• l’année dernière
Les prises de position officielles tranchées sont rares. Mais l’opinion publique du continent est indignée par l’attitude jugée partisane de l’Occident dont Israël est, aux yeux des Africains, une sorte de poste avancé en terre colonisée. Un procès en hypocrisie qui ressurgit donc avec une vigueur nouvelle en Afrique, et dans tout le Sud global.

L’analyse du directeur de la rédaction de Jeune Afrique, François Soudan, au micro de RFI.

Son édito à retrouver sur JA : https://www.jeuneafrique.com/1505543/politique/trump-bazoum-et-les-fantomes-de-gaza/

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Transcription
00:00 Bonjour François Soudan. Bonjour Catherine.
00:02 A la Une de Jeune Afrique cette semaine, une question.
00:04 Comment la guerre d'anéantissement, d'éradication du Hamas que mène Israël à Gaza depuis maintenant presque deux mois,
00:11 comment cette guerre est-elle perçue en Afrique subsaharienne ?
00:14 Cette question c'est vous qui l'a posée dans votre éditorial.
00:18 Alors officiellement comment c'est perçu ? Officiellement je dirais avec une certaine indifférence,
00:22 une apparente neutralité un petit peu finalement comme sur le conflit ukrainien à cette différence près.
00:27 Il n'y a pas eu de vote à l'ONU sur cette question et donc aucune obligation pour les gouvernements africains
00:31 de se déterminer clairement, la plupart d'ailleurs, en particulier ceux qui ont des relations diplomatiques avec Israël,
00:36 ils sont quand même 46, préférant manifestement rester aux abris.
00:39 Il y a un seul pays d'Afrique subsaharienne où ce débat a été porté sur la place publique avec manifestation à la clé,
00:44 c'est l'Afrique du Sud où le parti au pouvoir, la NC, depuis les années 70, on le sait, un fervent défenseur de la cause palestinienne.
00:51 L'Afrique du Sud c'est aussi le pays qui compte la plus importante communauté juive d'Afrique,
00:55 mais cette communauté blanche en généralisée est elle-même divisée.
00:58 En dehors de cela, les prises d'opposition tranchées sont rares.
01:01 Il y a eu celle clairement pro-palestinienne des présidents de Djibouti et des Comores,
01:05 de présidents de la Commission de l'Union africaine, et celle pro-israélienne cette fois de Félici Cekedi,
01:09 de Paul Biad, de William Routo qui a d'ailleurs depuis un peu rétro-pédalé,
01:13 et deux ou trois manifestations pro-palestinienne à Dakar, à Dar es Salaam, rassemblant quelques centaines de personnes.
01:18 C'est tout et c'est peu, Catherine.
01:20 Voilà donc pour les positions officielles. En demi-teinte, pourrait-on dire,
01:24 est-ce qu'elles reflètent le sentiment de l'opinion africaine vis-à-vis de la guerre à Gaza ?
01:29 Pas tout à fait. L'opinion africaine au sens large du terme n'échappe pas au sentiment,
01:33 qui est un sentiment un peu d'indignation, qui est celui de l'ensemble du Sud global,
01:36 ce qu'on appelle le Sud global, depuis le siège de Gaza.
01:39 Ce n'est pas tant Israël en tant que tel qui est ici en cause,
01:41 même si la dissymétrie du nombre de victimes dans les deux camps, ça choque,
01:45 mais c'est l'attitude qui est jugée partisane de l'Occident,
01:48 dont Israël est aux yeux des Africains une sorte de poste avancé en terre colonisée.
01:52 Et l'on en revient une nouvelle fois, Catherine, à ce fameux procès en hypocrisie,
01:56 en deux poids deux mesures, qui ressurgit avec une vigueur jamais atteinte en Afrique
01:59 comme ailleurs dans tout le Sud global.
02:01 Ce que vous dites également, François Soudan, c'est que la guerre à Gaza
02:04 est un mauvais coup porté à ceux qui, en Afrique, défendent la démocratie,
02:08 la liberté d'expression. Que voulez-vous dire exactement ?
02:12 Vous savez, il faut bien se rendre compte que le mantra de l'Occident et de ses valeurs,
02:15 c'est l'universalisme. Donc le procès en double standard, en double langage,
02:19 qui lui est fait, c'est une arme de destruction massive.
02:22 Quand ce qu'on appelle l'Occident systémique, les Etats-Unis, mais aussi l'Europe, le Japon, etc.,
02:27 qui se veut la matrice de la défense des libertés, des droits de l'homme,
02:30 des institutions démocratiques, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
02:33 se montre si sourcieux, donneur de leçons, quand il s'agit des pays africains,
02:37 mais ferme les yeux dès qu'Israël est en cause et semble pris de vertige
02:40 quand il s'agit de qualifier un bombardement indiscriminé de crime de guerre.
02:44 Quelle crédibilité, quelle légitimité ces mêmes pays occidentaux ont-ils réellement ?
02:49 Quand il s'agit de dénoncer des exactions commises par exemple par les mercenaires de Wagner au Sahel,
02:53 ou des régimes putschistes, ou un processus électoral biaisé des détentions arbitraires,
02:57 il est très facile pour les destinataires maintenant de vous renvoyer à la figure ce fameux "deux poids, deux mesures".
03:02 Et pour toutes celles, pour tous ceux qui en toute bonne foi prônent au quotidien sur le continent
03:05 le respect des droits de l'homme, la liberté d'expression, la bonne gouvernance,
03:09 c'est un piège, un piège terrible, et pour les régimes autoritaires qui la manipulent à leur profit,
03:13 c'est hélas du pain béni, Catherine.
03:15 [SILENCE]

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