Le nouveau président de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) prend la parole pour la première fois. Sébastien Boueilh est au micro de Amandine Bégot avec Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'Enfance.
Regardez L'invité de RTL du 13 décembre 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez.
00:10 A Maudine Bégaud vous recevez ce matin la secrétaire d'état chargée de l'enfance Charlotte Cobell et le nouveau président de la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants Sébastien Boueille.
00:18 Sébastien Boueille, vous êtes ancien rugbyman et je le disais c'est la toute première fois que vous prenez la parole ce matin en tant que président de la CIVIS.
00:25 Il faut le dire à nos auditeurs c'est un sujet que vous connaissez parfaitement puisque vous avez créé il y a dix ans l'association Colosse aux pieds d'argile qui lutte justement
00:32 contre les violences sexuelles faites aux enfants dans le sport et vous avez vous même été victime.
00:38 Oui tout à fait
00:41 victime dans mon enfance ce qui m'a amené à
00:43 pouvoir déposer plainte, être reconnu par la justice comme victime et puis
00:48 et puis après j'ai décidé de me lancer dans ce combat
00:53 depuis donc 2013 et
00:56 Aujourd'hui
00:59 j'ai tatoué sur l'avant-brand "on ne sait jamais ce que le passé nous réserve"
01:01 mais pour moi il me réserve de belles choses puisque aujourd'hui je me retrouve à la tête de cette belle commission
01:08 Je pense avoir l'expérience pour rendre
01:15 opérationnelle maintenant cette CIVIS.
01:19 Ca fait dix ans que vous sillonnez les écoles, les clubs sportifs, tous les établissements scolaires à chaque fois vous prenez la parole et à chaque fois
01:25 c'est votre habitude vous racontez votre histoire sans tabou et de manière assez cache
01:30 Bon assez cache on met quand même les formes selon le public que l'on a attention
01:34 Bien sûr, mais ce que je veux dire c'est que vous ne cachez rien.
01:36 On ne cache rien effectivement
01:38 Et on a peut-être pris trop de pincettes
01:40 Vous avez été violé entre vos 12 et 16 ans
01:43 Oui, je suis devenu grand-mère à 16 ans et en fait c'est ce qui donne du courage aussi aux victimes quand je me présente face à elles
01:49 puisque je casse aussi tous les stéréotypes qu'on peut avoir de la victime
01:54 je suis un homme qui puise et rubymane et qui dit apaisément qu'il a été violé
01:57 c'est ce qui donne du courage et effectivement le constat que je fais c'est que ça fait dix ans que je suis sur le terrain
02:02 il n'y a pas eu une fois lors de mes interventions je n'ai pas eu de victime face à moi
02:05 ça c'est la réalité
02:07 Parce qu'il faut rappeler les chiffres
02:09 160 000 enfants sont chaque année victime en France d'inceste, de viol ou d'agression sexuelle
02:14 ça fait un toutes les trois minutes
02:16 pour qu'on se rende bien compte cette interview elle va durer neuf minutes
02:18 ça veut dire qu'il y aura trois enfants qui auront été abusés
02:22 On a trop longtemps sous-estimé cette question Sébastien ?
02:24 Trop longtemps sous-estimé mais ce chiffre est malheureusement sous-estimé aussi je pense
02:30 Charlotte Cobell
02:32 Sébastien Boyce succède au juge Édouard Durand dont le travail a été salué d'ailleurs par l'ensemble du monde associatif
02:38 Pourquoi a-t-il été mis à l'écart ?
02:40 Est-ce que c'est comme certains l'ont dit ces derniers jours parce qu'il a critiqué notre système judiciaire ?
02:45 Alors d'abord permettez-moi vraiment de vous dire que je suis ravie d'être aujourd'hui
02:49 aux côtés de Sébastien qui a accepté d'ouvrir un deuxième chapitre de la CIVIS
02:55 La CIVIS animée par le juge Durand et par effectivement sa vice-présidente
03:01 a parfaitement conduit son premier chantier
03:04 qui était 1) de mettre un chiffre sous-évalué, je suis bien d'accord mais quand même déjà un chiffre qui choque
03:10 et 2) de mesurer l'impact sur les adultes de faits commis quand ils étaient mineurs
03:16 30 000 adultes entendus qui ont pu nous dire exactement ce qu'ils ressentaient encore aujourd'hui
03:23 Ça nous a permis grâce par ailleurs au travail 600 pages de rapport, plus de 80 préconisations
03:29 de mettre déjà au travail 40 préconisations
03:31 donc l'élan lancé par la CIVIS 1 a été vraiment totalement bénéfique
03:36 Comme toute institution, au bout de 3 ans, moi j'ai entendu tous les membres de la CIVIS
03:41 il y a besoin de renouveler un peu les équipes
03:44 Certains ne voulaient plus travailler, d'autres ne voulaient plus nécessairement d'ailleurs
03:48 y compris la vice-présidente, travailler dans ce binôme
03:50 Moi aujourd'hui j'installe un nouveau binôme, Sébastien Bouel et Caroline Ressalmon
03:55 qui est médecin à l'Institut Médico-Légal de l'Hôtel Dieu
03:59 donc une combinaison différente afin d'apporter aussi d'autres combats
04:03 Le combat du juge Durand c'était surtout l'inceste, il faut bien sûr continuer ce combat
04:07 On a déjà lancé beaucoup de choses, j'ai fait quand même une campagne avec le mot inceste
04:11 pour la première fois le gouvernement a prononcé ce mot-là
04:14 mais il faut partir sur d'autres sujets et je pense qu'on aura la continuité avec Sébastien
04:18 qui était membre de la CIVIS et en même temps une approche un tout petit peu différente
04:21 La continuité, le juge Durand lui redoute un changement de doctrine, il redoute
04:25 et je le cite, c'est ce qu'il disait hier, qu'on fasse ce qu'on a fait pendant des années
04:29 avec les violences sexuelles faites aux enfants, on fait comme si on s'en occupait
04:32 et puis on referme, Sébastien Bouel
04:34 C'est mal me connaître, aujourd'hui par le biais de mon assaut, de notre assaut
04:39 Colosse aux pieds d'argile, on a effectué 3000 interventions cette année
04:42 pour près de 100 000 personnes bénéficiaires
04:46 donc le combat, je suis à part entière dedans
04:52 et bien sûr, je ne peux que continuer ce qui a été fait par la CIVIS
04:56 j'en suis encore membre d'ailleurs, et j'en suis membre depuis sa création
05:01 et effectivement, on ne peut que remercier Edouard Durand et Nathalie Mathieu
05:07 pour le relief qu'ils ont donné à cette commission
05:10 remercier bien sûr les 30 000 victimes qui se sont déclarées auprès de la CIVIS
05:15 pour justement nous aider à une réflexion et à ces préconisations
05:19 qui sont reprises pour la majorité par le gouvernement
05:22 je serai assez vigilant sur le fait qu'il y ait ce continuum de l'action civise et gouvernement
05:28 parce qu'on doit travailler bien sûr étroitement avec le gouvernement
05:31 pour faire passer ces préconisations
05:34 et aujourd'hui, maintenant, je l'espère, on va aller sur le terrain
05:37 sur de la formation bien sûr, régionale, inter-régionale
05:41 mais surtout, écouter les enfants d'aujourd'hui
05:44 Le rapport de la CIVIS...
05:46 Ecouter les enfants d'hier, aujourd'hui les adultes
05:49 Comment on les écoute ces enfants ? C'est compliqué !
05:52 Je me souviens notamment du documentaire porté par Emmanuel Béart
05:56 dans lequel il y a une maman dont la petite fille de 4 ans est abusée par son papa
06:00 avec l'ex-mari de cette dame
06:03 la petite lui dit que son papa a une attitude qui n'est pas normale
06:09 elle va mettre 4 ans à prouver que sa petite fille est victime d'abus sexuels de la part de son père
06:14 et en attendant tous les week-ends, elle doit lui donner pour la garde du week-end
06:18 Il n'est pas temps de remuer tout ça, Charles de Gaulle ?
06:21 On remue tout ça et en mettant en oeuvre au moins la moitié aujourd'hui
06:25 et en ayant institué un travail gouvernemental pour évaluer les 40 autres solutions de la CIVIS
06:32 on prend en compte les préconisations de la CIVIS
06:34 et ce que le jurant appelle la doctrine de la CIVIS
06:37 Moi je dis aujourd'hui que grâce à ça, nous allons évidemment nous mettre au travail
06:41 c'était bien le sens de cette commission, nous donner une impulsion sur l'inceste notamment
06:45 mais il faut aussi des impulsions sur autre chose
06:47 Sans vouloir critiquer qui que ce soit d'ailleurs, la justice aujourd'hui ne se base pas sur des croyances
06:53 c'est pas un témoignage, il faut des preuves
06:55 est-ce que pour ces affaires là, pour ces enfants, il ne faut pas changer de dispositif ?
07:01 Il faut en tout cas avoir un dispositif très complet
07:04 on a déjà des choses, les unités d'accueil pédiatrique qui sont quelque chose qui ont été créées
07:08 poussées par la CIVIS pour entendre les paroles des enfants dans un cadre très particulier
07:14 sont tout à fait essentielles
07:16 mais vous avez raison, il faut qu'on arrive à aller vers les enfants
07:18 y compris avant la plainte, pour qu'ils puissent révéler les choses et parler
07:22 sans attendre de se retrouver en situation
07:24 et puis on a beaucoup de choses aussi à faire
07:26 et ça, Sébastien a une vraie compétence
07:28 c'est la prise en charge aussi des enfants une fois qu'ils ont été évidemment violentés
07:34 et aujourd'hui c'est quelque chose qui n'a pas eu le temps d'être exploité par la CIVIS
07:37 et que nous devons impérativement mettre en oeuvre
07:39 comment on fait pour qu'un enfant qui a subi une agression
07:42 se reconstruise beaucoup plus rapidement que l'ensemble des victimes que nous avons entendues
07:47 et qui parfois 10 ans, 20 ans, 30 ans après n'ont pas été un minimum réparées ?
07:51 Sébastien Bouaille, 160 000 enfants victimes d'incestes et de violences sexuelles chaque année
07:55 il y en a 2 ou 3 par classe, ça fait partie des chiffres que vous citez régulièrement madame la ministre
08:00 ça veut dire qu'on en connait tous, il faut être assez clair
08:04 si ça se trouve dans la salle il y en a
08:07 comment on fait baisser ce chiffre ? Au delà des grands discours ?
08:11 ça passe par la prévention dès le plus jeune âge
08:15 dès qu'on va intervenir chez les jeunes, plus vite ils sauront se protéger de ces prédateurs ou prédatrices
08:22 plus vite on va aussi libérer la parole de ces victimes qui sont mûrées dans le silence
08:28 et du coup aussi le fait qu'elles parlent, on va aussi éviter qu'elles reproduisent les actes qu'elles ont subis
08:37 donc on est... Mais il faut les croire tout de suite, parce que si un enfant ça parle une fois, ça parle pas 10 fois
08:43 il faut les croire mais il faut que la justice... on peut plus se permettre aujourd'hui d'accepter qu'un enfant parle aujourd'hui
08:48 et sera entendu par la justice dans 4 ans, c'est inacceptable
08:53 il faut que la justice... il faut accélérer ce processus pour les mineurs qui parlent aujourd'hui
08:57 et ça, ça va être aussi je pense avec Caroline une discussion que l'on aura dès ce matin
09:03 pour donner les grands axes de cette nouvelle civise
09:06 mais aujourd'hui il faut réduire ce temps d'instruction
09:10 parce qu'un enfant... je l'ai vécu, pendant 4 ans j'ai parlé, j'ai attendu ce procès
09:14 je suis tombé en dépression, je suis retombé dans tous mes travers d'auto-destruction
09:19 aujourd'hui il faut protéger ces enfants du moment qu'ils parlent
09:22 et surtout les croire
09:24 un grand merci à tous les deux et Sébastien Boué si vous voulez bien, vous reviendrez dans 6 mois, dans un an et on fera le point
09:30 en janvier on vous annoncera et l'équipe et les grands axes de la nouvelle civise
09:36 merci à tous les deux
09:38 [SILENCE]