• l’année dernière
Il y a quelques semaines, 1 200 soignants lancent un appel au gouvernement : « Nous n'avons pas choisi ce métier pour vous faire subir cette violence et être maltraitants ».

Alors, pourquoi ce cri d’alarme ? Comment en est-on arrivé là ? Mais aussi, comment est-il possible que des soignants soient à ce point en souffrance pour que les patients se sentent parfois malmenés ? Comment améliorer la relation de soins ?
Et est-on suffisamment outillé pour affronter la réalité du monde médical aujourd’hui ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.
Année de Production : 2023

Category

📺
TV
Transcription
00:00 "Soignants à coeur ouvert", documentaire que j'ai donc réalisé avec Adrien Benoliel, accompagné par Léonie Bess, un film qui dit, je crois,
00:07 toute l'envie et toute la bonne volonté des soignants pour bien soigner, même quand les conditions d'exercice sont difficiles.
00:14 On parle souvent d'un problème de moyens dans le monde médical.
00:17 Est-ce seulement une question de moyens ? La formation initiale n'est-elle pas aussi un sujet ?
00:22 Autant de questions qu'on va se poser avec nos invités. Agnès Buzyn, bienvenue à vous. Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:27 Ancienne ministre de la Santé, hématologue, professeure des universités et conseillère maître à la Cour des comptes.
00:33 Pierre-Jean Ptelier, bienvenue à vous également. Vous êtes infirmier aux urgences de l'hôpital Beaujonc à Paris, membre du collectif Interurgence.
00:40 Vous faites partie des signataires de cette tribune dans le monde.
00:43 Nous n'avons pas choisi ce métier pour vous faire subir cette violence et être maltraitant.
00:48 Thierry Hausenstein, bienvenue à vous également. Vous êtes directeur du comité médical du groupe MACSF,
00:53 mutuel qui accompagne plus d'un million de professionnels de santé au plus près des soignants et qui a aussi
00:58 soutenu le film, qui a cru au projet et au sujet. Et je précise que vous êtes vous-même docteur en médecine.
01:04 Claude Rambeau, bienvenue. Vous êtes première vice-présidente de France Assoce Santé qui représente la voix des usagers du système de santé.
01:11 Vous êtes juriste, spécialiste de la prévention des risques liés aux soins et vous militez notamment pour une amélioration
01:17 de la sécurité des patients et la pertinence de leur prise en charge.
01:20 Merci à tous les quatre d'avoir accepté notre invitation. Peut-être un mot d'abord du postulat de base qui était le mien lorsque j'ai commencé ce documentaire.
01:28 Je trouvais que quelque chose clochait dans ce qu'on appelle la relation de soins,
01:32 que nous, patients et proches de patients, n'étions pas toujours bien traités dans le monde médical.
01:37 Ça a été une question difficile à soulever et je voudrais commencer à l'aborder avec vous, peut-être Claude Rambeau,
01:41 puisque vous êtes la voix des patients ici sur ce plateau.
01:45 Est-ce que vous avez vous-même fait ce genre de constat ? Est-ce qu'on vous remonte ce genre d'informations depuis le terrain ?
01:51 Tous les jours, parce que je suis rattachée à une association qui lutte contre les infections de zoonoscomia,
01:57 elle est pour la sécurité des patients, donc tous les jours nous avons des appels.
02:00 Et ce matin encore, j'ai une dame qui vraiment est caractéristique de ce que vous évoquez là, du problème de la relation.
02:09 Elle est en grande souffrance à la suite du cancer du sein, des deux seins,
02:16 et une chirurgie réparatrice qui a été mal faite, et on lui dit "maintenant il faut aller voir un psy, vos douleurs, ça relève du psy".
02:25 C'est très violent pour une personne de s'entendre dire que ses douleurs relèvent de la psy.
02:31 Le lien, l'association dont je vous parle, elle est issue des victimes de la clinique du sport,
02:37 et au départ c'était des personnes qui avaient des infections graves,
02:41 du rachis à la suite d'utilisation de matériel non stérilisé, et on les a toutes orientées vers des psychiatres.
02:50 Donc ça c'est très violent de ne pas reconnaître la personne dans son besoin de soins,
02:55 voire dans son besoin de réparation et de prise en charge de la douleur.
02:59 - Agnès Buzyn, tout en reconnaissant l'immense valeur des soignants et leur sens du sacrifice, et leur force de travail,
03:07 est-ce qu'il y a quand même un lien qui s'est distendu ces dernières années, ou même avant, entre les patients d'un côté et les soignants ?
03:15 - Je ne crois pas, parce que d'abord dans votre reportage on voit bien que les soignants réalisent cette difficulté au travail,
03:24 et qu'ils l'expriment et qu'ils essayent d'y remédier. Donc cela prouve qu'il y a quand même une empathie qui est là.
03:32 Les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années, pour de multiples raisons, on y reviendra,
03:39 et ces conditions de travail dégradées imposent des rythmes et une pression aux soignants qui fait que l'empathie a du mal à s'exprimer.
03:49 Je pense qu'il y a d'autres raisons, qui sont aussi la difficulté d'assumer tout au long de sa vie de soignant des situations dramatiques.
04:02 Et c'est douloureux en fait d'être empathique à un moment, prendre sur soi cette charge mentale de la douleur des autres peut être difficile,
04:13 et ça les soignants ont du mal à l'exprimer. C'est vrai que ça n'est pas enseigné, on n'explique pas à quel point la douleur des autres,
04:19 au bout de plusieurs années de pratique, peut s'avérer être difficile à prendre en charge.
04:26 Ça nécessite d'avoir du recul sur sa pratique, ça nécessite un travail d'équipe, et ça nécessite certainement une formation préalable.
04:36 Et bien sûr qu'on abordera les causes précisément, les façons d'y remédier précisément aussi.
04:41 Restons peut-être encore quelques minutes sur le constat, peut-être avec vous, les soignants pointent eux-mêmes un problème.
04:47 Dans cette tribune que vous avez signée, Pierre-Joab Tellier, dans Le Monde, il y a quelques semaines,
04:51 "Nous n'avons pas choisi ce métier pour vous faire subir cette violence et être maltraitant".
04:56 Pourquoi cet appel ? Qu'est-ce que vous mettez derrière le mot "maltraitant" ou "maltraitance" ?
05:00 Il y a plusieurs choses. C'est un peu délicat de parler comme ça de la souffrance ou de la maltraitance des professionnels
05:05 parce qu'on n'a pas une vision un peu élargie du problème.
05:09 Il faut bien comprendre qu'il y a une représentation des soignants dans notre pays.
05:12 Il y a cette question fondamentale de "qu'est-ce qu'être un bon soignant ?"
05:16 Je pense que ça, au temps de la table, personne n'aura les mêmes réponses.
05:19 On va être très clairs, c'est une question philosophique, on peut y passer cinq heures, on n'aura pas les réponses.
05:22 Et même très subjectives, bontre, qu'est-ce que ça veut dire ?
05:25 Très subjectifs, bien sûr.
05:25 Très clairement, je peux vous dire, je préfère être soigné par Sœur Marie Thérèse ou Docteur Aouz.
05:29 Ce sont deux personnes totalement différentes dans leur matière de soigner,
05:33 mais ce sont deux personnels soignants, on va dire, si je schématise un petit peu.
05:37 Là-dessus, on a une représentation collective, notamment à l'hôpital, qui est assez patriarcale, on va dire, sur les soignants.
05:44 C'est-à-dire que si vous êtes un homme à l'hôpital, vous êtes un médecin, si vous êtes une femme, vous êtes une infirmière.
05:47 C'est un fonctionnement qui est un peu dans la représentation générale de la population,
05:52 qui est largement inspiré de notre histoire où on est un petit peu les descendants de l'Église
05:59 et notamment des Bonnes Sœurs.
06:00 Et donc, on joue toujours ce rôle de Bonnes Sœurs, et c'est ça qui est un petit peu handicapant pour les soignants
06:07 et qui, aujourd'hui, a bloqué toute une partie de la parole des soignants pendant de longues années.
06:11 C'est-à-dire que l'idée de souffrance des soignants au travail n'existait pas.
06:15 On ne peut pas souffrir. Bonnes Sœurs, ça ne souffre pas, ça n'existe pas.
06:18 C'est pas que c'était tabou, c'est que ça n'existait pas.
06:20 Donc, vous voulez dire que c'est venu parasiter la relation de soin entre le patient et le soignant ?
06:23 Pour l'instant, je n'arrive pas à faire le lien avec le patient.
06:25 En 2019, le collectif Interurgence a mis la main là-dessus, a dit que les soignants pouvaient souffrir au travail,
06:30 que les conditions de travail pouvaient se faire souffrir.
06:32 Chose qui, jusque-là, était un tabou.
06:34 Voire plus qu'un tabou, c'était un interdit.
06:36 D'ailleurs, quand on l'a dit, on s'est pris directement des volets, notamment du corps médical,
06:40 notamment de Mme Elise Buzyn qui nous avait taxé de dévoiement de l'arrêt maladie.
06:45 Mais ça, encore, c'est une posture assez classique du médecin, assez paternaliste,
06:49 qui vient faire la messe à ses Bonnes Sœurs.
06:51 Dans toute cette idée-là, ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui,
06:54 la question, et qui est toujours la même question, c'est pourquoi y a-t-il ces souffrances ?
06:58 Comment est-ce qu'on peut y répondre ? Et comment on peut les évaluer ?
07:03 Si votre idée de DEU, c'est de dire que c'est une solution à la souffrance des soignants
07:08 pour répondre à ce besoin qu'ils ont de pouvoir reprendre une communication avec le patient,
07:12 je dirais qu'on n'est pas du tout dedans.
07:14 Il y a des raisons, bien évidemment, endogènes, comme je viens de l'expliquer,
07:17 sur le système qui fonctionne à l'hôpital et qui est un peu oppressif,
07:20 notamment sur les personnels soignants féminins.
07:23 Mais il y a aussi toute une responsabilité politique de choix et d'orientation
07:28 qui ont mené les professionnels soignants dans la situation dans laquelle on est aujourd'hui.
07:32 Thierry Housselstein, quand la MSSF est sensible au sujet
07:36 et accepte de soutenir ce documentaire, pourquoi ?
07:39 Parce que c'est un sujet, pour le coup, qui n'est pas tabou
07:42 et que vous avez aussi envie de soulever,
07:44 parce qu'il vous remonte du terrain de la part des soignants eux-mêmes ?
07:46 Absolument. Nous sommes l'assureur des professionnels de santé,
07:49 vous l'avez bien dit, nous assurons plus d'un million de professionnels de santé,
07:52 des libéraux, des hospitaliers, des paramédicaux, des médicaux.
07:55 Il n'y a pas de sujet.
07:56 Vous avez cette vue générale ?
07:57 On a une vue générale. Petite précision,
07:59 tous nos administrateurs sont eux-mêmes professionnels de santé,
08:02 ce qui a son importance, puisqu'on voit bien que les sujets remontent.
08:05 Quand vous parlez de la souffrance des soignants,
08:07 on est en plein dedans et on partage complètement ce constat,
08:10 puisque dès 2015, nous avons constaté que dans certains contrats,
08:13 prévoyant ce point de pas cité,
08:15 donc les garanties arrêt de travail des soignants,
08:18 nous avons constaté à partir de 2015 une montée en puissance
08:21 des arrêts de travail, soit pour des phénomènes anxieux,
08:23 des problèmes dépressifs et du burn-out.
08:25 Ça a été boosté par la crise sanitaire de 2020 sans difficulté
08:28 et depuis, on est toujours sur une déclaration très, très forte,
08:32 ce qui nous a conduit à lancer en 2022 une enquête
08:35 portée par la fondation MASCSF.
08:38 On a interrogé 3 000 professionnels de santé de tous horizons
08:42 qui ont répondu spontanément à ces questions
08:44 et des arguments forts qui ressortent.
08:47 -Qu'est-ce qui ne va pas, pour parler très simplement,
08:49 dans notre activité ?
08:51 En premier, pour les médicaux et les paramédicaux,
08:54 ce sont les relations avec le patient.
08:56 C'est pas "le patient me casse les pieds" ou autre,
08:59 c'est "je suis dans une relation qui n'est pas celle
09:02 "pour laquelle on a décidé de faire médecine
09:05 "où une école d'infirmière..." -Eux-mêmes ne s'y retrouvent pas.
09:08 -Eux-mêmes ne s'y retrouvent pas, absolument.
09:10 -Qu'est-ce qu'on met derrière le mot "maltraitance" ?
09:12 Claude Rambeau peut-être pouvait répondre à cette question
09:15 en parlant aux urgences, par exemple ?
09:17 -Oui, ça, c'est pas le pire.
09:19 On sait bien qu'on va attendre aux urgences,
09:23 mais il y a effectivement une partie de la relation,
09:27 mais pas seulement.
09:28 Vous disiez "qu'est-ce qu'un soignant ?"
09:30 Je sais pas, je suis un peu comme vous,
09:32 il y a plusieurs définitions,
09:33 mais on peut savoir qu'est-ce qu'un soin de qualité, par exemple.
09:36 D'ailleurs, dans le mot "soin", il devrait y avoir
09:39 "intégrer la qualité", mais c'est un tout, un soin.
09:42 C'est à la fois des compétences techniques,
09:45 des diagnostics, etc.,
09:46 mais en même temps, une qualité relationnelle.
09:48 Certes, si on nous donne à choisir
09:50 entre quelqu'un de très compétent
09:52 et qui n'a aucune relation,
09:53 ou quelqu'un d'incompétent,
09:55 mais qui a une très bonne relation,
09:57 on prendra, nous qui sommes un peu avertis, en tout cas,
10:00 on prendra les personnes compétentes,
10:02 même s'il a un caractère de chien, un peu bourru,
10:04 et tout ce qu'on veut.
10:06 Voilà, évidemment.
10:07 Mais la qualité d'un soin, un soin de qualité,
10:11 un soin qui est bien traitant,
10:12 pour revenir sur...
10:14 et bienveillant, un petit peu différent,
10:17 c'est effectivement un soin qui est un tout,
10:19 qui comprend les deux choses.
10:21 Pourquoi ? Parce que même un soin compétent,
10:23 s'il est dans une mauvaise relation,
10:25 il peut conduire la personne
10:27 à ne pas observer correctement son traitement
10:31 ou à faire des choses qui vont le mettre en danger.
10:33 La semaine dernière, je suis intervenue
10:35 dans un établissement pour une personne
10:37 qui était en suspicion d'AVC,
10:39 qui attendait dans un lit son IRM
10:41 pour savoir s'il y avait ou pas, etc.,
10:43 et qui m'a fait appeler
10:44 parce que sa famille est adhérente dans l'association,
10:47 parce qu'elle voulait quitter et signer sa sortie.
10:51 Donc il a fallu lui expliquer, etc.
10:53 Donc si on n'a pas... En fait...
10:54 -Même les bonnes informations, de la bonne communication.
10:57 -J'ai réussi à faire contacter le médecin qui la prenait en charge,
11:01 qui n'était pas content qu'on les contacte,
11:03 mais ça revient à ce que vous disiez tout à l'heure,
11:06 et qui lui a donné les bonnes informations.
11:09 Voilà. Si on n'a pas une bonne relation,
11:11 et essentiellement, vous avez évoqué la communication,
11:14 on sait bien qu'on réduit considérablement
11:16 les risques liés aux soins par une bonne communication.
11:19 -Le soin, c'est global.
11:21 -Oui, c'est global, c'est un tout.
11:23 -Annaïs Buzyn, je voudrais faire appel
11:25 à votre expérience de soignante.
11:27 On entend dans ce film des soignants qui se confient à moi,
11:30 qui me parlent de moments où on leur dit
11:33 "une crise d'angoisse, c'est de la merde",
11:35 "il faut enchaîner les gardes",
11:37 "ça fait mal à droite", ça vous est arrivé ?
11:39 -Alors, sur... Effectivement,
11:41 dans la forme de maltraitance,
11:44 même du corps médical,
11:46 effectivement, des diagnostics dans un couloir,
11:49 tout ça est connu.
11:50 En fait, ce que je voudrais dire,
11:52 c'est que toute cette souffrance au travail,
11:54 elle est ancienne à l'hôpital.
11:56 Je l'ai connue quand j'étais jeune chef de clinique
11:59 dans les années 90,
12:00 et on avait fait venir exprès des psychologues
12:04 qui prenaient en charge les soignants,
12:06 dans les services, les obligeait à parler.
12:08 On avait aussi des réunions collectives
12:11 pour parler des cas des malades,
12:13 pour faire baisser la pression.
12:15 Ce qui est différent et nouveau,
12:17 je pense que c'est son expression publique,
12:19 avec le collectif tel que...
12:21 Mais en fait, cette souffrance, elle existait déjà avant.
12:24 Elle est exacerbée
12:26 parce qu'il y a de moins en moins de soignants,
12:29 et c'est un problème, là, je dirais, international.
12:32 On a une phase très difficile à passer
12:34 avec un nombre de soignants
12:36 qui, globalement, est en train encore de diminuer
12:39 par rapport aux besoins de la population
12:41 et n'augmentera que dans les années 2030, probablement.
12:44 C'est un problème international.
12:46 Ce qu'on raconte ici est absolument vrai
12:49 dans tous les pays du monde.
12:50 Donc il y a un problème lié
12:53 à ce manque de personnel, partout.
12:55 Et puis il y a un problème aussi qui est lié,
12:58 probablement, à plus d'impatience de la population.
13:02 Quand on est malade,
13:04 aujourd'hui, on attend une consommation de soins
13:08 probablement plus efficiente
13:12 que ce qu'on attendait il y a 20 ans de l'hôpital.
13:16 Donc il y a une impatience qui s'exprime
13:18 notamment dans les urgences,
13:20 qui met de la pression sur les soignants.
13:22 -Essayons d'approfondir les causes.
13:24 Le manque de moyens, le manque de personnel,
13:27 les salaires peu attractifs.
13:28 L'exécutif a tenté de répondre à ces besoins
13:31 avec un premier ministre qui a débloqué 1 milliard d'euros
13:34 pour les soignants,
13:35 le travail de nuit à l'hôpital revalorisé de 25 %
13:38 et le tarif des gardes augmenté de 50 %.
13:40 C'est pour la partie financière.
13:42 Mais est-ce que c'est seulement une question de moyens ?
13:45 N'y a-t-il pas aussi, peut-être, une autre question,
13:48 celle de la formation ?
13:49 Je voudrais qu'on écoute Anne Levé, interne,
13:51 au moment du documentaire,
13:53 qui pointe autre chose lors de sa soutenance de mémoire.
13:56 Elle pointe la formation.
13:57 -La rencontre avec l'hôpital
14:00 a pas été si simple,
14:01 et avec la faculté aussi,
14:03 puisque j'ai été confrontée aux difficultés
14:06 qu'on connaît de l'hôpital en France en ce moment.
14:10 Il y a eu aussi la compétition dans les études de médecine,
14:13 où au début, c'était très festif,
14:14 et puis rapidement, je trouve qu'a grandi
14:17 une atmosphère de compétition, de concurrence,
14:20 et moi, j'étais pas trop venue chercher ça.
14:22 Je pensais qu'en faisant médecine,
14:24 j'aurais juste un environnement très bienveillant.
14:28 -Je suis désolée, j'ai appris quelque chose.
14:30 Je ne savais pas qu'à ce point-là,
14:32 les études de médecine pouvaient être un lieu de compétition,
14:35 et donc pas forcément un lieu de bienveillance.
14:38 Est-ce que ça vous parle, Thierry Hausenstein ?
14:40 -Oui, c'est un élément que l'on retrouve,
14:43 bien évidemment, au quotidien, lors des études de médecine,
14:46 notamment l'ex-première année,
14:48 où il y avait un cut important à la fin de la première année,
14:51 pour l'internat également.
14:53 C'est un élément qu'on retrouve dans l'enquête que nous avons menée,
14:57 où cette notion de communication, de formation,
15:02 pendant les études, passe un peu au second plan.
15:04 Très clairement, c'est quelque chose qui ressort,
15:07 c'est pour ça que nous avons mis en place différentes formations,
15:10 dans les établissements hospitaliers,
15:12 et notamment vers les jeunes professionnels de santé,
15:16 qui sont souvent démunis.
15:18 Je vais vous donner un exemple très précis.
15:20 Nous sommes en train de monter une formation
15:23 pour les jeunes neurosurgeons de la région aquitaine.
15:26 Ils ont la plus forte pression médico-légale,
15:28 on en parle souvent,
15:30 qui les perturbe quand même beaucoup dans leur activité,
15:33 voire même les conduit à refuser certaines interventions.
15:36 Et on leur explique des règles de bonne pratique
15:40 pour les rassurer, pour les rendre un peu plus "zens",
15:43 dans leur relation avec les patients,
15:45 pour essayer de faire baisser cette pression médico-légale,
15:49 pour qu'ils exercent de façon plus sereine et simple.
15:51 C'est ce qu'on met en place, par exemple, avec le CHU de Bordeaux.
15:55 - Est-ce que c'est un sujet, cette question de la formation ?
15:58 Faudrait-il aller explorer, au-delà des questions de moyens,
16:02 mais dont on parle plus souvent ?
16:03 Là, on en parle un peu moins.
16:06 - C'est un sujet qui est éminemment important.
16:08 Il y a eu un changement de la formation infirmière,
16:11 il y a 10 ans, on a raccourci la durée de formation de 6 mois.
16:15 On était à 3 ans et demi,
16:16 on est passé à 3 ans sur un cursus universitaire.
16:19 Sur les 6 mois, on a perdu.
16:21 Mais quand j'ai commencé ma formation, il y a 11 ans,
16:24 il fallait environ 5 ans pour un infirmier,
16:26 une fois qu'il avait son diplôme, pour être infirmier.
16:29 5 ans, on a l'impression que c'est un ancien.
16:32 Il n'y en a plus énormément dans les services,
16:34 on a surtout des professionnels qui sont très jeunes.
16:37 Malheureusement, tous les anciens, des gens comme moi,
16:40 je suis compris comme un ancien sur l'hôpital.
16:43 Ça ne fait que 11 ans que je travaille dans l'hôpital,
16:46 je suis déjà vu comme un ancien,
16:48 ce qui prouve la problématique actuelle.
16:50 - Pierre Chvatelier, je vais revenir sur la formation.
16:53 Vous avez été, vous-même,
16:55 avez-vous eu des modules, des stages,
16:57 des moments d'échange sur comment je vais gérer
17:00 la souffrance de l'autre, la détresse de l'autre,
17:02 la mort de l'autre, l'appel à l'aide de l'autre ?
17:05 C'est ça, le quotidien des soignants.
17:07 Vous vous sentez formé à cela ?
17:09 - Euh...
17:10 Vous dire ce que j'avais comme impression de formation
17:13 au bout de mes 3 années, non, très clairement, non.
17:16 On arrive sur le milieu professionnel,
17:18 on passe d'un cap où on est stagiaire
17:20 sans trop de responsabilité,
17:22 à un cap où on a toutes les responsabilités d'un coup,
17:25 et où la communication, d'un coup,
17:27 on est plus en tant que stagiaire,
17:29 on est professionnel, donc il faut que notre parole soit vraie.
17:32 C'est un changement de positionnement
17:34 qui est assez brutal.
17:35 Avant, il fallait environ 5 ans pour un infirmier,
17:38 pour être vraiment affermé et comprendre tous les talents,
17:41 pour avoir ces formulations de communication,
17:44 et ne serait-ce que reconnaître la communication
17:47 quand elle peut évoluer.
17:48 - C'est pas une des énormes surprises,
17:50 que des soignants ne soient pas formés à gérer la détresse de l'autre ?
17:54 - Absolument.
17:55 C'est une des raisons des réformes des études de santé
17:58 qu'on a mises en place,
18:00 c'est qu'en réalité, la formation est très disciplinaire.
18:03 C'est-à-dire qu'on apprend aux médecins,
18:05 mais c'est vrai pour les infirmiers aussi,
18:08 la cardiologie, la gastrologie,
18:10 on a beaucoup de mal à faire exister des formations transversales
18:13 sur des sujets d'importance.
18:15 Alors, il y a le médico-légal,
18:17 il y a la prévention et la santé publique,
18:19 il y a l'empathie,
18:21 et comment on s'adresse effectivement à un malade,
18:24 notamment face à une maladie grave,
18:27 comment on reçoit la parole de l'autre...
18:29 Toutes ces formations transversales,
18:31 on a beaucoup de mal à les faire exister.
18:33 - Pourquoi ? C'est pas assez technique ?
18:35 C'est pas protocolaire ?
18:37 - Ca prend du temps, en fait,
18:39 de changer les pratiques dans les facultés.
18:41 C'est vrai aussi pour les écoles d'infirmières.
18:44 Les praticiens qui viennent enseigner
18:46 enseignent leur spécialité,
18:48 et c'est pour ça que toutes les écoles
18:50 où il y a maintenant des patients formateurs
18:54 pour les soignants,
18:55 ce sont des écoles qui se sont mises en place
18:58 dans un certain nombre de facultés,
19:00 sont très utiles, parce qu'on oblige les soignants
19:03 à annoncer un diagnostic de maladie grave,
19:05 par exemple, devant un patient,
19:08 et on attend son retour pour s'améliorer.
19:12 Toutes ces pratiques sont en train de se mettre en place.
19:15 Ca prend du temps.
19:17 Tout cela se fait, évidemment,
19:19 avec la bonne volonté d'un certain nombre de doyens.
19:22 Tous ne voient pas l'urgence de la même façon,
19:25 et ça nécessite des années et des années
19:28 pour former des générations entières de soignants
19:31 qui auront été alertés à cela.
19:33 Et puis, c'est ce que je disais au début,
19:36 il faut prendre en compte l'usure du métier.
19:38 Vous disiez qu'il y a un turnover très important,
19:41 c'est vrai, c'est vrai pour tous ces métiers de soignants,
19:44 il y a beaucoup de gens qui s'éloignent de leur pratique
19:47 au bout de 10, 15 ou 20 ans,
19:50 parce que c'est très douloureux
19:52 de prendre sur ses épaules la douleur des gens,
19:56 la souffrance et la mort.
19:57 Et à un moment, soit on se blinde,
20:00 et on devient un mauvais soignant,
20:03 parce qu'on n'est plus dans l'empathie,
20:05 soit on reste empathique,
20:07 et à un moment, on n'en peut plus soi-même.
20:09 C'est ce qu'exprime un certain nombre de personnes.
20:12 -Claude Rambaud, ça va changer,
20:13 vous le sentez, vous aussi, vous êtes mobilisée pour cela,
20:17 et je crois qu'il y a une réforme...
20:19 -Il est évident que tout ça doit être introduit
20:21 dans la formation initiale de tous les professionnels de santé,
20:25 les infirmières, les médecins, bien sûr, mais pas seulement.
20:28 Donc ça, c'est vraiment très important.
20:30 Mais moi, je dirais, pour compléter là-dessus,
20:33 c'est aussi le système qui est maltraitant.
20:37 Déjà, on laisse pas une personne proche auprès de la personne,
20:40 parce que, comme on avait, il y a 30 ans, en pédiatrie,
20:43 les familles s'embarrassent ou posent plein de problèmes,
20:47 donc déjà, on pourrait laisser quelqu'un de proche.
20:49 Déjà, on ne fait plus depuis longtemps,
20:51 mais on va y revenir, à de l'admission directe,
20:54 lorsqu'un médecin traitant de ville prescrit une hospitalisation,
20:58 on peut faire confiance au médecin de ville.
21:00 Il y a plein de choses là-dedans.
21:02 Et puis, il y a le management aussi.
21:04 Et où est le top management ?
21:06 Est-ce qu'on peut pas voir un peu les choses autrement
21:09 en fonction des locaux ?
21:10 Certes, on a pas les professionnels,
21:12 on le sait, des infirmiers, des infirmières aussi,
21:15 mais on peut faire des organisations.
21:17 -Vous me parliez de réévaluation des soignants.
21:20 Vous me disiez, dans les mois qui viennent,
21:22 ils vont être réévalués selon quatre critères.
21:25 -Ca permet de revenir sur la formation, quelque part.
21:28 C'est-à-dire qu'il y a, depuis,
21:31 donc, des ordonnances qui ont été publiées
21:34 sous le ministère de M. Véran,
21:39 et on avait commencé les travaux d'études
21:41 du temps d'Agnès Buzyn, d'ailleurs,
21:43 sur la recertification des professionnels de santé.
21:46 Tous les professionnels de santé, médecins, infirmières,
21:49 tous ceux qui ont un ordre professionnel,
21:52 devront recertifier, revalider leurs compétences
21:54 tous les six ans.
21:55 Neuf ans pour les anciens et tous les six pour les nouveaux.
21:59 -Ce sont que les compétences techniques ?
22:01 -Oui, les compétences techniques, cliniques,
22:04 la formation continue, le développement professionnel,
22:07 la qualité, mais il y a aussi deux autres axes
22:09 qui vont être pris en charge.
22:11 Un qui porte sur la relation aux patients,
22:14 la relation avec leur environnement professionnel
22:16 et aux patients, et le deuxième, c'est qu'est-ce qu'ils font
22:20 pour être mieux dans leur santé ?
22:22 -Eux-mêmes. Comment ils vont aller mieux eux-mêmes ?
22:25 -La santé et le mieux-être, évidemment.
22:27 Votre sujet est en plein là-dedans.
22:29 Il anticipe un peu sur ce qui va se passer,
22:31 mais il va être obligatoire pour eux de rendre compte
22:35 de ce qu'ils ont fait comme action
22:37 pour améliorer, effectivement, leur mieux-être.
22:40 Et dedans, bien sûr, il y a la santé au sens pur du terme,
22:43 mais c'est beaucoup plus large.
22:45 La santé, au sens large, c'est aussi le mieux-être.
22:48 -Dans le film, on a le docteur Émilie Tassin
22:51 qui prône, là aussi, lors de la soutenance de son mémoire,
22:55 l'enseignement des sciences humaines en médecine.
22:58 Il y a un appel des soignants, Thierry Holzstein.
23:01 Ils sont en demande ?
23:02 -Ils sont vraiment en demande.
23:04 Dans l'étude que nous avons menée,
23:06 c'est quelque chose qui ressort également.
23:08 On est parfois sur des enseignements très techniques.
23:11 Il le faut, bien évidemment, sécuriser les soins techniques,
23:14 mais on a aussi parfois des difficultés
23:17 dans la relation avec le patient.
23:19 C'est ce qui ressort en priorité.
23:21 Alors, on peut mettre en place, on met en place
23:23 des formations de ce type-là.
23:25 Dans votre film, quand j'ai vu cette jeune consœur interne
23:30 de 26-27 ans, à mon avis, dans ces eaux-là,
23:32 qui est sidéré face à la patiente qui est jouée par un coach,
23:36 pour une ordonnance... -On va y dire.
23:38 -C'est dramatique.
23:39 Ce sont des situations que l'on voit soit à l'hôpital,
23:43 soit en activité de ville.
23:45 Mais il y a vraiment un effort à faire,
23:48 et nous nous y employons pour pousser davantage
23:51 de sciences humaines.
23:53 -Vous avez raison de faire référence à cette scène.
23:55 On va en voir un extrait,
23:57 que vous avez un tout petit peu abordé, Agnès Buzyn,
23:59 mais qui compte, à mon avis, dans le mal-être des soignants
24:03 et la relation de soins, c'est le comportement du patient.
24:06 On en parle peu.
24:07 J'avais pas ce sujet en tête quand j'ai commencé ce documentaire,
24:10 et pourtant, il m'a sauté aux yeux quand j'ai assisté
24:13 au cours de Jocelyne Roudier.
24:15 -Je viens vous voir pour une ERM.
24:17 Mon ostéopathe m'a dit qu'il fallait une ERM,
24:21 donc voilà, j'en ai pas pour longtemps,
24:23 je suis un peu pressée.
24:24 Vous pouvez me faire l'ordonnance, s'il vous plaît ?
24:27 -Je réponds.
24:29 -Euh... -Ça vous pose un problème ?
24:36 -On va en discuter. -Non, non, non.
24:40 -Asseyez-vous, déjà. -Non, non.
24:43 J'ai besoin de ça. J'ai juste besoin d'une ordonnance.
24:46 -Alors, moi, j'espère qu'elle a un petit peu exagéré
24:50 pour le jeu de rôle,
24:52 mais a-t-elle exagéré ?
24:53 Est-ce que vous, Pierre Chouabtelli,
24:55 vous avez déjà été confronté à cette agressivité des patients ?
24:59 Est-ce que vous la constatez ?
25:01 Est-ce qu'elle est de plus en plus fréquente ?
25:04 -Aux urgences, oui, il y a de l'agressivité.
25:06 En 2019, le collectif Interurgence s'est créé
25:08 notamment à cause des agressions à Saint-Antoine.
25:11 L'agressivité était présente.
25:13 Est-ce qu'elle est en majoration ?
25:15 Avec le collectif Interurgence, oui, elle est en augmentation,
25:18 mais elle s'explique par des causes très claires.
25:21 C'est l'absence de solutions à l'hôpital,
25:23 les temps d'attente qui ont explosé
25:25 au niveau des services d'urgence.
25:27 -Vous l'excusez, cette agressivité, de la part du patient ?
25:30 -Je n'excuse pas l'agressivité, mais je l'explique.
25:33 Je ne l'excuse pas, mais je trouve des explications.
25:35 C'est pour ça qu'avec le collectif Interurgence,
25:38 quand on est parti en mobilisation,
25:40 on demandait surtout des lits.
25:42 On ne demandait pas des gardes du corps
25:44 ou des caméras de sécurité, mais des lits d'hospitalisation.
25:47 Aujourd'hui, la question prioritaire,
25:50 dans les services d'urgence, c'est extrêmement frappant.
25:53 Pendant 15 ans, on a laissé la médecine de ville dépérir.
25:56 Financièrement, il faut bien comprendre
25:58 que les services d'urgence gagnaient plus d'argent
26:00 avec un patient qui venait pour rien
26:02 qu'avec un patient qui nécessitait un soin d'urgence.
26:05 Les services d'urgence ont laissé dépérir la médecine de ville.
26:08 Des patients viennent consulter chez eux.
26:11 Des services d'urgence se sont faits une spécialité
26:14 de faire de la consultation rapide sur les trics AT5,
26:16 notamment à Bichat.
26:18 On voit qu'il y a un problème et compagnie.
26:20 On se retrouve dans une situation où l'Etat,
26:22 enfin, les politiciens, nous poussent à dire,
26:25 ce qu'on trouve aussi,
26:26 à nos professionnels, que c'est de la faute des patients
26:29 qui viennent consulter pour rien, qui nous mettent dans cette situation.
26:33 On nous met patient via soignant.
26:35 C'est ça que je n'aime pas du tout.
26:37 En réalité, la situation, c'est que ça va être très dur
26:40 pour les patients sans médecin,
26:42 car les urgences ont changé leur modèle de financement.
26:45 Ces patients-là ne rapportent plus.
26:47 On va les renvoyer dehors. -On change de paradigme.
26:50 -La solution, c'est que pour le patient,
26:52 là où avant, il devait aller aux urgences
26:54 pour pallier l'absence de médecin traitant,
26:57 demain, même les urgences ne voudront plus de lui.
26:59 Il va se retrouver sans médecin traitant,
27:02 sans accès à la santé.
27:03 C'est ça qui va être très dur dans nos sociétés
27:06 et qui va augmenter les risques de violence
27:08 envers les professionnels soignants.
27:10 -Il y a énormément de mesures qui sont mises en place
27:14 ou en train d'être mises en place
27:16 pour trouver, justement,
27:18 une façon de prendre en charge ces patients
27:20 sans médecin traitant
27:22 et éviter aussi de surcharger des urgences
27:24 avec des consultations de médecine générale.
27:27 Il y a énormément de choses.
27:28 Il y a l'entrée directe des personnes âgées en gériatrie,
27:32 il y a équiper tous les EHPAD de télémédecine,
27:34 il y a créer les maisons de garde près des hôpitaux
27:40 où des médecins généralistes viennent prendre des gardes
27:43 jusqu'à minuit pour décharger les urgences.
27:45 Ce sont des petites briques, en réalité,
27:48 parce qu'il n'y a pas de traitement miracle.
27:50 On ne va pas créer des milliers de médecins généralistes
27:53 dans les dix ans qui viennent.
27:55 Il faut le temps de les former.
27:57 On ne va pas créer des milliers d'urgentistes.
28:00 Ouvrir des lits, je l'entends,
28:02 ce ne sont pas les lits,
28:03 ce sont les soignants qui n'existent pas.
28:06 Il ne faut pas s'arrêter au constat,
28:08 il faut essayer de trouver les réponses appropriées
28:12 à ce constat.
28:13 Elles ne sont pas d'engager des médecins
28:15 qui n'existent pas sur une étagère
28:17 ou d'engager des infirmiers qui n'existent pas.
28:20 Il y a des milliers de postes ouverts, ils sont vacants.
28:23 Il y a des milliers de postes aussi dans le privé,
28:26 parce que le problème est absolument partout,
28:29 pas seulement en France et ailleurs.
28:31 Comment on répond à ça ?
28:33 Par des mesures extrêmement précises,
28:35 ponctuelles, qui répondent à chaque enjeu.
28:38 -Sur l'agressivité du patient,
28:40 vous l'avez effleuré,
28:41 avec la question du consumérisme de la santé.
28:44 Est-ce qu'on assiste aussi à un changement
28:46 du côté des patients qui consomment la santé
28:49 comme si c'était gratuit ?
28:50 -Je pense que monsieur a raison en disant
28:53 qu'une part de l'agressivité vient du temps d'attente,
28:56 du fait qu'on ne trouve pas,
28:58 c'est cette errance diagnostique, et tout ça est réel.
29:01 Il y a aussi, on le sait, dans la société,
29:04 une exacerbation de la violence en général.
29:06 Elle s'exprime plus facilement qu'elle ne s'exprimait avant.
29:10 Il y avait un interdit avant face aux blouses blanches,
29:13 comme il y avait un interdit face aux pompiers ou aux policiers.
29:17 Cet interdit n'existe plus, même vis-à-vis des blouses blanches.
29:21 Tout ça est très douloureux pour les soignants.
29:23 Et puis il y a un consumérisme, c'est vrai,
29:26 qui a été facilité, et c'est à la fois une chance,
29:29 la télémédecine, et à la fois ce risque-là,
29:32 c'est-à-dire qu'on sait qu'on va aller sur "Docteur Libre"
29:35 pour ne pas le citer, et trouver un rendez-vous en une heure,
29:39 parce qu'on a besoin d'une ordonnance et qu'on l'a pas.
29:42 Et donc, en fait, il y a tout un écosystème, en réalité,
29:47 où chacun doit prendre sa part
29:50 pour essayer de soulager cette agressivité.
29:52 -C'est pour ça que j'aborde la question du patient.
29:55 Il y a aussi une pierre dans le jardin du côté des patients.
29:59 -Oui, mais le patient, c'est quelqu'un qui souffre,
30:02 qui est angoissé.
30:03 Pendant les urgences et le milieu hospitalier,
30:07 c'est extrêmement agressif, même si on est bien portant.
30:10 Le milieu hospitalier, c'est...
30:12 Donc l'angoisse peut monter,
30:14 parce que, comme l'a dit Agnès tout à l'heure,
30:17 l'errance diagnostique est un véritable sujet.
30:20 Donc ils sont confrontés à la dureté du système.
30:23 Donc, effectivement, on peut comprendre
30:25 que le patient, qui n'est pas le professionnel,
30:28 qui n'a pas eu cette éducation,
30:31 on sait qu'il y a des trous dans la raquette
30:33 en ce qui concerne la relation,
30:35 et apprendre à se ressourcer, les méthodes de dégagement,
30:38 tout ce que vous avez montré très bien dans le film,
30:41 il y a de multiples facettes dans ce dispositif,
30:44 mais le patient, il n'est pas celui-là du tout.
30:47 Il est dans son angoisse.
30:49 Donc il y a aussi le patient qui est confronté,
30:51 je reviens au système, je pense qu'on a à travailler là-dessus.
30:55 Comme disait Agnès, il y a de multiples...
30:58 propositions qui sont faites,
31:00 mais sur les EHPAD, je regrette,
31:02 on a quand même un temps de retard
31:04 pour mettre en oeuvre quelque chose de très simple.
31:07 Refaire confiance aux médecins traitants,
31:09 qu'ils soient d'EHPAD ou même de ville,
31:12 comme on l'a fait à un certain temps, d'ailleurs,
31:15 ne pas obliger les gens à repasser par les urgences,
31:18 et s'il faut faire une admission directe,
31:20 on doit pouvoir faire une admission directe.
31:23 Mais il y a la question des lib...
31:25 Pourquoi les EHPAD préfèrent finalement envoyer souvent aux urgences ?
31:29 Parce que si on fait attendre la personne
31:31 qui nécessite des soins aigus
31:33 que les EHPAD ne peuvent pas fournir,
31:35 et si on la fait attendre en EHPAD,
31:38 ça pèse sur du personnel
31:39 et qu'il n'est pas aussi médicalisé que l'on veut bien dire.
31:42 Donc voilà, c'est tout un système qui est à revoir.
31:45 -Thierry Holstein, un mot sur cette agressivité,
31:48 cette scène que vous vouliez vous-même commenter.
31:51 -Nous devons tout faire pour continuer à prendre soin des soignants.
31:55 C'est vraiment le leitmotiv.
31:57 Moi, j'ai été très surpris par cette scène,
32:00 mais on l'a vécue de temps en temps,
32:02 je pense, dans notre activité professionnelle de soins.
32:05 Par ailleurs, quand on regarde les données
32:07 du Conseil de l'ordre des médecins pour l'année 2023,
32:10 moi, j'ai été stupéfait de voir que quand on suit une cohorte
32:14 de médecins primo-inscrits à l'ordre en 2010
32:16 et qu'on regarde ce qu'ils sont devenus en 2023,
32:19 c'est le dernier bulletin de 2023,
32:23 8 % de ces médecins primo-inscrits ont disparu du soin.
32:28 C'est absolument bluffant.
32:31 On se demande où sont passés des soignants
32:34 qui ont été formés pendant une dizaine d'années
32:37 alors qu'on manque de médecins.
32:39 Donc je pense qu'il y a un vrai sujet de ce côté-là.
32:42 Nous, du côté de notre mutuel,
32:44 on essaie de mettre en place beaucoup de formations
32:47 et d'informations, mais il faut un mécanisme
32:50 beaucoup plus global pour conserver les soignants dans le soin.
32:54 C'est indispensable.
32:56 - Je vous demanderai de répondre relativement rapidement.
32:59 Comment améliorer cette relation de soins ?
33:01 S'il y a une méthode, peut-être ?
33:04 - Il n'y a pas de solution magique, comme a dit Mme Muzin.
33:07 C'est un changement total de nom
33:09 à la fois du système de santé, de sa vision
33:12 et de sa pertinence en termes de son objectif,
33:14 et à la fois de nos formations et même du système interne.
33:18 Le système à l'intérieur de l'hôpital
33:20 est complètement cloisonné.
33:22 On parlait du management...
33:24 - Je vais vous diriger au moment où Claude Rimbaud a parlé de ça.
33:27 - Le management à l'hôpital est tellement cloisonné
33:30 qu'aujourd'hui, vous n'aurez pas un cadre hospitalier
33:33 qui n'a pas été faisant fonction cadre.
33:36 On est obligé de formater la personne
33:38 avant de lui donner l'autorisation de devenir cadre.
33:41 Le système n'évoluera pas.
33:43 Il est déjà totalement gelé dans l'hôpital.
33:46 Pour le changer, c'est très compliqué.
33:48 Je ne sais pas par où commencer.
33:50 - On a au moins lancé l'échange ici.
33:52 Pour conclure, je dirais qu'il faut aussi
33:55 que les professionnels comprennent,
33:57 et ça, c'est typique, les dernières images qu'on a vues,
34:01 que le patient évolue,
34:02 et le patient est de plus en plus éduqué.
34:05 Avec Agnès, une de nos ambitions à l'HAS,
34:07 c'est de faire de patients
34:09 qu'ils soient acteurs, partenaires, coacteurs, j'ai toujours dit.
34:13 Et ça, ça n'est pas non plus facile, parfois,
34:18 à accepter par des médecins ou des infirmiers,
34:21 qui ont souvent des positions de surplomb par rapport aux patients.
34:25 Il faut aussi qu'ils apprennent à faire des questions ouvertes.
34:29 Cette dame dit "je veux une IRM, faites-moi une prescription",
34:33 on n'a pas entendu de questions ouvertes là-dessus.
34:36 "Pourquoi voulez-vous une IRM tout de suite ?"
34:39 La relation, il faut qu'elle bouge,
34:42 mais ça passe par la formation initiale et continue.
34:45 - Professeur Corinne Isnar-Banis le dit à la fin du film,
34:49 il dit qu'il y a plus de technicité que de l'humain.
34:52 - Je terminerai sur une note de confiance.
34:55 Il faut faire confiance aux soignants, quels qu'ils soient.
34:58 Un exemple, vous avez entendu parler d'une initiative
35:02 qui s'appelle "Médecins solidaires".
35:04 Des professionnels de santé consacrent une semaine
35:07 de leur activité, qu'ils soient remplaçants,
35:10 pour aller travailler dans des centres de santé.
35:13 Il y a deux centres qui ont été créés en Creuse,
35:17 et qui ont permis à 3000 patients de retrouver un médecin traitant.
35:21 C'est une initiative de médecins qui consacrent une semaine
35:24 de leur temps dans une année.
35:26 Nous, de notre côté, on a été très fiers
35:29 de donner une amplification à ce mouvement,
35:32 ce qui a permis à plus de 400 médecins de s'inscrire.
35:35 Un 3e centre va probablement être ouvert.
35:38 Il faut faire confiance aux soignants.
35:41 La situation n'est pas simple, mais il faut leur faire confiance.
35:45 La santé, quand on s'engage dans ce métier de soignant,
35:48 c'est parce qu'on y trouve du sens.
35:51 Et souvent, l'exercice solitaire,
35:53 et l'angoisse qu'on a dans l'exercice solitaire,
35:57 créent ce mal-être.
35:58 Quand il y a de bonnes équipes, un bon esprit d'équipe,
36:02 et notamment à l'hôpital,
36:04 il y a moins de souffrance au travail,
36:06 et ça améliore la qualité des soins.
36:09 À la Haute Autorité de Santé, on l'a vraiment vue,
36:12 c'est une partie des critères de qualité des soins.
36:15 Donc je pense qu'il faut recréer ce collectif de soignants.
36:19 Le management actuel des hôpitaux,
36:21 souvent du fait du manque de soignants,
36:24 met la pression sur des rythmes, désorganise les équipes.
36:28 Tout ça participe à ce mal-être.
36:30 Je pense qu'il faut améliorer ce management interne
36:33 et puis faire confiance dans un système qui est en train de changer.
36:38 Tout était dans la loi Ma Santé 2022.
36:40 Le Covid a tout arrêté dans cette transformation.
36:43 On reprend la transformation trois ans après.
36:46 Mais à terme, je suis sûre que le constat étant bien posé,
36:50 les problématiques étant bien posées,
36:53 il y a des solutions pour chacun de ces problèmes.
36:56 - De l'espoir pour terminer cette émission.
36:58 Merci d'avoir participé à cette émission.
37:01 Merci à vous de nous avoir suivis.
37:03 A très bientôt sur "Public Sénat".
37:06 Sous-titrage Société Radio-Canada
37:09 ...

Recommandations