Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde

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Dans son émission média, Thomas Isle et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde.

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Transcription
00:00 Alors Louis Dreyfus, depuis décembre 2010, vous êtes le président du directeur du groupe Le Monde,
00:06 qui regroupe Le Monde, M le magazine, Le Monde Diplomatique, le Finton Post, L'Obs, Télérama,
00:12 Courrier International et La Vie. Le Monde est désormais le premier quotidien national de France,
00:17 vous avez dépassé je crois les 500 000 abonnés, même si c'est toujours un petit peu compliqué de
00:22 donner ces chiffres puisqu'on rassemble à la fois les abonnés au papier et les abonnés au numérique,
00:27 donc des abonnés qui payent des prix qui sont très différents et des services aussi qui sont assez différents.
00:32 Nous on essaie de mesurer le nombre de personnes qui nous lisent en nous achetant,
00:37 parce que c'est quand même une marque de confiance à un moment où il y a une information gratuite qui est pléthorique.
00:44 Mais en vous achetant à des prix très différents ?
00:46 En nous achetant à des prix très différents, pas tellement, c'est-à-dire que soit on s'abonne au Monde,
00:51 notre prix moyen doit être autour de 11 euros par mois, soit on s'abonne aux produits papier,
00:55 mais qui est plus coûteux à produire et plus coûteux à distribuer, et c'est environ 30 euros par mois.
01:00 Ce qui compte vraiment c'est est-ce que des lecteurs sont prêts à payer pour l'information qui est produite par le Monde ?
01:07 Ce qu'on voit aujourd'hui c'est que moi quand j'ai pris mes fonctions en 2010,
01:10 il y avait environ 240 000 personnes qui l'achetaient chaque jour, en kiosque, sur le papier ou sur le numérique.
01:17 Aujourd'hui ils sont près de 500 000, donc c'est évidemment une réussite pour le groupe
01:24 et une marque de confiance pour le travail de rédaction.
01:26 Il y a un élément finalement qui est presque plus clair que les chiffres de vente,
01:30 c'est que dans un marché de la presse qui est globalement assez difficile,
01:33 le groupe Le Monde qui perdait 34 millions d'euros en 2010 est rentable depuis 7 ans maintenant.
01:39 Comment est-ce qu'on peut résumer ce que vous avez fait pour redevenir rentable ?
01:43 Je pense que d'abord le début de cette aventure, elle s'est passée quand les actionnaires,
01:49 avant de rentrer au capital du Monde, demandaient aux journalistes du Monde de choisir leur actionnaire.
01:55 Et 93% des journalistes ont choisi l'offre portée par Pierre Berger, Xavier Niel et Mathieu Pigasse.
02:01 Et à partir de ce moment-là, je pense qu'il y a eu un choix résolu de modifier le fonctionnement
02:06 tout en gardant comme colonne vertébrale le journalisme.
02:10 Quand on est arrivé, il y avait 310 journalistes au Monde, aujourd'hui il y en a 550.
02:15 C'est un choix fort, c'est un choix atypique. Si vous regardez les grands journaux étrangers,
02:19 eux ont doublé la taille de la rédaction.
02:22 À ce moment-là, on a restructuré beaucoup de choses, on a fermé malheureusement l'imprimerie du Monde,
02:25 on a dû faire des efforts sur l'ensemble des coûts, sauf dans les coûts rédactionnels,
02:29 considérant que si des lecteurs devaient payer pour de l'information,
02:33 il fallait qu'ils aient la certitude qu'elle soit rigoureuse et exclusive.
02:37 Et pour faire ça, au temps du numérique où il y a une temporalité qui est beaucoup plus large,
02:40 il faut beaucoup, beaucoup plus de journalistes.
02:42 Et ça, c'est un pari qu'on a fait avec les actionnaires et qui aujourd'hui a un pari gagnant.
02:47 On va continuer à parler du Monde dans un instant.
02:50 Louis Dreyfus, j'aimerais savoir quel est votre principal concurrent aujourd'hui.
02:54 Ce sera juste après la session de rattrapage de Jean-Luc Lemoyne, qui est en pleine forme.
02:57 À tout de suite sur Europe 1.
02:59 La suite de Culture Média sur Europe 1 avec votre invité Thomas Hill.
03:03 Oui, je reçois ce matin Louis Dreyfus, le président du directoire du groupe Le Monde,
03:07 pour parler de cette mutation passionnante d'un groupe ancien, fondé en 1944.
03:12 Pour le faire entrer progressivement dans l'ère du numérique.
03:16 Pour qu'on comprenne bien Louis Dreyfus ce virage, il faut expliquer que le pic des ventes du journal papier Le Monde,
03:21 il a été atteint en 1979.
03:24 À l'époque, le journal se vendait à 445 000 exemplaires par jour.
03:27 Et puis depuis, le journal a subi, comme toute la presse, une érosion des ventes du journal papier,
03:33 année après année, pour tomber aujourd'hui à combien sur la presse papier, sur la version papier Le Monde ?
03:38 On doit être à 150 000 papiers et 500 000 au total.
03:42 Voilà, donc pour compenser cette baisse, vous avez été parmi les premiers à miser sur l'abonnement payant, déjà sur internet.
03:47 C'est en observant ce qui se passait dans la presse américaine que vous avez pris ce virage ?
03:51 Non, c'est en faisant le constat assez simple que si nous devions reconstruire un modèle économique, il fallait des revenus.
03:59 Il fallait donc garder une part importante de revenus qui viennent de nos lecteurs.
04:03 Aujourd'hui c'est 70% de notre chiffre d'affaires qui vient de nos lecteurs.
04:07 Et donc pour cela, il fallait rentrer dans une aire qui était l'abonnement numérique,
04:12 et en s'écartant si possible des kiosques numériques qui pour nous étaient destructeurs de valeur.
04:16 Donc c'est un choix qu'on a fait avec les actionnaires dès 2010, et qui aujourd'hui porte ses fruits,
04:20 puisqu'on a aujourd'hui environ, sur 100 nouveaux abonnés à un média numérique en France,
04:26 il y en a environ 70% qui viennent au monde.
04:30 Donc on a une part de marché qui est très importante.
04:32 Ça veut dire que vous avez écrasé la concurrence aussi ?
04:35 C'est une théorie économique qui vaut sur beaucoup de secteurs.
04:39 Je vais faire un anglais simple, c'est "the leader takes all".
04:42 C'est-à-dire qu'il y a une prime au leader qui fait que si vous êtes leader, vous prenez l'essentiel du marché.
04:47 Aujourd'hui c'est le cas pour l'abonnement numérique en France, pour le monde.
04:51 Donc ça veut dire qu'aujourd'hui vos concurrents, ce n'est plus le Figaro, Libération ou le Parisien ?
04:55 Aujourd'hui, notre univers de concurrence est beaucoup plus large,
04:58 et quand on essaye de se projeter, on se dit que les deux grands défis que nous avons devant nous,
05:03 c'est d'abord auprès des jeunes générations qui s'informent massivement
05:06 à travers les plateformes vers une information gratuite.
05:10 Donc on a été le premier média français sur Snapchat,
05:13 on a aujourd'hui 1,5 millions d'ados français
05:17 qui tous les jours regardent notre chaîne Discover
05:22 où on a tous les soirs à 17h, 5 informations qui sont faites par un bout de la Réaction du Monde.
05:28 Là pour le coup c'est gratuit, c'est pour les amis progressivement ?
05:30 Pareil sur Youtube, pareil sur TikTok, et ce qu'on a vu trois ans après la création de ces contenus sur Snapchat,
05:36 on a vu ces followers venir s'abonner au Monde quand ils passaient 18 ans,
05:42 et là le fait d'avoir tissé une relation avec eux sur leur plateforme
05:46 et ne pas être le média de leurs parents, mais plutôt un média présent sur la plateforme,
05:50 fait qu'on tisse pendant quelques années une relation, et puis après ils s'abonnent.
05:53 Donc ça c'est un défi important, d'où notre présence aujourd'hui sur le podcast,
05:59 si vous regardez les scores de l'Heure du Monde qui est un podcast quotidien,
06:02 on est aujourd'hui troisième podcast d'actualité,
06:05 donc on a besoin d'être présent sur les médias gratuits
06:08 si on veut construire notre audience de demain, une audience payante.
06:12 Et puis on a un dernier développement qui semble important et qui est original pour un média français,
06:19 c'est qu'on a décidé de se développer sur le marché anglophone,
06:23 qui est le premier marché de l'abonnement numérique.
06:24 - Ça vous le faites grâce à l'intelligence artificielle en partie ?
06:27 - Alors on le fait en partie, puisqu'on traduit environ 70% de nos articles,
06:34 qui sont d'abord traduits par de l'intelligence artificielle,
06:37 mais qui sont récupérés avant d'être publiés par des traducteurs professionnels aux États-Unis,
06:43 qui amendent la traduction, puis récupérés par une équipe de 7 journalistes anglophones
06:48 que nous avons recrutés à Paris, qui éditent les papiers avant de les publier.
06:52 L'intelligence artificielle nous permet de gagner du temps, d'avoir une traduction quasiment simultanée,
06:57 mais derrière il y a deux couches d'humains,
06:59 et ce qu'ils donnent, pour prendre les marchés pour donner une idée,
07:02 aujourd'hui le Monde a 500 000 abonnés numériques,
07:05 le New York Times doit avoir 6 millions d'abonnés à leurs médias hors service,
07:12 le Washington Post 3 millions, le Guardian 1 million,
07:15 donc si on veut se développer, ce sera beaucoup vers le public anglophone.
07:19 - Comment est-ce que vous pourriez définir la ligne éditoriale du Monde aujourd'hui ?
07:23 Je sais que c'est la responsabilité plutôt de Gérofeno Lio, mais c'est quoi le Monde aujourd'hui ?
07:29 - Aujourd'hui, on met tout en œuvre pour publier une information rigoureuse, fiable,
07:38 sur laquelle les journalistes ont eu l'occasion d'enquêter, de travailler,
07:43 plutôt que de faire de l'info en direct, qui est plutôt le fait des médias gratuits.
07:47 On a des formats live, qui quand il y a une information importante,
07:51 on a des journalistes qui répondent en direct,
07:54 mais on doit être un des seuls médias qui quand il est interrogé par ses lecteurs en direct,
07:57 est capable de dire "nous ne savons pas encore, nous rendons vers vous"
08:01 parce qu'on souhaite que ce qui nous caractérise, ce soit d'abord la rigueur d'information et la qualité de travail.
08:06 - Il y a quand même, comme pour la plupart des journaux, une orientation politique ?
08:09 - Je crois pas. - Dans les choix éditoriaux du Monde ?
08:11 On parle de centre gauche en général ?
08:13 - Je crois qu'on a des valeurs, qui sont plutôt des valeurs humanistes, des valeurs pro-européennes,
08:18 mais je crois pas qu'on se définisse par la proximité avec un parti politique.
08:23 Le Monde, depuis presque 80 ans, ça fera 80 ans en décembre prochain,
08:27 se construit plutôt, se revendiquant comme le journal de référence,
08:32 ce qui nous interdit a priori de faire du militantisme,
08:35 et ça, c'est le travail de Jérôme Fenoglio, le directeur du journal,
08:37 qui veille à ce qu'on garde cette indépendance.
08:40 - Merci beaucoup, Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde,
08:45 d'être venu nous voir aujourd'hui.
08:46 Vous savez qu'elle sera la une du Monde tout à l'heure, ou pas ?
08:48 Celui qui va sortir à 11h30, midi.
08:51 - Absolument pas.
08:52 C'est parce que, tout simplement, il a boucle à 10h30,
08:56 et il est 9h30, donc pendant ce temps-là, la rédaction travaille,
08:59 et surtout c'est le travail de la directrice de la rédaction, Caroline Monod,
09:02 et du directeur du journal.
09:03 - Eh ben on va découvrir ça tout à l'heure. Merci d'être passé nous voir ce matin.

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