Sonia Pruvôt

  • l’année dernière
Professeur d'histoire et membre de la CGT éducation
Transcript
00:00 Bonjour. En regardant les résultats du classement PISA, je regarde la copie, c'est pas brillant, on peut le dire,
00:07 le test international qui mesure les compétences des élèves de 15 ans en maths, compréhension de l'écrit en culture scientifique,
00:15 montre que soit les élèves, soit les profs, soit le système scolaire est nul. Le mauvais résultat de la France, vous, comment vous l'expliquez ?
00:22 Alors je pense que le grand enseignement de PISA, ce sont les inégalités et c'est ce qui est le plus choquant.
00:31 Les inégalités qui sont presque devenues invraisemblables dans notre système scolaire et je pense qu'on ne peut pas incriminer forcément les enseignants.
00:41 Quand on les regarde de plus près, on s'aperçoit qu'un élève qui est issu par exemple de milieux défavorisés,
00:48 il a 10 fois moins de chances de se classer parmi les meilleurs qu'un élève qui est issu des classes favorisées.
00:55 Donc ces inégalités, je pense qu'elles sont liées au fait que nous avons supprimé des postes, que depuis 2017 ce sont presque 6 000 postes qui ont été supprimés
01:07 et que le budget de la rentrée 2024 prévoit encore 500 suppressions de postes.
01:12 Et je pense que les syndicats sont unanimes pour dire que le véritable problème il est d'abord là, c'est-à-dire il est dans l'encadrement aussi des élèves.
01:21 Donc plus de profs, meilleur résultat, c'est automatique ?
01:24 Alors automatique certainement pas parce qu'il y a bien d'autres aspects qu'on pourrait étudier,
01:29 mais je crois que ces suppressions de postes et les mesures qu'envisage Gabriel Attal, c'est-à-dire de créer par exemple un 6e, 5e,
01:38 puisque le collège était quand même au cœur du dysfonctionnement, on est tous d'accord pour pointer les difficultés du collège.
01:44 Donc Gabriel Attal prévoit en 6e, 5e de faire des groupes de niveau.
01:50 Alors c'est bien ou pas ?
01:51 Alors oui, oui, on peut s'en réjouir mais bon on attend de voir quels sont les moyens qui seront alloués,
01:57 parce que ça signifie des milliers de profs d'enseignants pour pouvoir dédoubler ces classes-là.
02:02 Ensuite c'est bien, en même temps il ne faudrait pas que ce soit porteur de nouvelles inégalités,
02:06 parce que les études sont un petit peu contradictoires, et il ne faudrait pas stigmatiser les "mauvais" élèves.
02:15 Alors vous parlez d'inégalité, est-ce que ça veut dire que vous êtes contre un collège unique, contre un lycée unique ?
02:21 Je crois que le collège unique c'était le but des politiques qui ont été menées jusque lors,
02:27 qui montrent les limites de cette ambition.
02:32 Donc on n'est plus du tout dans un collège unique quand on voit l'échec qu'engendre aujourd'hui le collège.
02:40 Gabriel Attal veut qu'on réussisse par exemple son primaire en 6 ans, plutôt que de le louper en 5,
02:45 c'est-à-dire favoriser le redoublement.
02:47 Il y a également la suppression du correctif académique.
02:50 Alors ça c'était le petit côté dopage qui permettait de rehausser les notes et d'avoir de bons résultats.
02:54 Visiblement on muscle le jeu dans le camp de l'éducation, c'est une bonne chose ?
03:00 On muscle le jeu, je crois que ce qu'il envisage c'est surtout une classe,
03:04 qui serait une classe transitoire, en seconde, qui serait une prépa lycée.
03:09 Et là même chose...
03:10 Ça ça existait déjà il y a 30 ans, c'était les secondes d'adaptation.
03:13 Les secondes d'adaptation oui, avec peut-être des moyens qui ne sont pas prévus dans le budget 2024.
03:19 C'est aussi même chose, effectivement le brevet qu'il veut peut-être valoriser,
03:24 en disant que finalement les élèves qui ne l'auraient pas ne passeraient pas en classe de seconde.
03:29 Vous y croyez ?
03:31 Je ne sais pas, en tout cas c'est sûr et certain que le brevet pour nous,
03:34 ça n'était pas un diplôme qui permettait le passage au lycée.
03:38 C'était un diplôme de fin de socle commun,
03:41 qui valide un certain nombre de connaissances et de savoir-faire acquis au collège,
03:46 mais qui en aucun cas est un examen d'entrée pour le lycée.
03:48 Quand on a 98% de réussite, c'est plutôt une récompense.
03:52 Plutôt une récompense ou plutôt un diplôme complètement dévalorisé aussi.
03:57 L'idée de le revaloriser n'est pas une mauvaise idée en soi.
04:00 D'en faire un diplôme d'entrée pour la classe de seconde, c'est à discuter.
04:05 Mais je crois que l'essentiel, ça serait peut-être de mettre enfin autour d'une table
04:09 tous les acteurs du système éducatif et de pouvoir discuter du lycée et du collège
04:14 que nous envisageons pour les années à venir.
04:16 Ce n'est pas un système qui est un peu trop compliqué aujourd'hui,
04:19 avec des classes de niveau, avec des secondes d'adaptation, des prépas lycées.
04:23 Comment on s'y retrouve aujourd'hui quand on est prof ?
04:26 On a du mal en fait.
04:27 C'est-à-dire qu'on vit réforme sur réforme, échec sur échec au final.
04:33 Et ces réformes se font sans concertation.
04:36 Et on assiste aussi à une crise des vocations, c'est évident.
04:41 Chaque année, depuis 2017, il y a 1100 postes qui sont non pourvus.
04:46 Il y a 68% aujourd'hui des chefs d'établissement qui font remonter le problème.
04:52 68% des élèves qui sont scolarisés dans des établissements
04:56 où les chefs d'établissement déplorent le manque d'enseignants.
05:00 Donc ça veut dire qu'il y a un élève seulement sur trois
05:03 qui en face de lui a les enseignants nécessaires
05:06 pour pouvoir acquérir les programmes et les savoir-faire.
05:10 Vous avez encore la foi, vous, en tant que prof d'histoire-géo ?
05:13 J'adore mon travail. J'adore ce métier.
05:17 Et malgré la lourdeur des effectifs,
05:20 puisqu'actuellement dans le tronc commun, on est à 34 élèves par classe.
05:27 Mais ça ne m'empêche pas de l'aimer.
05:30 Et à titre personnel, je tiens à signaler qu'on a une multiplication des classes.
05:36 Et que c'est extrêmement lourd à gérer.
05:39 Et que depuis trois ans, je suis passée à temps partiel.
05:43 J'ai fait le choix d'être à temps partiel pour continuer à bien faire mon métier.
05:47 Et je crois que les enseignants ont ce souci de l'élève.
05:50 Et qu'on est de bons conseils.
05:52 Et qu'on peut compter sur nous dans les moments difficiles.
05:55 Et on l'a montré pendant la période du Covid.
05:58 Et ça, c'est essentiel.
06:00 Et on a l'impression que le gouvernement,
06:03 par ce manque de concertation, ne nous fait plus confiance.
06:06 Au-delà des salaires, on peut discuter aussi de plein de choses.
06:09 La revalorisation des métiers, etc.
06:11 Mais la crise des vocations, c'est aussi ça.
06:13 C'est peut-être aussi cet espèce de manque de confiance.
06:16 Et ça nous huine, véritablement.
06:18 Merci Sonia Prévost d'être venue ce matin dans notre studio.
06:21 Merci à vous.

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