Olivia Leray est l'invitée de Amandine Bégot

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Regardez L'invité de RTL du 13 mars 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine, vous recevez donc ce matin notre consoeur Olivia Leray qui publie son
00:14 premier livre "De l'eau dans ton vin". Et je préviens tout de suite nos auditeurs, si on a choisi de vous recevoir ce matin Olivia, c'est
00:19 pas parce qu'on vous connaît, vous avez travaillé ici à RTL pendant des années,
00:22 non, si on vous a invité c'est parce que ce livre, votre livre, aborde un sujet dont on parle sans doute encore trop peu,
00:28 celui de l'alcoolisme. Vous vous rappelez d'ailleurs les chiffres,
00:31 45 000 décès chaque année en France, c'est 14 fois plus que les accidents de la route,
00:35 des millions de français directement touchés, les alcoolo-dépendants entre 1,5 million et 2 millions de personnes, et puis
00:40 et puis tous ceux dont on parle encore moins, leurs enfants, leurs familles.
00:45 C'est pour eux justement que vous avez écrit ce livre Olivia ? Oui, je pense que c'est pour eux.
00:49 J'ai raconté mon histoire
00:51 parce que moi je me sentais un peu seule et j'arrivais pas à trouver
00:56 dans les médias, dans les interviews, dans les histoires que je lisais,
00:59 des témoignages
01:01 qui montraient qu'on pouvait aussi s'en sortir quand on était à côté parce que c'est très difficile.
01:06 Donc oui c'est essentiellement pour ces gens là que ce livre a été écrit. Pour tous ceux, écrivez-vous, qui sont juste à côté et qui
01:13 s'en prennent plein la poire ? Vous en êtes pris plein la poire ? Je pense que on ne le dit pas assez,
01:18 mais c'est très compliqué de grandir et de devenir une femme pour mon cas.
01:25 Quand on est avec des repères qui sont biaisés,
01:27 quand on a un père absent, quand on a un père qui boit beaucoup tout le temps,
01:32 je pense que je m'en suis pris plein la poire et à plein de moments je me suis dit que
01:38 j'arriverais jamais à devenir la personne que je voulais être
01:41 parce que
01:43 t'as pas de repères et parce que tout est plus compliqué, parce que tu as des carences, tu as des séquelles et
01:48 oui je pense que c'est bien résumé, prendre plein la poire. Quand on
01:53 pense à l'alcoolisme, quand on pense à un père alcoolique,
01:56 l'imaginaire collectif peut peut-être se dire c'est un père violent, un mari violent. C'est pas du tout ce que vous décrivez
02:02 dans ce livre. Il n'y a jamais eu de violence d'ailleurs ? Aucune violence, jamais. En revanche, il y a tous ces moments bouleversants,
02:07 ces week-ends notamment, où il oublie de venir vous chercher. Oui, quand on était petite,
02:11 il y a des moments où on attendait devant la porte et
02:14 oui, effectivement, il avait d'autres choses à faire, où il avait carrément oublié qu'il fallait venir nous chercher, donc on était avec nos sacs
02:21 devant la porte, dessus notre maman et
02:23 oui, il ne venait pas. Donc ça c'est très dur.
02:26 Quand à l'école, au retour du week-end le lundi, tout le monde te demande ce que tu as fait,
02:32 du coup tu avais prévu
02:34 d'aller passer le week-end avec ton papa et quand tu dois raconter à tes copains que
02:38 tu as attendu avec ton sac devant la porte, c'est un peu compliqué, je pense, pour quelqu'un qui a 7-8 ans
02:43 à expliquer à ses camarades. Et ça, ça dure pendant des années. À l'époque où vous êtes au lycée, par exemple, vous racontez qu'au
02:49 lieu d'être jeuné au self avec vos copains,
02:51 vous faites l'aller-retour chez lui, 35 minutes de bus, tout ça pour vérifier qu'il est bien en vie. Oui, parce qu'il y a eu
02:57 plusieurs périodes,
02:59 moi je ne me suis pas rendu compte tout de suite que c'était si grave.
03:02 Et puis à l'adolescence, quand j'ai 14-15 ans, effectivement,
03:06 je suis vraiment dans un moment où j'ai envie de l'entourer parce que je me suis rendu compte.
03:11 Donc du coup, je prends un espèce de rôle inversé et je deviens le parent de mon père
03:16 parce que justement, je n'ai pas envie qu'il mette
03:19 en action ce qu'il dit. Il est en dépression, il a envie
03:24 de se suicider, c'est ce qu'il dit. Et du coup, à midi, oui, effectivement, il faut absolument que j'aille vérifier
03:29 et que j'aille voir
03:31 où il en est et ce qu'il fait. Et quand j'arrive, ça va, il ne s'est rien passé. Mais effectivement, oui, je perds le
03:37 moment du midi avec les copains parce que moi j'ai cette responsabilité-là.
03:40 Devenir le parent à la place du parent.
03:43 Les spots de prévention disent que l'alcool tue, mais ils ne précisent pas, écrivez-vous, qu'il détruit aussi tous ceux qui sont à côté.
03:50 Ça vous a détruit, ça, Olivia, pendant des années ? Je pense que ce qui m'a détruit, c'est de ne pas comprendre
03:55 à quel point
03:58 c'était grave. Moi, ce que je décris dans ce livre, c'est encore pire que l'alcoolisme. C'est le syndrome de Korsakoff.
04:03 C'est une personne qui boit, mais qui a surtout trop bu.
04:07 Donc ça veut dire qu'il y a une partie un petit peu de son cerveau qui a disparu.
04:11 Ça a détruit les neurones. Exactement.
04:13 C'est un manque de vitamine. La vitamine ne se fixe plus dans le cerveau et du coup tu perds
04:17 la notion de l'orientation, tu perds la notion du temps, tu perds tes souvenirs.
04:20 Tu n'es plus personne, en fait.
04:22 Et je pense que c'est ça qui m'a détruit, c'est de ne pas comprendre
04:25 que ça pouvait faire autant de mal et d'en vouloir à mon père d'être en colère contre lui. J'étais extrêmement en colère contre lui.
04:31 Alors que si on m'avait expliqué plus tôt que
04:34 ce n'était pas une question de volonté, que c'était une vraie maladie,
04:37 je pense que je l'aurais mieux vécu. Sauf que le mot "alcoolisme", par exemple, n'a jamais été prononcé dans votre famille pendant des années et des années.
04:43 Jamais, c'est tabou. C'est tabou parce que c'est la honte. C'est la honte.
04:47 Pas ça, pas dans notre famille, non quand même, ça va pas nous arriver.
04:51 Il faut jamais prononcer ce mot-là. On fait des fêtes, on fait des grands repas, il y a toujours des bouteilles sur la table.
04:56 Mais il faut jamais dire "alcoolique" parce que non, les laurées quand même, ce serait la honte. Il ne faut pas le dire.
05:00 Et je pense que c'est le cas dans plein de familles.
05:02 C'est encore trop la honte et on n'en parle pas assez pour ça.
05:05 Et parce qu'on n'en parle pas assez, parce qu'on ne considère pas ça comme une maladie ?
05:08 Oui, je pense qu'on considère toujours ça comme un manque de volonté.
05:12 Tu pourrais arrêter quand même, tu as des enfants, si tu le fais c'est que tu t'ennuies.
05:16 Oui, je pense qu'on considère vraiment ça comme un manque de volonté et pas du tout comme une maladie.
05:21 C'est ça le gros problème dans notre société.
05:23 Ça vous a détruit pendant des années, vous nous l'avez raconté, et pourtant, sincèrement, quand on referme ce livre, on se dit
05:29 "Quelle jolie déclaration d'amour !"
05:31 Vous ne lui en voulez pas aujourd'hui à votre papa ?
05:33 Je ne suis plus du tout en colère.
05:35 C'est là où je suis hyper fière, c'est que j'étais très en colère.
05:37 Moi, ça m'a empêchée de me construire.
05:39 J'ai eu l'impression que moi aussi j'étais alcoolique.
05:41 Il s'est passé plein de trucs dans ma tête.
05:43 Dès que vous buvez un verre, deux verres, trois verres, vous vous dites "ça va passer, il y a moi aussi".
05:47 Avec modération tout le temps, évidemment.
05:49 Mais tout le monde se dit "c'est normal, on boit un petit coup, on fait des choses".
05:52 Pour moi, à chaque fois, dans ma tête, ça s'entrechoquait.
05:54 Et je me disais "tu es en train de devenir comme ton père".
05:56 Et c'est hyper violent de l'intérieur.
05:58 En écrivant ce livre, j'ai compris, je suis allée vers lui, j'ai retracé son parcours.
06:03 J'ai fait un grand pas vers lui.
06:05 Et moi, ça m'a changée pour la vie.
06:08 Parce que j'ai compris que je n'étais pas seulement une fille de père alcoolique.
06:14 Et que je pouvais être moi-même et que je pouvais lui redonner un peu de dignité.
06:18 Lui faire retrouver sa place dans une société qui l'avait complètement éjectée.
06:22 Et je suis hyper fière de ça parce qu'il en sort plein d'humanité, je pense.
06:26 Je n'ai plus de haine. Je ne te déteste plus parce que tu as fait comme tu as pu.
06:30 Et moi aussi. Et alors vous ajoutez à la toute fin du film.
06:33 Non, c'est un livre qui dit la vraie histoire.
06:36 Si Kébu commençait "L'étranger" en disant "aujourd'hui, maman est morte".
06:40 Je suis fière de finir ce livre en disant que pour moi, aujourd'hui, papa est né.
06:44 Ça a été un père. C'est un père, votre papa.
06:47 Oui, je pense que c'est un père parce que je l'ai fait le devenir.
06:52 En écrivant ça. Ça n'a jamais été un père, je pense, dans les 28 dernières années.
06:57 Mais en écrivant ce livre, j'ai créé le père dont j'avais besoin.
07:01 Vous avez parlé avec lui aussi ?
07:02 J'ai parlé avec lui, ce qui n'avait pas été le cas pendant de nombreuses années.
07:05 Il a accepté que ce livre soit fait. Il a accepté que je raconte tout.
07:08 Parce que c'est quand même hyper intime et que ça le concerne carrément.
07:12 Et on a fait équipe en fait.
07:14 Quand j'ai écrit ce livre, on fait équipe.
07:16 On s'appelle de temps en temps alors qu'on ne s'appelait jamais.
07:19 Il se souvient de plus de choses alors qu'avant il ne se souvenait de rien.
07:23 Et oui, il a accepté qu'on fasse équipe et ça c'est chouette.
07:26 Et c'est chouette aussi à la fin, ce clin d'œil à votre maman.
07:28 Maman qui m'a soutenue quand je lui ai dit que j'écrirais un livre, mais pas sur elle.
07:32 Alors que je lui, devois tout.
07:34 Franchement, lisez ce livre, c'est magnifique.
07:36 Ça s'appelle "De l'eau dans ton vin", c'est chez Fayard.
07:41 Ça sort mercredi.
07:42 Mercredi.
07:43 Merci beaucoup Olivia.
07:44 Merci Alain Mandine.
07:45 Vous n'êtes plus en colère, tant mieux puisque vous êtes dans l'œil de Philippe.
07:46 !

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