.
01:18 C'est suffisant, 80 policiers, quand on voit l'immensité de votre champ d'action ? C'est pas 85 enquêteurs qui vont pouvoir à eux seuls
01:25 prendre en compte les 160 000 enfants et adolescents qui sont victimes de violences sexuelles chaque année.
01:30 Mais ce qui va changer, c'est la façon qu'on va avoir de travailler,
01:32 puisque l'office va venir en appui des services territoriaux. On travaillera avec eux dans leur dossier,
01:37 en caussésine, pour les aider et pour les faire monter en
01:41 expertise sur ces dossiers. Et on mettra aussi à leur disposition des outils d'aide à l'enquête
01:46 pour qu'on soit capable, partout en France, dans tous les services de police comme de gendarmerie,
01:50 de mieux prendre en compte les victimes.
01:52 Gabrielle, vous rappelez ce chiffre, 160 000 enfants victimes de violences sexuelles. Ils sont terrifiants ces chiffres.
01:57 Un enfant est victime de violences sexuelles toutes les trois minutes en France.
02:01 Le temps de cette interview, neuf minutes, il y aura trois enfants victimes de violences sexuelles.
02:05 Qu'est-ce qu'il faut faire concrètement pour arrêter ça ?
02:08 Depuis que j'ai pris mon poste, je suis marquée
02:12 par un constat. C'est dire que dans la moitié de nos dossiers, on constate qu'un internaute qui va visualiser
02:17 des contenus pédocriminels en ligne, est passé ou passera à l'acte ensuite, en commettant à son tour
02:24 des abus sexuels sur mineurs. En fait, la pédocriminalité en ligne et l'inceste, c'est aujourd'hui le même phénomène criminel.
02:31 Ça veut dire, pour être très clair et très cru, que
02:33 l'homme qui viole sa fille,
02:36 il est d'abord passé par internet.
02:38 Très souvent, dans la moitié des cas, il aura visionné des contenus à outrance, qui auront aussi amené une banalisation
02:44 de cette criminalité. Il sera passé ensuite à l'acte. Pour certains, ils iront même jusqu'à filmer leurs abus
02:51 et les diffuseront en ligne et les échangeront auprès d'autres pédocriminels.
02:55 C'est pour ça que la lutte finalement contre la pédocriminalité sur internet, elle est au moins aussi importante que
03:01 la lutte contre les violences du quotidien intra-familial, par exemple.
03:05 Elle n'est pas aussi importante. En réalité, on parle des mêmes violences.
03:07 C'est bien ça qu'on a aujourd'hui du mal parfois à se figurer. J'ai moi-même été assez marquée
03:12 par ce constat lors de ma prise de poste. Ce sont les mêmes auteurs auxquels on fait face.
03:16 De même qu'on se dirait qu'on ne laisserait pas un adolescent
03:19 seul dans la rue, entouré de dix adultes malveillants, en réalité, il est confronté aujourd'hui au même risque qui est bien réel
03:27 dans la vie virtuelle. C'est pour ça que s'il y a un message à faire passer, c'est d'appeler à la même précaution
03:31 dans nos vies physiques et dans nos vies virtuelles.
03:34 Le travail de l'Office, justement, sur ces images qui circulent sur Internet, ça va consister en quoi ?
03:40 À l'Office, on reçoit chaque jour 700 signalements
03:43 qui sont faits sur Internet de contenus pédocriminels qui sont échangés en ligne en France.
03:49 700 signalements chaque jour, c'est énorme. Comment vous arrivez à traiter tout ça ?
03:53 On fait un travail de tri, d'analyse, d'exploitation.
03:57 Et ces signalements, ensuite, sont partagés. Les signalements les plus sensibles vont faire l'objet d'enquêtes au cœur
04:02 de l'Office et les autres signalements, et c'est tout l'enjeu d'ailleurs de la création d'un Office central,
04:07 c'est d'arriver à les communiquer aux services territoriaux pour qu'ils soient traités aussi par les autres services.
04:11 Ce ne sont pas les 85 policiers, gendarmes et personnels administratifs de l'Office
04:15 qui vont pouvoir à eux seuls prendre en charge toutes les victimes.
04:17 En revanche, il faut qu'on impulse une véritable dynamique et qu'on arrive à spécialiser
04:21 les autres services d'enquête partout en France
04:24 pour qu'ensemble, on puisse prendre en compte mieux ce qu'on fait aujourd'hui, cette délinquance.
04:29 700 signalements par jour, et vous nous le disiez, c'est hyper important d'y attacher de l'importance
04:34 parce que c'est souvent comme ça que commencent les auteurs de violences.
04:38 Exactement. Nous, à partir de ces signalements, on nous signale un contenu.
04:42 L'enjeu pour nous est d'arriver à identifier parmi les internautes qui visionnent ces contenus ceux qui les ont également produits.
04:48 Et pour le dire de façon un peu plus transparente, et j'en suis désolée,
04:52 des gens qui ont abusé et violé des enfants qu'ils auront trouvé très souvent dans leur entourage.
04:57 A 80% dans un entourage familial, c'est très souvent difficile pour un enfant d'aller dénoncer un adulte
05:02 qui fait partie de son cadre de confiance, qui est un adulte référent.
05:06 Et lorsqu'ils le font, ils sont encore aujourd'hui insuffisamment crus et écoutés.
05:10 Donc l'Office, on ira participer à des actions de formation des professionnels qui sont au contact des mineurs
05:15 pour essayer de détecter parmi eux de potentielles victimes.
05:18 Il y a eu ce week-end un papa qui a avoué avoir tué ses trois filles, 4, 10 et 11 ans.
05:24 Ça s'est passé à Alfortville. On a appris que cet homme avait été condamné pour des violences intrafamiliales,
05:28 pour des violences conjugales. Il avait fait l'objet de mesures d'éloignement.
05:32 Cette mesure, elle avait été levée et une garde alternée a été mise en place.
05:36 Je sais bien, vous ne pouvez pas à votre poste commenter une décision de justice, et ce n'est pas ce que je vous demande.
05:42 Mais est-ce que vous comprenez que le grand public soit complètement halluciné de découvrir une affaire comme ça ?
05:47 On a un monsieur qui tue ses trois filles, alors même qu'il a été condamné,
05:51 et qu'on lui a finalement donné la garde alternée de ses enfants.
05:55 Il n'y a pas un moment où il faut qu'on se pose des questions ?
05:58 Je ne poserai pas le travail de la justice et celui de la police,
06:01 surtout que je ne connais pas en l'occurrence les éléments de ce dossier.
06:04 Simplement, je pense que sur ce dossier-là, ça peut être un bon exemple pour nous, pour l'Office,
06:09 d'intervenir, de se poser des questions, de voir comment on aurait pu traiter différemment l'enquête ci-à-matière,
06:15 et de proposer à l'avenir un outil à la disposition de tous les services
06:20 pour obtenir une décision qui nous soit plus favorable à l'issue de la procédure.
06:24 Ces violences contre les mineurs, on l'a souvent dit, elles ont lieu, et vous le redisiez, dans l'affaire familiale.
06:29 C'est d'ailleurs sans doute pour ça que c'est aussi tabou dans notre société.
06:32 Est-ce que finalement, on n'a pas tous un rôle à jouer ? Toute la société ?
06:35 J'en suis convaincue, on a tous un rôle à jouer.
06:39 Vous savez, quand on dit que chaque jour, il y a près de 440 enfants et adolescents
06:42 qui sont victimes de violences sexuelles en France,
06:45 au final, il n'y aura qu'une cinquantaine de faits qui seront portés à la connaissance des forces de l'ordre.
06:49 Donc on a tous un rôle à jouer pour prévenir et surtout pour détecter ces violences.
06:54 Si vous détectez un contenu illicite en ligne, vous pouvez le signaler,
06:59 et c'est même un devoir de citoyen, je dirais, de le signaler aujourd'hui sur la plateforme Pharos.
07:03 Si vous êtes témoin de violences qui se déroulent devant vos yeux,
07:07 le réflexe qui reste à faire, c'est d'appeler le 17.
07:09 Et vous pourrez aussi mettre fin, vous, en tant que citoyen,
07:12 et je pense que ça fait partie de notre mission de citoyen, à des faits qui sont en train de se commettre.
07:16 Et enfin, si vous êtes victime cette fois, ou alors témoin et que vous avez besoin d'échanger,
07:21 il y a un numéro d'écoute, K119, qui est mis à disposition
07:24 et qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
07:27 - Gabrielle Hazan, ce ne sont pas des sujets que vous découvrez,
07:29 puisque vous avez été responsable au sein de la Police nationale de la lutte contre les violences intrafamiliales.
07:33 J'imagine qu'on ne s'habitue jamais à ça.
07:35 - Non seulement on ne s'habitue jamais, mais je n'ai aucune envie de m'y habituer.
07:39 Mais en ce qui me concerne, c'est aussi ce qui fait...
07:43 C'est aussi pour ça que je suis rentrée, que j'ai choisi de rejoindre la Police nationale.
07:46 C'est pour avoir un sens au quotidien dans mon métier.
07:50 Donc à chaque fois, c'est vrai, j'ai choisi des postes sur lesquels la recherche de sens était primordiale.
07:56 Et je continuerai à le faire.
07:58 - Merci beaucoup, Gabrielle Hazan, d'avoir été avec nous ce matin.
08:02 Vous dirigez donc, je le rappelle, l'OFMIN.
08:04 Et effectivement, on rappelle ce numéro, le 119, ça c'est pour les violences sur les mineurs.
08:10 Et puis la plateforme Pharos pour signaler tous les contenus sur Internet.
08:13 - Et le 17. - Et le 17, mais ça c'est...
08:14 Le 17, en fait, voilà, on pourrait presque retenir que le 17 qui nous guidera vers autre chose.
08:18 [SILENCE]

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